COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 3o Chambre A
ARRÊT AU FOND DU 27 MARS 2008
No 2008 / 95
Rôle No 06 / 08605
Alain X... Virginie Y... épouse X...
C /
SA LYONNAISE DE BANQUE
Grosse délivrée le : à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 00456.
APPELANTS
Monsieur Alain X... né le 28 Juillet 1970 à NICE (06000), demeurant ...-06200 NICE représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de Me Sylvie CASTEL, avocat au barreau de NICE
Madame Virginie Y... épouse X... née le 13 Décembre 1973 à NICE (06000), demeurant ...-06200 NICE représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Sylvie CASTEL, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA LYONNAISE DE BANQUE, demeurant 8 Rue de la République-69001 LYON représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me Sirio PIAZZESI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Florence CATTENATI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Février 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne SEGOND, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne BESSON, Présidente Monsieur André TORQUEBIAU, Conseiller Madame Anne SEGOND, Conseiller, rédacteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Véronique PELLISSIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2008,
Signé par Madame Anne BESSON, Présidente et Mademoiselle Véronique PELLISSIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE :
Selon convention intitulée " contrat de travaux " du 16 mars 2002, Monsieur et Madame X..., propriétaires d'une parcelle de terrain sises à Levens (06) ont confié la construction d'un maison individuelle à la SARL CE CONSTRUCTION, assurée auprès de la Compagnie d'Assurances WINTHERTUR, au titre de sa responsabilité civile décennale. Les époux X... avaient souscrit une police dommages ouvrages auprès de la Compagnie d'Assurances AXA COURTAGE IARD, et avaient obtenu un prêt de la S. A. LYONNAISE DE BANQUE pour financer leur projet de construction.
Après avoir été payée de plusieurs situations de travaux, l'entreprise CE CONSTRUCTION a abandonné le chantier.
A la requête de Monsieur et Madame X..., Monsieur D... a été désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 16 septembre 2003 et a déposé son rapport le 26 septembre 2003.
Monsieur et Madame X... ont fait assigner le 11 janvier 2006, la SARL CE CONSTRUCTION, la Compagnie d'Assurances WINTHERTUR, la Compagnie d'Assurances AXA COURTAGE IARD et la S. A. LYONNAISE DE BANQUE devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins d'être indemnisés de leurs préjudices.
Par jugement en date du 24 mars 2006, le Tribunal de Grande Instance de Nice a :
-mis hors de cause la S. A. LYONNAISE DE BANQUE et la compagnie les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES venant aux droits de la Compagnie d'Assurances WINTHERTUR ;
-condamné la compagnie d'assurances AXA France IARD venant aux droits de la Compagnie d'Assurances AXA COURTAGE IARD à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 34. 205, 60 euros TTC au titre de la reprise des fondations ;
-débouté Monsieur et Madame X... du surplus de leur demande ;
-condamné la compagnie AXA France IARD à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur et Madame X... ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la S. A. LYONNAISE DE BANQUE le 10 mai 2006.
Vu les conclusions de Monsieur et Madame X... en date du 6 septembre 2006.
Vu les conclusions de la S. A. LYONNAISE DE BANQUE en date du 13 mars 2007.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 janvier 2008.
SUR CE,
Monsieur et Madame X... soutiennent que la S. A. LYONNAISE DE BANQUE leur a consenti un prêt sans avoir vérifié que le contrat de construction comportait les énonciations mentionnées à l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation, qu'elle a ainsi failli à l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation et à son devoir de conseil fondé sur l'article 1147 du code civil, que le contrat de construction était totalement nul plusieurs mentions obligatoires n'y figurant pas, que la banque est dès lors tenue de les indemniser de l'ensemble des préjudices subis du fait de la construction défectueuse et non terminée.
-sur la responsabilité :
En vertu de l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation, « aucun prêteur ne peut émettre aucune offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L 231-2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis, et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas eu communication de l'attestation de garantie de livraison.
Dans les cas de défaillance du constructeur visés au paragraphe II de l'article L 231-6 et nonobstant l'accord du maître de l'ouvrage …, le prêteur est responsable des conséquences préjudiciables d'un versement excédant le pourcentage maximum du prix total exigible aux différents stades de construction, d'après l'état d'avancement des travaux, dès lors que ce versement résulte de l'exécution d'une clause irrégulière du contrat »
Cette disposition est intégrée dans le chapitre I titre relatif aux contrats de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plan.
Les contrats de construction d'une maison individuelle sans fourniture de plan sont régis par les articles L 232-1 et-2 du code de la construction et de l'habitation, qui définissent le contenu du contrat et opèrent des renvois à certains articles du chapitre I, l'article L 231-10 n'étant pas visé par ces renvois
La construction édifiée par Monsieur et Madame X... étant en l'espèce une construction sans fourniture de plan, ils ne sauraient se prévaloir de l'application de l'article L 231-10 du code de la construction et de l'habitation. Il ne peut donc être reproché à la S. A. LYONNAISE DE BANQUE sur ce fondement d'avoir omis de vérifier les énonciations mentionnées au contrat de construction.
Le prêteur est par ailleurs, en vertu de l'article 1147 du Code civil tenu à une obligation de renseignement, d'information et de conseil, tout manquement à cette obligation étant susceptible d'engager sa responsabilité.
La S. A. LYONNAISE DE BANQUE a en l'espèce, lors de l'élaboration du dossier de prêt sollicité et obtenu la communication des pièces suivantes :
-compromis d'acquisition du terrain en date du 21 mai 2001 comprenant le plan de financement global de l'opération ;
-arrêté de permis de construire en date du 14 janvier 2002 et ses annexes ;
-devis de la société CE du 9 mars 2002 ;
-attestation et devis de M. Serge E... ;
-devis SPINELLEI ;
-attestation d'assurance RC et décennale de la société CE ;
-attestation de l'assurance dommages ouvrage des époux X... ;
-situation patrimoniale, bulletins de salaires et extraits de compte des époux X....
La S. A. LYONNAISE DE BANQUE n'a pas sollicité la communication du contrat de construction, alors même que le prêt destiné à financer la construction, était assis sur ce contrat, et que seul ce document permettait d'une part de déterminer en fonction de la nature du contrat, l'étendue du contrôle qu'elle devait exercer, et d'autre part de vérifier la réalisation effective de l'opération projetée, et le sérieux de celle-ci.
Ledit contrat passé le 16 mars 2002 est libellé comme suit :
Monsieur et Madame X... confient à la SARL CONSTRCUTION EUROPEENNE le chantier de réalisation de leur villa. Le règlement se fera dans les conditions suivantes :-10 % à la signature du contrat-sur présentation de factures selon avancement des travaux délai de livraison du chantier : 6 mois (hors intempéries)
En l'état de ce libellé particulièrement succinct, la S. A. LYONNAISE DE BANQUE en sa qualité de professionnelle du prêt à la construction, en aurait immédiatement et sans examen approfondi ni contrôle particulier du contenu du contrat, perçu la nullité absolue.
Le manquement de la S. A. LYONNAISE DE BANQUE dans son devoir de conseil est ainsi caractérisé, celle-ci devant vérifier que le projet qu'elle finance présente à tout le moins les garanties élémentaires en permettant l'aboutissement.
-sur le préjudice :
Monsieur et Madame X... sollicitent réparation des malfaçons et de la non finition affectant leur construction d'une part et des préjudices financiers et psychologiques en découlant d'autre part.
Il ne peut être considéré que les malfaçons et l'abandon du chantier par l'entreprise CE CONSTRUCTION soient imputables à la S. A. LYONNAISE DE BANQUE, le fait que le prêt consenti ait financé un contrat de construction nul étant sans rapport avec les modalités effectives de réalisation de la construction.
En revanche, l'absence de garantie d'achèvement, laquelle aurait dû être justifiée lors de la conclusion du contrat de construction, entraîne pour Monsieur et Madame X... l'impossibilité financière de faire terminer leur construction par un tiers, et un préjudice financier caractérisé depuis le 1er janvier 2003, date à laquelle ils auraient dû prendre possession de leur villa.
L'expert propose de chiffrer ce préjudice à 1. 356 euros / mois, correspondant à l'indemnisation du préjudice d'agrément subi par les époux X... suite à l'impossibilité d'habiter leur construction, au loyer mensuel déboursé pour assurer leur logement eur maison, impossibilité d'habiter leur maison, et aux frais d'abonnement EDF et EAU.
Ce préjudice ayant couru de janvier 2003 à septembre 2006, soit pendant 45 mois, sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 61. 020 euros.
Compte tenu des éléments pris en considération pour évaluer ce préjudice financier, il ne saurait être alloué d'indemnité complémentaire au titre du préjudice psychologique invoqué.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Condamne la S. A. LYONNAISE DE BANQUE à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 61. 020 euros (Soixante et un mille vingt euros) en réparation du préjudice financier subi de janvier 2003 à septembre 2006.
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S. A. LYONNAISE DE BANQUE à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 1. 500 euros (Mille cinq cents euros).
Met les dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise, à la charge de la S. A. LYONNAISE DE BANQUE, dont distraction au profit des avoués de la cause par application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE V. PELLISSIER A. BESSON