COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15o Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 04 AVRIL 2008
No 2008 /
Rôle No 06 / 12363
SCI LES HAUTES TERRES
SCP TADDEI FUNEL
C /
Daniel Y...
Marie- Claude Z... épouse Y...
Grosse délivrée
le :
à : BLANC
TOUBOUL
COHEN
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Juin 2006 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 1177.
APPELANTES
SCI LES HAUTES TERRES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège 26 Route de Canta GALET-06200 NICE
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
SCP TADDEI- FUNEL, prise en la personne de Me Jean- Marie TADDEI, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI LES HAUTES TERRES 54 rue Gioffredo-06000 NICE
Assignée en intervention forcée
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de la SCP DELPLANCKE C., LAGACHE A., POZZO DI BORGO J- M., BABLED M., ROMETTI F., THEDENAT P., avocats au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur Daniel Y...
demeurant ...-06700 SAINT LAURENT DU VAR
représenté par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe CRUON, avocat au barreau de GRASSE
Madame Marie- Claude Z... épouse Y...
demeurant ...-06700 SAINT LAURENT DU VAR
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe CRUON, avocat au barreau de GRASSE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Février 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Denis JARDEL, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Véronique DEVOGELAERE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2008,
Signé par Monsieur Denis JARDEL, Président et Madame Véronique DEVOGELAERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Les 30 septembre 1999 et 5 octobre 1999, la SCI LES HAUTES TERRES a vendu à Monsieur Daniel Y... et Madame Marie- Claude Z..., son épouse, un studio, une cave, ainsi qu'un parking, en l'état futur d'achèvement.
Par ordonnance sur requête du 25 janvier 2005, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE a autorisé Monsieur et Madame Y... à prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur les biens immobiliers appartenant à la SCI LES HAUTES TERRES, sis à SAINT LAURENT DU VAR, en vue du recouvrement de la somme de 35 000 €.
L'inscription est intervenue le 24 mars 2005 et a été dénoncée le 31 mars 2005.
Par acte du 20 février 2006, la SCI LES HAUTES TERRES a fait citer Monsieur et Madame Y... devant le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance du 25 janvier 2005, et leur condamnation à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 12 juin 2006, le Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE a débouté la SCI LES HAUTES TERRES de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer aux époux Y... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration au greffe de la Cour en date du 6 juillet 2006, la SCI LES HAUTES TERRES a relevé appel de cette décision.
La SCI LES HAUTES TERRES conclut à la réformation du jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE, sollicite la mainlevée de toutes les inscriptions hypothécaires et réclame la condamnation de Monsieur et Madame Y... à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SCI LES HAUTES TERRES fait valoir que le montant garanti est supérieur à celui du contrat et que l'acquéreur n'a jamais soldé le prix, comme l'atteste l'inscription d'un privilège du vendeur prise par le notaire, faisant ressortir une créance de 21 204, 90 € à son profit.
Elle affirme que le juge de l'exécution de NICE était territorialement incompétent, dès lors que les débiteurs sont les acquéreurs. Elle indique par ailleurs que l'inscription n'est pas intervenue sur tous les lots visés par l'ordonnance d'autorisation.
L'appelante expose que le jugement rendu le 1er juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, selon elle, incompétent, compte tenu de la procédure collective ouverte à son égard, portant sa condamnation à payer à Monsieur et Madame Y... diverses sommes, a fait l'objet d'une tierce opposition et précise qu'il est postérieur à l'inscription hypothécaire litigieuse.
La SCI LES HAUTES TERRES ajoute qu'en l'état de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire le 10 février 2004, confirmée par jugement du 10 avril 2007, elle doit bénéficier, pendant la période suspecte, des dispositions de l'article L. 621 – 40 du Code de commerce et de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, ces dernières rendant nulle toute prise d'hypothèque pour des dettes antérieurement contractées.
Elle estime que le rapport d'expertise déposé le 25 août 2004, comportant un chiffrage de 8 300 €, ne peut suffire à justifier l'existence d'une créance fondée en son principe à concurrence de 35 000 €.
Monsieur et Madame Y... concluent à la confirmation du jugement, ainsi qu'au débouté des demandes de la SCI LES HAUTES TERRES et réclament sa condamnation à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur et Madame Y... rappellent que l'article L 621 – 40 du Code de commerce ne suspend les actions en justice que pour les créanciers dont la créance a une origine antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et que pour la SCI LES HAUTES TERRES, celui- ci est intervenu dès le 8 décembre 1998, donc antérieurement à la vente litigieuse.
Ils soulignent que ce texte ne s'applique pas aux inscriptions d'hypothèques judiciaires qui sont des mesures conservatoires et que l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 n'interdit, pendant la période suspecte, que les inscriptions d'hypothèques conventionnelles.
Monsieur et Madame Y... soutiennent que par jugement du 1er juin 2007, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a condamné la SCI LES HAUTES TERRES à leur payer les sommes de 9 926, 80 €, au titre de travaux de remise en état, 6 405 € au titre du retard de livraison, 9 432 € au titre du trouble de jouissance et que leur créance est donc incontestable.
Ils précisent que l'inscription hypothécaire n'a pu intervenir que sur les 8 lots dont la SCI LES HAUTES TERRES est demeurée propriétaire, correspondant aux caves et parkings.
La SCP TADDEI FUNEL, prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI LES HAUTES TERRES s'en rapporte à justice, par conclusions déposées le 18 février 2008.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu qu'il convient de constater que la SCI LES HAUTES TERRES ne réclame plus, en cause d'appel, la rétractation de l'ordonnance sur requête du 25 janvier 2005, ayant autorisé les époux Y... à prendre une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de la SCI LES HAUTES TERRES ;
Attendu que l'article L621-40 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, prévoit que le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête ou interdit toute voie d'exécution de la part des créanciers, tant sur les meubles que sur les immeubles ;
Mais attendu que les mesures conservatoires qui ne peuvent être assimilées aux voies d'exécution, échappent à l'interdiction prévue par ce texte et qu'il en est ainsi de la procédure gracieuse, en vertu de laquelle un créancier qui justifie d'une créance paraissant fondée en son principe, sollicite l'autorisation de prendre sur les immeubles du débiteur une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire ;
Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de faire application, en l'état, des dispositions de l'article L621-40 du Code de commerce ;
Attendu, sur la demande de mainlevée de l'inscription d'hypothèque provisoire intervenue le 24 mars 2005, que seules sont applicables en l'espèce les dispositions de l'article L621-107-7 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, ce, à l'exclusion de l'article L621-107- 6o, qui ne concerne que l'hypothèque judiciaire définitive ;
Qu'en vertu de l'article L622-14 du même code, ce texte, prévu dans le cadre du redressement judiciaire s'applique également à la procédure de liquidation judiciaire ;
Attendu qu'aux termes de l'article L621-107- 7o du Code de commerce, est nulle toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation des paiements ;
Qu'il ne comporte pas de distinction entre les dettes antérieurement et postérieurement contractées ;
Que nonobstant la référence aux actes faits par le débiteur, la portée de la nullité ne se limite pas aux hypothèques conventionnelles et concerne également les inscriptions hypothécaires prises unilatéralement par les créanciers ;
Attendu qu'au vu de l'extrait K bis de la SCI LES HAUTES TERRES au Registre du commerce et des sociétés de NICE, il apparaît que par jugement du 8 décembre 1998, le Tribunal de Grande Instance de NICE a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au même jour ;
Attendu que l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire réalisée le 24 mars 2005, au deuxième bureau de la conservation des hypothèques d'ANTIBES, sur les biens immobiliers sis à SAINT LAURENT DU VAR, appartenant à la SCI LES HAUTES TERRES, doit être annulée et qu'il convient d'en ordonner la mainlevée ;
Attendu que la SCI LES HAUTES TERRES ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice lié à cette mesure conservatoire ; que sa demande en dommages et intérêts est rejetée ;
Attendu que le jugement est infirmé ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire réalisée le 24 mars 2005, au deuxième bureau de la conservation des hypothèques d'ANTIBES, sur les biens immobiliers sis à SAINT LAURENT DU VAR, et cadastrés section BC 50-58-59-236-239 et 250, appartenant à la SCI LES HAUTES TERRES,
Rejette les autres demandes,
Condamne Monsieur Daniel Y... et Madame Marie- Claude Z... aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,