COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2007
No 2007/ 437
Rôle No 05/09152
Roland X...
C/
STE D'AMENAGEMENTS FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL PROVENCE ALPES COTE D'AZUR - "SAFER"
Didier X...
Grosse délivrée
à : BOTTAI
BLANC
ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 10 Mars 2005 enregistré au répertoire général sous le no 04/00314.
APPELANT
Monsieur Roland X...
né le 25 Juin 1950 à AVIGNON (84000), demeurant ...
représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
Plaidant la SCP DE ANGELIS - DEPOËRS - SEMEDEI - VUILLQUEZ - HABART-MELKI, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMES
STE D'AMENAGEMENTS FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL PROVENCE ALPES COTE D'AZUR - "SAFER"
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié,
Route de la Durance - Quartier des Ponches BP 116 - 04101 MANOSQUE CEDEX
représentée par La SCP BLANC-AMSELLEM MIMRAN CHERFILS
Plaidant Me Yves JOLIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Didier X...
assigné le 15/09/05 à personne
demeurant ...
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur CHALUMEAU, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2007,
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS, MOYENS.
Monsieur Claude X..., propriétaire de diverses parcelles à SAINT-REMY-de-PROVENCE (Bouches-du-Rhône) a été placé en liquidation judiciaire, par jugement du 24 janvier 2002 ; Son frère, Monsieur Roland X... a, par jugement du Tribunal de grande Instance de TARASCON du 13 décembre 2002, été déclaré adjudicataire des dites parcelles.
Par courrier du 10 janvier 2003, la SAFER a notifié son intention d'user de son droit de préemption, que par acte du 17 juillet 2003, elle a rétrocédé les parcelles à Monsieur Didier X..., autre frère.
Par exploits des 12 juin 2003 et 28 janvier 2004, Monsieur Roland X... a assigné d'une part, la SAFER PACA en nullité de la préemption et, d'autre part, la SAFER PACA et Monsieur Didier X... devant le Tribunal de Grande Instance de TARASCON, pour notamment juger la rétrocession des parcelles litigieuses, nulle car illégale et non fondée en droit et en fait, rétablir le demandeur en ses droits.
Les instances ont été jointes.
Par jugement du 10 mars 2005 auquel il est renvoyé pour l'exposé du litige, le Tribunal de Grande Instance de TARASCON a :
* débouté Monsieur Roland X... de l'ensemble de ses demandes,
* débouté Monsieur Didier X... et la SAFER de leur demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
* condamné Monsieur Roland X... aux dépens.
Par déclaration reçue le 27 avril 2005, Monsieur Roland X... a fait appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions déposées le 20 juillet 2007, Monsieur Roland X... demande à la Cour :
de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes du concluant,
de juger au contraire, que la préemption du 10 janvier 2003 par la SAFER était illégale,
de juger cette préemption nulle et de nul effet, qu'elle se heurte notamment aux dispositions de l'article L 143-4, al.3 du Code Rural,
de la déclarer en toute hypothèse, irrégulière au fond et ne la forme,
de rétablir en conséquence le concluant, en tous ses droits et dans sa qualité d'acquéreur selon le jugement d'adjudication du 13 décembre 2002,
de déclarer subséquemment, nuls et de nul effet, les actes découlant de cette préemption et notamment, l'acte de rétrocession à Monsieur Didier X... par la SAFER et la vente par la SAFER à Monsieur X..., passée par devant Maître Z...,
de condamner la SAFER aux dépens.
Par ses dernières conclusions déposées le 02 janvier 2006, Monsieur Didier X... demande à la Cour :
- de confirmer le jugement,
- de débouter Monsieur Roland X... de l'intégralité de ses prétentions,
A titre subsidiaire,
- de condamner la SAFER à restitution de la somme de 106.000 €, outre intérêts à compter de la signature de l'acte jusqu'à la date du jugement, ainsi que les frais de diagnostic amiante et thermites et les frais notariés d'acquisition,
- de condamner tout succombant au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.
Par ses dernières conclusions déposées le 16 août 2007, la SAFER demande à la Cour :
* de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Roland X... de sa demande en annulation de la décision de préemption ainsi qu'en annulation de la décision de rétrocession,
* d'accueillir la demande reconventionnelle de la SAFER et de condamner Monsieur Roland X... au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 11 septembre 2007.
Motifs de la Décision
1o) Sur la régularité formelle de la procédure de préemption
L'appelant réitère à ce titre, les critiques vainement soulevées en première instance, relatives à l'absence d'affichage en mairie pendant 15 jours et à l'absence de production aux débats, des approbations des commissaires du gouvernement compétents.
Cette critique manque totalement en fait, dans la mesure où, comme en première instance, la SAFER a pleinement justifié, par les pièces produites aux débats, d‘une part, de l'affichage de l'avis d'acquisition par préemption pendant le délai requis (pièce no 6 de la SAFER) d'autre part, des avis favorables à la préemption donnés par les commissaires du gouvernement intéressés, soit le Directeur Régional de l'Agriculture (pièce no 2 de la SAFER) le Directeur des Services Fiscaux (pièce no 3 de la SAFER).
Ce moyen doit, en conséquence, être écarté.
2o) Sur l'application de l'article L 143-4 du Code Rural
L'appelant fait grief au jugement déféré d'avoir écarté l'application de ce texte, faisant échec, selon sa thèse, au droit de préemption de la SAFER au motif que le Tribunal a ajouté une condition au texte, la qualité objective de l'appelant comme frère de Claude X..., ne pouvant être éludée nonobstant les conditions de la cession.
Cette thèse se heurte aux énonciations de l'article L 143- 4 3o du Code Rural, telles qu'exactement rappelées par la décision déférée et aux conditions d'acquisition des parcelles litigieuses par l'appelant.
L'article précité du Code Rural, exclut le droit de préemption de la SAFER, pour "les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire et les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus ou à des cohéritiers ou leurs conjoints survivants ainsi que les actes conclus entre indivisaires...".
Or, si Roland X... est le frère de Claude X..., ancien propriétaire des parcelles litigieuses, il est d'évidence qu'il n'a pas acquis les biens en qualité de cohéritier sur licitation amiable ou judiciaire, comme l'a exactement relevé la décision déférée.
Il ne peut davantage être regardé, comme ayant acquis le bien par voie de "cession consentie" par son frère Claude puisque les terrains avaient été acquis dans le cadre d'une vente aux enchères publiques autorisée par le juge commissaire, dans le cadre de la liquidation judiciaire des biens de Claude X....
Dans la procédure de la vente aux enchères publiques ainsi organisée, la qualité de Roland X... comme frère du débiteur dont l'actif est réalisé, est totalement inopérante et ne lui permet pas d'exciper des dispositions de l'article L 143-4 du Code Rural.
Au surplus, les intimés soulignent à juste raison à cet égard, la prohibition édictée par l'article 622-17 du Code de Commerce de cession par le liquidateur, de tout ou partie de l'actif immobilier du débiteur à un parent ou allié de celui-ci, jusqu'au 2ème degré.
Le moyen a, en conséquence, été rejeté à bon droit par la décision entreprise.
3o) Sur la motivation de la préemption
L'appelant reprend en cause d'appel, son argumentation de première instance selon laquelle, la motivation de la préemption serait insuffisante et dépourvue d'objectivité.
Cette thèse a été justement écartée par le jugement entrepris, par des motifs pertinents que la Cour adopte.
En effet, la décision de la SAFER vise l'objectif no 2 de l'article L 143-2 du Code Rural :
"Agrandissement et amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes " et précise :
"Propriété actuellement en friche, située en zone NC du POS de la commune de SAINT-REMY-de-PROVENCE dans un secteur sensible (Piémont du Massif des Alpilles) où il est opportun de favoriser le maintien et le développement des exploitations dans le respect des priorités du schéma Directeur Départemental des Structures.
De par sa superficie, cette propriété pourra satisfaire à une demande locale d'agrandissement.
On peut notamment, citer celle d'un jeune exploitant récemment installé, mettant en valeur une propriété de 5 ha orientée vers l'arboriculture, soit 0.35 Unité de référence.
L'adjonction de ces parcelles lui permettait, après leur remise en état, de planter de nouveaux vergers et d'atteindre ainsi, un meilleur équilibre économique.
La publicité légale pourra d'ailleurs révéler d'autres candidatures qui seront soumises aux instances de la SAFER".
Une telle motivation n'encourt pas le grief d'insuffisance avancé par l'appelant puisqu'elle permet aux candidats évincés, de vérifier la réalisation de l'objectif visé ni celui de favoritisme au profit du "jeune exploitant" évoqué à titre d'exemple puisqu'est expressément réservée, la révélation d'autres candidatures consécutives à la publicité légale.
4o) Sur la validité de la rétrocession
Comme énoncé par le jugement, les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pas à apprécier l'opportunité des rétrocessions mais la régularité de la procédure et la réalité de la motivation.
Les pièces produites aux débats par la SAFER, permettent bien de vérifier l'adéquation entre les objectifs affichés et les motifs de la rétrocession, puisque en rétrocédant à Didier X..., en sa qualité d'apporteur de capitaux et en imposant à ce dernier, de donner les parcelles à bail rural à Monsieur A..., qui exploitait déjà une petite propriété, la SAFER a bien respecté l'objectif visé : "agrandissement et améliorations de la répartition parcellaire des exploitations existantes".
La circonstance que Monsieur A... ait rencontré des difficultés ainsi que l'illustrent les documents communiqués par la SAFER, pour entreprendre cette nouvelle exploitation, ne peut être regardée, en l'absence de toute démonstration de faute de l'intimée, caractérisant la fraude alléguée par Roland X..., qui ne peut par ailleurs tirer aucune conséquence utile de sa précédente qualité d'adjudicataire des parcelles en cause.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande d'allouer à chacune des parties intimées, une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, par mise à disposition du Greffe,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Le dit mal fondé,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Roland X... à payer à chacune des parties intimées, la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne l'appelant aux entiers dépens, distraits au profit des avoués des intimés.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,