COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8o Chambre C
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 24 JANVIER 2008
No2008 / 37
Rôle No 06 / 12679
Yvette X... épouse Y...
Bernard Z...
C /
SA CREDIT LYONNAIS
Grosse délivrée
le :
à : BOTTAI
BLANC
réf
prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 27 juin 2006, qui a cassé et annulé l'arrêt no 04 / 429 rendu le 03 juin 2004 par la Cour d'Appel de Aix en Provence (1ère Chambre B).
DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION
Madame Yvette X... épouse Y...
née le 09 Avril 1941 à COURBEVOIE (92), demeurant ...- 06160 JUAN LES PINS
représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour,
Monsieur Bernard Z...
né le 14 Novembre 1953 à LA GOULETTE, demeurant ...
représenté par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour
plaidant par Me Claudie HUBERT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, et Me Véronique POINEAU CHANTRAIT, avocat au barreau de GRASSE
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SA CREDIT LYONNAIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis 18 rue de la République- BP 2351- 69215 LYON CEDEX 02
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Maître VILLA, de la SCP DUREUIL- VILLA avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président,
Monsieur Jean- Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2008..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2008
Rédigé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président,
Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte notarié du 15 avril 1992, M. Bernard Z... et Mme Yvette Y... ont acquis solidairement de la SNC Les Thébaïdes de Juan les Pins, un studio en état de futur achèvement pour un prix de 420 000F.
L'achat a été financé au moyen de deux prêts d'une durée de 15 ans chacun consentis, dans l'acte de vente, par le Crédit Lyonnais :
- d'une part, à Mme Y... pour un montant de 84 300F au TEG de 6, 766 % ;
- d'autre part, solidairement à M. Z... et à Mme Y..., pour un montant, de 315 700F au TEG de 12, 532 %.
Le premier prêt s'amortissait par échéances mensuelles de 746, 73F et le second par échéances mensuelles de 3 876, 70F.
M. Z... et Mme Y... ayant été défaillants dans leur obligation de remboursement, la banque a poursuivi la vente aux enchères publiques de l'immeuble.
Au cours de la procédure de saisie immobilière, M. Z... et Mme Y... ont engagé la responsabilité du Crédit Lyonnais, par acte du 11 février 1999, en lui reprochant de leur avoir accordé un crédit dont la charge excédait leurs capacités de remboursement.
Par jugement du 11 mars 2002, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la demande principale, a débouté le Crédit Lyonnais d'une demande reconventionnelle en paiement de dommages- intérêts pour procédure abusive, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a condamné M. Z... et Mme Y... aux dépens.
Par arrêt du 3 juin 2004, cette cour a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, a rejeté la demande du Crédit Lyonnais en paiement de dommages- intérêts pour appel abusif, a condamné Mme Y... et M. Z... aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur pourvoi formé par Mme Y..., l'arrêt d'appel a été cassé le 27 juin 2006, uniquement en ses dispositions rejetant la prétention de Mme Y..., au motif que la cour, en écartant l'obligation de mise en garde de la banque, n'a pas recherché si Mme Y... peut être considérée comme un emprunteur averti.
Cette cour, désignée juridiction de renvoi, est saisie par déclaration du 11 juillet 2006 formée par Mme Y... et par M. Z....
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Mme Y... et M. Z... sollicitent l'allocation de dommages- intérêts au titre de préjudices distincts résultant d'un manquement de la banque au devoir de mise en garde.
Se prévalant de la qualité d'emprunteur profane, ils reprochent à la banque de ne pas les avoir alertés, d'une part, sur le caractère surévalué du prix de l'immeuble dont le prêt a financé l'acquisition et, d'autre part, sur l'inadéquation entre la charge des crédits et leurs facultés de remboursement.
Le Crédit Lyonnais soutient que les demandes de M. Z... sont irrecevables puisqu'il ne peut se prévaloir du bénéfice de la cassation.
Sur le fond, la banque sollicite la confirmation du jugement de première instance en faisant valoir que les emprunteurs étaient des personnes averties.
Au soutien de la recevabilité de sa déclaration de saisine, M. Z... se prévaut des dispositions combinées des articles 552 et 631 du nouveau Code de procédure civile.
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Vu les conclusions déposées le 2 octobre 2007 par Mme Y... et M. Bernard Z... ;
Vu les conclusions déposées le 19 novembre 2007 par le Crédit Lyonnais ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes de M. Z...
Le pourvoi ne profite qu'à celui qui l'a formé. Il n'en est autrement que dans les cas d'indivisibilité ou d'existence d'un lien de dépendance nécessaire.
En l'espèce, M. Z... ne s'étant pas pourvu en cassation contre l'arrêt du 3 juin 2004, cette décision est devenue irrévocable à son égard, puisqu'il n'existe ni indivisibilité, ni dépendance nécessaire entre sa demande et celle de Mme Y..., chacun d'eux réclamant réparation d'un préjudice distinct.
Par suite, il convient de déclarer M. Z... irrecevable à intervenir dans l'instance opposant, après cassation, Mme Y... au Crédit Lyonnais.
Sur le fond
La distinction entre l'emprunteur averti et celui qui ne l'est pas doit s'opérer en rapprochant les spécificités de l'opération de crédit, notamment son niveau de complexité et de risque, de critères personnels, tels l'âge, la formation, la profession et l'expérience de l'emprunteur.
En l'espèce, le Crédit Lyonnais a financé l'acquisition d'un studio au moyen de deux crédits remboursables sur 15 ans par échéances mensuelles égales à des taux d'intérêt fixes. L'opération étant dépourvue de complexité, l'appréciation des risques limités qu'elle comportait ne nécessitait pas de compétence particulière.
Lors de la souscription de son engagement, Mme Y... était âgée de 51 ans. Elle dirigeait depuis 6 ans la SARL M. B. K. Bureautique au chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 830 000F. L'entreprise connaissait des perspectives de développement puisqu'un second fonds de commerce avait été ouvert (éléments tirés des conclusions de Mme Y... pages 3, 21, 27).
En considération de ces circonstances, Mme Y... a la qualité d'emprunteur averti pour avoir été en mesure d'apprécier pleinement les risques de l'opération, notamment sa capacité à faire face à son obligation de remboursement au moyen de ses revenus.
Il s'ensuit que Mme Y..., qui ne démontre pas que le Crédit Lyonnais disposait, sur les risques de l'opération de crédit, sur ses revenus et sur ses facultés de remboursement prévisibles, d'informations dont elle- même n'avait pas connaissance, ne peut reprocher à la banque une faute à raison de l'inadéquation entre la charge des crédits et ses capacités financières.
Le grief tiré d'une absence de mise en garde quant à la surévaluation du prix de l'immeuble n'est pas mieux fondé, dès lors qu'aucun élément de preuve n'établit le caractère excessif du prix au regard de la situation du marché à la date de l'acquisition et qu'au surplus, il n'est nullement démontré que la banque aurait eu connaissance d'une surévaluation du bien dont elle a financé l'acquisition.
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En conséquence des motifs qui précèdent, le jugement de première instance ne peut qu'être confirmé.
Mme Y... et M. Z..., qui succombent, sont condamnés aux dépens.
L'équité commande d'allouer au Crédit Lyonnais la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, contradictoirement,
Vu l'arrêt de la cour de cassation du 27 juin 2006,
Déclare irrecevables les demandes formées par M. Bernard Z...,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 11 mars 2002 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Condamne Mme Yvette Y... et M. Bernard Z... à payer au Crédit Lyonnais la somme de mille euros,
Condamne Mme Yvette Y... et M. Bernard Z... aux dépens de l'arrêt cassé et du présent arrêt,
Vu l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Autorise la SCP d'avoués Blanc – Amsellem – Cherfils à recouvrer les dépens d'appel directement contre Mme Yvette Y... et contre M. Bernard Z..., si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le Greffier Le Président