4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 02 MAI 2008
No 2008 / 183
S. C. I. LA REPE
C /
S. A. S. SODIVAR
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 20 Juin 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 2129.
APPELANTE
S. C. I. LA REPE, prise en la personne de son gérant, M. X...,
demeurant ...-13100 AIX EN PROVENCE
représentée par La SCP COHEN- GUEDJ, avoués
assistée de Maître Jean- Louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S. A. S. SODIVAR,
demeurant Quartier de la Rèpe- Route du Beausset-83150 BANDOL
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de Maître Jean- Marie LAFRAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel NAGET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2008,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Suivant acte reçu de Maître A..., notaire à Saint – Cyr- sur- mer le 14 décembre 1990, les sociétés COFRAMI et SICOMI RHÔNE ALPES ont consenti à la SCI LA REPE un crédit- bail immobilier sur un terrain de 7. 198 mètres carrés, sis au lieudit La Rèpe, sur le territoire de la commune de Bandol (83150), route du Beausset, pour une durée de dix- huit années.
Par un nouvel acte reçu de Maître B..., notaire à Paris le premier mars 1991, le crédit- preneur s'est engagé envers ses bailleurs, à sous- louer à la société X... S. A. R. L. le terrain objet du bail, avec les édifices qu'elle y a construits.
Cette sous- location a été réalisée par acte sous seing privé en date du premier juin 1991.
Suivant acte reçu de Maître C..., notaire associé à Aimargues (Gard), le 23 octobre 1994, la société MONTLAUR- BANDOL a cédé à la société SODIVAR le fonds de commerce exploité dans les locaux objet de ces différentes conventions. Il s'agit d'un supermarché.
Par une autre acte, reçu le même jour du même notaire, La SCI LA REPE a consenti, sur ces locaux, une nouvelle sous- location, pour une durée de dix- huit ans, moyennant un loyer annuel de 900. 000, 00 francs.
Ce bail comporte une clause résolutoire, devant s'appliquer à défaut de payement d'un seul terme de loyer, ou "... en cas d'inexécution de l'une quelconque des conditions du... (dit)... bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter demeurée sans effet ".
Il est également spécifié, dans un paragraphe concernant les " changements de distribution ", que le preneur ne pourra faire, dans les locaux, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, aucune démolition, aucun percement de mur ou de cloison ni aucun changement de distribution ". De façon plus générale, il est tenu "... avant d'entreprendre tous travaux devant entraîner une modification substantielle des locaux ou des installations, (d') obtenir l'accord écrit du bailleur, et, si nécessaire, celui des administrations concernées ".
Le 23 septembre 2002, la SCI LA REPE a fait constater par un huissier désigné par ordonnance sur requête, un certain nombre de transformations effectuées sans son autorisation, et qu'elle estime contraires aux interdictions rappelées ci- avant. Il s'agit :
- de l'installation d'un auvent à l'entrée, dans la cour de livraison,
- de l'installation d'une chambre froide,
- du percement d'une fenêtre reliant la cour de livraison à l'extérieur,
- de l'implantation de panneaux publicitaires dans le sol des parkings et sur les murs du bâtiment principal,
- de la fermeture d'une partie de la façade de ce bâtiment par une devanture vitrée de 8 mètres de large, sur 5 mètres de haut environ,
- de la suppression de la barrière métallique fermant l'accès principal,
- de la suppression de plusieurs emplacements de parking avec destruction d'une vingtaine de mètres de trottoir séparatif d'avec le fonds voisin.
Par acte du 20 décembre 2002, elle a fait délivrer à sa locataire sommation d'avoir, dans le délai d'un mois, à supprimer ces modifications et à remettre les locaux dans leur état d'origine.
Suivant assignation du 14 mars 2003, la SCI LA REPE a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Toulon, une demande qui tendait à ce que soit constatée la résiliation du bail de sous- location par l'effet de la clause résolutoire citée ci- avant.
Elle sollicitait ainsi l'expulsion de la société SODIVAR, outre sa condamnation au payement :
- d'une indemnité d'occupation de 1. 000, 00 euros par jour,
- des loyers restant à courir jusqu'à la fin du bail,
- de celle de 75. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts,
- de celle de 5. 000, 00 euros réclamés en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 16 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance de Toulon a débouté la SCI LA REPE de toutes ses demandes, et l'a condamnée à payer à la société SODIVAR la somme de 4. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts, outre celle de 3. 000, 00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été frappé d'appel par déclaration de la SCI LA REPE, reçue au Greffe de la Cour le 21 juillet 2005.
Par conclusions du 22 février 2008, elle en demande l'infirmation et sollicite la condamnation sous astreinte de la société SODIVAR à remettre les locaux dans leur état antérieur au 23 octobre 1994.
Elle reprend d'autre part ses demandes de dommages- intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, la société SODIVAR a conclu, les 28 février et 3 mars 2008 à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté son adversaire de ses prétentions,
A titre subsidiaire, elle demande la suspension des effets de la clause résolutoire du bail, et un délai de grâce de deux ans, pour exécuter d'éventuels travaux de mise en conformité.
Elle se porte d'autre part demanderesse reconventionnelle en payement de d'une somme de 75. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts, à quoi elle ajoute celle de 5. 000, 00 euros réclamée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M O T I F S :
La Cour constate d'abord que l'irrecevabilité de l'appel n'est pas soulevée, et qu'elle n'a pas lieu d'être relevée d'office.
Puis, sur les mérites du recours, les motifs de sa décision sont les suivants :
La résiliation du bail n'étant plus demandée, la question de l'application de la clause résolutoire qu'il contient, ou celle de la suspension de ses effets n'a plus lieu d'être examinée.
Ceci étant, les remises en état demandées sous astreinte portent sur les points suivants :
- "... tous les aménagements réalisés dans la cour de livraison " ;
- la remise en place, sur une vingtaine de mètres d'un trottoir qui séparait le parking du supermarché de celui d'un bowling voisin ;
- la suppression de panneaux publicitaires ;
- le rétablissement d'une barrière métallique qui fermait l'accès principal.
Or, la constatation d'une infraction aux stipulations du bail, liée à l'exécution de travaux non autorisés par le bailleur suppose que soient réunies deux conditions.
En premier lieu, il doit s'agir de transformations effectivement soumises à autorisation. Selon la clause du bail relative à ces transformations, sont visés :
- les démolitions,
- les percements de mur ou cloisons,
- les changements de distribution.
Plus généralement, sont également visés les " modification substantielle des locaux ou des installations ".
En second lieu, il n'existe d'infraction aux termes du bail que pour autant qu'il s'agisse effectivement de transformations effectuées par la société SODIVAR. En effet, cette dernière n'occupe les lieux que depuis octobre 1994. Or, si le bail prévoyait qu'un état des lieux contradictoire devait être dressé à l'entrée en jouissance (aux frais éventuels du preneur), aucun document de cette nature, ni de cette époque n'a été versé aux débats.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de la SCI LA REPE qui ne réunissaient pas l'ensemble de ces éléments.
Ainsi, les aménagements réalisés dans la cour de livraison concernent une fenêtre à volet métallique dont l'état d'oxydation, visible sur les photographies versées aux débats exclut que celle- ci ait été percée récemment. Or, rien ne permet, par ailleurs d'affirmer qu'elle n'existait pas déjà à l'entrée dans les lieux. Il est par ailleurs question d'une chambre froide, sous un auvent de plaques de bardage en PVC, fixées à celle- ci par des armatures métalliques. Pour autant, cette armoire frigorifique n'est pas maçonnée, mais repose directement sur le sol, et pourra être enlevée en fin de bail. Il en va de même du compacteur à carton, dont la mise en service ne constitue pas une modification des locaux.
L'installation de panneaux publicitaires, indispensables à proximité d'une grande surface, comportant de surcroît une station service, n'est pas une " modification substantielle des locaux " nécessitant une autorisation, et il en va de même de barrières métalliques, fermant l'accès, et que l'exploitant doit être libre de conserver ou de supprimer, en l'absence de dispositions spécifiques du bail sur ce point.
La seule transformation imputable à la société SODIVAR, et à laquelle la SCI LA REPE était susceptible de pouvoir s'opposer est la communication directe établie entre le parking du supermarché, et celui du bowling voisin. En effet, étant donné que les deux établissements reçoivent chacun une clientèle dont les habitudes sont différentes, leurs exploitants ont trouvé avantage à ce que les usagers du bowling puissent stationner la nuit sur le parking du SUPER U, tandis que, pendant la journée, les clients de ce dernier ont accès au parking du bowling. Or, la suppression physique de toute séparation entre les deux aires de stationnement, est susceptible de créer à moyen terme des litiges de voisinage, ou de faire croire à l'existence de droits de passage, et devenir ainsi l'occasion de contentieux contre lesquels l'appelante est fondée à se prémunir. Il n'est, d'autre part, pas contesté que cette transformation n'a pas été autorisée par la bailleresse.
S'agissant, dans ce cas précis, d'une " démolition " au sens de la clause sus- visée, ainsi qu'une modification substantielle des locaux, il convient de réformer le jugement entrepris, et d'ordonner le rétablissement du trottoir en litige, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt.
Par contre, ce jugement doit être confirmé, encore, en ce qu'il a débouté la SCI LA REPE de ses demandes de dommages- intérêts, ou d'indemnités diverses, en l'absence de tout préjudice spécifique dont la preuve serait rapportée.
Enfin, l'appel étant fondé partiellement, il convient d'infirmer également le jugement entrepris sur les dépens de première instance, qui seront laissés à la charge de la société SODIVAR, de même que sur les dommages- intérêts accordés à celle- ci, et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée aux dépens d'appel, mais sans qu'il apparaisse équitable d'y ajouter une condamnation au remboursement de frais non récupérables.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Déclare la SCI LA REPE recevable en son appel du jugement rendu le 16 mai 2005, par le Tribunal de Grande Instance de Toulon.
Y faisant droit,
Infirme le dit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SCI LA REPE de ses différentes demandes en payement de sommes d'argent.
Et statuant à nouveau,
Condamne la société SODIVAR à rétablir, sur toute sa longueur, le trottoir qui délimitait le parking du supermarché, tel qu'il existait à la création de la station service, en 1993, et ce, dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt et sous astreinte de 200, 00 euros par jour de retard pendant un nouveau délai de trois mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit s'il y a lieu.
Déboute les parties de toutes plus amples demandes.
Condamne la société SODIVAR aux dépens de première instance et d'appel, et pour le recouvrement de ces derniers, accorde à la société d'avoués COHEN Hervé et Laurent et Paul GUEDJ, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT