COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
4o Chambre C ARRÊT AU FOND
DU 10 JANVIER 2008
No 2008 / 14
Rôle No 05 / 21568
Hamadi X...
C /
Henri Y...
Stéphanie Y... épouse Z...
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 26 Septembre 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 8168.
APPELANT
Monsieur Hamadi X...
(bénéficie d' une aide juridictionnelle Totale numéro 0513910 du 16 / 01 / 2006 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
né le 08 Décembre 1952 à KSOUR ISSAF- TUNISIE,
demeurant ...
représenté par la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués à la Cour,
assisté de Maître Hayat AHMED, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur Henri Y... venant aux droits de Mme Fortunée Y...,
né le 08 Octobre 1942 à ARLES (13200),
demeurant ...
représenté par la SCP MAYNARD- SIMONI, avoués à la Cour,
assisté de Maître Daniel LAMBERT, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE
Madame Stéphanie Y... épouse Z... venant aux droits de Mme Fortunée Y...,
née le 08 Novembre 1975 à MARSEILLE (13000),
demeurant ...
représentée par la SCP MAYNARD- SIMONI, avoués à la Cour,
assistée de Maître Daniel LAMBERT, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 06 Novembre 2007 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Brigitte BERNARD, Président, a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2008,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte sous seing privé du 1er septembre 1983, renouvelé le 1er septembre 1992, Hamadi X... a pris à bail de feue Mme Y..., aux droits de laquelle se trouvent Henri Y... et sa fille Stéphanie Y... épouse Z..., ci- après les consorts Y..., un local à usage d' alimentation générale au 125 Avenue Jospeh Vidal à MARSEILLE (Bouches- du- Rhône).
Un congé avec refus de renouvellement de bail lui a été signifié le 28 février 2001 pour le 31. 08. 2001 pour motifs graves et légitimes.
Par acte du 30 juillet 2003, Hamadi X... a assigné les consorts Y... devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE pour juger nul et de nul effet le congé comme n' étant pas fondé.
Les demandeurs ont conclu au débouté des demandes, ayant constaté notamment l' affectation à usage d' habitation du local et ainsi la modification de la destination des lieux, outre l' absence de travaux d' entretien.
Par jugement du 26 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :
- jugé valable le congé avec refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes,
- débouté M. X... de l' ensemble de ses demandes,
- ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef dans les 3 mois de la signification du jugement et ce, avec le concours de la force publique si nécessaire,
- fixé, à compter du 1er septembre 2001 jusqu' au départ effectif des lieux, une indemnité d' occupation équivalente au dernier loyer du et condamné, en tant que de besoin, Hamadi X... à l' acquitter,
- ordonné l' exécution provisoire,
Par acte du 14 novembre 2005, Hamadi X... a fait appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 02 octobre 2007, et auxquelles il est renvoyé Hamadi X... demande à la Cour :
- de réformer le jugement entrepris,
- de dire infondés les motifs invoqués au titre du congé avec refus de renouvellement, comme
ne comportant pas les caractères de gravité et de légitimité exigés par les articles L. 145- 1 et suivants du Code de commerce,
- de déclarer ainsi dépourvu d' effet l' acte extra- judiciaire du 8 janvier 2001 et d' ordonner le renouvellement du bail,
- de condamner les bailleurs au paiement de la somme de 10. 000 Euros à titre de dommages- intérêts,
- à titre subsidiaire, de les condamner au paiement de la somme de 100. 000 Euros au titre de l' indemnité d' éviction,
- de les condamner au paiement de la somme de 10. 000 Euros à titre de dommages- intérêts, de celle de 5. 000 Euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
*Concernant la forme, l' appelant prétend que le commandement et le congé ne rempliraient pas les formes requise.
*Concernant les manquements jugés non fautifs, l' attestation d' assurances distinguerait la partie résidence principale de la partie commerciale.
La réfection de la façade incomberait au bailleur, étant du gros oeuvre.
L' injonction faite de démonter l' enseigne serait abusive. La terrasse constituerait en outre un élément fondamental du commerce d' alimentation et le preneur aurait droit d' en jouir.
L' antenne parabolique n' existerait pas et serait une " pure affabulation ".
*Concernant la partie des lieux loués à usage d' habitation, le preneur aurait toujours occupé 3 pièce, comme ses prédécesseurs. Cela ferait d' ailleurs 20 ans que cela se passe ainsi.
Les intimés auraient eu l' occasion de s' en apercevoir, habitant le 2ème étage de l' immeuble depuis 10 ans. L' usage d' habitation aurait d' ailleurs été consenti verbalement par le précédent bailleur.
Les 3 pièces auraient toujours été aménagées en ce sens.
Le local serait loué dans les mêmes conditions que le fonds de commerce voisin, appartenant aux mêmes bailleurs, dans lequel l' artisan coiffeur occuperait 3 pièces avec l' accord des dits bailleurs.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 06 novembre 2007 et auxquelles il est renvoyé, les consorts Y... demandent à la Cour :
- de constater que le commandement valant mise en demeure n' a pas été suivi d' effet concernant la modification de la destination des lieux, l' absence de réalisation de tous travaux d' entretien, le maintien de l' enseigne et des structures disposées à l' aplomb de la terrasse ainsi que des dépôts des matériels et marchandises sur lesdites terrasses,
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de condamner l' appelant au paiement de la somme de 3. 000 Euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
*Les intimés exposent que le locataire viole les clauses du bail pourtant très explicites, en modifiant la destination des lieux et en s' abstenant de les entretenir.
Les témoignages versés aux débats par l' appelant seraient irrecevables sur le fondement de l' article 1341 du Code civil et tendraient, de plus, à démontrer l' ancienneté des infractions.
L' instruction de l' affaire a été déclarée close le 31 octobre 2007.
Sur ce, la Cour
Considérant que la recevabilité de l' appel n' est pas critiquée ;
Considérant, au fond, qu' il résulte des pièces versées aux débats que les consorts Y..., sont propriétaires depuis le 13. 08. 1996, par voie successorale, d' un immeuble élevé de deux étages, situé 125 avenue Joseph Vidal à MARSEILLE 13008 ;
Qu' Hamadi X... a acquis le fonds de commerce d' alimentation, qu' il exploite dans les lieux loués aux consorts Y..., depuis le 23. 05. 1984, le bail commercial régissant les parties étant en date du 1. 09. 1983 ;
Considérant que, par commandement du 8. 01. 2001, visant l' article 9 paragraphe 1 du décret du 30. 09. 1953 relatif au refus de renouvellement pour motif grave et légitime, les consorts Y..., ont mis en demeure M. Hamadi X... de faire cesser certaines infractions au bail, lesdites infractions nécessitant d' avoir été poursuivies ou renouvelées plus d' un mois après la mise en demeure pour s' en prévaloir comme motifs graves et légitimes de refus de renouvellement sans indemnité ;
Que les consorts Y..., ont ainsi commandé à leur locataire de faire cesser la modification de la destination des lieux, de justifier d' une police d' assurance garantissant les risques locatifs, de procéder à tous travaux d' entretien, notamment du chef des peintures de la façade, de supprimer l' enseigne, les structures et canisses à l' aplomb de la terrasse, de faire cesser tout dépôt de marchandises sur la terrasse et de supprimer l' antenne parabolique ;
Considérant que par constat dressé le 23. 02. 2001, l' huissier instrumentaire a relevé que les époux X... habitaient toujours les locaux commerciaux avec leurs deux enfants, que les pièces servant de logement d' habitation étaient en très mauvais état d' entretien, que des canisses dégradées entouraient une enseigne en bois. et que de la marchandise était entreposée sur la terrasse, l' accès au local commercial se faisant par cette terrasse ;
Considérant que les consorts Y... ont donc fait délivrer à M. Hamadi X... un congé avec refus de renouvellement le 28. 02. 2001 pour le 31. 08. 2001, le bail ayant été reconduit pour 9 ans à compter du 1. 09. 1992, en visant, comme motifs graves et légitimes, les infractions persistantes après le délai d' un mois postérieur au commandement de payer ;
Que, par ordonnance de référé, M. Hamadi X... a été débouté de son opposition au commandement du 8. 01. 2001 ainsi que de ses demandes en nullité de cet acte et en condamnation des bailleurs à faire procéder à des travaux de réfection dans les pièces d' habitation ;
Considérant que la Cour est saisie d' une demande de nullité du commandement du 8. 01. 2001 et du congé du 28. 02. 2001 ainsi que de la validité de ce congé avec refus de renouvellement, pour motifs graves et légitimes ;
Considérant que la demande de nullité, présentée par l' appelant, est fondée sur un défaut de conditions de formes que les deux actes extrajudiciaires ne rempliraient pas ; que la demande, qui n' est pas davantage explicitée, ni justifiée, sera rejetée ;
Considérant que sur les motifs graves et légitimes, invoqués à l' appui du refus de renouvellement parles consorts Y..., la Cour confirme, par adoption de motifs, le jugement entrepris en ce qu' il n' a pas retenu, comme motifs graves et légitimes, l' usage de la terrasse pour y entreposer de la marchandise, l' existence de l' enseigne, d' une antenne parabolique, le défaut de justification d' une assurance locative, ainsi que le défaut de travaux sur la façade ;
Considérant, également, que c' est à juste titre, que le Tribunal a estimé que la modification de la destination des lieux loués était un motif suffisamment grave et légitime de refus de renouvellement de bail en raison, notamment, de sa persistance ;
Considérant qu' il est vérifié que, dans l' acte de bail du 1. 09. 1983 et dans l' avenant de renouvellement du 3. 09. 1992, les lieux loués sont décrits ainsi : " un magasin et trois pièces et terrasse sur le devant, à destination exclusive de commerce d' alimentation " ; qu' aucune destination mixte commerciale et à usage d' habitation n' y est donc mentionnée ;
Que la destination exclusive de commerce d' alimentation est reprise dans l' acte de cession du fonds ; que c' est, peu sérieusement, qu' Hamadi X... prétend que les pièces, qu' il utilise pour son habitation, pourraient être qualifiées de locaux accessoires, indispensables à l' exploitation de son activité ;
Considérant qu' Hamadi X... établit qu' il habite, dans les locaux commerciaux, avec sa famille depuis 1984 et qu' il aurait bénéficié, selon le seul témoignage direct probant de Jean- Claude F..., locataire commercial également des consorts Y..., d' un accord verbal pour cette habitation donné par l' auteur des bailleurs, Madame Fortunée Y..., à l' occasion des voeux 1988, autour d' un café chez elle ;
Considérant qu' en l' état de cet accord verbal précaire, qui s' apparente à une tolérance accordée à titre personnel par Madame Fortunée Y..., il est évident qu' Hamadi X... aurait du solliciter des nouveaux bailleurs, les consorts Y..., une autorisation écrite pour changer partiellement la destination des locaux commerciaux loués et faire officialiser ce changement lors du renouvellement du bail par avenant en 1992 ;
Que force est de constater que non seulement Hamadi X... n' a, à aucun moment, voulu ou tenté de régulariser cette situation, même après le commandement du 8. 01. 2001, alors qu' il n' avait aucun droit acquis à une tolérance verbale et qu' il ne peut être déduit un consentement tacite non équivoque à l' usage d' habitation, du seul fait que les consorts Y... habiteraient dans le même immeuble, ce qui n' est d' ailleurs pas démontré, mais encore n' a pas entretenu les lieux loués, utilisés pour son habitation ;
Que le bail prévoit que " toutes les réparations intérieures au local loué, même foncières, sont à la charge du preneur, à l' exception des grosses réparations définies par l' article 606 du Code Civil " ;
Qu' il devait donc, pour le moins, tenir les lieux à usage d' habitation, sans autorisation des actuels bailleurs, en bon état d' entretien, y compris les appareils sanitaires et chauffe- eau, sans pouvoir réclamer aux bailleurs une remise en état et un remplacement de ces appareils, à la fois en raison de la stipulation contractuelle précitée et de l' absence d' accord des consorts Y..., à cette destination d' habitation ;
Qu' Hamadi X... n' en a rien fait ; que les photos produites montrent un habitat très dégradé par l' usure et le défaut d' entretien ; que la Ville de MARSEILLE a, par ailleurs, écrit au locataire le 18. 01. 2001 pour lui interdire formellement l' utilisation du chauffe- eau installé dans " l' arrière boutique " de son commerce ;
Considérant ainsi que depuis 1996 et encore à cette date, malgré le commandement délivré le 8. 01. 2001, M. Hamadi X... enfreint la destination contractuelle du bail commercial le liant aux consorts Y..., aggravant cette infraction par sa persistance et le défaut d' entretien des lieux loués ;
Considérant que le jugement entrepris sera, en conséquence confirmé, en ce qu' il a déclaré valable le congé avec refus de renouvellement du bail, pour motif grave et légitime, signifié le 28. 02. 2001 pour le 1. 09. 2001 par les consorts Y..., à Hamadi X..., débouté ce dernier de toutes ses demandes, a ordonné son expulsion des lieux loués et l' a condamné à payer, à compter du 1. 09. 2001 jusqu' à son départ effectif des lieux, une indemnité d' occupation mensuelle, égale au dernier loyer du, charges et taxes en sus ;
Considérant qu' il est équitable d' allouer, par ailleurs, aux consorts Y..., 1 500 euros en application des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d' appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement
- Reçoit l' appel.
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- Déboute Hamadi X... de sa demande de nullité du commandement du 8. 01. 20001 et du congé du 28. 02. 2001.
- Ordonne, à nouveau, l' expulsion d' Hamadi X... et de tous occupants de son chef, des locaux à usage commercial, sis 125 avenue Joseph Vidal 13008 MARSEILLE, appartenant à Henri Y... et à Stéphanie Y... épouse Z..., dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt, au besoin avec le concours de la Force Publique.
- Condamne Hamadi X... à payer aux consorts Y..., 1 500 euros en application des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d' appel.
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
- Condamne Hamadi X... aux dépens d' appel. Admet la SCP MAYNARD- SIMONI, avoués au bénéfice de l' article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT