ARRÊT AU FOND DU 12 FEVRIER 2008
No2008 /
Rôle No 02 / 05526
Jeannine X... épouse Y...
C /
Chantal Z... MACIF PROVENCE MEDITERRANEE ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée le : à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Décembre 2001 enregistré au répertoire général sous le no 98 / 3122.
APPELANTE
Madame Jeannine X... épouse Y... née le 6 Août 1947 à SAIGON (99), demeurant... représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, ayant Me André A..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame Chantal Z... demeurant... représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, ayant la SCP WILSON-DAUMAS-BERGE-ROSSI (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
MACIF PROVENCE MEDITERRANEE, Société d'assurance à forme mutuelle et à cotisations variables, entreprise régie par le code des assurances, poursuites et diligences de son représentant légal domicilié au siège sis, CENTRE DE GESTION-...-13641 ARLES CEDEX représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, ayant la SCP WILSON-DAUMAS-BERGE-ROSSI (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE MARSEILLE, assignée, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège sis... défaillante
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, assignée, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège sis,... défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Décembre 2007 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller, et Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Février 2008..
ARRÊT
Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Février 2008.
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E X P O S É D U L I T I G E
Par arrêt avant dire droit du 3 novembre 2005, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la Dixième Chambre civile de la Cour de céans-statuant sur l'appel interjeté par Mme Jeannine X... épouse Y... contre le jugement rendu le 6 décembre 2001 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE dans le litige l'opposant à Mme Chantal Z... et à la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE, en présence de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE MARSEILLE et de la C. P. A. M. des Bouches-du-Rhône-a :
-Infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau :
-Écarté des débats les expertises judiciaires du Dr Bernard-François MICHELd'une part et des Prs Jean-Michel C..., André D... et Serge E... d'autre part.
-Ordonné une nouvelle mesure d'expertise médicale confiée au Dr Mathieu F....
-Déclaré sa décision commune et opposable à la C. P. A. M. des Bouches-du-Rhône et à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE MARSEILLE.
-Réservé les droits et moyens des parties dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Vu l'ordonnance en date du 3 janvier 2006 du Conseiller de la Mise en État remplaçant le Dr Mathieu F... par le Dr Jean-Claude G....
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 novembre 2006.
Vu les conclusions de Mme Jeannine X... épouse Y... en date du 12 janvier 2007.
Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2007 de Mme le Président de la Dixième Chambre civile de la Cour de céans fixant l'affaire à l'audience du Mercredi 19 décembre 2007 à 8 h. 50 mn. en application des dispositions de l'article 910 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions de Mme Chantal Z... et de la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE en date du 6 juillet 2007.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2007.
M O T I F S D E L'A R R Ê T
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que Mme Jeannine X... épouse Y..., née le 6 août 1947 et exerçant la profession d'agent d'entretien spécialisé, a été victime, le 9 février 1994, sur le plan orthopédique d'une fracture de la branche ischio-pubienne droite, d'une fracture de la tête du péroné droit non déplacée, d'une fracture de la malléole externe de la cheville droite non déplacée.
Attendu qu'elle a présenté une impotence fonctionnelle partielle, invalidante du membre inférieur gauche qui s'est installée depuis l'accident, qui a pu faire évoquer une algodystrophie qui n'a pas été démontrée par les examens scintigraphiques renouvelés et qui n'a pas trouvé son origine organique sur les différents examens complémentaires présentés.
Attendu que Mme Jeannine X... épouse Y... a été également victime d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance.
Attendu que l'expert n'a pas retrouvé de lésion organique identifiable ni au niveau médullaire ni au niveau encéphalique, que les doléances de la victime relatives à un gêne motrice du membre inférieur gauche sont d'origine inorganique compte tenu de la normalité de l'imagerie de résonance magnétique nucléaire encéphalique.
Attendu que l'ensemble des lésions est responsable d'une I. T. T. d'un an, eu égard à l'importance des lésions orthopédiques, à la durée des séjours hospitaliers et de rééducation et au trouble moteur dont l'origine organique a longtemps été évoquée par les neurologues qui ont traité initialement la victime, que l'expert retient également une I. T. P. à 30 % du 9 février 1995 au 23 novembre 1996, date de consolidation.
Attendu que l'expert fixe le taux d'I. P. P. à 15 % concernant à la fois les séquelles orthopédiques et les troubles allégués du membre inférieur gauche, qu'il évalue le pretium doloris à 3 / 7 et ne retient pas de préjudice esthétique, que l'expert indique également ne pas disposer d'éléments permettant d'apprécier l'existence d'un préjudice d'agrément.
Attendu enfin que l'expert précise que la victime a repris son activité d'aide soignante depuis 1996 à mi-temps avec un poste aménagé.
Attendu que ce rapport d'expertise, complet et documenté, n'est pas sérieusement critiqué par les parties et sera donc entériné par la Cour pour l'évaluation et la liquidation du préjudice corporel de Mme Jeannine X... épouse Y....
Les dépenses de santé :
Attendu que les frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de massages et de transports se montent à la somme globale de 23. 520 € 05 c. entièrement pris en charge par la C. P. A. M. des Bouches-du-Rhône selon sa notification de débours non contestée par les autres parties.
Attendu que Mme Jeannine X... épouse Y... ne fait pas état de frais qui seraient restés à sa charge au titre des dépenses de santé, qu'il ne lui revient donc rien sur ce poste de préjudice.
L'incidence professionnelle temporaire :
Attendu que Mme Jeannine X... épouse Y... a été en arrêt de travail pendant toute la période de son I. T. T. et de son I. T. P., qu'il résulte d'une attestation de son employeur (l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE MARSEILLE) en date du 5 décembre 1997 qu'elle a subi de ce fait une perte nette de salaires de 28. 266 F. 43 c. (4. 309,19 €).
Attendu que l'employeur, régulièrement assigné, n'a pas constitué Avoué et n'a pas fait valoir de créance relative à ce poste de préjudice qui sera donc évalué à la somme de 4. 309 € 19 c. revenant intégralement à la victime.
L'incidence professionnelle définitive :
Attendu qu'il résulte des pièces produites qu'avant son accident Mme Jeannine X... épouse Y... exerçait la profession d'agent d'entretien spécialisé à temps plein ainsi qu'il en est justifié par la production de son bulletin de paie du mois de décembre 1993, qu'il est également justifié, tant par le rapport d'expertise médicale que par la production du bulletin de paie du mois de décembre 1996, qu'elle n'a pu reprendre qu'un emploi à temps partiel (80 %) du fait de l'accident.
Attendu qu'au vu des pièces ainsi produites la perte de revenus subie par la victime du fait de son passage d'un plein temps à un temps partiel est de 4. 664 € 94 c. par an
Attendu que pour la période antérieure au prononcé du présent arrêt, soit de novembre 1996 à février 2008 (136 mois), ce préjudice professionnel sera donc évalué à la somme de 52. 869 € 32 c. (4. 664,94 / 12 x 136) sans qu'il y ait lieu à augmenter annuellement cette somme de 2 % comme le demande Mme Jeannine X... épouse Y... sans aucune justification particulière.
Attendu que pour la période postérieure au prononcé de l'arrêt ce préjudice sera capitalisé sur la base d'un Euro de rente temporaire à 65 ans (âge du départ à la retraite de la victime) de 4,653 pour une femme de 60 ans (âge de la victime au jour du prononcé de l'arrêt) en fonction des tables d'espérance de vie INSEE 2001 et d'un taux d'intérêt de 3,20 %, soit à la somme de 21. 705 € 97 c. (4. 664,94 x 4,653).
Attendu que l'incidence professionnelle définitive sera donc évaluée à la somme globale de 74. 575 € 29 c. (52. 869,32 + 21. 705,97).
Le déficit fonctionnel séquellaire :
Attendu que ce poste de préjudice sera évalué selon une valeur du point d'incapacité de 1. 500 € compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation (49 ans) et de son taux d'I. P. P. (15 %), soit à la somme de 22. 500 €.
Le préjudice au titre des souffrances endurées :
Attendu que ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 5. 000 € compte tenu de l'évaluation qui en a été faite par l'expert judiciaire à 3 / 7.
Le préjudice esthétique :
Attendu que l'expert judiciaire n'a pas relevé l'existence d'un préjudice esthétique, qu'il apparaît néanmoins à la lecture du rapport d'expertise que la victime ne peut plus se déplacer qu'en lançant sa jambe en avant et a donc une démarche particulièrement disgracieuse, l'atteignant dans sa féminité.
Attendu que cet élément constitue bien, tout particulièrement pour une femme, un préjudice de nature esthétique que la Cour évalue, compte tenu des éléments de la cause, à la somme de 1. 500 €.
Le préjudice d'agrément :
Attendu que si l'expert n'a pas objectivé l'existence d'un préjudice d'agrément, il convient de rappeler que ce poste de préjudice ne se limite pas à la seule impossibilité de se livrer à une activité ludique ou sportive mais s'entend comme de la privation des agréments normaux de l'existence sans que la victime ait à justifier qu'avant l'accident elle se livrait à des activités sportives ou distractions autres que celles de la vie courante, qu'ainsi la résolution no 75-7 du 14 mars 1975 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe définit ce préjudice comme étant les " divers troubles et désagréments tels que des malaises, des insomnies, un sentiment d'infériorité, une diminution des plaisirs de la vie causée notamment par l'impossibilité de se livrer à certaines activités d'agrément ".
Attendu, ainsi qu'il l'a été analysé précédemment, que la victime est définitivement altérée dans sa marche et ne peut donc plus se déplacer aussi aisément qu'une personne en bonne santé, que ce soit pour la marche ou pour des activités élémentaires de plein air, qu'elle subit donc de ce fait une diminution de sa qualité de vie constitutive d'un préjudice subjectif d'agrément que la Cour évalue, compte tenu des éléments de la cause, à la somme de 1. 500 €.
Les frais d'assistance à expertise :
Attendu que Mme Jeannine X... épouse Y... demande à ce titre la somme de 335 € 39 c. pour les frais d'assistance aux expertises ordonnées en première instance et celle de 300 € pour les frais d'assistance à l'expertise du Dr Jean-Claude G..., qu'il s'agit de frais exposés non compris dans les dépens et que cette demande se confond donc avec celle présentée au titre des frais irrépétibles, qu'il y sera donc fait droit dans ce cadre.
Attendu que le préjudice corporel global de Mme Jeannine X... épouse Y... sera donc évalué à la somme de 109. 384 € 48 c. (4. 309,19 + 74. 575,29 + 22. 500 + 5. 000 + 1. 500 + 1. 500) après déduction, poste par poste, de la créance de l'organisme social, tiers payeur.
Attendu que Mme Chantal Z... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE seront dès lors solidairement condamnées à payer à Mme Jeannine X... épouse Y... la dite somme de 109. 384 € 48 c. en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées à titre de provisions ou en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré.
Attendu qu'il n'y a pas lieu à réserver les droits de Mme Jeannine X... épouse Y... " pour la période postérieure au dépôt du rapport de l'expert ", que son préjudice corporel est évalué au jour du présent arrêt et qu'en cas d'une éventuelle aggravation postérieure de son état de santé elle aura toujours la possibilité d'en demander l'indemnisation sans qu'il soit nécessaire de réserver ses droits à cette fin.
Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la C. P. A. M. des Bouches-du-Rhône et à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE MARSEILLE.
Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique des parties condamnées, d'allouer à Mme Jeannine X... épouse Y... la somme de 2. 500 € au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens (comprenant notamment ses frais d'assistance à expertises).
Attendu que Mme Chantal Z... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE, parties perdantes tenues à indemniser la victime, seront solidairement condamnées au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire.
Vu l'arrêt avant dire droit du 3 novembre 2005.
Condamne solidairement Mme Chantal Z... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE à payer à Mme Jeannine X... épouse Y..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées à titre de provisions ou en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré, la somme de CENT NEUF MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT QUATRE EUROS QUARANTE HUIT CENTS (109. 384 € 48 c.) au titre de son préjudice corporel global après déduction, poste par poste, de la créance de l'organisme social, tiers payeur.
Déboute Mme Jeannine X... épouse Y... du surplus de ses demandes indemnitaires.
Dit n'y avoir lieu à réserver les droits de Mme Jeannine X... épouse Y... pour la période postérieure au dépôt du rapport d'expertise du Dr Jean-Claude G....
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE des Bouches-du-Rhône et à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HÔPITAUX DE MARSEILLE.
Condamne solidairement Mme Chantal Z... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE à payer à Mme Jeannine X... épouse Y... la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2. 500 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens (comprenant notamment ses frais d'assistance à expertises).
Condamne solidairement Mme Chantal Z... et la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et autorise la S. C. P. BOTTAÏ, GEREUX, BOULAN, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRES Madame SAUVAGE GREFFIÈRE PRÉSIDENTE