COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2007
No 2007 / 380
Rôle No 03 / 12195
Marie Josiane X... épouse Y...
C /
Mario Z...
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Avril 2003 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 755.
APPELANTE
Madame Marie Josiane X... épouse Y...
née le 27 Janvier 1947 à OLLIOULES (83190),
demeurant...- 74000 ANNECY
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET- VIGNERON BARADAT- BUJOLI- TOLLINCHI, avoués à la Cour,
assistée de la SELARL CABINET DEGRYSE, avocats au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur Mario Z...
né le 27 Mai 1958 à CELLA ANGOLA (PORTUGAL),
demeurant...- 83240 CAVALAIRE SUR MER
représenté par la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués à la Cour,
assisté de Maître Denis NABERES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 04 Septembre 2007 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Brigitte BERNARD, Président, a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2007,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par arrêt avant dire droit rendu le 28. 03. 2006 et auquel il est ici fait référence pour l' exposé de la procédure, des faits, des demandes et des moyens des parties, la Cour de céans statuant sur l' appel formé par Marie- Josiane X... épouse Y... à l' encontre du jugement rendu le 29. 04. 2003 par le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, a, d' une part, confirmé cette décision en ce qu' elle a retenu la responsabilité, pour partie, de Marie- Josiane X..., en sa qualité de bailleresse, de l' inexploitation du fonds de commerce d' hôtel restaurant, à l' enseigne " le Marigny ", situé à CAVALAIRE SUR MER. (83), avenue des Alliès, par le preneur et rejeté la demande de Marie- Josiane X... tendant à faire constater la résiliation du bail du 18. 02. 1991 liant les parties, à la suite des commandements de payer et de faire en date du 5. 09. 2001 et du commandement de payer du 12. 11. 2002, ces commandements demeurés infructueux étant déclarés réguliers en la forme mais dépourvus d' effets quant au jeu de la clause résolutoire insérée au bail ;
Mais, d' autre part, la Cour a infirmé la décision entreprise en ses autres dispositions ; en effet, la Cour a dit que le congé avec refus de renouvellement, donné le 14. 12. 2001 par Marie- Josiane X..., avait mis fin au bail liant les parties à la date du 29. 09. 2002 et que Mario Z... avait droit à une indemnité d' éviction, aucun motif grave et légitime ne justifiant le refus de renouvellement du bail ;
La Cour a débouté, enfin, les parties de leurs demandes de dommages intérêts et d' indemnité au titre des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais, avant dire droit sur le montant de l' indemnité d' éviction, a ordonné une expertise. confiée à Madame Dorothée A... avec pour mission :
1- de prendre connaissance des pièces du dossier, puis de se transporter sur les lieux, après y avoir convoqué les parties et leurs conseils par L R- AR quinze jours au moins avant le début de ses opérations,
2- de décrire sommairement les locaux donnés à bail à Mario Z..., ainsi que l' activité qui y a été exercée, et les conditions d' exploitation du fonds.
3- de procéder en fonction des circonstances très particulières de l' espèce, telles que décrites ci- avant, à l' analyse des éléments devant permettre d' évaluer le préjudice causé à Mario Z..., par le défaut de renouvellement du bail, et spécialement :
- la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession,
- les frais et droits de mutation à payer pour un local équivalent,
- les frais de déménagement et de réinstallation,
- le trouble commercial imposé pendant le transfert, les indemnités de licenciement du personnel et toutes autres pertes, manque à gagner et débours,
Dans le point 3 de de sa mission donnée à l' expert, la Cour renvoie aux motifs de son arrêt, page 7, cinquième paragraphe, ainsi libellé :
" Le jugement entrepris doit donc être réformé sur ce point, et il convient d' ordonner une expertise, à l' effet de déterminer le montant de cette indemnité, qui sera fixé en fonction de tout ce qui vient d' être dit, s' agissant d' un commerce dont l' exploitation a été arrêtée indéfiniment, parce que les locaux n' étaient plus en état de recevoir de la clientèle, et n' ont pas été restaurés, par suite du mauvais vouloir des deux parties, la bailleresse n' exécutant pas les travaux lui incombant, mais se trouvant elle- même privée de toute possibilité de financement par l' incompréhension de son locataire, demeuré deux ans sans payer une seule échéance de loyer. "
La consignation d' une provision de 2 000 euros pour garantir le paiement des frais et honoraires d' expert a été mise à la charge de Mario Z..., les droits des parties non encore jugés réservés et il a été fait masse des dépens de première instance et de ceux d' appel exposés jusqu' à la date de l' arrêt, chaque partie en supportant la moitié ;
Le rapport d' expertise a été déposé par Madame Dorothée A... le 5. 10. 2007 ;
Dans ses dernières conclusions signifiées le 4. 09. 2007 et auxquelles il est renvoyé, Marie- Josiane X... demande de lui donner acte de ce qu' elle accepte les conclusions de l' expert judiciaire et de fixer le montant de l' indemnité d' éviction devant revenir à Mario Z... à la somme de 91 140 euros ;
Elle sollicite par ailleurs que Mario Z... soit débouté de sa demande de voir assortir cette somme d' un intérêt à compter du 29. 09. 2002 dans la mesure où l' estimation a été faite en rapport avec des prix pratiqués en 2007 ;
Marie- Josiane X... estime que Mario Z... reste néanmoins redevable envers elle de la somme de 20 410, 63 euros au titre des loyers impayés entre le 5. 10. 2000, date de l' adjudication, et le 29. 09. 2002, date d' effet du congé retenue par la Cour ainsi que d' une indemnité d' occupation équivalente au montant du loyer fixé, soit la somme annuelle de 11586, 13 euros, à compter du 29. 09. 2002, et jusqu' au jour de son départ effectif, soit à la date du 4. 09. 2007, la somme de 55 185 euros ;
Elle réclame dans ces conditions que soit ordonnée la compensation entre les sommes revenant à Mario Z... et les sommes qui lui sont dues soit entre la somme de 91 140 euros et la somme de 74 595, 63 euros, représentant le total des loyers impayés et de l' indemnité d' occupation exigibles au 4. 09. 2007, et de juger dès lors que c' est une somme de 16 544, 37 euros qui sera allouée à Mario Z..., après compensation ;
L' appelante requiert enfin le partage des dépens d' appel et des frais d' expertise ;
Dans ses dernières écritures signifiées le 27. 08. 2007 et auxquelles il est renvoyé, Mario Z... conclut à la condamnation de Marie- Josiane X... à lui payer 91140 euros, majorés des intérêts au taux légal à compter du 29. 09. 2002, à titre d' indemnité d' éviction et à supporter tous les dépens y compris les frais d' expertise ;
Il s' oppose, en outre, à toute demande en paiement de loyers et d' indemnités d' occupation, ce qui équivaudrait, selon lui, à rendre Marie- Josiane X... irresponsable de l' exploitation totale du local loué, contrairement à ce qui a été jugé ;
Sur ce, la Cour
Considérant qu' il résulte de l' expertise déposée par Madame Dorothée A... le 11. 01. 2007, que l' immeuble, dans lequel était exploité l' hôtel le Marigny, avenue des Alliés à CAVALAIRE SUR MER, par Mario Z... et objet du bail commercial du 5. 06. 1990, est dans un état de vétusté et impropre à un usage commercial ;
Qu' apparemment, estime l' expert, aucune activité commerciale n' a été pratiquée dans ces locaux depuis le départ du précédent locataire, Mario Z... ayant acquis le fonds de commerce par adjudication le 5. 10. 2000 ;
Qu' en accord avec les parties, l' expert n' a pas inventorié l' outillage ni les mobilier et matériel, leur valeur résiduelle étant nulle et a indiqué que la valeur du fonds de commerce consistait uniquement dans la valeur de son droit au bail ;
Considérant que l' expert a fixé la valeur du droit au bail au 11. 01. 2007 à la somme de 84 800 euros, en partant d' une moyenne du prix de vente de droit au bail tous commerces, dans le centre ville de CAVALAIRE de 117 750 euros, en pratiquant un abattement de 10 % pour un droit au bail exclusif et de 30 % pour la vétusté des locaux, outre une majoration de 10 % pour la superficie importante des locaux, soit un correctif sur la valeur moyenne retenue de moins 20 % ;
Qu' à cette valeur du droit au bail, l' expert a ajouté la somme de 2 840 euros, représentant les frais et droits de mutation à payer pour un local équivalent et celle de 3 500 euros correspondant à des frais de déménagement et de réinstallation, fixant ainsi le montant de l' indemnité d' éviction à 91 140 euros, après avoir encore constaté l' absence de trouble commercial et de toutes autres pertes ou manque à gagner ;
Considérant que les parties sont d' accord sur le montant de l' indemnité d' éviction ainsi calculé par l' expert judiciaire ; qu' il convient donc de fixer à 91 140 euros, la somme due à Mario Z... par Marie- Josiane X... au titre de l' indemnité d' éviction, sans qu' il y ait lieu de majorer cette somme d' intérêts au taux légal à compter de la date d' effet du congé, comme le demande l' intimé, l' expert ayant évalué l' indemnité début 2007 ;
Considérant que Marie- Josiane X... présente une demande de compensation entre l' indemnité d' éviction, les loyers impayés par le preneur du 5. 10. 2000 au 29. 09. 2002, soit la somme de 20 410, 63 euros et les indemnités d' occupation, dont serait redevable Mario Z..., qui s' est maintenu dans les lieux loués, depuis le 30. 09. 2002 jusqu' au 4. 09. 2007, date de l' audience de plaidoiries de la présente affaire, indemnités chiffrées sur la base du montant de l' ancien loyer, à la somme globale de 55 185 euros ;
Considérant que cette demande de compensation est recevable en appel ;
Considérant qu' il convient de constater que la Cour n' a pas statué sur la demande en paiement des loyers, en dehors du jeu de la clause résolutoire, ni sur celle en paiement d' indemnités d' occupation formées par l' appelante ;
Considérant, en effet, que la Cour a dit que le non paiement des loyers par Mario Z... ne pouvait faire jouer la clause résolutoire, les commandements de payer et de faire ayant été délivrés de mauvaise foi par la bailleresse, les locaux loués étant inexploitables en l' absence des travaux, dont la charge lui incombait et qui, en raison de leur nature, devaient être entrepris avant les travaux de réparation et d' entretien incombant au preneur ;
Considérant, ceci étant, que si le non paiement des loyers ne justifiait pas une résiliation de bail ni un refus de renouvellement sans indemnité d' éviction, en raison du manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance, il reste que, comme l' a dit la Cour dans son arrêt avant dire droit, Mario Z... s' est obligé à payer un loyer annuel de 11586, 13 euros lors de l' acquisition de son fonds de commerce et a été condamné par ordonnance de référé non critiquée mais non exécutée, en date du 7. 05. 2002, à payer à la bailleresse, la somme provisionnelle de 7 371, 59 euros au titre de loyers impayés ;
Considérant qu' en raison des manquements respectifs des parties, la Cour estime que les loyers ne sont pas dus par Mario Z..., hormis à concurrence de cette somme de 7 371, 59 euros, dont il n' y a pas lieu de remettre le règlement en cause, plus de 5 ans après l' ordonnance définitive du 7. 05. 2002 ;
Considérant, ainsi, qu' il y a lieu d' ordonner une compensation entre le montant de l' indemnité d' éviction, la somme de 7 371, 59 euros, représentant des loyers impayés judiciairement fixés et également le montant réclamé au titre des indemnités d' occupation, soit 55 185 euros, la Cour fixant au montant de l' ancien loyer l' indemnité d' occupation due depuis le 29. 09. 2002 au 4. 09. 2007 ;
Considérant, en effet, que, si Mario Z... a le droit de se maintenir dans les lieux loués jusqu' au paiement de l' indemnité d' éviction, il ne peut immobiliser gratuitement et sans raison, puisqu' il ne peut exploiter un bien immobilier pour lequel Marie- Josiane X... paie des taxes et notamment la taxe foncière ; qu' il est donc redevable d' une indemnité d' occupation depuis la date d' effet du congé jusqu' à la date fixée par l' appelante et qu' il ne conteste pas en son principe ;
Considérant, en conséquence, qu' il convient de condamner Marie- Josiane X... épouse Y... à payer à Mario Z..., après compensation, la somme de 28 583, 41 euros au titre de l' indemnité d' éviction ;
Considérant que les dépens d' appel seront partagés entre les parties, l' appelante conservant à sa charge les frais de l' expertise judiciaire nécessitée par l' évaluation de l' indemnité d' éviction, dont le paiement a été ordonné par la Cour dans son arrêt avant dire droit ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement
Vu l' arrêt avant dire droit rendu le 28. 03. 2006,
Vu le rapport d' expertise judiciaire de Madame Dorothée A... déposé le 11. 01. 2007,
- Fixe l' indemnité d' éviction due à Mario Z... par Marie- Josiane X... épouse Y... à la somme de 91 140 euros.
- Condamne Mario Z... à payer à Marie- Josiane X... épouse Y... la somme de 7 371, 59 euros montant de la condamnation provisionnelle, prononcée par ordonnance de référé du 7. 05. 2002, et représentant un arriéré de loyer impayé.
- Déboute l' appelante de sa demande concernant le paiement du surplus de loyers arriérés impayés.
- Condamne Mario Z... à payer à Marie- Josiane X... épouse Y..., au titre d' indemnités d' occupation, dont le montant est égal à celui du dernier loyer, la somme de 55 185 euros pour la période du 29. 09. 2002 au 4. 09. 2007.
- Ordonne la compensation entre le montant de l' indemnité d' éviction et les créances précitées de Marie- Josiane X... épouse Y... à due concurrence.
- Condamne, en conséquence, Marie- Josiane X... épouse Y... à payer à Mario Z..., à titre d' indemnité d' éviction, la somme de 28 583, 41 euros, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.
- Dit que les lieux, occupés par Mario Z..., sis avenue des Alliés à CAVALAIRE SUR MER. et appartenant à Marie- Josiane X... épouse Y..., devront être remis à celle- ci pour le premier jour du terme d' usage, qui suivra l' expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l' indemnité entre les mains de l' ancien locataire.
- Fait masse des dépens d' appel non encore liquidés et dit qu' ils seront supportés par moitié par chaque partie, Marie- Josiane X... épouse Y... supportant toutefois seule les frais de l' expertise judiciaire. Admet la SCP TOLLINCHI- PERRET- VIGNERON, avoués, et la SCP LIBERAS- BUVAT- MICHOTEY, avoués, au bénéfice de l' article 699. du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT