8o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2008
No 2008/163
Rôle No 06/10660
SARL INVESTISSEMENT DE BALAGNE SIB
C/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL MARSEILLE PRADO
Grosse délivrée
à :SIDER
ST FERREOL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 23 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05/4646.
APPELANTE
SARL INVESTISSEMENT DE BALAGNE SIB, poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis Le château - 20225 FELICETO
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Me Hedy SAOUDI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL MARSEILLE PRADO, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis 490 Avenue du Prado - 13008 MARSEILLE
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Février 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008,
rédigé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant,
Signé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Suivant acte notarié reçu le 26 juin 1997, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MARSEILLE PRADO (la banque) a consenti à la S.A.R.L. SOCIÉTÉ INVESTISSEMENT DE BALAGNE (SIB) un prêt de 5 millions de francs au taux effectif global de 6,557 % l'an, amortissable en une échéance unique de 5.025.840 francs comprenant le capital, les intérêts et la cotisation d'assurance, payable le 31 mai 2007.
Le remboursement de ce prêt destiné à financer le rachat de 51% des parts de la SOCIÉTÉ DES MÉDECINS DE LA CLINIQUE RÉSIDENCE DU PARC était garanti par le nantissement des parts sociales acquises, objet du financement, par la caution solidaire de Monsieur Ange Z..., gérant, à hauteur de un million de francs pour une durée limitée à 3 ans, par le nantissement consenti par acte sous seing privé du 24 juin 1997 d'un titre de capitalisation SURCAPI à hauteur de 3 millions de francs et par une assurance décès-invalidité totale sur la tête de Monsieur Z... pour la somme de 2 millions de francs.
Des échéances étant demeurées impayées à compter du 31 décembre 2002, la banque, après mise en demeure infructueuse, a, par acte d'huissier du 5 août 2005, fait assigner la S.A.R.L. SIB devant le Tribunal de commerce de BASTIA aux fins d'attribution judiciaire du gage qui lui avait été consenti, les sommes provenant de la réalisation du gage devant venir en déduction d'une créance d'un montant de 865.550,94 euros, outre intérêts contractuels.
Par acte d'huissier du 4 octobre 2005, la S.A.R.L. SIB a fait assigner la banque en responsabilité et paiement de dommages-intérêts devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE.
Par ordonnance en date du 18 novembre 2005, le juge des référés du Tribunal de commerce de BASTIA s'est déclaré incompétent et renvoyé les parties à l'instance au fond pendante devant le Tribunal de commerce de MARSEILLE.
Par jugement en date du 23 mai 2006, le Tribunal de commerce de MARSEILLE a débouté la S.A.R.L. SIB de ses demandes, a constaté que la créance de la banque s'élève à la somme de 865.550,94 euros au 7 juin 2005, outre les intérêts contractuels majorés et capitalisés jusqu'à complet paiement, a ordonné l'attribution à la banque des titres de capitalisation SURCAPI, dit que les sommes provenant de la réalisation des titres nantis viendront en déduction de la créance de la banque et s'imputeront en priorité sur les intérêts, a condamné la S.A.R.L. SIB au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration de son avoué en date du 13 juin 2006, la S.A.R.L. SIB a relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, par voie d'écritures signifiées le 14 novembre 2007, de :
- l'infirmer,
- débouter la banque de ses demandes,
- dire que Monsieur Z... en sa qualité de gérant de la S.A.R.L. SIB n'a pas la qualité d'emprunteur averti,
- dire que la banque n'a pas accompli son obligation d'information et de conseil à l'égard de la S.A.R.L. SIB,
- dire que l'attitude de la banque a causé un préjudice à la S.A.R.L. SIB qui, si elle avait été informée et conseillée, n'aurait pas contracté,
- dire que le montage financier de crédit "in fine" retenu par la banque était inefficace et entaché d'erreurs,
- condamner la banque à prendre en charge la totalité du coût de l'opération financière qu'elle a fait contracter à la S.A.R.L. SIB à savoir le remboursement de tous les intérêts et pénalités qu'elle a versés depuis qu'elle a contracté le prêt,
- condamner la banque à prendre en charge les intérêts à venir jusqu'au terme du prêt,
- condamner la banque à rembourser la somme versée au titre des honoraires soit la somme de 13.720,41 euros,
- condamner la banque au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Pour sa part, aux termes d'écritures récapitulatives signifiées le 20 décembre 2007, la banque a conclu à la confirmation de la décision déférée sauf à y ajouter qu'au regard de la nature du gage, la valeur de réalisation sera celle du cours du marché au jour de sa réalisation et à l'allocation d'une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Attendu que la S.A.R.L. SIB recherche la responsabilité de la banque pour lui avoir, en méconnaissance de son devoir d'information et de conseil, faute de l'avoir avisée des risques et aléas encourus, proposé un montage financier inadapté, le placement souscrit s'étant avéré incapable d'assurer, au terme du prêt, le remboursement du capital emprunté.
Mais attendu que si la banque reconnaît avoir proposé à l'agrément de la S.A.R.L. SIB qui entendait acquérir pour la somme de 5 millions de francs partie du capital d'une autre société et qui disposait d'un apport limité à 3.090.000 francs, de contracter un prêt de la totalité du prix d'achat, remboursable in fine en l'adossant à des titres de capitalisation souscrits pour un montant de 3 millions de francs, la S.A.R.L. SIB ne peut déduire le caractère inadapté de ce montage de la seule incapacité de celui-ci à assurer le remboursement du capital ;
qu'en effet, la S.A.R.L. SIB qui ne dénie pas avoir reçu un spécimen des conditions générales du contrat SURCAPI valant notice d'information relative aux titres de capitalisation, a été précisément et complètement renseignée sur les caractéristiques de ce produit qui garantissait au souscripteur un taux d'intérêt de 4,5% durant les huit premières années, augmenté le cas échéant de la participation aux résultats distribuée chaque année laquelle n'était, toutefois, acquise au souscripteur qu'en cas de rachat après le huitième anniversaire du contrat ;
que par suite, la S.A.R.L. SIB, société d'investissement ayant pour objet la prise de participations financières, dont le gérant était lui-même dirigeant de plusieurs sociétés civiles et commerciales, ne peut sérieusement prétendre, en sa qualité d'emprunteur averti, avoir adhéré à une opération qui s'est "avérée désastreuse" pour elle, sur la conviction erronée induite selon elle par les réticences dolosives de la banque que la valorisation du capital investi permettrait le remboursement du capital emprunté "alors qu'elle s'est retrouvée à verser des sommes à titre d'intérêts pour le prêt de 5 millions de francs, qu'elle reste devoir le capital et n'a retiré aucun fruit du placement qu'on lui avait conseillé de réaliser" ;
qu'en effet, la S.A.R.L. SIB qui, après avoir relevé que le placement en titres SURCAPI n'a produit que 4,5% d'intérêts alors que le prêt avait été contracté au taux de 6,557%, reconnaît elle-même"qu'il est aisé de comprendre que le montage était défectueux" pouvait s'en convaincre par simple calcul mathématique, compte tenu du capital emprunté, du taux d'intérêt applicable, du montant du capital investi et du taux de rendement garanti fût-il supérieur à celui annoncé ensuite de la distribution annuelle de la participation aux résultats ;
qu'il ne peut dès lors être soutenu que ce montage dont la Cour relève qu'il a permis à la S.A.R.L. SIB de mobiliser une somme de 3.090.000 francs en bons de capitalisation au porteur ce à quoi celle-ci pouvait trouver avantage, aurait eu pour finalité de permettre le remboursement du capital à l'échéance du prêt.
Attendu que l'opération mise en place ne présentant aucun risque ni aléa, la banque ne pouvait être tenue d'une obligation de mise en garde envers un emprunteur, au surplus avisé, souscrivant un produit financier dépourvu de caractère spéculatif, dont le rendement contractuellement garanti a été porté à sa connaissance au moment de la souscription ;
qu'enfin, si la S.A.R.L. SIB fait état de "complications fiscales" engendrées par ce montage, elle s'est délibérément abstenue de s'expliquer sur ce point ce qui ôte toute force à cet argument.
Attendu que la banque n'ayant commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté la S.A.R.L. SIB de ses demandes et, aucune contestation n'étant élevée en ce qui concerne la créance de la banque dont le décompte produit permet de vérifier qu'elle a été calculée conformément aux stipulations contractuelles, ont fait droit aux prétentions de celle-ci, qui est, en outre, fondée à solliciter à raison de la défaillance de l'emprunteur, l'attribution judiciaire du gage ;
qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à y ajouter qu'au regard de la nature du gage, la valeur de réalisation sera celle du cours du marché au jour de sa réalisation.
- Sur les dépens
Attendu que la S.A.R.L. SIB qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel.
- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Attendu que pour n'en point supporter la charge inéquitable, la banque recevra de la S.A.R.L. SIB, en compensation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ;
STATUANT publiquement, contradictoirement ;
CONFIRME la décision déférée.
Y AJOUTANT,
DIT que la valeur de réalisation du gage sera celle du cours du marché au jour de sa réalisation.
CONDAMNE la S.A.R.L. SOCIÉTÉ INVESTISSEMENT DE BALAGNE aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
DIT qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués DE SAINT FERREOL-TOUBOUL des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT