COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 15e Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 15 NOVEMBRE 2007
Rôle N° 06 / 07114
Leendert X...
C /
CNP ASSURANCES CENTRE D'ARCUEIL Jean Y... Pierre Y...
Grosse délivrée à : SCP A... SCP B...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Mars 2006 enregistré au répertoire général sous le n° 05 / 08925.
APPELANT
Monsieur Leendert X... né le 02 Février 1929 à, demeurant...
représenté par la SCP Z..., avoués à la Cour, assisté par Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
CNP ASSURANCES CENTRE D'ARCUEIL prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis TSA 20001-94942 CRETEIL CEDEX 9
représentée par la SCP B... C...-B..., avoués à la Cour, Me Caroline GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur Jean Y..., demeurant...
défaillant
Monsieur Pierre Y... demeurant...
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, M. Jean-Pierre PRIEUR, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, Président Monsieur Jean-François CAMINADE, Conseiller Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2007, délibéré prorogé au 15 Novembre 2007.
ARRÊT
Par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2007,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DE L'AFFAIRE :
Monsieur X... a souscrit par l'intermédiaire de LA POSTE auprès de la CNP :
- le 3 octobre 1990 un contrat d'assurance vie intitulé " Plein temps " qui a fait l'objet d'un avenant le 10 septembre 1995 ;
- le 10 septembre 1995 un contrat d'assurance vie intitulé " Poste Avenir CNP ".
Dans ces deux polices, il a désigné comme bénéficiaires :
Madame Y... C... sa concubine, à défaut,
Monsieur Y... Pierre, à défaut,
Monsieur Y... Jean, les enfants de sa concubine.
Le 25 juillet 1998, Monsieur X... a modifié la clause relative aux bénéficiaires en cas de décès dans les deux contrats précités en portant :
Monsieur Pierre Y... et Monsieur Jean Y... par parts égales à défaut,
Madame Y... C....
Par courriers des 24 juillet 2000 et 7 mai 2001, la POSTE a informé le souscripteur que Messieurs Pierre et Jean Y... avaient accepté la qualité de bénéficiaires.
Le 10 mai 2001, Messieurs Y... ont autorisé " toute (s) opération (s) " (le pluriel ne concernant que Monsieur Pierre Y...) qu'il juge utile sur les contrats.
Le 20 juillet 2004, Monsieur X... a déposé une demande de rachat des contrats souscrits.
Le 29 août 2004, Monsieur Jean Y... a rédigé deux attestations selon lesquelles il autorisait Monsieur X... à effectuer des retraits partiels sur les contrats.
La CNP ayant refusé le rachat total faute de l'accord des bénéficiaires désignés, Monsieur X... a fait assigner la CNP, Monsieur Pierre Y... et Monsieur Jean Y... devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE pour obtenir :
- la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 80 000 € au titre d'une demande de rachat de ses contrats d'assurance conformément à l'accord de Monsieur Jean Y... en date du 28 août 2004,
- la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 80 000 € au titre d'une demande de rachat de ses contrats d'assurance conformément aux deux accords de Monsieur Jean Y... et de Monsieur Pierre Y... en date du 10 mai 2001 et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,
- la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 160 000 € afin de participer au rachat de son contrat.
Par jugement du 16 mars 2006, Monsieur X... a été débouté de ses demandes.
Il a interjeté appel de cette décision et soutient que les bénéficiaires ayant donné leur accord tant au titre du rachat total que du rachat partiel ; la CNP doit lui remettre les fonds.
Il invoque aussi un manquement de la CNP à son devoir de conseil et l'existence d'une collusion entre cette société d'assurance et les bénéficiaires pour que ceux-ci maintiennent leurs acceptations pourtant révoquées implicitement par les attestations du 10 mai 2001.
Dès lors il demande à la Cour :
- avant dire droit venir enjoindre à la CNP de justifier et de verser aux présents débats les notices d'information à la souscription des deux contrats d'assurance vie, le contrat d'assurance vie Plein Temps n°... souscrit le 3 décembre 1990, les montants exacts de l'épargne disponible sur chacun des deux contrats tel que sollicité par les juges du fond de première instance ;
- dire et juger que conformément aux dispositions de l'article L. 132-21, les modalités de calcul de la valeur de rachat du contrat sont déterminées par un règlement général mentionné dans la police et établi par l'assureur peut consentir des avances aux contractants ;
- réformer le jugement rendu en date du 16 mars 2006,
- dire et juger que les bénéficiaires ont autorisé le souscripteur au rachat total de son contrat par les deux attestations du 10 mai 2001 et les courriers produits,
- dire et juger que ces accords implicites valent accords sur la clôture du compte,
- en conséquence,
- condamner la CNP à lui verser la somme de 160 000 € au titre d'une demande de rachat de ses contrats d'assurance et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,
- condamner la CNP à lui verser la somme de 80 000 € au titre d'une demande de rachat de ses contrats d'assurance conformément à l'accord de Monsieur Jean Y... en date du 28 août 2004,
- à titre subsidiaire,
- condamner la CNP à lui verser la somme de 80 000 € au titre d'une demande de rachat partielle de ses contrats d'assurance conformément à l'accord de Monsieur Jean Y... en date du 28 août 2004,
- condamner la CNP à lui verser la somme de 80 000 € au titre d'une demande de rachat partiel de ses contrats d'assurance conformément à l'accord de Monsieur Pierre Y... en date du 10 mai 2001,
- condamner la CNP à verser la somme totale de 160 000 € majoré des intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article L. 132-21 du code des assurances,
- dans tous les cas,
- condamne la CNP au paiement de la somme de 160 000 € au titre des dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil,
- à titre infiniment subsidiaire, et devant l'élément nouveau produit les 8 et 9 mai 2006, et si la juridiction de céans ne faisait pas droit aux demandes principales et subsidiaires,
- dire et juger bien fondée la demande ampliative du souscripteur,
- réformer le jugement rendu, pour cause d'ingratitude à l'égard des bénéficiaires de la donation conformément aux dispositions des articles 953, 955 du Code Civil et par exception au principe de l'article L. 132-9 du code des assurances et en conséquence clôturer le contrat et verser l'intégralité des sommes au souscripteur,
- condamner la CNP au paiement de la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.
La CNP rétorque qu'en l'absence d'accord des bénéficiaires elle n'a fait qu'appliquer les dispositions légales.
Cette intimée soutient n'avoir commis aucune faute ainsi que toute absence de collusion avec les bénéficiaires.
En conséquence, elle conclut à la confirmation du jugement et au paiement d'une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Monsieur Jean Y... a été cité à personne et Monsieur Pierre Y..., dont l'adresse a été vérifiée et qui n'est pas allé chercher l'assignation déposée à l'étude de l'huissier, n'ont pas constitué avoué.
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS :
Par application de l'article L. 132-9 du code des assurances, Monsieur X... ne peut exercer le rachat des contrats d'assurance-vie souscrits qu'après accord des bénéficiaires qui ont accepté la stipulation faite à leur profit.
Les autorisations données par Messieurs Pierre et Jean Y... le 10 mai 2001 et donc avant la demande de rachat à Monsieur X... " à faire toute (s) opération (s) qu'il juge utile sur ces contrats " s'avèrent trop imprécises pour constituer un accord exprès au rachat des contrats d'assurance-vie.
Le 20 juillet 2004, Monsieur X... a déposé une demande de rachat de ses contrats qui, compte tenu de l'absence d'autre précision, s'analyse comme une demande de rachat total.
Le 28 août 2004, Monsieur Jean Y... a autorisé Monsieur X... à effectuer des retraits partiels sur ces contrats.
Le document rédigé par Monsieur Jean Y..., qui ne porte que sur des retraits partiels, sans autre précision, n'exprime pas la volonté d'autoriser Monsieur X... à effectuer un rachat partiel de ses polices comme il l'avait sollicité auprès de la CNP.
En outre, cette attestation n'indique pas le montant du rachat partiel auquel Monsieur X... pourrait procéder, rendant ainsi impossible cette opération.
Il convient de relever que par courriers du 29 mai 2006, Messieurs Jean et Pierre Y... ont formellement indiqué qu'ils n'autorisaient aucune opération sur ces contrats.
Dès lors, et sans qu'il y ait lieu de statuer avant-dire-droit pour enjoindre à la CNP de préciser le montant de l'épargne disponible sur les contrats, le premier juge a, à juste titre, débouté Monsieur X... de ses demandes de rachat de contrat.
L'assureur est soumis envers l'assuré à une obligation d'information et de conseil.
Monsieur X..., n'établissant pas que la libre disposition de son épargne constituait un élément substantiel de son consentement à la conclusion de l'opération d'assurance, la responsabilité de l'assureur pour manquement à ses obligations d'information et de conseil ne peut être engagée.
Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Les attestations datées de 2006 par lesquelles Messieurs Pierre et Jean Y... ont refusé qu'une quelconque opération soit pratiquée sur les polices d'assurance-vie ne prouvent pas une collusion frauduleuse entre les bénéficiaires et l'assureur.
Le refus manifeste par les bénéficiaires de permettre à Monsieur X... de procéder au rachat total des contrats ne constitue pas une cause d'ingratitude au sens de l'article 953 du Code Civil.
Les correspondances que l'appelant produit aux débats et écrites par Monsieur Pierre Y..., relatives à des prêts familiaux et à possibilité d'investissement ne démontrent pas que les bénéficiaires auraient eu un comportement visant à spolier ou abandonner tant moralement que financièrement Monsieur X....
Cette demande est donc rejetée.
L'appelant, débouté de ses réclamations, est condamné à payer à la CNP la somme de 300 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
- Confirme le jugement attaqué,
- Y ajoutant :
- Déboute Monsieur X... de ses autres demandes,
- Le condamne à payer à la CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE la somme de TROIS CENTS EUROS (300 €) au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- Le condamne aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.