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10/01/2008 | FRANCE | N°06/21165

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 janvier 2008, 06/21165


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B ARRÊT AU FOND
DU 10 JANVIER 2008
FG
No 2008 / 3

Rôle No 06 / 21165

Béatrice X...


C /

Jacqueline Y... épouse Z...

SOLANGE Y... épouse A...

Caroline A... épouse I...

Olivia A...

Clémence A... épouse B...

Gaëlle Z... épouse C...

Cédric Z...

S. A PREDICA

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 27 Novembr

e 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 3376.

APPELANTE

Madame Béatrice X...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2007 / 1696 du 23 / 04 / 2...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B ARRÊT AU FOND
DU 10 JANVIER 2008
FG
No 2008 / 3

Rôle No 06 / 21165

Béatrice X...

C /

Jacqueline Y... épouse Z...

SOLANGE Y... épouse A...

Caroline A... épouse I...

Olivia A...

Clémence A... épouse B...

Gaëlle Z... épouse C...

Cédric Z...

S. A PREDICA

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 27 Novembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 3376.

APPELANTE

Madame Béatrice X...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2007 / 1696 du 23 / 04 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
née le 08 Août 1950 à PORTO (PORTUGAL), demeurant ...-13090 AIX EN PROVENCE

représentée par la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués à la Cour,
plaidant par Me Colette PASCAL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMÉS

Madame Jacqueline Y... épouse Z...

née le 09 Juin 1943 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant ...-11210 SOYOGRANDE (ESPAGNE)

Madame Solange Y... épouse A...

née le 14 Juillet 1946 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant ...-13090 AIX EN PROVENCE

Madame Caroline A... épouse I...

née le 01 Décembre 1971 à GARDANNE (13120), demeurant ...-13100 AIX EN PROVENCE

Mademoiselle Olivia A...

née le 04 Avril 1973 à GARDANNE (13120), demeurant ...-13090 AIX EN PROVENCE

Madame Clémence A... épouse B...

née le 05 Mars 1981 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant ...-13090 AIX EN PROVENCE

Madame Gaëlle Z... épouse C...

née le 17 Décembre 1971 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant ...-75017 PARIS

Monsieur Cédric Z...

né le 02 Juin 1975 à AIX EN PROVENCE (13100), demeurant ...-USA

représentés par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Henri TROLLIET, avocat au barreau de MARSEILLE

S. A. PREDICA
venant aux droits des ASSURANCES FÉDÉRALES VIE,
dont le siège est 50 / 56 rue de la Procession-75015 PARIS

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2008,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Max Y..., né le 24 juillet 1914 au Mans est décédé le 17 février 2003 à Aix-en-Provence, laissant ses deux filles, issues de son mariage en 1941 avec Raymonde F..., elle-même décédée le 26 avril 1996, en l'état d'un régime matrimonial qui avait été modifié en 1989 pour adopter le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution au dernier vivant :
-Mme Jacqueline France Hélène Y... épouse Z..., née le 9 juin 1943,
-Mme Solange Annie Monique Y... épouse A..., née le 14 juillet 1946.

Par ailleurs, en vertu d'un testament olographe non contesté du 10 mars 1994, déposé au rang des minutes de M. E..., notaire, le 17 mars 2003, Max Y... avait institué légataires de la quotité disponible par parts égales ses petits-enfants, issus de ses deux filles :
-Mme Gaëlle Z... épouse C..., née le 17 décembre 1971,
-M. Cédric Z..., né le 2 juin 1975,
-Mme Caroline A... épouse
I...
, née le 1er décembre 1971,
-Mlle Olivia A..., née le 4 avril 1973,
-Mme Clémence A... épouse B..., née le 5 mars 1981.

Les héritiers découvrirent que M. Max Y... avait accompli plusieurs actes en faveur de son employée de maison Mme Béatrice X... :
-un testament olographe avait été établi le 28 août 2000 et a été déposé au rang des minutes de M. D..., notaire, le 10 mars 2003 avec legs particulier de la maison " La Grange " 1255, chemin des Plâtrières à Aix-en-Provence avec les effets mobiliers et meubles meublants s'y trouvant à Mme Béatrice X..., employée de maison du de cujus,
-une donation avait également été effectuée au profit de celle-ci par M. Max Y... le 12 mai 2000 d'un bien immobilier consistant en une maison située à Aix-en-Provence chemin des Plâtrières, cadastrée section OD no430 lieudit Le Country pour 3a 04ca,
-quatre contrats d'assurance vie avaient été modifiées pour en rendre bénéficiaire Mme X....

Les 12 et 14 mai 2006 hoirs Y... ont fait assigner Mme X... et la société Predica devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins d'annulation de la donation, du testament et des contrats d'assurance-vie au profit de Mme X....

Par jugement en date du 25 septembre 2006, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
-prononcé la nullité :
-de la donation consentie le 12 mai 2000, passée aux minutes de M. E..., notaire associé, publiée à la conservation des hypothèques d'Aix-en-Provence, 1er bureau le 16 juin 2000, volume 2000 P, no6727 et portant sur une petite maison située à Aix-en-Provence chemin des Plâtrières, cadastrée section OD no430 lieudit Le Country pour 3a 04ca,
-du testament olographe en date du 28 août 2000, déposé au rang des minutes de M. D..., notaire associé, le 10 mars 2003,
-des avenants du 10 mai 2000 instituant Mme X... en qualité de bénéficiaire des contrats :-Lionvie capital 4 no025260 G 01 du 19 juin 1986,
-Lionvie capital 5 no941546 V 01 du 28 février 1989,
-Lionvie multi capital noZA 005656 N du 27 septembre 1994,
-Lionvie croissance double noA7912113 N du 30 novembre 1995,
-ordonné en conséquence que les biens, droits et valeurs, objet des actes, donations et contrats ci-dessus annulés soient réintégrés dans le patrimoine successoral de Max Y... décédé à Aix-en-Provence le 17 février 2003,
-constaté que la société Predica, venant aux droits des Assurances Fédérales Vie indique ne pas s'être dessaisie des fonds,
-dit que la société Predica doit verser les fonds qu'elle détient au titre des contrats sus-visés aux bénéficiaires précédemment désignés,
-condamné Mme Béatrice X... à payer, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 10. 000 € aux demandeurs à l'instance et celle de 1. 000 € à la société Predica,
-rejeté toutes autres demandes des parties,
-condamné Mme X... aux entiers dépens,
-dit qu'il sera fait application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au profit de la SCP CAMPOCASSO & LAMBREY, ainsi que de MoCarole ROMIEU, avocats,
-ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration de la SCP BOISSONNET & ROUSSEAU, avoués, en date du 14 décembre 2006, Mme Béatrice X... a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 novembre 2007, Mme Béatrice X... demande à la cour, au visa des articles 489 et 1014 du code civil et 1252 du nouveau code de procédure civile, de :
-recevoir son appel,
-constater que les documents dont les intimés demandent le rejet des débats ont été communiqués selon bordereaux réguliers en date des 1er juin 2006 et 14 avril 2004 et soumis à discussion contradictoire devant le tribunal,
-constater que les intimés ne font pas la preuve d'une fraude, d'un vol ou de violences à charge de l'appelante,
-subsidiairement sur ce point, ordonner également et pour les mêmes motifs et en vertu des mêmes textes, et encore de l'article 1252 du nouveau code de procédure civile, le retrait des débats du certificat du docteur J... du 2 septembre 2000 et de l'intégralité des actes de procédure et expertises médicales judiciaires ainsi que des rapports de Mme K..., tutrice,
-ordonner encore le retrait du débat de la lettre confidentielle du 19 mars 2001, communiquée le 6 novembre 2007 pour la première fois devant la cour, entre avocats, lettre relatant au surplus une confidence téléphonique et ce, pour violation du secret professionnel institué par l'article 226-13 du code pénal,
-constater que la procédure engagée par requête auprès du juge des tutelles par Mmes Z... et A... le 6 septembre 2000 ayant donné lieu à une ordonnance de mise sous sauvegarde de justice de M. Max Y... le 11 septembre 2000 est caduque, conformément à l'article 1252 du nouveau code de procédure civile,
-constater que M. Max Y... est mort le 17 février 2003, en jouissant de sa pleine capacité civile en l'état du recours formulé à l'encontre du jugement du 27 juillet 2002 le plaçant sous tutelle,
-dire que les actes juridiques faits par M. Max Y... avant son décès ne peuvent être annulés que pour insanité d'esprit, conformément à l'article 489 du code civil,
-dire que l'insanité d'esprit de M. Max Y... n'est pas établie à la date du 10 mai 2000, lors de la modification par avenant des contrats d'assurance souscrits par lui le 19 juin 1986, le 8 avril 1998, le 27 septembre 1994 et le 9 décembre 1997,
-dire que l'insanité d'esprit de M. Max Y... n'est pas établie à la date du 12 mai 2000, lorsqu'il a fait donation, par acte authentique devant notaire d'une " maisonnette " évaluée à 64. 028 € avec droit de retour et interdiction d'aliéner au bénéfice de Mme X...,
-dire que l'insanité d'esprit de M. Max Y... n'est pas établie à la date du 28 août 2000 lors de la rédaction de son testament,
-en conséquence, réformer le jugement,
-ordonner aux intimés la délivrance du legs résultant du testament du 28 août 2000,
-dire que les contrats d'assurance sus-indiqués entrent dans le champ des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances,
-constater qu'aucune preuve n'est rapportée du fait que les primes acquittées à l'époque étaient manifestement exagérées,
-condamner en conséquence la compagnie Predica à régler à Mme X..., en sa qualité de bénéficiaire unique, les sommes dues en vertu des quatre contrats indiqués, tant en principal qu'intérêts et accessoires acquis depuis le 17 février 2003,
-de façon générale, débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
-subsidiairement au fond, condamner in solidum la compagnie Predica et les intimés à lui payer le montant des contrats d'assurances stipulés à son profit, sans déduction de frais de mutation tant en principal qu'intérêts et accessoires acquis depuis le 17 février 2003,
-en tout état de cause, les condamner à lui verser 10. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BOISSONNET & ROUSSEAU, avoués.

Mme X... estime que les hoirs Y... ne prouvent pas l'état d'insanité d'esprit de Max Y..., que le certificat du docteur J... n'évoque pas un trouble mental, et le rapport du docteur M... ne dit pas que M. Max Y... est hors d'agir.
Elle fait observer que le testament ne présente en lui-même aucun élément de nature à le rendre suspect et que le contenu des actes révèle une volonté libre et déterminée.
Mme X... se prévaut de certificats médicaux et d'attestations confirmant la lucidité de M. Max Y....
Elle considère que, du fait du recours contre le jugement de tutelle, et en l'absence de décision définitive, ce jugement ne peut être retenu et l'annulation des actes ne peut être poursuivie sur le fondement de l'article 503 du code civil, d'autant qu'aucune altération notoire des facultés de M. Max Y... n'est établie. Elle relève qu'après les actes contestés M. Y... a encore donné une maison à sa fille Solange.
Elle se prévaut des certificats médicaux joints au testament.
Elle considère que le comportement de M. Y... était sensé et se défend de toute influence.

Par leurs dernières conclusions, notifiées et déposées 15 novembre 2007, Mme Jacqueline Y... épouse Z..., Mme Solange Y... épouse A..., Mme Gaëlle Z... épouse C..., M. Cédric Z..., Mme Caroline A... épouse
I...
, Mlle Olivia A... et Mme Clémence A... épouse B..., dites ci après les hoirs Y..., demandent à la cour, sur le fondement des articles 9 du code civil, 9 du nouveau code de procédure civile, 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 489, 489-1, 901, 902, 503, 1109, 1112, 1116 du code civil, L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, 699 et 700 du nouveau code de procédure civile, de :
-confirmer le jugement du 26 novembre 2006 et prononcer la nullité de la donation consentie le 12 mai 2000, passée aux minutes de M. E..., notaire associé, publiée à la conservation des hypothèques d'Aix-en-Provence, 1er bureau le 16 juin 2000, volume 2000 P, no6727 et portant sur une petite maison située à Aix-en-Provence chemin des Plâtrières, cadastrée section OD no430 lieudit Le Country pour 3a 04ca, du testament olographe en date du 28 août 2000, déposé au rang des minutes de M. D..., notaire associé, le 10 mars 2003, des avenants du 10 mai 2000 instituant Mme X... en qualité de bénéficiaire des contrats Lionvie capital 4 no025260 G 01 du 19 juin 1986, Lionvie capital 5 no941546 V 01 du 28 février 1989, Lionvie multi capital noZA 005656 N du 27 septembre 1994 et Lionvie croissance double noA7912113 N du 30 novembre 1995,
-ordonner en conséquence que les biens, droits et valeurs, objet des actes, donations et contrats ci-dessous annulés seront réintégrés dans le patrimoine successoral de M. Y...,
-subsidiairement quant aux contrats d'assurance vie, pour le cas où la cour ne confirmerait pas l'annulation des avenants du 10 mai 2000, dire que les contrats sont de pure capitalisation, exclus du champ d'application des articles L. 132-12 et 132-13 du code des assurances, et en ordonner le rapport à la succession pour éventuellement être réduits en cas d'atteinte à la réserve héréditaire,
-dire les primes acquittés manifestement exagérées et ordonner leur rapport à la succession,
-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme X... à payer aux héritiers, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la somme de 10. 000 € en réparation du préjudice causé par ses manoeuvres tant à leur auteur qu'à eux-mêmes,
-y ajoutant, condamner Mme X... à leur payer 5. 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
-condamner Mme X... aux dépens, avec distraction au profit de la SCP de SAINT-FERREOL & TOUBOUL, avoués.

Les hoirs Y... rappellent que Mme X... avait été embauchée par les époux Y... en qualité de femme de ménage à mi-temps à compter du 1er septembre 1993 et qu'a près le décès de Mme Y... elle sera employée à plein temps. Ils précisent que Mme X... est venue habiter de façon occasionnelle, puis constante dans une petite maison familiale.
Ils considèrent qu'au fur et à mesure de la dégradation des facultés intellectuelles de Max Y..., Mme X... a pris de plus en plus d'emprise sur lui, pour obtenir une rémunération excessive, la modification des contrats d'assurance-vie au profit des petits-enfants en la désignant à leur place, la donation de la maison, dont il paya aussi les frais de rénovation et d'équipement et les droits de donation, un testament l'instituant légataire d'une maison de 250 m ² sur un terrain d'environ 5. 000 m ², qui était à l'origine un bien propre de son épouse.

Les hoirs Y... estiment que les ordonnances médicales produites par Mme X... sont des pièces confidentielles que Mme X... n'a pu se procurer qu'en les volant à M. Max Y... et que leur production est une violation du secret médical. Ils font observer qu'il en de même pour des correspondances adressées à M. Max Y... et dérobées par Mme X.... Ils estiment que la production d'autres pièces tronquées est un procédé déloyal.

Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 13 novembre 2007, la société anonyme PREDICA, venant aux droits de la société Assurances Fédérales Vie demande à la cour de :
-à titre principal, confirmer le jugement du 27 novembre 2006,
-prendre acte de ce que la société Predica, venant aux droits des Assurances Fédérales Vie a réglé les sommes aux bénéficiaires précédemment désignés, et débouter Mme X... de son appel,
-à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement, dire que les bénéficiaires devront restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, la société Predica n'ayant pas à régler deux fois les entiers capitaux décès, avant fiscalité, à charge pour eux de réclamer auprès du Trésor public pour les impôts dont ils se sont acquittés au titre des sommes reçues au titre de l'exécution provisoire,
-en tout état de cause, constater que les contrats souscrits par M. Max Y... sont bien des contrats d'assurance-vie et non des contrats de capitalisation,
-condamner toute partie perdante à verser à la société Predica, venant aux droits des Assurances Fédérales Vie la somme de 2. 600 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-condamner toute partie perdante aux entiers dépens, avec distraction de ceux d'appel au profit de la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN et Paul GUEDJ, avoués.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 21 novembre 2007.

MOTIFS,

-Sur les pièces produites :

Toutes les pièces produites de part et d'autre l'ont été contradictoirement.

Il n'est pas établi que, parmi les pièces présentées par Mme X..., certaines aient été obtenues de manière illégale ou frauduleuse.

Les éléments médicaux sur l'état de M. Max Y... sont au centre du débat et leur production ne porte aucunement atteinte aux droits de parties.

Aucune pièce ne doit être écartée.

-Sur l'application de l'article 503 du code civil :

L'article 503 du code civil dispose que les actes antérieurs (au jugement d'ouverture de la tutelle d'un incapable majeur) pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits.

Il n'est pas prétendu par les hoirs Y... que la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits.

Quelque soit la réalité de l'existence des autres conditions, l'absence de celle relative au caractère notoire de la cause d'ouverture de tutelle ne permet pas l'application de cet article.

-Sur l'état d'insanité d'esprit :

L'article 489 du code civil dispose que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

Les actes dont s'agit sont, dans l'ordre chronologique :
-quatre avenants de contrats d'assurances-vie du 10 mai 2000,
-une donation du 12 mai 2000,
-un testament du 28 août 2000.

C'est aux hoirs Y... de prouver le trouble mental de M. Max Y... aux moments des actes des 10 mai, 12 mai et 28 août 2000.

Les hoirs Y... produisent :
-un certificat du docteur Xavier J..., médecin traitant de M. Max Y..., du 2 septembre 2000 qui écrit : " je soussigné, docteur J...,.., certifie apporter mes soins à M. Max Y... depuis 1990 et avoir constaté depuis quelques mois une altération de son état général et de ses capacités physiques et mnésiques, ainsi que des troubles de la sphère cognitive. Cette altération est majorée par des difficultés relationnelles, M. Y... faisant preuve d'une agressivité verbale et d'une tendance persécutoire à l'égard de son entourage proche. ",
ce certificat vient contredire en partie celui qu'il avait établi le 18 mai 2000 selon lequel il écrivait que M. Max Y... ne présentait aucun signe d'affection cliniquement décelable,
-un rapport d'expertise judiciaire du 1er octobre 2000 du docteur Alain M..., psychiatre, expert agréé par le procureur de la République, dans le cadre de la procédure de protection d'incapable majeur, suite à un examen des 20 septembre et 8 novembre 2000, et dans lequel cet expert noté des troubles du caractère, des troubles cognitifs et estime qu'une mesure de protection est préférable pour qu'il soit protégé et représenté dans les actes de disposition importants,
La situation de M. Y... à cette époque est évoquée de nouveau par le docteur M... lorsqu'il verra de nouveau M. Y... le 4 juin 2002, et il écrira : " nous avions examiné M. Y... une première fois le 20 septembre 2000, le tableau clinique évoquait un syndrome démentiel avec détérioration intellectuelle débutante compliquée de troubles du caractère et du jugement, la notion de l'argent était peu investie, il s'était montré prodigue ",
-un rapport d'expertise du 7 mars 2002 du docteur O..., également expert psychiatre agréé. Cet expert, qui avait examiné la veille M. Max Y..., a noté un état démentiel, avec altération pathologique irréversible et croissante de ses facultés mentales, il propose cependant une mesure de curatelle pour ne pas provoquer une atteinte narcissique trop importante,
-un certificat du 22 avril 2002 du docteur P... du service de neurologie du centre hospitalier d'Aix-en-Provence, qui a soigné M. Max Y... alors qu'il avait été hospitalisé du 10 janvier au 18 janvier 2002 : " ce patient présente un déclin cognitif franc et sévère, bien objectivé par les tests psychométriques. Le diagnostic est celui de la maladie d'Alzheimer évoluée. Une mise sous tutelle me paraît indispensable ",
-un nouveau rapport d'expertise du docteur M..., du 14 juin 2002 notant des troubles cognitifs multiples qui entrent dans le cadre d'un syndrome démentiel de type Alzheimer sévère, tout en constatant chez M. Max Y... des réactions de prestance pour masquer ce déclin.

Ces rapports médicaux apportent la preuve de ce que l'état mental de M. Max Y..., né le 24 juillet 1914, était troublé par une affection de type Alzheimer altérant de manière irréversible ses facultés intellectuelles.

Les documents produits par les hoirs Y... sur ce type d'affection établissent que cette affection évolue en trois étapes, une étape asymptomatique, sans signe apparent, une étape dite de pré-maladie, ressentie par le patient, mais en général niée, et une étape sévère au cours de laquelle l'affection apparaît clairement. Ainsi sa découverte chez le sujet n'intervient que bien après qu'elle ait commencé à produire ses effets dévastateurs et que des actes ont déjà pu être accomplis sous l'influence d'erreurs de perception et d'idées délirantes.

Les rapports médicaux apportent la preuve de ce que l'affection de type Alzheimer altérant de manière irréversible les facultés intellectuelles de M. Max Y..., né le 24 juillet 1914, s'est révélée de manière flagrante à partir de l'année 2000 au moins, alors qu'il était dans sa 86ème année.
L'affection était en conséquence déjà ancienne lorsqu'elle a été diagnostiquée et est apparue clairement.

Le médecin traitant de M. Max Y... a accepté de dire en septembre 2000 que cette affection était installée depuis quelques mois, c'est à dire au moins depuis mai 2000, tant l'apparition d'une telle affection fait suite à un long processus de plusieurs années.

Tous les examens médicaux établis ultérieurement confirment cet état en en constatant l'aggravation.

Il en résulte la preuve que l'état mental de M. Max Y... était déjà profondément altéré à compter de l'année 2000.

Il est prouvé de manière certaine que M. Max Y... n'était plus sain d'esprit au sens de l'article 489 du code civil aux dates des 10 mai 2000, 12 mai 2000 et 28 août 2000.

Ses facultés mentales étaient sans doute déjà altérées bien avant, mais sans que cela puisse être établi avec certitude.

Les attestations fournies par Mme X... de personnes qui évoquent le comportement apparent de M. Max Y... dans la vie sociale tel qu'il a pu être vu lors de brèves rencontres ne contredisent pas les analyses médicales ci-dessus rappelées, car le patient ainsi atteint peut faire illusion sur son état à l'égard de personnes non avisées.

Les certificats médicaux établis ponctuellement les 18 mai et 20 août 2000 ne suffisent pas à contredire la masse d'éléments médicaux conformes apportés par les hoirs Y..., sur la base de déclarations du médecin traitant, d'experts judiciaires et d'un médecin qui a reçu en hospitalisation M. Y..., d'autant que le docteur J... a revu sa position en septembre 2000 et que les autres certificats correspondent à un examen ponctuel non approfondi.

En conséquence les actes accomplis les 10 mai 2000, 12 mai 2000 et 28 août 2000 doivent être déclarés nuls comme l'a justement dit le premier juge.

-Sur la demande de dommages et intérêts :

Les hoirs Y... demandent la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal, faisant une confusion sur ce point, a retenu dans ses motifs une condamnation de Mme X... à payer aux hoirs Y... 10. 000 € à titre de dommages et intérêts et dans son dispositif 10. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les hoirs Y... estiment que Mme X... a profité de la situation d'affection mentale de M. Y... pour lui faire établir les actes annulés.

Les manoeuvres de Mme X... pour profiter de l'état délirant de M. Y... ne sont pas établies avec certitude. Il n'est d'ailleurs pas sûr que M. Max Y... n'aurait pas effectué les actes litigieux même hors toute influence de Mme X....

La demande de dommages et intérêts sera rejetée.

-Sur les autres points :

Mme X..., perdante, supportera les dépens.

Elle indemnisera les hoirs Y... pour leurs frais irrépétibles.

Le jugement sera intégralement confirmé vis à vis de Predica.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 25 septembre 2006 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la condamnation de Mme X... à payer des dommages et intérêts et des frais irrépétibles aux hoirs Y...,

Statuant de nouveau sur ces points,

Déboute les hoirs Y... de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne Mme Béatrice X... à payer, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la somme de 5000 € aux hoirs Y... pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Autorise la SCP de SAINT-FERREOL & TOUBOUL, avoués, et la SCP Hervé COHEN, Laurent COHEN et Paul GUEDJ, avoués, à recouvrer directement sur elle, par application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/21165
Date de la décision : 10/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-10;06.21165 ?
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