4o Chambre C
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
DU 06 MARS 2008
No 2008 / 109
Rôle No 06 / 07749
SARL SOCIETE LE PARADIS MARIN
C /
Alain X...
Ref
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 3760.
APPELANTE
SARL SOCIETE LE PARADIS MARIN,
demeurant Port de Saint Laurent du Var- Cellules 40 / 41 / 42 / 43-06700 SAINT LAURENT DU VAR
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assistée de la SCP BOSIO- EVRARD ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de NICE substituée par Maître CHAHOUAR BORGNA P. AvoCat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur Alain X...
né le 17 Novembre 1962 à NICE (06000),
demeurant...
représenté par Maître Jean- Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assisté de Maître Pascale DAVID- BODIN, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Michel NAGET, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mars 2008
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé du 28 février 1995, Monsieur Alain X... a donné à bail à la S. A. R. L. LA BROCHE quatre cellules situées dans le complexe commercial du nouveau port de Saint Laurent du Var, numérotées 40, 41, 42 et 43, formant un seul et unique local commercial à usage de restauration sur place et à emporter, salon de thé et glacier, et ce, pour une durée de neuf ans, au loyer annuel de 224. 000, 00 francs.
Ce contrat, intitulé " BAIL COMMERCIAL ", comporte également, dans ses conditions particulières, la clause suivante :
" Le preneur sait parfaitement bien que ce bail lui est consenti dans le cadre des concessions portuaires, avec toutes les réserves que comporte cet état ".
En fait, des explications concordantes, fournies sur ce point par les parties, il résulte que les locaux donnés à bail appartiennent au domaine public maritime.
Il se trouve, en effet, que suivant arrêté préfectoral du 17 avril 1975, la concession de l'établissement et de l'exploitation d'un port de plaisance sur le littoral de la commune de Saint Laurent du Var à été accordée à cette ville, selon un cahier des charges annexé au dit arrêté, et dont l'article 25 permet au concessionnaire de recourir à des sous- traités. Le 28 novembre 1975, a été conclu, entre la ville de Saint Laurent du Var et la société YACHT CLUB DE SAINT LAURENT DU VAR, ainsi que la SOCIÉTÉ FERMIÈRE DU PORT DE SAINT LAURENT DU VAR, un " sous- traité de concession ", par lequel leur étaient confiés "... l'établissement, l'entretien et l'exploitation " d'un certain nombre d'ouvrages constituant le porte de plaisance, et dont faisaient partie, notamment des " bâtiments destinés à recevoir des activités commerciales en rapport avec l'exploitation du port ". Or, à son tour, le YACHT CLUB a, pour l'exploitation de ces bâtiments, recouru à des particuliers, auxquels il a cédé des actions, leur conférant la jouissance de ces installations. Monsieur X... qui détient de tels actions, a donné à bail commercial les locaux auxquels elles correspondent.
Le 21 juillet 1997, la société LA BROCHE a cédé son fonds de commerce, comprenant le droit au bail à la société en formation LE PARADIS MARIN.
Le 29 avril 2004, Monsieur X... a fait délivrer à cette dernière un commandement d'avoir à lui payer une somme de 79. 131, 23 euros, représentant un arriéré de loyers et de charges, impayés depuis le début de l'année 2002, et auxquels s'ajoutait même un reliquat de l'année précédente.
Suivant assignation en date du 27 mai 2004, la S. A. R. L. LE PARADIS MARIN a formé opposition à ce commandement, et a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, une demande qui tendait :
- à ce que ce commandement fût déclaré nul, " ainsi que le bail commercial en date du 28 février 1995 ",
- à ce que Monsieur X... fût condamné à lui payer la somme de 943. 506, 97 euros à titre de dommages- intérêts, en réparation du préjudice qu'elle prétendait subir du fait de la perte de la propriété commerciale.
Par jugement en date du 4 avril 2006, le Tribunal a effectivement prononcé la nullité du commandement.
Il a d'autre part, constaté la résiliation du bail, à la date du 10 novembre 2005, " par l'action de l'autorité administrative ".
La S. A. R. L. LE PARADIS MARIN a été condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 55. 661, 06 euros au titre de l'arriéré locatif échu jusqu'à cette date, tandis que ce dernier était débouté de sa demande tendant au payement d'une indemnité d'occupation, pour la période postérieure au 10 novembre 2005.
Monsieur X... a également été débouté de sa demande de dommages- intérêts. Enfin, la S. A. R. L. PARADIS MARIN a été condamnée aux dépens, ainsi qu'au payement d'une indemnité de 3. 000, 00 euros allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LE PARADIS MARIN a relevé appel de cette décision, suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour le 25 avril 2006.
Par conclusions du 21 décembre 2007, elle en demande la réformation, et conclut comme en première instance à la nullité du bail et du commandement de payer.
Elle reprend également sa demande en payement d'une somme de 943. 506, 97 euros à titre de dommages- intérêts, en réparation d'un préjudice lié à la perte de la propriété commerciale, et de l'impossibilité de céder le fonds de commerce.
Enfin elle sollicite le rejet de toutes les prétentions formulées par Monsieur X... auquel elle réclame la somme de 4. 500, 00 euros à titre d'indemnité, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, Monsieur X... a conclu à la confirmation du jugement entrepris :
- en ce qu'il a constaté que le bail, en ce qu'il porte sur le domaine public maritime, ne peut être régi par les dispositions des articles L 145-1 et suivants du code de commerce,
- en ce qu'il a prononcé la nullité du commandement de payer,
- en ce qu'il a constaté la résiliation du bail à la date du 10 novembre 2005,
- en ce qu'il a condamné la société LE PARADIS MARIN au payement de la somme de 55. 661, 06 euros, au titre des loyers arriérés.
Mais il demande la réformation pour le surplus, et la condamnation de la société LE PARADIS MARIN à lui payer les sommes de 15. 000, 00 et de 30. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts en réparation de préjudices moral et matériel, outre celle de 5. 000, 00 euros réclamée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M O T I F S :
La Cour constate d'abord que l'irrecevabilité de l'appel n'est pas soulevée, et qu'elle n'a pas lieu d'être relevée d'office.
Puis, sur les mérites du recours, les motifs de sa décision sont les suivants :
Les immeubles dépendant du domaine public échappent non seulement au statut des baux commerciaux, à ce qu'il résulte de l'article L 145-2 3o du code de commerce, mais plus généralement, à toutes les règles de droit commun du contrat de louage, pour n'obéir qu'à des " règlements particuliers " selon ce qu'indique par ailleurs l'article 1712 du code civil.
Ces biens ne peuvent faire l'objet, au profit d'exploitants privés, que de concessions précaires et révocables, de l'autorité publique, conformément aux articles L 2122-1 et suivants de l'actuel code général de la propriété des personnes publiques, lequel, sur ce point, n'innove en rien par rapport aux règles qui, à l'époque du bail en litige, découlaient du code du domaine de l'Etat, et de son article L 28 notamment.
Or, ces autorisations d'occupations, accordées à un particulier ont un caractère personnel, d'où il suit que Monsieur X..., qui n'était pas lui- même titulaire d'une telle autorisation, ne pouvait légalement consentir aucun bail, commercial ou non, à une tierce personne.
C'est donc à juste titre que la S. A. R. L. LE PARADIS MARIN fait valoir que le bail est nul, et avec lui, la clause résolutoire qu'il contient, en sorte que le commandement de payer en date du 29 avril 2004 ne pouvait lui être délivré sur le fondement de cette clause.
Est nulle également, et d'ailleurs dépourvue de signification au regard de ce qui précède, la clause de ce bail selon laquelle il s'agirait d'une convention "... consentie dans le cadre des concessions portuaires, avec toutes les réserves que comporte cet état ", puisque, c'est la légalité même de l'opération dans son ensemble qui est prise en défaut.
Dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement entrepris, qui a constaté une résiliation du bail, qui serait intervenue le 10 novembre 2005. C'est l'annulation de ce bail qui doit être prononcée.
En conséquence, le jugement entrepris doit être également infirmé en ce qu'il a condamné la S. A. R. L. LE PARADIS MARIN au payement de loyers, la convention nulle ne pouvant produire aucun effet.
En second lieu, cette annulation est de nature à ouvrir, en faveur du preneur, un droit à indemnisation. En effet, le bail annulé prévoyait, pour le preneur, la possibilité de "... ne céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce, et après avoir obtenu au préalable l'accord par écrit du bailleur ". Le signataire d'un tel contrat croit donc pouvoir céder à un successeur éventuel, le droit au bail que la société LE PARADIS MARIN avait elle- même acquis d'un précédent locataire.
Actuellement, cette société poursuit son activité en vertu d'un contrat d'amodiation, qui lui a été consenti, le 2 mars 2006, par la société du YACHT CLUB INTERNATIONAL DE SAINT LAURENT DU VAR, pour une durée de quatre ans, moyennant une redevance d'occupation annuelle et proportionnelle à la superficie exploitée, sans possibilité de cession, et sans droit au renouvellement.
Or, si l'appelante n'a pas perdu sont fonds de commerce, dans tous ses éléments corporels et incorporels, contrairement à ce qu'elle fait plaider, elle n'en subi pas moins un préjudice représenté par la valeur du droit au bail, telle qu'elle pourra être déterminée par une expertise, dans les conditions particulière de cette affaire.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Déclare la S. A. R. L. LE PARADIS MARIN recevable en son appel du jugement rendu le 4 avril 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Grasse.
Infirme le dit jugement en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
Déclare nul et de nul effet le bail commercial liant les parties, en date du 28 février, et dépourvu d'effets le commandement de payer du 29 avril 2004.
Déboute, en conséquence Monsieur X... de toutes ses demandes, tendant à voir constater la résiliation du bail et condamner la société LE PARADIS MARIN au payement de loyers et de charges arriérés.
Et avant plus amplement faire droit,
Ordonne une expertise, et pour y procéder, désigne :
Madame Sylvie A...,
....
Tél. : 04 94 ....
Lui donne mission :
1 / de prendre connaissance des pièces du dossier,
2 / de se transporter sur place, au nouveau port de plaisance de Saint Laurent du Var (06700), lots 40 à 43, après avoir convoqué les parties et leurs conseils par L. R.- A. R. quinze jours au moins avant le début de ses opérations,
3 / de visiter et décrire les locaux commerciaux objet du litige,
4 / de proposer une estimation du préjudice causé à la société LE PARADIS MARIN, par l'annulation du bail, et la perte du droit au bail, en fonction des conditions dans lesquelles le fonds acquis par cette société est actuellement exploité, et de la valeur à laquelle le bail aurait pu actuellement cédé, si les locaux n'appartenaient pas au domaine public.
Et de ces opérations, de dresser un rapport qui sera déposé au Greffe de la Cour dans le délai de six mois à compter de sa saisine.
- Dit que devra consigner, au Greffe de la Cour de Céans, dans le délai de deux mois à compter de la date de l'arrêt, une provision de 3 000 euros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert et dit que le greffier informera l'expert de cette consignation.
- Impartit à l'expert pour l'accomplissement de sa mission un délai de six mois à compter de la date du versement au greffe de la provision.
- Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert ou refus de sa part, il sera pourvu à son remplacement par le Conseiller de la Mise en Etat de la 4 ème Chambre C, lequel est désigné pour surveiller les opérations d'expertise.
- Informe l'expert que les dossiers des parties sont remis aux avoués.
- Dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs dires et explications et recueillir leur observation et y répondre au vu du pré- rapport qui leur sera adressé.
- Dit que l'expert informera le Conseiller de la Mise en Etat de toutes difficultés qui retarderaient le déroulement de ses opérations.
- Dit que par l'accomplissement de cette formalité, il sera déchargé de l'obligation d'envoyer copie aux avocats et aux parties elles- mêmes.
- Dit qu'à l'issue de ses opérations, l'expert adressera aux parties un projet de sa demande de recouvrement d'honoraires et débours, en même temps qu'il l'adressera au magistrat désigné ci- dessus.
- Dit que les parties disposeront à réception de ce projet d'un délai de 15 jours, pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais ; que ces observations seront adressées au Conseiller de la Mise en Etat taxateur, afin de débat contradictoire préalablement à l'ordonnance de taxe.
- Réserve les droits des parties
- Enjoint à la partie la plus diligente de conclure au vu du rapport de l'expert dans les deux mois suivant le dépôt dudit rapport sous peine de radiation.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT