COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
10o Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 06 MAI 2008
No / 2008
Rôle No 07 / 07797
Diousse X...
C /
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D' ACTES DE TERRORISME ET D' AUTRES INFRACTIONS
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Décision rendue le 03 Avril 2007 par la Commission d' Indemnisation des Victimes d' Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, enregistrée au répertoire général sous le no 05 / 155.
APPELANT
Monsieur Diousse X...
né le 26 Décembre 1947 à BOUTOUPA, demeurant ...
représenté par la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués à la Cour,
assisté de Me Hayat AHMED, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sihane AZZI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D' ACTES DE TERRORISME ET D' AUTRES INFRACTIONS, géré par la Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages FGAO dont le siège est sis 64, rue Defrance 94300 VINCENNES, prise en la personne de son Directeur Général en sa délégation sise, 39, Bld Vincent Delpuech- 13006 MARSEILLE
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE substitué par Me Laurence LLAHI, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 11 Mars 2008 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO- CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2008..
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l' affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2008.
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E X P O S É D U L I T I G E
Par requête déposée le 9 mars 2005 devant la Commission d' Indemnisation des Victimes d' Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, M. Diousse X... expose qu' il a été victime, le 13 août 2004 à MARSEILLE (Bouches- du- Rhône), d' une agression par arme de la part de M. Fernando D....
Il demande qu' une expertise médicale soit ordonnée et qu' il lui soit alloué une provision de 30. 000 €.
Par décision du 7 février 2006, la Commission d' Indemnisation des Victimes d' Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a dit que M. Diousse X... a bien été victime le 13 août 2004 d' une agression qui lui permet de pouvoir prétendre à l' entière indemnisation de son préjudice corporel devant la commission, lui a alloué une provision de 5. 000 € à valoir sur l' indemnisation de son préjudice et a ordonné son expertise médicale confiée au Dr Jean- Marc E....
L' expert judiciaire a déposé son rapport le 17 octobre 2006.
Par décision du 3 avril 2007, la Commission d' Indemnisation des Victimes d' Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a alloué à M. Diousse X... une indemnité de 34. 122 € 15 c. en réparation de son entier préjudice corporel, le solde lui revenant s' élevant à la somme de 29. 122 € 15 c. après déduction de la provision d' un montant de 5. 000 € déjà allouée, ainsi que la somme de 600 € en application des dispositions de l' article 700 du Nouveau code de procédure civile (aujourd' hui Code de procédure civile).
M. Diousse X... a régulièrement interjeté appel de cette dernière décision le 4 mai 2007.
Vu les conclusions de M. Diousse X... en date du 24 septembre 2007.
Vu les conclusions du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D' AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d' Assurances Obligatoires, en date du 20 novembre 2007.
Le Ministère Public s' en rapporte le 30 janvier 2008.
Vu l' ordonnance de clôture en date du 14 février 2008.
Postérieurement à l' ordonnance de clôture, M. Diousse X... a déposé le 19 février 2008 des conclusions récapitulatives avec demande de révocation de l' ordonnance de clôture.
S U R Q U O I, L A C O U R
Attendu qu' en application des dispositions des articles 783 et 784 du Code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée après l' ordonnance de clôture, à peine d' irrecevabilité prononcée d' office ; que l' ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s' il se révèle une cause grave depuis qu' elle a été rendue.
Attendu que les conclusions déposées par M. Diousse X... le 19 février 2008, soit postérieurement à l' ordonnance de clôture du 14 février 2008, ne font état d' aucune cause grave postérieure à cette ordonnance et qui en justifierait la révocation étant observé que les conclusions du F. G. A. O. remontent au 20 novembre 2007, qu' en conséquence il convient de déclarer irrecevables ces conclusions et de dire que la Cour n' est saisie que par les conclusions de M. Diousse X... en date du 24 septembre 2007.
Attendu que du fait de l' appel de M. Diousse X..., la Cour n' est saisie que de l' évaluation de son préjudice corporel, étant relevé que le F. G. A. O. conclut à la confirmation de la décision déférée et ne critique donc pas l' évaluation faite par les premiers juges.
Attendu qu' il résulte du rapport d' expertise médicale sus visé, non sérieusement critiqué par les parties, que M. Diousse X..., né le 26 décembre 1947 et exerçant la profession d' artisan peintre en bâtiment, a reçu, le 13 août 2004, plusieurs coups de barre de fer au niveau du crâne ayant entraîné une fracture pariétale avec enfoncement sans lésion hémorragique au niveau cérébral, ainsi qu' une contusion de l' épaule gauche.
Attendu qu' il subsiste un syndrome subjectif des traumatisés crâniens avec céphalées et quelques épisodes vertigineux, qu' au niveau O. R. L. il existe une commotion labyrinthique entraînant une surdité gauche totale non appareillable.
Attendu que l' expert conclut à une I. T. T. du 13 août au 29 septembre 2004 (1, 5 mois) avec une reprise du travail le 1er octobre 2004 et une date de consolidation au 13 août 2005, qu' il fixe le taux d' I. P. P. à 14 %, qu' il évalue le préjudice douloureux à 3 / 7 et le préjudice esthétique à 1 / 7, qu' il relève qu' un préjudice d' agrément n' est pas allégué.
L' incidence professionnelle temporaire :
Attendu que les premiers juges ont évalué ce poste de préjudice à la somme de 4. 500 € au titre de la perte d' exploitation pendant la période d' I. T. T. en retenant la moyenne des revenus professionnels de la victime.
Attendu que M. Diousse X... réclame à ce titre une somme de 6. 328 € en produisant une évaluation de sa perte financière pendant son I. T. T. effectuée par son expert comptable qui rappelle que le préjudice financier de la victime, artisan travaillant seul, résulte d' une part de la perte de recettes et d' autre part du maintien des charges d' exploitation (cotisations, assurances, amortissement du matériel, abonnements) qui sont pour la plupart forfaitaires ; qu' à partir des recettes annuelles des années 2002 et 2003 il parvient à une moyenne mensuelle de 3. 164 €.
Mais attendu que la somme de 6. 328 € ainsi demandée correspond à deux mois d' I. T. T. alors que celle- ci n' a été que d' un mois et demie et qu' ainsi si le chiffre de 3. 164 € peut être retenu comme base d' évaluation, l' incidence professionnelle temporaire doit être évaluée à la somme de 4. 746 € (3. 164 x 1, 5).
Attendu que la CAISSE RÉGIONALE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS DE PROVENCE a versé des indemnités journalières pour un montant de 577 € 85 c. qui doivent venir en déduction de ce poste de préjudice et qu' ainsi il revient à la victime la somme de 4. 168 € 15 c.
Le déficit fonctionnel temporaire :
Attendu que l' évaluation par les premiers juges de ce poste de préjudice, constitué par la gêne dans les actes de la vie courante pendant la période d' I. T. T., à la somme de 1. 200 € n' est pas contestée par les parties.
L' incidence professionnelle définitive :
Attendu que les premiers juges ont rejeté la demande au titre du retentissement professionnel en estimant que M. Diousse X... ne justifiait pas des pertes de chantiers allégués et ont indemnisé son incidence professionnelle dans le cadre du déficit fonctionnel séquellaire.
Mais attendu que depuis la réforme du recours subrogatoire des tiers payeurs résultant de l' article 25 de la loi du 21 décembre 2006, il convient de distinguer l' incidence professionnelle définitive qui correspond à une perte définitive de gains professionnels, du déficit fonctionnel séquellaire, lequel correspond à un déficit physiologique évalué en fonction du taux d' I. P. P.
Attendu que M. Diousse X... réclame à la fois une somme de 60. 000 € au titre d' un " retentissement professionnel " et celle de 113. 328 € au titre d' une " perte de gains professionnels futurs ", que toutefois ces deux demandes concernent l' incidence professionnelle définitive.
Attendu que si M. Diousse X... a pu reprendre son activité professionnelle d' artisan peintre en bâtiment, l' expert ayant noté sa " très faible tendance à l' auto- apitoiement ", il n' en subit pas moins une incidence professionnelle avérée dans la mesure où ses séquelles (céphalées, vertiges, surdité gauche totale) ne lui permettent plus d' exercer, dans les mêmes conditions qu' auparavant, une activité professionnelle essentiellement physique, qu' il s' ensuit une pénibilité accrue et une dévalorisation sur le marché du travail puisqu' il est désormais contraint de refuser des chantiers importants qui l' amèneraient notamment à monter sur des échafaudages et doit se limiter à des marchés moins rémunérateurs.
Attendu que compte tenu de l' âge de la victime, qui pourra prétendre à une retraite proche, et des documents produits, la Cour évalue cette incidence professionnelle définitive à la somme globale de 45. 000 €.
Le déficit fonctionnel séquellaire :
Attendu que les premiers juges ont évalué ce poste de préjudice à la somme de 21. 000 € en tenant compte d' une incidence professionnelle, que M. Diousse X... réclame à ce titre la somme de 26. 000 €.
Attendu que compte tenu de l' âge de la victime à la date de consolidation (57 ans) et de son taux d' I. P. P. (14 %) ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 21. 000 €.
Le préjudice au titre des souffrances endurées :
Attendu que les premiers juges ont évalué ce poste de préjudice à la somme de 4. 000 €, que M. Diousse X... réclame à ce titre la somme de 8. 000 €.
Mais attendu que les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce poste de préjudice, compte tenu de son estimation par l' expert à 3 / 7.
Le préjudice esthétique :
Attendu que l' évaluation par les premiers juges de ce poste de préjudice à la somme de 1. 000 € n' est pas contestée par les parties.
Le préjudice d' agrément :
Attendu que les premiers juges ont retenu l' existence d' un préjudice d' agrément qu' ils ont évalué à la somme de 3. 000 €, que M. Diousse X... réclame à ce titre d' une part une somme de 12. 000 € au titre de la gêne dans les actes de la vie courante pendant la période de soins postérieure à l' I. T. T. jusqu' à la date de consolidation et d' autre part une somme de 20. 000 € au titre du préjudice d' agrément après la consolidation.
Mais attendu que pour la période comprise entre la fin de l' I. T. T. et la date de consolidation, l' expert n' a pas retenu d' incapacité temporaire partielle, qu' il n' est pas davantage justifié, pour cette période, d' une gêne particulière dans les actes de la vie courante, les troubles dont fait état M. Diousse X... à l' appui de sa demande étant déjà réparés dans le cadre du préjudice au titre des souffrances endurées.
Attendu qu' en ce qui concerne le préjudice d' agrément proprement dit, qui concerne la perte de qualité de vie postérieurement à la consolidation, son existence n' est pas contestée dans son principe, qu' au vu des pièces produites il apparaît que les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 3. 000 €.
Les frais d' assistance à expertise :
Attendu que la technicité de la mesure d' expertise justifiait de ce que M. Diousse X... se soit fait assister par un médecin conseil, qu' il justifie par la production des factures correspondantes, au demeurant non contestées par le F. G. A. O., de ce que ses frais à ce titre se montent à la somme globale de 400 €.
Attendu que la décision déférée sera donc infirmée et que, statuant à nouveau, le préjudice corporel de M. Diousse X... sera évalué à la somme globale de 79. 768 € 15 c. (4. 168, 15 + 1. 200 + 45. 000 + 21. 000 + 4. 000 + 1. 000 + 3. 000 + 400) après déduction, poste par poste, de la créance de l' organisme social, tiers payeur.
Attendu qu' après déduction de la provision de 5. 000 € déjà accordée, il sera donc alloué à M. Diousse X..., en deniers ou quittances, une indemnité de 74. 768 € 15 c.
Attendu que M. Diousse X... sera en conséquence débouté du surplus de ses demandes indemnitaires.
Attendu que la demande d' exécution provisoire du présent arrêt est sans objet en cause d' appel, celui- ci étant rendu en dernier ressort.
Attendu qu' il est équitable d' allouer à M. Diousse X... la somme de 1. 500 € au titre des frais par lui exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que conformément aux dispositions des articles R 91 et R 92, 15o du Code de Procédure Pénale, il convient de laisser la charge des dépens au Trésor Public avec distraction au profit des avoués de la cause.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Dit n' y avoir lieu à révocation de l' ordonnance de clôture du 14 février 2008.
Déclare en conséquence irrecevables les conclusions de M. Diousse X... en date du 19 février 2008.
Dit que la Cour n' est donc saisie que par les conclusions de M. Diousse X... en date du 24 septembre 2007.
Infirme la décision déférée et, statuant à nouveau :
Évalue le préjudice corporel de M. Diousse X... à la somme globale de SOIXANTE DIX NEUF MILLE SEPT CENT SOIXANTE HUIT EUROS QUINZE CENTS (79. 768 € 15 c.) après déduction, poste par poste, de la créance de l' organisme social, tiers payeur.
Alloue à M. Diousse X..., en deniers ou quittances, une indemnité de SOIXANTE QUATORZE MILLE SEPT CENT SOIXANTE HUIT EUROS QUINZE CENTS (74. 768 € 15 c.) après déduction de la provision de CINQ MILLE EUROS (5. 000 €) déjà allouée.
Dit que cette indemnité sera versée par Monsieur le Directeur Général du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D' AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d' Assurances Obligatoires, dans le mois de la réception de l' expédition du présent arrêt.
Déboute M. Diousse X... du surplus de ses demandes indemnitaires.
Déclare sans objet la demande d' exécution provisoire du présent arrêt.
Alloue à M. Diousse X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens qui sera à la charge du Trésor Public et recouvrée comme les dépens.
Laisse les dépens de la procédure à la charge du Trésor Public.
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l' avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRES Madame SAUVAGE
GREFFIÈREPRÉSIDENTE