8o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 28 FEVRIER 2008
No 2008 / 112
Rôle No 06 / 05190
BPCA- BANQUE POPULAIRE DE LA COTE D'AZUR
C /
Janick X...
Patricia Y... épouse X...
Grosse délivrée
à : BLANC
LATIL
réf
Décisions déférées à la Cour :
Jugements du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date des 12 septembre 2005 (no03 / 3868) et 16 Janvier 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 5969.
APPELANTE
BANQUE POPULAIRE DE LA COTE D'AZUR, prise en la personne du Président de son conseil d'administration, dont le siège est sis 457 Promenade des Anglais-06000 NICE
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Maître Guillaume CHABASSON substituant Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur Janick X...
né le 07 Juin 1960 à SAINT MARCELLIN (38), demeurant...
représenté par la SCP LATIL- PENARROYA- LATIL- ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Me Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
Madame Patricia Y... épouse X...
née le 21 Décembre 1959 à CASABLANCA MAROC, demeurant...
représentée par la SCP LATIL- PENARROYA- LATIL- ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Henri GAS, avocat au barreau de TOULON
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2008,
Rédigé par Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller,
Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société JPMS Informatique (la société) créée en 1995 avec notamment pour objet " la vente et la location de matériels et logiciels, des prestations de service et de formation dans les domaines de l'informatique, de l'audiovisuel et des communications, en France et à l'étranger " ouvrait un compte courant puis un compte professionnel " Fréquence Pro " auprès de la Banque Populaire de la Côte d'Azur (la banque), qui lui consentait :
- en avril 1996, une autorisation de découvert de 7. 622, 45 euros portée par la suite à 15. 245 euros, et un financement plafonné à 4. 573, 47 euros utilisable sous forme de prêt amortissable ou de crédit- bail ;
- en mars 2000, un prêt de 22. 867, 35 euros.
Monsieur Janick X..., porteur de parts et gérant de la société, se constituait caution solidaire en faveur de cette dernière, le 23 avril 1996 " en principal majoré de tous intérêts, agios, commissions frais et accessoires, à raison de toutes dettes présentes ou à venir au paiement desquelles le débiteur pourra être tenu (...) " à l'égard de la banque, et le 20 mars 2000 en garantie du remboursement du prêt " à concurrence de 150 KF (cent cinquante mille francs) en principal majoré de tout intérêt commission et frais (...) ".
La société adhérait également auprès de la banque à un système de paiement par cartes bancaires, en souscrivant l'option " Vente par correspondance ", et faisait l'acquisition d'un terminal de paiement par carte bleue avec module " Vente à distance ".
Elle sera victime entre décembre 2002 et janvier 2003 de l'utilisation frauduleuse de ce système du fait d'un client britannique pour un montant global de l'ordre de 80. 000 euros, que la banque portera dans un premier temps au crédit de son compte au fur et à mesure des commandes et des paiements frauduleux, puis à son débit après révélation des fraudes successives.
La société sera déclarée en liquidation judiciaire le 2 juin 2003 et la banque procédera à sa déclaration de créance pour une somme de 94. 097, 74 euros au titre du solde débiteur du compte et une somme de 7. 548, 63 euros correspondant au solde des sommes dues au titre du prêt.
Par exploit du 15 juillet 2003, monsieur X... et son épouse assignaient la banque devant le tribunal de grande instance de Toulon en mettant en cause sa responsabilité dans l'exécution des contrats qui la liait à la société, lui reprochant de n'avoir pas proposé la souscription d'un contrat d'assurance adapté au système de paiement par carte, de n'avoir pas su conseiller sur les risques inhérents au paiement à distance ni " gérer les premiers impayés ", et d'avoir débité le compte de la société sans ordre exprès et au- delà de l'autorisation de découvert.
Par jugement du 12 septembre 2005 assorti de l'exécution provisoire, rectifié par jugement du 16 janvier 2006, le tribunal a débouté monsieur et madame X... de l'ensemble de leurs demandes, déclaré recevable la demande reconventionnelle en paiement de la banque, débouté la banque de sa demande en paiement au titre du solde débiteur du compte au motif qu'elle n'avait pas produit le cautionnement s'y rapportant, condamné monsieur X... à lui payer la somme de 7. 548, 63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2003 au titre du prêt, condamné solidairement monsieur et madame X... aux dépens et au paiement d'une somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 17 mars 2006 la banque est appelante de ces deux décisions, intimant monsieur et madame X... et monsieur Jean- Pierre B... ès- qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société.
Monsieur et madame X... sont appelants à titre incident.
***
En cause d'appel le débat porte sur :
- la recevabilité et le bien- fondé des demandes des époux X... en réparation de préjudices subis par la société et monsieur X... ;
- la recevabilité de la demande reconventionnelle en paiement de la banque à l'encontre de monsieur X... en sa qualité de caution ;
- la recevabilité et le bien- fondé de l'exception de nullité de ses engagements de caution opposée par monsieur X... à la demande en paiement de la banque.
***
Vu l'ordonnance du 2 mai 2006 ayant constaté le dessaisissement partiel de la cour par suite du désistement des appelants à l'encontre de monsieur B... ès- qualités ;
Vu la constitution ultérieure de la SCP d'avoués Tollinchi / Perret- Vigneron / Baradat- Bujoli- Tollinchi pour la Selu Christine C... ès- qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société JMPS Informatique en remplacement de monsieur B... ;
Vu les conclusions notifiées ou signifiées :
- le 14 décembre 2007 par monsieur et madame X... ;
- le 21 décembre 2007 par la banque ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 janvier 2008.
MOTIFS
1) Suivant les dispositions des articles L 621-39 et L 622-5 du Code de commerce dans leur rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, le représentant des créanciers, puis le liquidateur, ont seuls qualité pour agir au nom de l'intérêt des créanciers.
Il en résulte que la demande formée en cause d'appel par monsieur et madame X... tendant à la condamnation de la banque à payer à madame C... ès- qualités une indemnité de 90. 000 euros en réparation des préjudices subis par la société est irrecevable.
2) De même est irrecevable leur demande tendant au paiement d'une provision et à l'instauration d'une expertise relativement à un préjudice de monsieur X... " du fait de la perte de sa société commerciale, tant en perte de capital qu'en perte de revenus " (mais ne s'agissant pour ces derniers que de ceux qu'il aurait pu ne pas percevoir avant l'ouverture de la procédure collective), préjudice qui, contrairement à ce qu'ils soutiennent, n'est pas distinct de celui subi collectivement par les créanciers de la liquidation judiciaire et pour la réparation duquel seul le liquidateur a qualité en l'espèce à agir, soit qu'il résulte de la diminution ou de la perte du gage général de la collectivité des créanciers (le capital de la société), soit qu'il est susceptible de constituer monsieur X... créancier de la liquidation judiciaire (sa perte de revenus antérieurs à l'ouverture de la procédure collective).
3) L'intérêt à agir de la collectivité des créanciers ne peut s'entendre, de façon extensive, comme se rapportant nécessairement à tout préjudice trouvant sa cause dans la liquidation de la société débitrice, et inversement un créancier est recevable à invoquer un préjudice qui lui est exclusivement personnel, fût- il directement lié à la survenance de la liquidation, sous peine de la privation de son droit à réparation d'un préjudice non susceptible d'être pris en compte dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire.
Tel est le cas du préjudice invoqué par monsieur X... tenant à une perte de ressources du fait de la disparition de la société (celle- ci l'ayant privé de la possibilité de poursuivre son activité de gérant en contrepartie de laquelle, aux termes des statuts, il percevait une rémunération), et sa réclamation à cet égard doit être déclarée recevable.
4) Monsieur X... n'est pas fondé à reprocher un manquement de la banque à son devoir de conseil envers la société sur les risques inhérents à la procédure de paiement à distance au regard de la mention de l'article 7 de la convention " d'adhésion au système de paiement par cartes bancaires CB " selon laquelle " les opérations de paiement sont garanties sous réserve du respect de l'ensemble des mesures de sécurité à la charge de l'accepteur sauf en cas de :
- réclamation écrite du titulaire de la carte qui conteste la réalité même ou le montant de la transaction (...) ", ce dont il résulte sans équivoque que n'est pas garanti le paiement d'une transaction frauduleuse, dès lors qu'il y a eu (ce qui n'est pas contesté en l'espèce), réclamation écrite du titulaire de la carte.
Il s'ensuit que n'est pas davantage fondée son imputation de faute envers la banque dans le fait d'avoir contrepassé sans autorisation préalable de sa part, et pour un montant excédant l'autorisation de découvert, les sommes portées au crédit du compte de la société relatifs aux transactions frauduleuses.
Enfin, il ne pouvait relever d'un devoir de la banque de conseiller la société sur l'utilité pour cette dernière de souscrire une assurance spécifique propre à couvrir le risque d'impayé lié à la mise en oeuvre du système de paiement à distance.
Monsieur et madame X... doivent donc être déboutés de leur demande en paiement au titre de la perte de rémunération ou de ressources de monsieur X... du fait de la disparition de la société.
5) Aux termes de l'article 70 du Code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Tel est le cas en l'espèce de la demande en paiement de la banque sur le fondement de l'engagement de caution de monsieur X..., ce dernier l'ayant primitivement actionnée en réparation d'un préjudice personnel souffert en cette même qualité.
6) Monsieur X... conteste pour la première fois en cause d'appel, par voie d'exception à la demande reconventionnelle en paiement de la banque, la validité de ses deux engagements de caution pour non- respect du formalisme exigé par les articles 1326 et 2015 du Code civil (dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 février 2007).
Contrairement à ce que soutient la banque cette exception n'est pas nouvelle au sens des dispositions des articles 564 et 565 du Code de procédure civile dès lors qu'elle tend, comme la défense opposée par monsieur X... en première instance, à faire écarter sa prétention.
Elle n'est pas non plus prescrite, en vertu des dispositions de l'article 1304 du Code civil applicables en matière de nullité (et non de celles de droit commun de l'article L 110-4 du Code de commerce), dès lors qu'elle a été formalisée à la date de conclusions notifiées le 8 mars 2007 et que la banque avait mis en demeure la société de régulariser le solde débiteur de son compte le 26 mai 2003, la liquidation judiciaire de la société a été ouverte le 2 juin 2003, la banque a déclaré ses créances le 23 juin 2003 et monsieur X... a été mis en demeure de payer en sa qualité de caution le 23 juin 2003.
7) Monsieur X... conteste la validité de ses deux engagements de caution des 23 avril 1996 et 20 mars 2000 sur le fondement des dispositions des articles 1326 et 2015 (aujourd'hui 2292) du Code civil suivant lesquelles, l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention écrite par lui- même de la somme en toutes lettres et en chiffres (1326), et le cautionnement ne se présume point, doit être exprès, et on ne peut l'étendre au delà des limites dans lesquelles il a été contracté (2292).
Il fait valoir, en ce qui concerne son engagement de caution du 23 avril 1996, que sa partie manuscrite ne mentionne aucune somme d'argent, ni en chiffres ni en lettres, que son engagement " en principal " et à raison " de toute dette présente ou à venir " constitue un engagement indéterminé prohibé, que cette irrégularité l'a empêché d'en connaître la portée, et qu'il n'a pas pu consentir à garantir un montant supérieur à celui de l'autorisation de découvert de l'époque (7. 622, 45 euros).
Mais, contrairement à ce qu'il soutient, son engagement manuscrit (tel que rapporté in extenso en tête de l'arrêt), dont le caractère indéfini rendait impossible la mise en oeuvre des exigences formelles de l'article 1326 précité, n'est pas indéterminé et était suffisamment explicite pour qu'il ait eu conscience qu'il s'engageait à garantir " toute dette présente ou à venir " quel que soit son montant.
S'agissant de son engagement de caution du 20 mars 2000 relatif au prêt, contrairement à ce qu'il se borne à prétendre, sa mention manuscrite (telle que rapportée en tête de l'arrêt) sur le principal garanti fait bien référence au montant de son engagement non seulement en lettres mais aussi en chiffres.
Il s'ensuit que sa critique de la validité de ses cautionnements est infondée.
8) Il invoque par ailleurs en vain au soutien de son exception de nullité la disproportion de ses engagements de caution, qui ne peut être en elle- même une cause de nullité desdits engagements.
9) Contrairement à ce qu'il soutient, la banque a régulièrement déclaré ses créances le 23 juin 2003 au passif de la liquidation judiciaire.
La demande reconventionnelle en paiement de la banque, qui n'est pas autrement critiquée, doit donc être accueillie, et monsieur X... condamné en conséquence en sa qualité de caution au paiement d'une somme de 101. 646, 37 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2003.
***
Il suit de l'ensemble de ce qui précède que les jugements doivent être infirmés en ce qu'ils ont condamné monsieur X... à payer à la banque la seule somme de 7. 548, 63 euros avec intérêts et confirmé sur leurs autres dispositions.
Monsieur et madame X... doivent supporter in solidum les dépens d'appel et le paiement d'une somme de 1. 500 euros sur le fondement en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement
Dit irrecevables les demandes formées en cause d'appel par monsieur et madame X... tendant à la condamnation de la Banque Populaire de la Côte d'Azur, d'une part à payer à madame C... ès- qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société JPMS Informatique une indemnité de 90. 000 euros, et d'autre part au paiement d'une provision au profit de monsieur X... et à l'instauration d'une expertise à l'effet d'évaluer le préjudice subi par ce dernier ayant résulté d'une perte en capital et de revenus antérieurs à l'ouverture de la procédure collective.
Dit recevables ces mêmes dernières demandes en ce qu'elles se rapportent à un préjudice ayant résulté de la privation pour monsieur X... de ses ressources du fait de la disparition de la société JPMS Informatique.
Confirme les jugements prononcés par le tribunal de grande instance de Toulon le 12 septembre 2005 et le 16 janvier 2006, sauf en ce qu'ils ont condamné monsieur X... au paiement de la somme de 7. 548, 63 euros outre intérêts.
Statuant à nouveau du chef de la disposition infirmée et y ajoutant,
Dit recevable en cause d'appel et non prescrite l'exception de nullité de monsieur et madame X... tenant à l'irrégularité des engagements de caution de monsieur X... et les en déboute.
Déboute monsieur et madame X... de cette même exception sur le fondement de la disproportion desdits engagements.
Condamne monsieur X... à payer à la Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 101. 646, 37 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2003.
Dit que monsieur et madame X... supportent in solidum les dépens de l'instance d'appel.
Dit qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués Blanc- Amsellem- Mimran- Cherfils des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Condamne in solidum monsieur et madame X... à payer à la Banque Populaire de la Côte d'Azur la somme de 1. 500 euros sur le fondement en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président