COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10o Chambre
ARRÊT AU FOND DU 20 NOVEMBRE 2007
No 2007 /
Rôle No 05 / 18133
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG
C /
Suzanne X... AXA FRANCE IARD nouvelle dénomination sociale d'AXA ASSURANCES IARD CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 Octobre 2004 enregistré au répertoire général sous le no.
APPELANTE
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, Etablissement Public de l'état créé au 01. 01. 2000 par la loi no 98 / 545, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège socia sisl,100 avenue de Suffren-75015 PARIS représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, asssisté de Me SELARL B F, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie MOREAU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame Suzanne X... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 2615 du 10 / 04 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE) née le 05 Mai 1945 à SAINT SAVOURNIN (13119),
... représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, ayant Me Robin LECCIA, avocat au barreau de MARSEILLE
AXA FRANCE IARD nouvelle dénomination sociale d'AXA ASSURANCES IARD RCS PARIS No 722 057 460 Entreprise régie par le Code des Assurances, prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis,26 rue Drouot-75009 PARIS représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Gérard DAUMAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Mathieu LASALARIE, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège social,8 rue Jules Moulet-13281 MARSEILLE CX 6 représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant la SCP DUREUIL C.-VILLA, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2007,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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E X P O S É D U L I T I G E
Mme Suzanne X... a subi, en juillet 1987, une dialyse suivie d'une néphrectomie rénale droite le 4 décembre 1987, d'une transplantation rénale le 13 janvier 1988 et d'une néphrectomie rénale gauche le 14 juin 1998 ; une contamination par le virus de l'hépatite C (V.H.C.) a été diagnostiquée en 1996.
Par jugement contradictoire du 28 octobre 2004, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :
-Déclaré l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (ci-après E.F.S.) tenu d'indemniser Mme Suzanne X... du préjudice résultant de sa contamination par le V.H.C.,
-Ordonné une expertise médicale de M. Suzanne X..., confiée au Dr Jean-Pierre D...,
-Condamné l'E.F.S. à verser à Mme Suzanne X... la somme de 5. 000 € à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel,
-Réservé les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après C.P.A.M.) des Bouches-du-Rhône au remboursement des débours liés à la contamination subie par Mme Suzanne X...,
-Constaté que l'action dirigée par l'E.F.S. contre AXA ASSURANCES IARD est éteinte en application de l'article L 114-1 du Code des assurances et débouté en conséquence l'E.F.S. de sa demande en garantie,
-Condamné l'E.F.S. à verser à Mme Suzanne X... la somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et débouté les autres parties de leurs demandes formées de ce chef,
-Ordonné le renvoi de l'affaire à la mise en état,
-Ordonné l'exécution provisoire de sa décision,
-Mis l'intégralité des dépens à la charge de l'E.F.S.
L'E.F.S. a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 septembre 2005.
Vu les conclusions de l'E.F.S. en date du 5 décembre 2005.
Vu les conclusions de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône en date du 6 décembre 2005.
Vu les conclusions de Mme Suzanne X... en date du 5 janvier 2007.
Vu les conclusions d'AXA FRANCE IARD, venant aux droits d'AXA ASSURANCES IARD, en date du 23 août 2007.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 septembre 2007.
M O T I F S D E L'A R R Ê T
Attendu qu'il sera donné acte à AXA FRANCE IARD de ce qu'elle vient aux droits d'AXA ASSURANCES IARD.
I : SUR L'ORIGINE TRANSFUSIONNELLE DE LA CONTAMINATION :
Attendu que l'article 102 de la loi no 02-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins est applicable aux instances n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.
Attendu que selon ce texte, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que le doute profite au demandeur.
Attendu qu'une expertise a été diligentée en 2000 par le Dr Bernard E..., commis dans le cadre d'une procédure devant le Tribunal Administratif de MARSEILLE, que son rapport a été régulièrement produit aux débats et a fait l'objet d'une discussion contradictoire de la part de toutes les parties à l'instance qui n'y apportent aucune critique sérieuse.
Attendu qu'il ressort de ce rapport qu'à l'occasion des différentes interventions chirurgicales subies en 1987 Mme Suzanne X... a reçu trois transfusions sanguines les 10 septembre,14 octobre et 3 décembre 1987 à l'aide des lots portant les références 505319,519087 et 040009.
Attendu que les donneurs des lots 505319 et 519087 ont été retrouvés et contrôlés négatifs, qu'en revanche le donneur du lot 040009, provenant d'un fournisseur non habituel, n'a pas pu être identifié.
Attendu que l'expert indique que dans le cas de Mme Suzanne X... il existe plusieurs possibilités de contamination : par la dialyse rénale, par le greffon et par les transfusions, la prévalence de risque dans ce dernier cas étant évaluée à 0,25 % de risque par poche transfusée jusqu'en avril 1988.
Attendu que l'E.F.S. conteste l'origine transfusionnelle de la contamination par le V.H.C. en faisant valoir que 63 % des hépatites C ont une origine non transfusionnelle en France et qu'en l'espèce la victime a été confrontée à un risque nosocomial considérable du fait des séances d'hémodialyse et de la transplantation rénale alors que le risque statistique de contamination par le V.H.C. n'est que de 0,25 % par poche transfusée.
Attendu cependant que les conclusions du rapport d'expertise ci-dessus analysé permettent de présumer que la contamination dont a été victime Mme Suzanne X... a pu avoir pour origine des transfusions de produits sanguins labiles au sens de l'article 102 précité, le doute profitant à la victime ; qu'en vertu de ce texte, il appartient dès lors à l'E.F.S. de faire la preuve que ces transfusions ne sont pas à l'origine de la contamination.
Attendu que cette preuve est une preuve objective de l'innocuité des produits transfusés et ne saurait se réduire au détournement de la présomption d'imputabilité instaurée par l'article précité par l'affirmation de l'absence d'éléments graves, précis et concordants d'une contamination transfusionnelle en l'état d'autres causes possibles de contamination, notamment nosocomiales et à des calculs de probabilité et à des pourcentages statistiques sur la potentialité de contamination selon les causes possibles de celle-ci, ceux-ci n'ayant jamais protégé un malade d'entrer dans la mauvaise part de la statistique et ne participant pas à la démonstration objective exigée.
Attendu que dans la mesure où un donneur n'a pu être identifié et contrôlé, l'E.F.S. ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en vertu de la loi, de l'innocuité des produits sanguins qui ont été transfusés à Mme Suzanne X....
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'E.F.S. tenu d'indemniser Mme Suzanne X... du préjudice résultant de sa contamination par le V.H.C., en ce qu'il a ordonné une expertise médicale afin d'évaluer son préjudice corporel, en ce qu'il a condamné l'E.F.S. à verser à Mme Suzanne X... une provision d'un montant exactement évalué, au vu des éléments de la cause, à la somme de 5. 000 € et en ce qu'il a réservé les droits de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône au remboursement des débours liés à cette contamination.
II : SUR LA PRESCRIPTION DE L'ACTION EN GARANTIE DE L'E.F.S. CONTRE SON ASSUREUR :
Attendu qu'il résulte des pièces produites qu'à l'époque des faits le Centre de Transfusion Sanguine de MARSEILLE (aux droits duquel intervient désormais l'E.F.S.) était assuré auprès de la compagnie d'assurances U.A.P. (aux droits de laquelle intervient désormais AXA FRANCE IARD), selon contrat 313850428332 résilié le 31 décembre 1989.
Attendu que l'assureur soulève la prescription biennale de l'action en garantie de l'E.F.S. à son encontre en application des dispositions de l'article L 114-1 du Code des assurances.
Attendu qu'en vertu de ce texte, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription court du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
Attendu qu'en l'espèce il résulte des pièces de la procédure que Mme Suzanne X... a assigné l'E.F.S. devant la juridiction administrative afin d'obtenir une expertise sur l'origine transfusionnelle de sa contamination par le V.H.C. le 17 avril 2000 et que cet organisme n'a assigné la compagnie AXA ASSURANCES IARD (aux droits de laquelle intervient désormais AXA FRANCE IARD) en garantie que le 17 décembre 2002, soit plus de deux années après.
Attendu que pour sa part l'E.F.S. affirme s'être trouvé dans l'impossibilité d'agir du fait de l'existence, à l'époque, de la clause du contrat d'assurance dite de " garantie subséquente " prévue dans ce type de contrat d'assurance par l'arrêté interministériel du 27 juin 1980 et qui rendait vaine toute action en garantie contre l'assureur lorsque la demande était présentée plus de cinq années après la résiliation du contrat.
Attendu que selon l'E.F.S. le délai de prescription s'en trouvait dès lors suspendu, en application des dispositions de l'article 2251 du Code civil, et n'a commencé à courir qu'à compter de la décision d'illégalité de cet arrêté interministériel rendue par le Conseil d'État le 29 décembre 2000.
Mais attendu que l'existence de cette clause de garantie subséquente n'interdisait pas à l'E.F.S. d'appeler en cause son assureur et ne constituait pas une impossibilité absolue d'agir au sens de l'article 2251 du Code civil, qu'il apparaît en effet que si la jurisprudence de la Cour de cassation paraissait faire obstacle à la garantie due par l'assureur malgré des décisions en sens contraire des juridictions du fond, les centres de transfusion sanguine et l'E.F.S. ont persisté à saisir les tribunaux de la question litigieuse de la validité de cette clause, aboutissant à la saisine, sur ce point, du Conseil d'État.
Attendu dès lors que ni le Centre de Transfusion Sanguine de MARSEILLE ni l'E.F.S. n'étaient dans l'impossibilité absolue d'agir contre leur assureur et que la prescription de l'article L 114-1 du Code des assurances n'a pas été suspendue jusqu'au 29 décembre 2000, qu'elle a donc commencé à courir à compter du 17 avril 2000 pour se terminer le 17 avril 2002 alors que l'E.F.S. n'a appelé en garantie la compagnie AXA ASSURANCES IARD (aux droits de laquelle intervient désormais AXA FRANCE IARD) que le 17 décembre 2002.
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré l'action en garantie de l'E.F.S. à l'encontre de son assureur la compagnie AXA ASSURANCES IARD (aux droits de laquelle intervient désormais AXA FRANCE IARD) comme étant éteinte par la prescription et en ce qu'il a en conséquence débouté l'E.F.S. de sa demande en garantie contre son assureur.
Attendu que le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.
Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'une condamnation au paiement des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Attendu que l'E.F.S., partie perdante en son appel, sera condamné au paiement des dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Donne acte à la compagnie AXA FRANCE IARD de ce qu'elle vient aux droits d'AXA ASSURANCES IARD.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Condamne l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, et autorise la S.C.P. SIDER, Avoués associés et la S.C.P. BLANC, AMSELLEM-MIMRAM, CHERFILS, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRES Madame SAUVAGE GREFFIÈRE PRÉSIDENTE