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29/05/2008 | FRANCE | N°06/10182

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 mai 2008, 06/10182


8o Chambre C


ARRÊT AU FOND
DU 29 MAI 2008


No 2008 / 319




Rôle No 06 / 10182






S. A BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY




C /


Geneviève X...

Christian Y...

S. A. R. L SOCIETE FINANCIERE D'INVESTISSEMENTS ET DE REALISATIONS
S. A. R. L FIDUCIAIRE ANALYSE ET CONSEILS
Alain Z...

Pascale A... épouse Z...

Xavier B...



Grosse délivrée


à : BOTTAI
SIDER
ERMENEUX


réf


Décision déférée à la Cour : >

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 19 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 01 / 789.




APPELANTE


S. A BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY, anciennement dénommée FINANCIERE WARGNY, agi...

8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 29 MAI 2008

No 2008 / 319

Rôle No 06 / 10182

S. A BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY

C /

Geneviève X...

Christian Y...

S. A. R. L SOCIETE FINANCIERE D'INVESTISSEMENTS ET DE REALISATIONS
S. A. R. L FIDUCIAIRE ANALYSE ET CONSEILS
Alain Z...

Pascale A... épouse Z...

Xavier B...

Grosse délivrée

à : BOTTAI
SIDER
ERMENEUX

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 19 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 01 / 789.

APPELANTE

S. A BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY, anciennement dénommée FINANCIERE WARGNY, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis 7 Place Vendôme-75001 PARIS
représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Maître GUMERY du Cabinet FAUVET SANTONI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame Geneviève X..., es- qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL EUROP BOURSE SERVICES
demeurant...

défaillante

Monsieur Christian Y...

né le 31 Juillet 1947 à NICE (06), demeurant...

représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D... Pascal de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE

S. A. R. L SOCIETE FINANCIERE D'INVESTISSEMENTS ET DE REALISATIONS, " SOFIR ", agissant poursuites et diligences de son gérant, demeurant 4 Bis Avenue de Verdun-06000 NICE
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D... Pascal de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE

S. A. R. L FIDUCIAIRE ANALYSE ET CONSEILS,, demeurant 4 Bis Avenue de Verdun-06000 NICE
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D... Pascal de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE

Monsieur Alain Z...

né le 20 Septembre 1955 à CAILLE (06), demeurant...

représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D... Pascal de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE

Madame Pascale A... épouse Z...

née le 22 Mai 1956 à ROUEN (76000), demeurant...

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D... Pascal de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE

Monsieur Xavier B...

né le 04 Août 1963 à CHATEAU THIERRY (02400), demeurant...

représenté par la SCP ERMENEUX- CHAMPLY- LEVAIQUE, avoués à la Cour,
plaidant par Maître MACAGNO du cabinet BOITEL, avocats au barreau de Nice

*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Février 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2008.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2008,

Rédigé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président,

Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

1. Les relations contractuelles entre les sociétés Wargny – EBS- Prisme

En février 1999, la société Financière Wargny, prestataire de services d'investissement actuellement dénommée Banque Privée Fideuram Wargny (Wargny), a conclu avec la société Europ Bourse Services (EBS), ayant son siège à Carcassonne, une convention de « transmetteur d'ordres » dont l'objet est défini dans les termes suivants :

« Financière Wargny confie au transmetteur d'ordres, agissant à titre exclusif, au nom et sous la responsabilité de la Financière Wargny, conformément à l'article 2-1 du règlement général du Conseil des marchés financiers, le soin de recevoir pour lui transmettre les ordres émis par les clients pour lesquels il a reçu mandat de transmission d'ordres et qui ont ouvert un compte dans les livres de la Financière Wargny. »

Cette convention s'inscrivait dans une relation de transmetteur d'ordres nouée entre Wargny et EBS au moins depuis l'année 1998.

C'est dans le cadre de cette relation d'affaires que M. Xavier B..., porté à l'acte sous l'intitulé équivoque « Monsieur Xavier B... (SARL Prisme...) … bénéficiant du statut de travailleur indépendant) », a conclu le 4 janvier 1999 une « convention de partenariat » avec les sociétés Europ Finance Services et Europ Bourse Services ayant le même siège social, la première étant spécialisée dans l'ingénierie financière et la seconde dans l'activité de collecteur et de transmetteur d'ordres pour le compte de tiers.

Aux termes de cette convention, « les sociétés EFS- EBS et M. B... décident d'un commun accord la création... d'un cabinet étendant les activités des sociétés EFS- EBS à la région PACA. Cette exploitation aura lieu sous la responsabilité opérationnelle directe de M. B..., mais sous le nom des sociétés EFS- EBS. » Les parties ont convenu d'une rétrocession à M. B... des commissions de transmetteur d'ordres perçues par EFS et EBS, dans une proportion de l'ordre de 80 % des sommes encaissées.

M. B..., qui avait une expérience de conseiller en placement financier au sein de la BNP, disposait alors d'un réseau de relations personnelles qu'il entendait valoriser. Sur les conseils de M. Christian Y..., expert- comptable avec lequel il entretenait des relations amicales depuis de nombreuses années, M. B... a créé, pour servir de cadre juridique à ses activités, la SARL Prisme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés en janvier 1999. Le rôle joué par Prisme reste obscur, M. B... agissant sous le couvert de l'enseigne EBS et étant connu des investisseurs sous cette dénomination.

2. Les conventions conclues entre Wargny, M. Y..., les sociétés FAC et SOFIR qu'il contrôle, les époux Z... et EBS

C'est au début de l'année 1999 que M. B... est entré en relation avec M. Y... et les époux Z.... Il s'en est suivi l'établissement des conventions suivantes avec Wargny :

1. Le 18 février 1999 :

- les époux Z... ont ouvert conjointement un compte de titres et un PEA, le mari étant mentionné comme sans activité professionnelle et l'épouse comme dirigeante de société ;
- M. Alain Z... a ouvert un PEA et a souscrit une convention télématique lui permettant de transmettre ses ordres au moyen d'un code confidentiel ;
- les époux Z... ont souscrit une « convention MONEP » réglant les modalités d'intervention sur ce marché ; une note d'information sur les instruments financiers à terme et sur les risques spécifiques de ce marché leur a été remise.

2. le 25 février 1999 :

- M. Christian Y..., expert- comptable libéral, a ouvert un compte de titres, un PEA et a souscrit une convention télématique permettant la transmission des ordres ;
- la SARL SOFIR, ayant une activité de courtage financier industriel et commercial, a ouvert un compte de titres, avec M. Christian Y... comme mandataire habilité à faire fonctionner le compte ;

3. le 18 mai 1999, la société d'expertise- comptable FAC, dont M. Y... est le dirigeant, a ouvert un compte de titres ;

En outre, M. Y... a conclu avec EBS un contrat (non daté) de transmission d'ordres stipulant en son article 1 : « Ce contrat ne constituant en aucun cas un mandat de gestion confié au mandataire ou au dépositaire, toutes les opérations exécutées pour le compte du mandant, et transmises par l'intermédiaire du mandataire, sont réputées avoir été initiées par le seul mandant, seul responsable de la gestion de son portefeuille. » Une convention identique a été souscrite le 8 mars 1999 par SOFIR.

3. La procédure

M. Y..., SOFIR, FAC et les époux Z... ayant subi des pertes importantes, en août, septembre et octobre 1999, ont assigné (le 2 août 2001 pour M. Y... et les sociétés FAC et SOFIR ; le 20 juillet 2001 pour les époux Z...) Wargny, EBS et M. B... en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 5 septembre 2003, le tribunal de commerce de Nice a ordonné la jonction des instances, a sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte déposée par EBS contre M. B... et a ordonné une expertise confiée à M. Alain H..., aux fins d'analyser les relations entre les parties, de s'assurer de la régularité des ordres, de prendre connaissance des éléments recueillis par la COB et de déterminer les préjudices.

EBS a été mise en liquidation judiciaire le 16 janvier 2006 avec Mme X... pour liquidateur.

Le 3 février 2006 Wargny a déclaré une créance au titre des demandes judiciaires dont elle faisait l'objet et a appelé en cause, le 8 février suivant, Mme X....

Le tribunal de commerce de Nice a statué au fond, indépendamment de l'assignation en intervention forcée dirigée contre Mme X..., par un jugement du 19 mai 2006 qui :

- a constaté le désistement des « demandeurs » à l'égard de la société EBS ;
- a condamné « conjointement et solidairement » Wargny et M. B... à payer, avec intérêts au taux légal capitalisables à partir des assignations, la somme de 12 751, 85 euros à M. Christian Y..., la somme de 124 201, 30 euros à SOFIR, la somme de 124 161, 51 euros à FAC, la somme de 77 268, 87 euros aux époux Z... ;
- a rejeté les demandes de dommages- intérêts pour résistance abusive ;
- a alloué à M. Y..., à SOFIR, à FAC et aux époux Z... la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Wargny est appelante de cette décision.

***

M. Y..., SOFIR et FAC demandent la confirmation de la décision attaquée, outre l'allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages- intérêts pour résistance abusive et l'allocation de la somme 30 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir :

- que M. B... agissait sous la responsabilité de Wargny, dont il était le collaborateur ;
- que le contrat de transmetteur d'ordres dissimulait une gestion illicite de portefeuille ;
- que pour favoriser son développement, Wargny a sciemment eu recours à des prestataires extérieurs, recrutés sans critère de compétence ;
- que Wargny a permis à M. B... d'effectuer, sous couvert d'un contrat de transmission d'ordres, des opérations occultes de gestion de portefeuille dont elle ne pouvait ignorer l'existence en raison des obligations de surveillance et de contrôle qui lui incombaient ;
- que la gestion de fait exercée par M. B... se déduit de l'absence totale d'ordre de bourse émanant de M. Y... ainsi que des courriers qu'il lui a adressés ;
- que Wargny aurait dû refuser d'exécuter des ordres donnés par téléphone par M. B..., cette circonstance faisant apparaître que les ordres n'émanaient pas des clients ;
- que Wargny a eu des soupçons de gestion illicite de portefeuille ;
- que l'absence de protestation lors de la réception des relevés de compte n'empêche pas le client de contester dans le délai de la prescription les ordres passés sans son accord ;
- que Wargny a été sanctionnée par l'AMF, à raison de défaillances dans ses relations avec M. B... ;
- que Wargny est responsable d'un démarcharge financier illicite effectué par M. B... ;
- que Wargny a manqué à ses obligations d'information et de conseil envers ses clients ;
- que M. B... doit réparer les conséquences de sa gestion illicite de portefeuille ;

Les époux Z... demandent la confirmation de la décision attaquée ainsi que l'allocation de la somme de 20 000 euros à titre de dommages- intérêts pour résistance abusive et de la somme 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir des moyens similaires à ceux formulés par M. Y....

Wargny demande, à titre principal, de prononcer la nullité du jugement, subsidiairement, de constater que l'instance aurait dû être suspendue par la liquidation judiciaire de EBS, plus subsidiairement, de débouter M. Y..., SOFIR, FAC et les époux Z... de leurs demandes, le cas échéant, d'ordonner une nouvelle expertise. Elle sollicite l'allocation de la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Wargny fait valoir :

- que le jugement est nul pour n'avoir ni énoncé, ni répondu aux moyens et prétentions qu'elle avait formulés ;
- que l'instance aurait dû être suspendue par la mise en liquidation judiciaire de EBS ;
- qu'elle a respecté ses obligations de teneur de compte de titres et ses obligations d'information à l'égard de M. Y..., de SOFIR et de FAC, au regard de leur compétence ;
- que l'existence de mandats de gestion illicite n'est pas « clairement établie » et qu'à les supposer réels, ces mandats sont en contradiction avec la convention conclue entre les demandeurs et EBS ;
- que la preuve d'actes de démarchage financier illicite n'est pas rapportée ;
- que les préjudices allégués ne sont pas justifiés ;
- que le rapport d'expertise est incomplet et partial ;

M. B... demande, à titre principal, la nullité du jugement, subsidiairement, sa mise hors de cause ou le débouté de M. Y..., SOFIR, FAC et des époux Z.... Il sollicite l'allocation de la somme de 15 000 euros à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive et de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait valoir :

- que le jugement est nul pour n'avoir ni énoncé, ni répondu aux moyens et prétentions qu'il avait formulés ;
- que l'instance aurait dû être suspendue par la mise en liquidation judiciaire de EBS ;
- que s'il a reçu un mandat de gestion de M. Y..., il n'en est pas de même des époux Z..., pour lesquels il n'a fait qu'exécuter leurs ordres ;
- qu'une information suffisante a été donnée aux clients ;
- qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les fautes et les préjudices allégués ;
- qu'il ne peut lui être reproché des actes effectués dans l'exercice de l'activité de la société Prisme ;

***

Vu les conclusions déposées le 3 octobre 2007 par M. Xavier B..., le 8 janvier 2008 par Wargny, le 7 février 2008 par les époux Z..., le 7 février 2008 par M. Christian Y..., SOFIR et FAC ;

Vu l'assignation délivrée le 20 octobre 2006 à la personne de Mo Geneviève X... ès- qualités de liquidateur judiciaire de la société EBS ;

Vu l'ordonnance de clôture du 13 février 2008 ;

MOTIFS DE LA DECISION

Les demandes en nullité du jugement

Au soutien de leurs demandes en nullité du jugement, Wargny et M. B... font notamment valoir que la décision ne comporte aucun exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Il résulte de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens et que cet exposé peut prendre la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Ces dispositions doivent être observées à peine de nullité, en vertu de l'article 458 du nouveau Code de procédure civile.

Or, le jugement attaqué, s'il expose succinctement les moyens et les prétentions des demandeurs, ne comporte ni le visa des conclusions déposées par Wargny et par M. B..., ni aucun exposé, même sommaire, de leurs prétentions et de leurs moyens et il ne peut être considéré que le tribunal a, en ce qui les concerne, satisfait à ces exigences dans les énonciations de sa décision, dès lors que les motifs procèdent pour la plupart d'affirmations qui ne répondent pas aux multiples moyens soulevés par les défendeurs. Il peut être relevé, à titre d'exemple, que le tribunal n'a pas examiné la contestation opposée par M. B... quant à la recherche de sa responsabilité personnelle pour des actes effectués, selon lui, dans l'exercice de l'activité de la société Prisme.

Il convient, dès lors, de prononcer la nullité du jugement.

La cour reste saisie au fond par l'effet dévolutif de l'appel.

La demande de mise hors de cause formée par M. B...

M. B... soutient qu'il doit être mis hors de cause, dès lors que les actes qui lui sont reprochés ont été effectués, non pas à titre personnel, mais dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la société Prisme.

Mais M. B... a exercé son activité de « Point – Bourse », sous l'enseigne EBS et c'est sous cette dénomination que ses clients correspondaient avec lui (cf. courriers de M. Y... des 27 mai, 15 juin et 8 octobre 1998 ; courriers de M. Z... des 3 mars et 30 septembre 1999). En outre, la convention de partenariat du 4 janvier 1999 a été conclue entre, d'une part, les sociétés EFS et EBS, d'autre part, M. Xavier B..., porté à l'acte sous l'intitulé équivoque « Monsieur Xavier B... (SARL Prisme...) … bénéficiant du statut de travailleur indépendant). » Enfin, M. B..., auquel incombe la charge de la preuve ne justifie en aucune manière de l'intervention de la société Prisme dans les actes qui lui sont reprochés.

Il s'ensuit que la demande de mise hors de cause ne peut qu'être écartée.

Les griefs articulés par M. Y..., SOFIR et FAC contre Wargny

1. l'exercice par M. B... d'un mandat de gestion illicite

M. Y... n'a jamais donné d'ordre à M. B... pour l'acquisition d'instruments financiers déterminés. Plusieurs courriers adressés par M. Y... à M. B... (lettres des 8 octobre, 27 mai et 15 juin 1999) font preuve d'un mandat de gestion de portefeuille puisqu'ils font mention de la remise de fonds en vue de leur placement et définissent en des termes généraux les orientations du placement.

M. Y..., SOFIR et FAC soutiennent que la convention de transmetteur d'ordres conclue entre Wargny et EBS dissimulait un mandat de gestion illicite. Ils font également valoir que Wargny avait connaissance de ce mandat en raison des obligations de surveillance et de contrôle qui lui incombaient et de l'obligation d'enregistrer les communications téléphoniques. Enfin, ils invoquent la méconnaissance de la réglementation en matière d'évaluation de la compétence professionnelle et de surveillance de l'activité d'un mandataire chargé d'une mission de transmetteur d'ordres, notamment quant à l'obligation d'enregistrer les ordres des clients et de veiller à ce que tout mouvement de son compte se réalise exclusivement sur instruction de celui- ci.

Mais, en premier lieu, l'allégation selon laquelle la convention de transmetteur d'ordres a été sciemment établie dans le dessein de procéder à une gestion illicite n'est pas démontrée, les déclarations effectuées à cet égard par M. B... devant l'enquêteur de la COB ne pouvant être retenues pour être suspectes d'une volonté d'atténuer sa propre responsabilité.

En second lieu, on ne peut déduire des manquements de Wargny à ses obligations de surveillance et de contrôle de l'activité de EBS, son mandataire, qu'elle avait connaissance d'une gestion illicite de portefeuille.

Enfin, s'il résulte des constatations de l'expert et de la décision rendue, le 6 mai 2004, par la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers que Wargny a manqué aux obligations réglementaires lui imposant d'évaluer la compétence professionnelle et de surveiller l'activité d'un mandataire chargé d'une mission de transmetteur d'ordres ainsi qu'à l'obligation de veiller à ce que tout mouvement du compte émane du client, notamment par l'enregistrement des ordres, le préjudice qui en découle n'est constitué que par la perte d'une chance d'avoir pu mettre fin au mandat de gestion et ainsi de prévenir des opérations défavorables. Cette perte de chance n'est pas certaine, dès lors que les mandats ont été donnés par M. Y..., expert comptable de profession, en toute connaissance de leur caractère illicite, et que les relations personnelles étroites, marquées d'une extrême confiance, que M. Y... entretenait avec M. B... ne pouvaient que les conduire à perpétuer un mandat tacite sous une forme mieux dissimulée.

En outre, c'est en parfaite connaissance de son caractère illicite et des risques qui s'y attachent et c'est en violation des termes des conventions de transmetteur d'ordres qu'il avait souscrites avec EBS (article 1 : « Ce contrat ne constituant en aucun cas un mandat de gestion confié au mandataire ou au dépositaire, toutes les opérations exécutées pour le compte du mandant, et transmises par l'intermédiaire du mandataire, sont réputées avoir été initiées par le seul mandant, seul responsable de la gestion de son portefeuille ») que M. Y..., expert comptable de profession, a confié à M. B... le mandat de gérer sur les marchés financiers ses capitaux et ceux des sociétés SOFIR et FAC. Il n'est ainsi pas fondé, de même que les sociétés qu'il anime, à se prévaloir d'un préjudice qu'il a lui- même contribué à créer, par une faute qui absorbe celles de Wargny.

2. le démarchage illicite

M. Y... soutient que Wargny est responsable d'actes de démarchage financier illicite effectués par M. B.... Ces actes auraient pris la forme de l'envoi d'une documentation par Wargny, à l'initiative de M. B..., et d'une visite dans les locaux professionnels de M. Y....

Mais, M. Y... connaissait depuis de nombreuses années M. B... avec lequel sa famille entretenait des relations d'amitié. Il ne conteste pas avoir eu un rôle dans la création de la société Prisme, pour laquelle FAC a assuré des prestations d'expertise comptable. Il entretenait avec M. B... des relations de grande familiarité, dont témoignent les correspondances qu'il lui a adressées, et il avait une totale confiance en lui puisqu'il lui a confié le mandat illicite de gérer des capitaux, selon des orientations définies en des termes très généraux.

Dans ces circonstances, la décision prise par M. Y... de confier, à titre personnel et pour le compte des sociétés SOFIR et FAC, des mandats de gestion de patrimoine à M. B... n'est que la conséquence de leurs relations personnelles étroites, en sorte que les actes de démarchage allégués, à supposer qu'ils aient existés, n'ont eu aucun rôle causal dans la décision prise par M. Philip.

Dès lors, en l'absence d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, M. Y... n'est pas fondé à se prévaloir d'un manquement à la réglementation sur le démarchage financier au soutien de sa demande d'indemnisation.

3. Le manquement au devoir d'information et de conseil

Les dispositions de l'article L 533-4 du Code monétaire et financier qui imposent au prestataire de services d'investissement de s'enquérir de la situation financière de leur client, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés, s'appliquent, en vertu du dernier alinéa de ce texte, en tenant compte de la compétence professionnelle de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu.

M. Y..., expert comptable libéral, disposait d'une formation et d'une expérience professionnelle qui le mettait à même d'apprécier en pleine connaissance de cause les risques inhérents aux opérations en matière de bourse, notamment à celles présentant un caractère spéculatif, et de déterminer les placements adaptés à sa situation financière personnelle et à celles des sociétés SOFIR et FAC qu'il contrôle.

Dès lors, le grief n'est pas fondé.

Il suit de ces motifs que les demandes en réparation des pertes subies par M. Y..., par SOFIR et par FAC doivent être rejetées.

Les demandes formées par M. Y..., SOFIR et FAC contre M. B...

M. Y..., SOFIR et FAC font valoir que M. B... a pratiqué « une gestion illicite et donc nulle, dont il doit répondre des conséquences dommageables ».

Mais M. Y..., SOFIR et FAC, qui n'agissent pas sur le fondement d'une action en nullité, avaient, en raison de leur domaine d'activité, une parfaite connaissance du caractère illicite du mandat de gestion confié à M. B....

Ces trois personnes, dont deux exerçaient la profession réglementée d'expert comptable, disposaient d'une compétence en matière de réglementation financière qui excédait celle de M. B... et elles connaissaient l'importance qui s'attache à cette réglementation.

Dès lors, M. Y..., SOFIR et FAC ne sont pas fondés en leur demande en paiement de dommages- intérêts, leur propre faute absorbant celle de M. B....

Le grief de gestion de portefeuille illicite imputé par les époux Z... à Wargny et à M. B...

Les époux Z... soutiennent que M. B... a procédé à une gestion illicite de portefeuille en passant, de sa propre initiative, des ordres qu'il leur a ensuite demandé, pour certains d'entre eux, de ratifier a posteriori par l'apposition d'une signature sur le registre d'ordres. Ils soutiennent également que de nombreuses opérations ne sont pas justifiées par un ordre et que dans certains cas, leur signature a été imitée.

Mais, leur argumentation est contraire aux constatations suivantes de l'expert (p. 121) :

« Tous les ordres exécutés sur le compte de Monsieur et Madame Z... m'ont été transmis.

Ces ordres sont signés et horodatés.

En ma qualité d'expert financier, je ne peux que constater que l'intégralité des tickets d'ordre sont signés et horodatés ou horodatés et signés.

Je n'ai aucune qualité et compétence pour apprécier si la signature est intervenue a priori ou a posteriori comme le prétend Monsieur Z... ou si certaines des signatures de Monsieur Z... ont été imitées comme il le prétend également ».

Dès lors, les époux Z..., qui ne s'expliquent pas sur les constatations de l'expert et qui n'ont pas élevé un incident de vérification en écritures, ne rapportent pas la preuve d'une gestion de portefeuille par M. B....

Il s'ensuit, en ce qui concerne Wargny, que le grief n'est pas fondé, et en ce qui concerne M. B..., que la demande de dommages- intérêts, fondée sur ce seul grief, doit être rejetée.

Les autres griefs formulés par les époux Z... contre Wargny

1. Le démarchage illicite

Les époux Z... soutiennent que Wargny est responsable d'actes de démarchage financier illicites effectués par M. B.... Ces actes auraient pris la forme de l'envoi d'une documentation par Wargny, à l'initiative de M. B..., et d'une visite dans les locaux professionnels de Mme Z....

Mais, il n'est pas établi que les époux Z... étaient portés sur les « prospects » adressés par M. B... à Wargny en vue de l'envoi d'une documentation commerciale à certains clients potentiels.

De même, la preuve de la visite qui aurait été effectuée en janvier 1999 par M. B... dans le commerce exploité par Mme Z... n'est pas rapportée.

Enfin, il est constant que les époux Z... sont entrés en relation avec M. B... par l'intermédiaire de Mme I..., gestionnaire de leur compte à la Banque générale du commerce.

Il s'ensuit que le grief n'est pas établi.

2. le manquement aux obligations d'information et de mise en garde

Il résulte de l'article L 533-4 du Code monétaire et financier que le prestataire de services d'investissement doit, notamment, s'enquérir de la situation financière de ses clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés. Cette règle doit être appliquée, en vertu du dernier alinéa de ce texte, en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service est rendu.

En outre, il est de principe que le prestataire de services d'investissement doit mettre en garde un client non averti sur les risques inhérents à des placements qui présentent un caractère spéculatif.

En l'espèce, c'est le même jour que les époux Z... ont ouvert, par l'intermédiaire de B..., un compte de titres auprès de Wargny et ont souscrit à une « convention MONEP » régissant les modalités d'intervention sur ce marché, alors même que l'établissement de crédit ne s'était pas assuré de l'aptitude de B... à assurer une mission de mandataire en matière d'instruments financiers.

Il n'est ni établi, ni même allégué, que les époux Z... disposaient d'une expérience en matière de placements financiers, d'une compétence en ce domaine et d'une fortune significative.

Une évaluation de leur compétence au regard de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter, aurait dû être effectuée par Wargny préalablement à la signature de la « convention MONEP ».

Cette évaluation devait conduire Wargny à leur délivrer de manière personnalisée une mise en garde sur les risques et sur la technicité du MONEP, voire sur le caractère déraisonnable d'opérations sur ce marché eu égard à leur inexpérience en matière de placements financiers.

Le manquement de Wargny aux obligations d'évaluation, d'information et de mise en garde constitue une faute dont il est résulté pour les époux Z... la perte d'une chance d'avoir pu éviter, par des placements mieux adaptés à leur situation personnelle, la dépréciation de leur patrimoine.

Les époux Z... ont investi la somme de 83 896, 03 euros. En août, septembre et octobre 1999, ils ont subi une perte de 93 460 euros à la suite d'opérations sur le MONEP (cf. leur pièce No12).

Le préjudice résultant de la perte de chance, qui ne peut être mesuré à l'avantage que les époux auraient obtenu s'ils avaient échappé au risque qui s'est réalisé, doit être fixé, au regard des éléments de la cause et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une seconde expertise, à la somme de 70 000 euros, laquelle produit intérêts à compter de l'acte introductif d'instance du 20 juillet 2001, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

***

M. Y..., SOFIR et FAC, qui succombent, sont condamnés aux dépens de leur lien d'instance avec Wargny et déboutés de la demande en paiement de dommages- intérêts pour résistance abusive. L'équité ne commande pas d'accueillir la demande formée à leur encontre par Wargny au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. B..., à l'encontre duquel des fautes sont retenues, doit conserver la charge de ses dépens et frais irrépétibles. Pour le même motif, il doit être débouté de sa demande de dommages- intérêts pour abus dans l'exercice d'une action en justice. N'ayant conclu qu'à titre personnel, il est irrecevable à former une demande pour le compte de la société Prisme.

Wargny supporte les dépens de son lien d'instance avec les époux Z....

L'équité commande d'allouer aux époux Z... la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les époux Z..., qui se prévalent d'un abus dans la résistance à une demande en justice, sans invoquer aucune circonstance particulière, ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en paiement de dommages- intérêts.

M. Y..., SOFIR et FAC, d'un côté, Wargny, d'un autre côté, doivent supporter par moitié les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La Cour
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Annule la décision attaquée,

STATUANT AU FOND

Rejette les demandes en paiement de dommages- intérêts formées par M. Christian Y..., SOFIR et FAC à l'encontre de la société Banque privée Fideuram Wargny et de M. Xavier B...,

Condamne la société Banque privée Fideuram Wargny à payer à M. Alain Z... et à Mme Pascale A... la somme de 70 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2001 et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,

Rejette la demande en paiement de dommages- intérêts formée par M. Alain Z... et Mme Pascale A... au titre d'une résistance abusive prétendue,

Rejette la demande en paiement de dommages- intérêts formée par M. Alain Z... et Mme Pascale A... contre M. Xavier B...,

Rejette la demande en paiement de dommages- intérêts formée par M. Xavier B... contre M. Christian Y...,

Dit que M. Xavier B... supporte la charge de ses dépens et de ses frais non recouvrables,

Condamne M. Christian Y..., la société SOFIR et la société FAC aux dépens afférents à leurs liens d'instance avec la société Banque privée Fideuram Wargny,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile dans les rapports entre M. Y..., la société SOFIR, la société FAC, d'un côté, et la société Banque privée Fideuram Wargny, d'un autre côté,

Condamne la société Banque privée Fideuram Wargny aux dépens de son lien d'instance avec M. Alain Z... et à Mme Pascale A... et au paiement à leur profit de la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Dit que les frais d'expertise sont supportés par moitié, d'un côté, par M. Y..., la société SOFIR et la société FAC, d'un autre côté, par la société Banque privée Fideuram Wargny,

Autorise les SCP d'avoués Sider- Sider- Sider et Bottaï- Gereux- Boulan à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/10182
Date de la décision : 29/05/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nice


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-29;06.10182 ?
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