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20/03/2008 | FRANCE | N°06/05939

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 mars 2008, 06/05939


8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2008

No 2008 / 149

Rôle No 06 / 05939

Maryse Joséphine X... épouse Y...


C /

S. C. I CASTEL LUYSSIANE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR CRCAM
S. C. I CASTEL LUYSSIANE

Grosse délivrée

à : BLANC
BOISSONNET
LATIL

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 01307.

APPELANTE

Madam

e Maryse Joséphine X... épouse Y...

née le 11 Juillet 1936 à LE CANNET (06110), demeurant Résidence...

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFIL...

8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2008

No 2008 / 149

Rôle No 06 / 05939

Maryse Joséphine X... épouse Y...

C /

S. C. I CASTEL LUYSSIANE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR CRCAM
S. C. I CASTEL LUYSSIANE

Grosse délivrée

à : BLANC
BOISSONNET
LATIL

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 01307.

APPELANTE

Madame Maryse Joséphine X... épouse Y...

née le 11 Juillet 1936 à LE CANNET (06110), demeurant Résidence...

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me TURRIN, avocat au barreau de GRASSE substituant Me Philippe MARIA, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEES

S. C. I CASTEL LUYSSIANE prise en la personne de co- gérant Monsieur CLAUDE C..., demeurant...

représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR CRCAM, agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration, dont le siège est sis Les Négadis- avenue Paul Arène- BP 78-83002 DRAGUIGNAN CEDEX
représentée par la SCP LATIL- PENARROYA- LATIL- ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Me PASQUET, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE substituant Me Lise TRUPHEME, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

S. C. I CASTEL LUYSSIANE prise en la personne de son co- gérant en exercice, Monsieur Jacques F..., demeurant chez Mr Jacques F...- Le ...

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008,

Rédigé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président,

Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La SCI Castel Luyssiane (la SCI) a été constituée le 9 août 1991 entre quatre associés à parts égales, Mme Maryse X..., M. Alexandre X..., M. Jacques F... et M. Claude C..., ces deux derniers ayant été désignés co- gérants.

Le 10 octobre 1991, la SCI a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un lotissement de 11 pavillons sur un terrain appartenant, dans les proportions respectives de 75 % et de 25 %, à Mme Maryse X... et à son frère Alexandre X....

Le terrain a été vendu à la SCI par acte du 13 mars 1992 au prix de 3 500 000F payable dans les conditions suivantes :

- quant à la fraction revenant à M. X... (875 000F) : « en fonction de la commercialisation du programme et au plus tard dans un délai de 27 mois à compter de l'acte » ;
- quant à la fraction revenant à Mme X... (2 625 000F) : par le versement d'une somme de 625 000F « en fonction de la commercialisation du programme et au plus tard dans un délai de 27 mois à compter de l'acte » et pour le surplus par la dation en paiement d'une maison d'une valeur de 2 000 000F qui devait être édifiée par la SCI sur le terrain vendu et être livrée au plus tard au cours du 2ème trimestre 1994.

Le jour de la vente, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Alpes- Maritimes, aux droits de laquelle se trouve la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur, a consenti à la SCI une ouverture de crédit en compte courant, affectée au financement du programme immobilier, pour un montant de 2 000 000F sur une durée de deux ans. Ce crédit est garanti par une hypothèque sur le terrain acquis par la SCI ainsi que par le cautionnement solidaire de chaque associé.

L'article 6 de la convention de prêt stipule que les fonds ne pourront être utilisés qu'au paiement des dépenses afférentes au programme immobilier, les versements étant effectués par la banque sur instruction de l'emprunteur, lequel s'oblige à justifier de leur affectation « à la première requête de la Caisse Régionale », laquelle « pourra toujours » préalablement à l'utilisation des fonds prendre connaissance de la comptabilité de l'emprunteur et vérifier l'exactitude des justifications produites.

En outre, par acte du 11 décembre 1992, le Crédit agricole a fourni la garantie d'achèvement du programme immobilier, cette garantie ne bénéficiant selon une stipulation expresse « qu'aux acquéreurs et sous- acquéreurs en l'état futur d'achèvement ».

Mme X... n'a pu obtenir de la SCI ni la fraction du prix payable à terme, ni l'achèvement de la villa qui devait lui être donnée en paiement.
Par acte du 29 janvier 2003, Mme X... a assigné :

- le Crédit agricole, d'une part, en réparation d'un préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de fautes dans l'octroi du crédit et dans le versements des fonds empruntés, et d'autre part, en exécution de la garantie d'achèvement au bénéfice de l'immeuble devant lui être donné en paiement ;
- la SCI en paiement de la fraction du prix exigible à terme, en condamnation à livrer sous astreinte la villa objet de la dation en paiement et en allocation de dommages- intérêts devant réparer l'inexécution par la SCI de ses obligations contractuelles.

Par jugement du 6 mars 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté les demandes. Une somme de 2 000 euros a été allouée au Crédit agricole au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme X... est appelante de cette décision.

***

Vu les conclusions déposées le 15 mai 2007 par la SCI, le 21 décembre 2007 par Mme X... et le 26 décembre 2007 par le Crédit agricole ;

MOTIFS DE LA DECISION

La responsabilité du Crédit agricole

Mme X... demande la mainlevée de l'inscription d'hypothèque grevant son « lot » ainsi que l'allocation d'une somme de 300 000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l'échec du projet immobilier et consistant dans le non paiement du prix payable à terme et l'absence d'achèvement de la villa devant lui être donnée en paiement.

Elle fait grief à la banque d'avoir financé « avec légèreté » une opération dépourvue de viabilité, dont l'économie a été modifiée postérieurement à l'attribution du prêt et d'avoir renouvelé le crédit « malgré l'évidente défaillance économique du projet immobilier ».

Elle lui reproche également d'avoir méconnu une obligation contractuelle de contrôle de l'emploi des fonds.

Le préjudice est chiffré dans les termes suivants (page 22 de ses conclusions) :
« Le préjudice à hauteur de 300 000 euros est justifié au regard du montant des sommes dont le Crédit agricole se prétend créancier au titre du prêt consenti et impayé (prêt initial de deux millions de francs, soit environ 305 000 euros).

De la même manière, Madame Y..., à ce jour, n'a toujours pas perçu le montant de sa part sur le prix de vente du terrain vendu à la SCI, soit 281 122, 54 euros ».

Quant à l'octroi du crédit

Les griefs ne sont pas fondés pour les motifs suivants :

1. L'acte authentique de prêt et l'acte de vente du terrain au profit de la SCI ayant été passés le même jour (13 mars 1992), Mme X... n'est pas fondée à faire grief au Crédit agricole d'avoir notifié l'accord de financement donné par le « comité des prêts », le 18 février 1992, soit antérieurement à la vente du terrain.

2. Mme X... ne démontre pas en quoi le plan de trésorerie en considération duquel le prêt a été accordé était déséquilibré. En effet, la circonstance que le montant du prêt était inférieur au résultat de l'opération (intitulé « marge » sur le bilan prévisionnel qui comptabilisait les agios bancaires en charges) est sans influence sur l'équilibre financier dès lors que le remboursement du capital ne s'imputait pas sur le résultat. En outre, on ne peut inférer l'absence de viabilité de l'opération de son seul échec.

3. Il ne peut être fait grief au Crédit agricole d'une modification apportée par la SCI à l'économie du projet de construction, dès lors que cette modification est intervenue postérieurement à l'octroi du crédit.

4. Mme X..., à qui la charge de la preuve incombe, ne démontre pas, ni même n'allègue, que lors des renouvellements successifs de l'ouverture de crédit la situation de la SCI était irrémédiablement compromise ou, à tout le moins, gravement obérée. Par suite, le grief de soutien abusif n'est pas fondé.

5. Enfin, la banque n'était pas débitrice envers la SCI d'une obligation de conseil, ni même de mise en garde, dès lors que la preuve d'une absence de viabilité du projet n'est pas rapportée et qu'au surplus les co- gérants, exerçant respectivement les professions d'ingénieur en bâtiment et d'agent immobilier, disposaient d'une compétence particulière en matière immobilière.

Quant au versement des fonds empruntés

Mme X... reproche au Crédit agricole d'avoir payé, au moyen des fonds prêtés, les fournisseurs qui lui étaient indiqués par la SCI, sans s'assurer du rattachement des demandes en paiement au projet immobilier.
Elle se fonde sur l'article 6 de la convention de prêt qui stipule que les fonds ne pourront être utilisés qu'au paiement des dépenses afférentes au programme immobilier, les versements étant effectués par la banque sur instruction de l'emprunteur, lequel s'oblige à justifier de leur affectation « à la première requête de la Caisse Régionale », laquelle « pourra toujours » préalablement à l'utilisation des fonds prendre connaissance de la comptabilité de l'emprunteur et vérifier l'exactitude des justifications produites.

Mais il se déduit du libellé de la clause, notamment des expressions « à la première requête de la Caisse Régionale » et « pourra toujours » que le contrôle par la banque de l'emploi des fonds était une simple faculté, stipulée dans son intérêt exclusif, en sorte qu'il ne peut lui être reproché de s'être abstenue d'en faire usage.

Il suit de ces motifs que les fautes alléguées à l'encontre du Crédit agricole ne sont pas établies.

En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages- intérêts et la demande de mainlevée de l'inscription hypothécaire.

L'exécution de la garantie d'achèvement

Selon une clause expresse de l'acte, la garantie d'achèvement n'est stipulée qu'au profit des « acquéreurs et sous- acquéreurs en l'état futur d'achèvement ».

Dès lors, Mme X..., qui n'a pas acquis un immeuble en état futur d'achèvement mais qui est seulement créancière d'une obligation de livrer un immeuble à titre de dation en paiement, ne peut se prévaloir de la garantie consentie par le Crédit agricole.

L'exécution des obligations contractuelles de la SCI

Même si sa créance a été établie par un acte authentique, Mme X... est fondée à demander la condamnation de la SCI au paiement de la somme de 625 000F (95 280, 64 euros), fraction du prix devant être payée dans un délai de vingt sept mois à compter de l'acte de vente du 13 mars 1992. Conformément aux stipulations de l'acte de vente cette somme porte de plein droit intérêts au taux légal majoré de trois points, à compter de la date d'exigibilité, soit le 14 juin 1994.

Mme X... est également fondée à demander la condamnation sous astreinte de la SCI à exécuter son obligation de construire, donner en paiement et remettre, au plus tard au cours du deuxième trimestre 1994, la maison visée à l'acte de vente du 13 mars 1992.

Enfin, l'inexécution par la SCI de son obligation de livrer la maison objet de la dation en paiement a causé à Mme X... un préjudice, consistant dans la privation de la jouissance de l'immeuble, qui doit être réparé, eu égard à la valeur de l'immeuble et au retard dans la livraison, à la somme de 100 000 euros.

Il est sans intérêt de statuer sur la responsabilité de la SCI et « des gérants » au regard des règles régissant le fonctionnement de la société, dès lors que Mme X... ne tire aucune conséquence particulière des griefs qu'elle formule et qu'au surplus, elle n'a pas appelé en cause les gérants.

Les frais non recouvrables et les dépens

Mme X... est condamnée aux dépens afférents à son lien d'instance avec le Crédit agricole.

Les dépens afférents au lien d'instance de Mme X... avec la SCI sont à la charge de cette dernière.

Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'équité commande de condamner Mme X... à payer au Crédit agricole la somme de 1 500 euros, en sus de l'indemnité fixée en première instance, et de condamner la SCI à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour
Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme la décision attaquée en toutes ses dispositions relatives aux rapports entre Mme Maryse Joséphine X... et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur,

L'infirme pour le surplus,

ET STATUANT A NOUVEAU
Condamne la SCI Castel Luyssiane :

- à payer à Mme Maryse Joséphine X... la somme de 95 280, 64 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 14 juin 1994,

- à exécuter sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification du présent arrêt, son obligation de construire, donner en paiement et remettre à Mme Maryse Joséphine X... la maison visée à l'acte de vente du 13 mars 1992,

- à payer à Mme Maryse Joséphine X... la somme de 100 000 euros à titre de dommages- intérêts,

Condamne Mme Maryse Joséphine X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la SCI Castel Luyssiane à payer à Mme Maryse Joséphine X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Mme Maryse Joséphine X... aux dépens d'appel afférents à son lien d'instance avec la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur,

Condamne la SCI Castel Luyssiane aux dépens de première instance et d'appel afférents à son lien d'instance avec Mme Marie Joséphine X...,

Vu l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Autorise la SCP d'avoués Latil – Latil – Alligier à recouvrer les dépens d'appel directement contre Mme Marie Joséphine X..., si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Autorise la SCP d'avoués Blanc – Amsellem – Cherfils à recouvrer les dépens d'appel directement contre la SCI Castel Luyssiane, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/05939
Date de la décision : 20/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grasse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-20;06.05939 ?
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