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27/03/2008 | FRANCE | N°06/09931

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 mars 2008, 06/09931


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8o Chambre C


ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2008


No 2008 / 180












Rôle No 06 / 09931






SA BNP PARIBAS




C /


Jacob X...

Sarl EUROPEENE FINANCIERE IMMOBILIERE ET SERVICES EUFOFIS




















Grosse délivrée
le :
à : SCP TOUBOUL
SCP COHEN












réf


Décision déférée à la Cour : r>

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 30 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 293.




APPELANTE


SA BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis 16, boulevard des Italiens- 75009 PARIS
représentée ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 27 MARS 2008

No 2008 / 180

Rôle No 06 / 09931

SA BNP PARIBAS

C /

Jacob X...

Sarl EUROPEENE FINANCIERE IMMOBILIERE ET SERVICES EUFOFIS

Grosse délivrée
le :
à : SCP TOUBOUL
SCP COHEN

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 30 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 293.

APPELANTE

SA BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis 16, boulevard des Italiens- 75009 PARIS
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean- Marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMES

Monsieur Jacob X...

né le 03 Décembre 1941 à COLOMB BECHAR (ALGERIE), demeurant Chez Mme Y... Yaffa-...- 06560 LE CANNET
représenté par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Patrick DAVID, avocat au barreau de GRASSE

Sarl EUROFIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant 125- 130, rue d'Antibes- Résidene Duboys d'Angers- 06400 CANNES
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
ayant pour conseil Me Emmanuelle CORNE, avocat au barreau de GRASSE

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Février 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Michèle GOUREL DE SAINT PERN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2008,

Rédigé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président,

Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par acte notarié du 2 avril 1991, la Banque Nationale de Paris, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas (la BNP), a consenti à la société Eurofis exerçant une activité de marchand de biens une ouverture de crédit de 10 000 000F garantie par une inscription d'hypothèque sur une parcelle de terrain dénommée « BK 113 » ainsi que par des engagements de caution solidaire souscrits par M. Jacob X... et par M. Jean Pierre Z....

La société Eurofis a été admise au bénéfice d'une procédure de règlement amiable par une ordonnance du 8 novembre 1994 qui a désigné M. Jean Paul A... en qualité de conciliateur.

Eurofis était alors propriétaire de deux biens immobiliers, la parcelle BK 113 grevée d'une inscription d'hypothèque au profit de la BNP et la parcelle du « Val Martin » grevée d'une inscription d'hypothèque en premier rang au profit du Crédit agricole.

Un accord amiable est intervenu en mars 1995 entre certains des créanciers. La participation de la BNP à cet accord est discutée dans la présente instance.

La société Eurofis ayant trouvé un acquéreur pour la parcelle BK 113, la BNP, titulaire d'une hypothèque sur cet immeuble, a accepté par acte du 15 juillet 1996 intitulé « convention d'accord sur la réduction du prix de vente de la parcelle BK 113 », que le prix de vente initialement convenu pour 7 500 000F soit réduit à 6 000 000F et qu'il ne lui soit attribué qu'à concurrence de 4 800 000F, une somme de 1 200 000F étant versée à deux autres créanciers, M. Ben B... et M. C....

L'acte précise : « La Banque Nationale de Paris ne considère pas cet accord comme valant transaction pour solde de tout compte ».

Les 25 et 26 mai 2004, M. Jacob X... a assigné la BNP, la société Eurofis et M. Jean- Paul A... pour qu'il soit dit, à titre principal, qu'il est déchargé de son obligation de caution par l'effet de la remise consentie par la BNP à la société Eurofis dans le cadre du règlement amiable.

Par jugement du 30 mars 2006, le tribunal de commerce de Cannes a :

- mis hors de cause M. A... ;
- accueilli la demande de M. X... en retenant que la BNP a accepté de n'être payée que sur le prix de vente des parcelles BK 113 et Val Martin, en sorte qu'elle a consenti pour la fraction de sa créance restée impayée à la suite de ces ventes une remise de dette qui profite tant au débiteur principal qu'à la caution ;
- condamné la BNP aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La BNP a relevé appel de cette décision en intimant seulement M. X... et la société Eurofis.

***

Le débat porte sur les moyens invoqués par M. X... pour être déchargé de son obligation de caution, à savoir :

- la prescription de l'obligation ;
- le bénéfice d'une remise consentie par la BNP au débiteur principal dans le cadre de la procédure de règlement amiable ;
- la décharge de l'obligation à raison de la perte de la subrogation dans les garanties auxquelles la BNP a renoncé ;
- le manquement de la banque à l'obligation d'information de la caution ;
- la responsabilité de la banque.

***

Vu les conclusions déposées le 28 septembre 2006 par la BNP, le 8 octobre 2007 par la société Eurofis et le 8 octobre 2007 par M. X....

MOTIFS DE LA DECISION

La prescription de l'obligation de M. X...

Contrairement à ce que soutient la BNP, aucune disposition n'interdit à M. X... de faire constater judiciairement, par voie d'action, la prescription de son obligation de caution.

En l'espèce, la prescription décennale de l'article L 110- 4 du Code de commerce, a commencé à courir à l'égard de M. X..., caution, à compter de la défaillance du débiteur principal, intervenue postérieurement au 2 avril 1991, date de l'octroi du prêt. Elle a été interrompue, en application de l'article 1206 du Code civil, par le commandement de saisie immobilière délivrée le 29 avril 1994 à la société Eurofis, débiteur principal, cet acte, dont la validité a été reconnue par un jugement du 5 janvier 1995 confirmé par arrêt du 16 octobre 1996, n'ayant pas été privé de son effet interruptif par la circonstance que la BNP a renoncé à poursuivre la procédure de saisie. La prescription a également été interrompue par le commandement de payer délivré le 8 septembre 2003 à M. X....

Par suite, l'obligation de caution de M. X... n'est pas prescrite au jour où la cour statue.

L'extinction prétendue de la créance de la BNP

M. X... et la société Eurofis prétendent que la banque a accepté d'être « totalement désintéressée » par la seule vente des parcelles BK 113 et Val Martin sur lesquelles elle bénéficiait de garanties hypothécaires, de sorte que sa créance s'est trouvée éteinte à la suite de la revente de ces biens.

Ils fondent leur prétention sur :

- un accord amiable conclu le 8 mars 1995 sous l'égide du conciliateur et déposé au greffe du tribunal de commerce de Cannes ;
- l'acte du 15 juillet 1996 par lequel la BNP a consenti à une diminution du prix de vente de la parcelle BK 113 et au paiement de deux créanciers par priorité à sa propre créance ;
- des documents « échangés entre les parties » postérieurement au 16 octobre 1996 ;
- l'absence de poursuites engagées contre le débiteur principal et les cautions dans les années ayant suivi la revente de la parcelle BK 113 intervenue au début de l'année 1997 ;
- la renonciation par la banque à la garantie hypothécaire inscrite sur la parcelle Val Martin.

Mais cette argumentation se heurte aux éléments de fait suivants :

1. Ni M. X..., ni la société Eurofis n'établissent que l'accord du 8 mars 1995 conclu sous l'égide du conciliateur a été signé par la BNP, alors que cette circonstance est contestée par la banque qui se réfère à un arrêt de cette cour du 16 octobre 1996.

Les seules pièces versées aux débats susceptibles de se rattacher à la procédure de règlement amiable consistent, d'une part, en un document intitulé « accord amiable », qui n'est ni daté, ni signé par la BNP, d'autre part, en un second document identique au premier quant aux mentions dactylographiées, mais qui comporte des ajouts manuscrits. La portée de ce second document, signé par la BNP sans mention d'une date, doit s'apprécier au regard de la lettre adressée le 29 septembre 1995 par le conciliateur, M. A..., à cette banque :

« Je suis profondément surpris et choqué que vous vous soyez permis d'apporter des adjonctions manuscrites sur le protocole d'accord amiable, alors qu'il était déjà revêtu de la signature des autres parties.
… … … … … … … … … …

En conséquence ce protocole est entaché de nullité et je vous remercie de prendre acte que seuls sont valides les accords qui ont été donnés de façon individuelle par les participants au règlement amiable ».

Il s'en déduit que ce document a été signé par la BNP postérieurement à « l'accord » du 8 mars 1995 et qu'il est dépourvu de portée pour avoir donné lieu à des modifications unilatérales de la part de la BNP après avoir été signé des autres parties.

Au demeurant, la cour relève qu'il ne se déduit nullement du document précité la renonciation par la BNP à une fraction de sa créance.

2. L'acte du 15 juillet 1996 emporte seulement accord de la BNP sur une réduction du prix de vente amiable de la parcelle BK 113 (de 7 500 000F à 6 000 000F) et sur le paiement de deux créanciers par priorité à la créance hypothécaire de la banque. On ne peut en inférer une remise de dette, laquelle serait au demeurant contraire à la mention suivante de l'acte : « La Banque nationale de Paris ne considère pas cet accord comme valant transaction pour solde de tout compte ».

3. Postérieurement au 15 juillet 1996, aucun document émanant de la BNP n'exprime de manière non équivoque la volonté de consentir une remise de dette.

4. La renonciation par la banque aux garanties hypothécaires inscrites sur les parcelles BK 113 et Val Martin (ce qui rendait sans intérêt le renouvellement des inscriptions), comme son désistement de la procédure de saisie immobilière, n'étaient destinées qu'à permettre une vente amiable de ces terrains, considérée comme plus favorable qu'une vente aux enchères, la banque ayant accepté de ne percevoir, en exécution de l'acte du 15 juillet 1996, qu'une fraction du prix de vente de la parcelle BK 113 et d'être payée sur la vente de la parcelle Val Martin après le Crédit agricole inscrit en premier rang. Il n'en résulte pas pour autant la renonciation par la BNP au solde de sa créance.

5. Le laps de temps, de plusieurs années, qui sépare la vente de la parcelle BK 113 et l'exercice de poursuites contre M. X... ne peut s'analyser comme exprimant la volonté de la BNP de renoncer au solde de sa créance.

Il suit de ces motifs que M. X... et la société Eurofis ne rapportent pas la preuve d'une remise de dette consentie par la BNP.

La perte pour la caution du bénéfice d'un droit préférentiel

M. X... reproche à la BNP, sur le fondement de l'article 2314 du Code civil (ancien article 2037) de s'être abstenue de maintenir la garantie hypothécaire dont elle bénéficiait sur le domaine du Val Martin.

La BNP lui oppose (page 6 dernier paragraphe de ses conclusions) l'absence de préjudice, dès lors que la vente de ce domaine ne pouvait la désintéresser puisqu'elle était inscrite en deuxième rang après le Crédit agricole.

Or, il résulte d'un courrier adressé le 6 août 2004 par M. D..., notaire, à la société Eurofis que la vente du domaine Val Martin a donné lieu à la remise de l'intégralité du prix au Crédit agricole « pour règlement définitif de sa créance », ce qui ne peut s'interpréter que comme un paiement partiel au profit du créancier hypothécaire inscrit en premier rang.

Par suite, le moyen tiré de la perte d'un droit préférentiel est inopérant, faute de préjudice.

Le défaut d'information annuelle de la caution

En vertu de l'article L 313- 22 du Code monétaire et financier, un établissement de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique, est tenu au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts et frais de toute nature restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution.

Le manquement à cette obligation emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

La BNP reconnaît avoir manqué à l'obligation d'information annuelle de la caution.

Il n'en résulte pas pour autant que le commandement de payer délivré à M. X... est abusif et « sans aucun fondement » (cf. les conclusions de ce dernier page 18).

M. X... n'est pas mieux fondé à rechercher la responsabilité de la banque à raison du manquement à l'obligation d'information, dès lors qu'il ne démontre pas le caractère dolosif de ce manquement.

Enfin, M. X... ne rapporte pas la preuve du préjudice résultant d'un retard apporté par la BNP dans l'exercice de poursuites à son encontre, la déchéance des intérêts consécutive au défaut d'information annuelle ne lui permettant pas d'invoquer un accroissement de sa dette.

Les dépens et les frais non recouvrables

M. X... qui succombe en ses demandes supporte seul les dépens de première instance et d'appel, y compris ceux exposés par la société Eurofis.
L'équité commande d'allouer à la BNP la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour
Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme la décision attaquée, sauf en ce qu'elle a mis hors de cause M. A...,

ET STATUANT A NOUVEAU
Dit qu'au jour où la cour statue l'obligation de caution de M. X... n'est pas prescrite,

Dit que la BNP n'a pas consenti une remise de dette à la société Eurofis,

Dit que la renonciation par la banque à l'hypothèque inscrite sur la parcelle Val Martin n'a pas opéré, sur le fondement de l'article 2314 du Code civil, décharge de l'obligation de caution de M. X...,

Rejette la demande tendant à dire que le commandement de payer délivré à M. X... est dépourvu de fondement,

Rejette la demande de dommages- intérêts formée par M. X...,

Condamne M. Jacob X... à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne M. Jacob X... aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Autorise la SCP d'avoués De Saint Ferrreol – Touboul à recouvrer les dépens d'appel directement contre M. Jacob X..., si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/09931
Date de la décision : 27/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Cannes


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-27;06.09931 ?
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