8o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 21 FEVRIER 2008
No 2008 / 84
Rôle No 05 / 07953
S. C. I. DANGE
Gérard X...
Dan Y...
C /
BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE
Grosse délivrée
à : JAUFFRES
LATIL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 01 Juin 2004 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 3138.
APPELANTS
S. C. I. DANGE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis 11 rue des trois Mages-13001 MARSEILLE
représentée par Me Jean- Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Maître Z... Michel de la SCP Z...- MARONGIU (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
Monsieur Gérard X...
né le 03 Septembre 1960 à ORAN (ALGERIE), demeurant ... 13005 MARSEILLE
représenté par Me Jean- Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Maître Z... Michel de la SCP Z...- MARONGIU (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
Monsieur Dan Y...
né le 20 Juillet 1963 à CASABLANCA (MAROC), demeurant ...-13005 MARSEILLE représenté par Me Jean- Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Maître Z... Michel de la SCP Z...- MARONGIU (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis
245 Boulevard Michelet- BP 25-13274 MARSEILLE CEDEX 09
représentée par la SCP LATIL- PENARROYA- LATIL- ALLIGIER, avoués à la Cour,
plaidant par Me BARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Président suppléant a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Président suppléant
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Février 2008,
Rédigé par Madame Marie- Claude CHIZAT, conseiller,
Signé par Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Président suppléant et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
A la fin de l'année 1993, Mr Y... Dan et Mr X... Gérard, désireux d'exploiter, à Marseille, un restaurant bodega, ont crée une SCI Dangé aux fins d'acquérir des murs, loués à une Sarl El Cochino, constituée par ces derniers.
Le 4 Janvier 1994, la Banque Populaire Provençale et Corse, « BPPC », a consenti à la SCI Dangé un prêt d'un montant de 250 000 Frs remboursable en 84 mensualités, prêt dit « in fine » la société emprunteuse remboursant des intérêts pendant toute la durée du contrat et le capital, à la dernière échéance.
En garantie de ce prêt, Mr Y... et Mr X..., tous deux associés de la SCI, se sont portés cautions solidaires à hauteur, chacun, de la somme de 125 000 Frs outre intérêts au taux conventionnel stipulé au contrat.
Ce prêt était adossé à un contrat d'assurance vie Fructivie sur lequel chaque associé avait placé un apport personnel de 60 000 Frs.
Les 83 mensualités étaient payées sans aucun incident, mais la dernière échéance prévue au 31 Janvier 2001, n'a pas été remboursée.
La SCI et les cautions ont été mises en demeure de payer, puis, ont été assignées par la BPPC devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, lequel, par jugement en date du 1er Juin 2004, a :
- dit que la banque avait commis au titre de son devoir de conseil, une faute résultant du délai entre l'échéance du prêt in fine et celle du placement Fructivie destiné à en assurer le remboursement
- dit que le préjudice subi de ce fait par l'emprunteur et les cautions sera exactement réparé par la dispense du versement des intérêts durant la période courant entre la dernière échéance du prêt et celle du placement Fructivie
- écarté les moyens tirés de la faute de la banque dans le montage financier et a condamné solidairement, la SCI, Mrs Y... et X..., ces derniers dans la limite de 19 056, 13 €, à payer à la BPPC la somme de 38 433, 01 € avec intérêts au taux conventionnel de 12 % à compter du 3 Décembre 2001, date d'échéance du placement Fructivie
- condamné la BPPC à verser aux trois défendeurs la somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts
- rejeté le surplus de toutes les demandes des parties
- ordonné l'exécution provisoire
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC
- partagé les dépens entre chacune des parties.
Selon déclaration du 8 Mars 2005, la SCI Dangé, Mrs Y... et X... ont relevé appel de cette décision à l'encontre de la BPPC.
Vu les conclusions déposées par les appelants le 28 Novembre 2007 et par l'intimée, le 8 Août 2006 ;
Vu la clôture de la procédure intervenue par ordonnance du 11 Décembre 2007 ;
MOTIFS
**SUR LE MANQUEMENT DE LA BANQUE A SON OBLIGATION DE CONSEIL POUR AVOIR PROPOSE LE PRET IN FINE
Attendu que le prêt in fine sollicité et accepté par Mrs X... et Y..., ainsi que la demande de crédit produite à la procédure le démontre (« objet du prêt, achat de murs à but commercial crédit in fine ») outre la note interne du conseiller financier ayant émis un avis favorable à cette demande, représentait pour la SCI des avantages précis non remis en cause par les deux associés pendant 7 ans jusqu'à la dernière échéance ;
Attendu que ces derniers se présentaient comme ayant une bonne expérience dans le domaine de la restauration, et une notoriété indiscutable, ainsi qu'ils l'indiquaient dans leur dossier de demande de prêt de Novembre 1993 ;
Attendu que ce prêt leur permettait, à travers leur SCI, de ne pas rembourser en début d'exploitation le capital prêté, ce qui présentait un intérêt certain pour la SCI qui bénéficiait non seulement des sommes empruntées mais également des loyers encaissés versés par la société locataire des murs ;
Que, l'intérêt du prêt in fine par rapport à un prêt classique, permettait à Mrs Y... et X... de disposer à l'issue de la dernière année d'un capital minimum de 85 987, 91 Frs chacun, de sorte que l'économie dudit prêt était telle que le remboursement du capital du prêt de base était assuré ;
Attendu que la comparaison entre les deux sortes de prêt présentant chacun des avantages et des inconvénients, permet toutefois de constater que le placement de la somme de 120 000 Frs dans le cadre de l'assurance vie présentait un avantage puisque ce capital était assuré de fructifier ;
Attendu que d'autre part, les appelants ne peuvent valablement contester l'intérêt fiscal de l'opération puisque la SCI pouvait réduire le bénéfice foncier et diminuer le montant de leur imposition en déduisant de ses revenus les intérêts de l'emprunt ;
Attendu qu'au demeurant, le projet initial de Mrs Y... et X... s'est réalisé, dès lors que leur SCI est toujours propriétaire des murs commerciaux, que le fonds de commerce a été vendu en Juillet 1999 au prix de 242 000 Frs à une Sarl Le Cochon, la SCI continuant à encaisser les loyers ;
Attendu que le montant de la vente du fonds ainsi que du placement de l'assurance vie (175 975, 82 Frs), était donc suffisant pour procéder au remboursement de la dernière échéance de 252 104, 16 Frs ;
Attendu que le manquement de la BPPC à son obligation de conseil, dans le cadre du choix d'un prêt in fine, dont les avantages étaient constants pour la SCI et ses associés cautions, n'est donc point démontré et la responsabilité de la banque n'est pas engagée pour avoir conclu avec les parties ce genre de prêt ;
Attendu que le jugement sera confirmé sur ce point ;
** SUR LA FAUTE DE LA BANQUE AU TITRE DU DECALAGE ENTRE LA DERNIERE ECHEANCE DU PRET ET LA DISPONIBILITE DES FONDS INVESTIS
Attendu qu'aux termes du prêt consenti, la dernière échéance de celui- ci d'un montant de 252 104 Frs était due au 31 Janvier 2001 ;
Attendu que la disponibilité des fonds investis par Mrs X... et Y... en placements Fructivie était opérante le 3 Décembre 2001 ;
Attendu qu'il convient de constater le décalage existant puisque à la date de l'exigibilité de la dernière échéance, Mrs X... et Y... ne pouvaient disposer du capital investi ;
Attendu que ce décalage est constitutif d'une faute de la banque dans le montage du prêt in fine, puisqu'il lui appartenait de prévoir les conditions exactes du remboursement du capital en fin de prêt, celui devant intervenir grâce aux sommes placées dans le produit d'assurance vie, faute qui a causé un préjudice tant à la société emprunteuse qu'aux deux cautions :
Attendu que ce préjudice est justement réparé, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, par la dispense de paiement des intérêts pendant la période allant du 31 Janvier 2001 au 3 décembre 2001 ;
Attendu que le jugement sera confirmé sur ce point ;
** SUR LE MONTANT DE LA CREANCE DE LA BPPC
Attendu qu'aux termes du tableau d'amortissement du prêt, le montant de celle- ci s'élève à la somme de 252 104, 16 Frs soit 38 433, 03 €, montant de la dernière échéance ;
Attendu que la SCI emprunteuse et les deux cautions doivent être condamnées solidairement au paiement de cette somme, Mr Y... et Mr X... dans la limite de leur engagement de caution, avec intérêts au taux conventionnel de 12 % à compter du 3 Décembre 2001 ;
Attendu que le jugement sera confirmé sur ce point ;
** SUR LES DOMMAGES ET INTERETS
Attendu que les appelants sollicitent la condamnation de la BPPC à leur verser la somme de 15 250 € à titre de dommages et intérêts pour avoir pris des mesures vexatoires, à savoir le prélèvement de frais sur échéances impayées en Mars 2001 sans autorisation, une interdiction d'émettre des chèques pendant 5 ans à l'encontre de Mr X... et une fin de non recevoir de la part du banquier postérieurement au jugement frappé d'appel ;
Or, attendu que :
- les frais prélevés ont été rétrocédés
- le caractère injustifié de l'interdiction d'émettre des chèques à la suite du rejet du paiement d'un chèque pour défaut de provision n'est pas établi
- les difficultés qu'auraient rencontré Mr X... et Y... auprès de l'agence de la BPPC dans le cadre du règlement des condamnations résultant du jugement frappé d'appel, ne peuvent, si elles étaient démontrées, être considérées comme vexatoires
Attendu en conséquence qu'aucune somme ne sera accordée aux appelants à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que le jugement sera infirmé sur ce point ;
Attendu que l'équité ne commande pas spécialement de faire application de l'article 700 du NCPC ;
Attendu que les dépens doivent être supportés par les appelants qui succombent dans leurs prétentions.
PAR CES MOTIFS
La Cour, contradictoirement et publiquement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt,
Infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute les appelants de leur demande de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC,
Condamne solidairement la SCI Dangé, Mrs Y... et X... aux entiers dépens ceux d'appel distraits au bénéfice de la SCP Latil Penarroya Latil Alligier, en application de l'article 699 du NCPC.
Le Greffier Le Président