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24/04/2008 | FRANCE | N°04/12696

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 avril 2008, 04/12696


4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 24 AVRIL 2008

No 2008 / 156



Rôle No 04 / 12696

S. A. SIDIMAT



C /

Fezan Y... épouse X...




réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 21 Mai 2004 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 280.



APPELANTE

S. A. SIDIMAT,

demeurant 16 rue de Nassau- L2213-14510 LUXEMBOURG

représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour,

assistée

de la SCP RAMEL SEBELLINI MOULIS, avocats au barreau de NIMES

INTIMEE

Madame Fezan
Y...
épouse X...


née le 21 Mai 1946 à ISTANBUL (TURQUIE) (80745),

demeurant CHEZ Mr G...

4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 24 AVRIL 2008

No 2008 / 156

Rôle No 04 / 12696

S. A. SIDIMAT

C /

Fezan Y... épouse X...

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 21 Mai 2004 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 280.

APPELANTE

S. A. SIDIMAT,

demeurant 16 rue de Nassau- L2213-14510 LUXEMBOURG

représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour,

assistée de la SCP RAMEL SEBELLINI MOULIS, avocats au barreau de NIMES

INTIMEE

Madame Fezan
Y...
épouse X...

née le 21 Mai 1946 à ISTANBUL (TURQUIE) (80745),

demeurant CHEZ Mr Guillaume X...-... SUR SEINE

représentée par la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués à la Cour,

assistée de la SCP DELRAN- BRUN MAIRIN, avocats au barreau de NIMES

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2008

Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte reçu de Me Frédéric Z..., notaire associé à SAINT REMY DE PROVENCE, le 05. 05. 1995, les consorts A... ont donné à bail à Madame Fezan
Y...
épouse X..., pour une durée de neuf ans et au loyer annuel de 11 600 francs un local situé ... à SAINT REMY DE PROVENCE, dans lequel est exploitée une librairie au rez- de- chaussée, mais comportant également deux pièces à usage d'habitation ; il s'agit, en fait, d'un bail de renouvellement d'une précédente convention conclue le 01. 05. 1986 ;

L'immeuble a, par la suite, été vendu, le 15. 02. 2002, à la société de droit luxembourgeois SIDIMAT (Société D'INVESTISSEMENT ET DE DEVELOPPEMENT IMMOBILIER AGRICOLE ET TOURISTIQUE) ;

Le 14. 08. 2003, cette société a fait délivrer à sa locataire congé pour le 30. 04. 2004, avec refus. de renouvellement et sans indemnité d'éviction, aux motifs que la preneuse n'était pas, ou plus, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés, d'une part, et que d'autre part, aucun fonds de commerce n'aurait été exploité dans les lieux au cours des trois années précédant l'expiration du bail ;

Puis, le 23. 10. 2003, elle lui a fait délivrer un commandement de payer un arriéré locatif de 80, 75 euros ; elle lui a également fait sommation d'avoir a supprimer, dans le délai d'un mois, une toile apposée en devanture, avec retombée de supports métalliques, et apposition d'enseignes sur le devant et le côté, et d'avoir à enlever un appareil à conditionnement d'air installé dans la cour, sans autorisation du propriétaire ;

Le 25. 11. 2003, la Société SIDIMAT a fait constater par un huissier qu'il n'avait pas été déféré à cette sommation ;

Suivant assignation du 04. 02. 2004, la Société SIDIMAT a introduit, devant le tribunal de grande instance de TARASCON une demande tendant, à titre principal, à la résiliation du bail, aux torts exclusifs de Madame X..., pour abus de jouissance ; subsidiairement, elle entendait également lui dénier tout droit à la propriété commerciale et au renouvellement du bail, ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'éviction ;

Elle demandait donc l'expulsion de Madame X..., sous astreinte, ainsi que sa condamnation à lui payer :

- la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité d'occupation annuelle, charges en sus, à compter du 23. 11. 2003, outre " l'arriéré consécutif " ;

- celle de 5 000 euros à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

De son côté, Madame X... a présenté une demande reconventionnelle en payement d'une somme de 304 900 euros représentant la valeur du fonds de commerce, Elle réclamait également payement des sommes de 30 500 euros à titre de dommages intérêts et celle de 3 850 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par jugement en date du 21. 05. 2004, le tribunal de grande instance de TARASCON a dit et jugé qu'en vertu du congé délivré à Madame X..., le 14. 08. 2003, la Société SIDIMAT était tenue de lui verser une indemnité d'éviction ;

Il a, en outre, condamné cette société à lui payer la somme de 304 900 euros représentant le montant de ladite indemnité ;

Enfin, la Société SIDIMAT a été condamnée au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; l'exécution provisoire a été ordonnée ;

La Société SIDIMAT a interjeté appel de cette décision, suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour le 07. 06. 2004 ;

Par arrêt avant dire droit du 22. 11. 2005, la Cour d'Appel a confirmé le jugement entrepris en ses dispositions par lesquelles le Tribunal a dit et jugé qu'en vertu du congé délivré à Madame X..., le 14. 08. 2003, la Société SIDIMAT était tenue à lui verser une indemnité d'éviction, l'a confirmé en ce qu'il a débouté cette société de l'ensemble de ses demandes, l'a infirmé en toutes ses autres dispositions et a ordonné une expertise. confiée à monsieur B..., afin de donner tous éléments permettant de déterminer le préjudice causé au locataire et de calculer le montant de l'indemnité d'éviction ;

Au vu du rapport d'expertise, Madame Fezan
Y...
épouse X... conclut à l'homologation du dit rapport fixant l'indemnité d'éviction ainsi que les préjudices annexes à 222 300 euros plus 11 891 euros, soit au total 234 191 euros, à la condamnation de la Société SIDIMAT à lui payer cette somme, avec intérêts de droit, outre la somme de 66 000 euros en réparation du préjudice occasionné du fait de plusieurs procédures, la somme de 30 000 euros supplémentaires à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Elle réplique à la Société SIDIMAT qu'elle n'a pas perdu tout droit à l'indemnité d'éviction, l'arrêt mixte du 22. 11. 2005 rendu par la Cour d'Appel ayant reconnu son droit à la propriété commerciale et au bénéfice d'une indemnité d'éviction, et le protocole d'accord signé entre les parties ayant pour but. de libérer les lieux ; que par ailleurs elle ne doit rien au titre de l'indemnité d'occupation ;

La Société SIDIMAT répond en soutenant que Madame X... ne peut plus prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction, en raison de sa radiation au Registre du Commerce et des Sociétés à compter du 31. 12. 2005, de la signature du protocole d'accord du 13. 01. 2006 et de son départ des lieux le 18. 01. 2006 ;

L'intimée réclame le débouté de toutes les demandes de l'appelante à ce titre ainsi que de toute demande au titre des dommages intérêts complémentaires, et sollicite la restitution de la somme de 310 000 euros, consignée sur un compte séquestre ;

Elle requiert en outre la condamnation de Madame X... au paiement des loyers du 15. 02. 2002 au 30. 04. 2004, soit la somme de 4 408, 35 euros, et d'une indemnité d'occupation, à compter du 01. 05. 2004 jusqu'au 18. 01. 2006, de 21 000 euros ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la perte par Madame X... de tout droit à indemnité d'éviction

Considérant que la Société SIDIMAT ne peut sérieusement soutenir que Madame X... a perdu tout droit à l'indemnité d'éviction ;

Considérant en effet que par arrêt mixte, en date du 22. 11. 2005, qui a autorité de chose jugée, des chefs sur lesquels la Cour a statué au fond, il a été jugé que la Société SIDIMAT était tenue à verser une indemnité d'éviction, Madame X... devant bénéficier de la propriété commerciale ;

Considérant qu'il est peu important que certains faits soient intervenus postérieurement à l'arrêt ;

Considérant en effet que les parties ont signé un protocole d'accord aux termes duquel il est précisé que le 13. 01. 2006, Madame X... souhaitait quitter les lieux, mais qu'en contre partie, la Société SIDIMAT renonçait à l'exercice de sa faculté de repentir ;

Considérant qu'il convient de rappeler que le droit de repentir est le droit accordé au propriétaire qui, ayant refusé le renouvellement du bail, est tenu au paiement de l'indemnité d'éviction, mais peut revenir sur son refus pour se soustraire à ce paiement ;

Considérant en conséquence qu'en application du protocole d'accord, que le droit à l'indemnité d'éviction se trouve acquis au locataire ;

Considérant que ce dernier, par ailleurs, a la faculté de se maintenir dans les lieux, tant que l'indemnité d'éviction n'est pas payée, mais ceci n'est qu'une faculté ;

Considérant qu'en l'espèce, Madame X... a libéré les lieux avec l'accord du bailleur, et a restitué les clefs le 18. 01. 2006 ;

Considérant que le fait qu'elle se soit faite radier du Registre du Commerce et des Sociétés le 31. 12. 2005, ne peut avoir aucune incidence sur son droit à indemnité, l'exigence de l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés n'étant imposée que lorsque le locataire use de sa faculté de maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ;

Considérant ainsi que le moyen, ainsi invoqué par la Société SIDIMAT sera écarté ;

Sur le montant de l'indemnité d'éviction

Considérant qu'en application de l'article L-145-14 du Code de Commerce, le bailleur doit payer une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, calculé au jour du départ effectif du locataire ;

Considérant que Madame X... ne devant pas se réinstaller, il s'agit de déterminer une valeur de remplacement du fonds de commerce ;

Considérant que selon les usages, la recherche de la valeur du fonds de commerce se fait par référence à la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années d'exploitation ;

Considérant que l'expert a relevé que le fonds de librairie était viable en 2002, mais que les chiffres actuels 2004. 2005 sont bas et sont inopérants dans le cadre de l'étude de la valeur du fonds ;

Considérant qu'il conclut ainsi que le fonds n'est plus viable et que la référence au chiffre d'affaires n'a plus de signification ;

Considérant qu'il est ainsi admis qu'en présence d'un fonds de commerce déficitaire, il convient de déterminer la valeur du fonds et celle du droit au bail, et de retenir la valeur la plus élevée ;

Considérant que selon une jurisprudence constante, la valeur du fonds est au moins celle du droit au bail, indépendamment des termes du bail concernant les modalités de cession du bail qui n'ont pas d'incidence sur sa valeur ;

Considérant que c'est à bon droit que l'expert monsieur B..., a évalué la valeur du droit au bail à la différence entre le loyer plafonné effectivement payé et la valeur locative réelle des locaux, affectée d'un coefficient multiplicateur dépendant de l'intérêt de l'emplacement ;

Considérant ainsi qu'à la suite d'analyses et de recherches approfondies qui ne souffrent pas de critiques, monsieur B... a dégagé une valeur du droit au bail fixée à 222 300 euros que la Cour adopte ;

Considérant en revanche qu'en raison de la perte du fonds et de la non réinstallation, les indemnités accessoires de remploi, de déménagement et de trouble commercial liées au préjudice causé par le déplacement,, ne sont pas dues, les frais de déménagement et l'existence d'un trouble commercial n'étant pas justifiés en l'espèce ;

Considérant en conséquence que la Cour estime devoir fixer à la somme de 222 300 euros l'indemnité d'éviction dûe par la Société SIDIMAT à Madame X... ;

Sur la demande de dommages intérêts complémentaires

Considérant que Madame X... ne, justifie pas, à l'égard de la Société SIDIMAT d'un comportement procédural malicieux, le fait de défendre ses droits ne pouvant constituer un abus ;

Considérant qu'elle sera donc déboutée de sa demande de dommages intérêts complémentaires ;

Sur la demande en paiement de loyers et indemnités d'occupation

Considérant que la Société SIDIMAT réclame au titre de loyers, qui seraient impayés du 15. 02. 2002 au 30. 04. 2004, date de fin de bail, une somme de 4 408, 35 euros ;

Considérant toutefois qu'il résulte des pièces produites par Madame X... qu'au 23. 10. 2003, selon un commandement de payer, elle n'était redevable que de 80, 75 euros ;

Qu'elle justifie avoir réglé le quatrième trimestre 2003, le premier et le second trimestre 2004 ;

Considérant que la preuve d'une dette locative à la date du terme du bail, soit au 30. 04. 2004, n'est pas démontrée ; que de ce chef, la Société SIDIMAT sera déboutée de sa réclamation ;

Considérant qu'elle sollicite le paiement à compter du congé, d'une indemnité d'occupation de 21 000 euros, soit du 01. 05. 2004 au 18. 01. 2006, date de la libération des locaux, 1 000 euros par mois ;

Considérant qu'il résulte des divers éléments versés aux débats, notamment des expertises communiquées que l'indemnité d'occupation peut être, en fonction du marché, fixée à la somme de 656, 50 euros par mois, valeur locative ;

Considérant qu'il convient donc de condamner Madame X... à payer la somme de 13 786, 50 euros en deniers ou quittances, correspondant à la période du 01. 05. 2004 au 18. 01. 2006, date de son départ ;

Considérant enfin qu'il convient de condamner la Société SIDIMAT à payer à Madame X... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement

Vu l'arrêt mixte rendu le 22. 11. 2005 par cette Cour,

- Condamne la Société SIDIMAT à payer à Madame Fezan
Y...
épouse X... la somme de 222 300 euros, à titre d'indemnité d'éviction, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la signification du présent arrêt.

- Déboute Madame X... de sa demande de dommages intérêts complémentaires.

- Déboute la Société SIDIMAT de sa demande en paiement de loyers antérieurement au 01. 05. 2004, date du congé.

- Condamne Madame Fezan
Y...
épouse X... à payer à la Société SIDIMAT la somme de 13 786, 50 euros en deniers ou quittances, correspondant aux indemnités d'occupation dues pour la période du 01. 05. 2004, date d'effet du congé au 18. 01. 2006, date de la libération des lieux.

- Condamne la Société SIDIMAT à payer à Madame X... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

- Rejette toutes autres demandes.

- Condamne la Société SIDIMAT aux dépens d'appel et admet la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 04/12696
Date de la décision : 24/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Tarascon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-24;04.12696 ?
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