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25/10/2007 | FRANCE | N°06/03404

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0047, 25 octobre 2007, 06/03404


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2007

No 2007/ 411

Rôle No 06/03404

S.A. CMA-CGM

C/

S.A. GROUPAMA TRANSPORT

Grosse délivrée

le :

à :TOUBOUL

ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 17 janvier 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2005F01148

APPELANTE

S.A. CMA-CGM, venant aux droits de la SA COMPAGNIE MARITIME D'AFFRETEMENT

dont la siège est sis 4 rue d'Aren

c - PO BOX 2409 - 13002 MARSEILLE

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me Marc GUERIN pour la SELARL RENARD et ASSOCIES...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2ème Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 OCTOBRE 2007

No 2007/ 411

Rôle No 06/03404

S.A. CMA-CGM

C/

S.A. GROUPAMA TRANSPORT

Grosse délivrée

le :

à :TOUBOUL

ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 17 janvier 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2005F01148

APPELANTE

S.A. CMA-CGM, venant aux droits de la SA COMPAGNIE MARITIME D'AFFRETEMENT

dont la siège est sis 4 rue d'Arenc - PO BOX 2409 - 13002 MARSEILLE

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me Marc GUERIN pour la SELARL RENARD et ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. GROUPAMA TRANSPORT (anciennement dénommée GROUPAMA NAVIGATION ET TRANSPORT)

dont la siège est sis1 quai Georges V - 76600 LE HAVRE

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,

plaidant par Me Fabrice RENAUDIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 septembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Robert SIMON, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur André JACQUOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2007.

ARRÊT

Contradictoire

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2007

Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. C M A / C G M a émis, le 7 février 2004, à BELEM (Brésil) un connaissement couvrant le transport par le navire « Maria Schulte » d'un conteneur « reefer » à température de moins 20 degrés Celsius renfermant des lots de poissons congelés du port de Belem à celui de Pointe à Pitre, la S.A.R.L. KRUSTAFISH étant mentionnée comme destinataire de la marchandise et la société Transit DESERT comme « notify », transitaire du destinataire. La cargaison a été débarquée le 14 février 2004 et des avaries par décongélation ont été constatées, le 8 mars 2004, au port de Jarry. La Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport est l'assureur sur facultés de la marchandise transportée.

Par jugement contradictoire en date du 17 janvier 2006, le Tribunal de Commerce de Marseille a condamné la S.A. C M A / C G M à payer à la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport la somme de 27.101 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre une somme de 3.000 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.

La S.A. C M A / C G M a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M dans ses conclusions en date du 16 juin 2006 tendant à faire juger :

- que la demande de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, faute pour la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport de démontrer que les conditions de la subrogation légale et/ou conventionnelle sont remplies et que le sinistre est couvert par la police d'assurance,

- subsidiairement, que la responsabilité du transporteur maritime ne peut être retenue en raison de la faute du transitaire, la société Transit DESERT, mandataire de la S.A.R.L. KRUSTAFISH, qui n'a pas fait toute diligence dans un délai raisonnable pour enlever le conteneur, placé dans l'aire des conteneurs secs,

- plus subsidiairement, que le montant de l'indemnité versée par la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport à la S.A.R.L. KRUSTAFISH prête à critique (fret et valeur assurée) ;

Vu les prétentions et moyens de la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport dans ses conclusions en date du 19 septembre 2006 tendant à faire juger :

- que ses demandes sont recevables et qu'elle a bien intérêt et qualité pour agir,

- que la S.A. C M A / C G M ne s'exonère pas de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle dès lors qu'aucune faute ne peut être imputée à la société Transit DESERT qui a vainement tenté de se faire délivrer la marchandise et l'a vainement recherchée sur l'aire réservée aux conteneurs frigorifiques,

- que le montant de l'indemnité versée à la S.A.R.L. KRUSTAFISH en réparation du préjudice subi n'est pas critiquable ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 3 septembre 2007.

MOTIFS ET DÉCISION

Attendu qu'il ressort du certificat d'avarie dressé, le 8 mars 2004, que le conteneur litigieux a été placé par l'aconier instruit par la S.A. C M A / C G M dans l'aire des conteneurs « secs » après son débarquement le 14 février 2004 et que son groupe frigorifique n'a donc été ni branché, ni alimenté en électricité ; que le certificat d'avarie est opposable à la S.A. C M A / C G M dont un représentant était présent lors des opérations d'expertise et a été entendu par le commissionnaire en avaries ; que ledit certificat a, de plus, été régulièrement versé au débat et soumis à la contradiction des parties au procès ; que, enfin, dans une télécopie en date du 12 mai 2004, adressée à société Transit DESERT, la S.A. C M A / C G M reconnaît que le conteneur litigieux « a été placé dans l'emplacement réservé aux conteneurs secs, n'ayant reçu aucune instruction lui précisant qu'il s'agissait d'un conteneur réfrigéré » ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 172-29 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à la garantie ; que, pour bénéficier de la subrogation légale de plein droit, l'assureur doit justifier qu'il a effectivement payé l'indemnité d'assurance et que le paiement est intervenu en exécution de l'obligation de garantie qu'il avait souscrite par contrat ; qu'en l'espèce, premièrement la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport justifie par divers documents probants (correspondances, extraits de relevés de comptes bancaires, documents comptables ) que son courtier a émis, le 18 janvier 2005, un chèque de 27.101 à l'ordre de la S.A.R.L. KRUSTAFISH en règlement de l'indemnité d'assurance relativement au sinistre considéré et que la S.A.R.L. KRUSTAFISH a délivré, le 26 janvier 2005, une quittance subrogative du même montant visant le sinistre ; que secondement, d'une part, 1- il apparaît que la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport a versé cette indemnité au titre de la police d'assurance « ad valorem » No 10.33223 couvrant « sans aucune restriction, toutes détériorations et/ou altérations des produits à la suite de phénomène de décongélation, re-congélation survenant pendant la durée du voyage assuré » ; que sont assurées « les détériorations des facultés résultant d'un mauvais fonctionnement des appareils de réfrigération du conteneur ou de l'appareil frigo du conteneur » ; que l'absence de branchement électrique du conteneur litigieux est assimilable à son mauvais fonctionnement ; que cette notion de « mauvais fonctionnement » vise tout événement ayant trait au fonctionnement des appareils de réfrigération sans distinguer si le mauvais fonctionnement provient d'une panne technique ou d'une mauvaise utilisation desdits appareils ; que d'autre part, 2- la garantie était octroyée, selon la police d'assurance « jusqu'au point extrême du voyage dans les magasins client final en Guadloupe et/ou Martinique » ; qu'il s'ensuit que la S.A.R.L. KRUSTAFISH a satisfait à l'obligation qui lui était faite de « faire constater les dommages dus à la non-conservation, dans le délai de 72 heures de l'arrivée de la marchandise au point final de destination » ; que ce point final étant conventionnellement prévu comme étant les magasins/entrepôts de la S.A.R.L. KRUSTAFISH, la constatation des dommages qui a eu lieu dans la zone portuaire, avant le transfert dans les magasins/entrepôts de la S.A.R.L. KRUSTAFISH, a été effectuée en conformité avec les stipulations de la police d'assurance ;

Attendu en définitive que le paiement de l'indemnité d'assurance a été effectué en exécution de l'obligation contractuelle de garantie, expressément souscrite par la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport ; que les conditions de la subrogation légale au profit de l'assureur sont réunies ; que la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport est recevable à agir contre le transporteur maritime ;

Attendu que le contrat de vente et le contrat de transport sont indépendants ; qu'il s'ensuit que le transporteur ne peut se prévaloir des effets et conditions de la vente quant aux droits et obligations de l'acheteur pour soutenir que celui-ci ou son subrogé serait dépourvu d'intérêt à agir conter lui, faute de rapporter la preuve du paiement du prix de la marchandise qui a subi les avaries ; que la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport est donc recevable à agir à l'encontre de la S.A. C M A / C G M, sans qu'il soit besoin d'examiner son argumentation tenant à une absence alléguée de paiement du prix ;

Attendu que le transport n'est pas soumis la Convention de BRUXELLES, originelle ou amendée dès lors que le connaissement a été émis pour une marchandise partant du port de Belem au Brésil qui n'est pas un État contractant ; que la S.A. C M A / C G M invoque une cause d'exonération de sa responsabilité tenant à la faute de la société Transit DESERT, transitaire mandaté par la S.A.R.L. KRUSTAFISH, faute considérée comme un évènement non imputable au transporteur ; que cependant il apparaît que la S.A. C M A / C G M a donné pour instructions à son aconier au port de débarquement de placer le conteneur « reefer » dans l'aire réservée aux conteneurs « secs » bien que le connaissement mentionnât la consigne d'un transport par moins 20 o Celsius ; qu'il ne peut être reproché au transitaire d'avoir vainement recherché le conteneur litigieux dans l'aire réservée aux conteneurs frigorifiques et de ne pas l'avoir fait également dans l'aire réservée aux conteneurs « secs » ; que la S.A. C M A / C G M ne produit pas au débat de document daté par lequel elle a avisé la société Transit DESERT de la mise à disposition de la marchandise après son débarquement ; qu'il ne peut être imputé de faute au transitaire pour ne pas avoir fait de diligences suffisantes en vue de l'enlèvement de la marchandise, dès lors que le transitaire n'a pas été mis en mesure par la S.A. C M A / C G M d'effectuer l'enlèvement matériel de la marchandise, une fois celle-ci débarquée ;

Attendu que le montant du fret payé par le destinataire alors que les marchandises avariées ne lui ont pas été délivrées et qu'il n'a tiré aucun profit de la prestation de transport, constitue un élément de son préjudice indemnisable ; que la clause insérée au connaissement « frais acquis à tout événement » ne peut avoir pour effet de limiter le droit à réparation intégrale du destinataire ; que, pour le calcul de l'indemnité d'assurance, la valeur FOB des marchandises a été majorée de 10 % pour tenir compte selon un usage international non dénié par la S.A. C M A / C G M, des frais annexes et notamment d'expertise supportés par la S.A.R.L. KRUSTAFISH qui n'a effectivement pas fait de réclamation spécifique concernant les frais du commissionnaire en avaries qu'elle a mandaté ; que les frais annexes découlant du sinistre et qui ont été « forfaitisés », constituent un élément du préjudice indemnisable ;

Attendu que la créance dont l'assureur poursuit le recouvrement par subrogation dans les droits d'action de la victime/assurée, n'a pas le caractère indemnitaire ; que l'action de l'assureur se borne au paiement d'une somme d'argent d'un montant déterminé qu'il a versée à son assuré à titre d'indemnité d'assurance ; qu'il en résulte que le point de départ des intérêts moratoires dus à l'assureur doit être fixé, conformément à l'article 1153 du Code Civil, à la date de la mise en demeure faite par la compagnie d'assurances subrogée et non à celle de la quittance subrogative ; qu'en l'espèce, la date à retenir est la date de l'introduction de la demande valant mise en demeure, comme la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport l'a d'ailleurs expressément sollicité et obtenu ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 2.500 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,

Reçoit l'appel de la S.A. C M A / C G M comme régulier en la forme.

Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant, condamne la S.A. C M A / C G M à porter et payer à la Compagnie d'Assurances GROUPAMA Transport la somme de 2.500 au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en cause d'appel.

Condamne la S.A. C M A / C G M aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. d'Avoués associés Agnès ERMENEUX-CHAMPLY et Laurence LEVAIQUE, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0047
Numéro d'arrêt : 06/03404
Date de la décision : 25/10/2007

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES

Les conditions de la subrogation légale au profit de l'assureur du transporteur maritime sont réunies, compte tenu du paiement effectif de l'indemnité d'assurance correspondant à l'exécution de l'obligation de garantie souscrite dans le contrat. Dans la mesure où étaient assurées « les détériorations des facultés résultant d'un mauvais fonctionnement des appareils de réfrigération du conteneur ou de l'appareil frigo du conteneur », et qu'en l'espèce l'absence de branchement électrique du conteneur litigieux est assimilable à un mauvais fonctionnement, qui vise tout événement ayant trait au fonctionnement des appareils de réfrigération sans distinction de l'origine du disfonctionnement - panne technique ou mauvaise utilisation desdits appareils - il convient de faire jouer la garantie. Il convient de rejeter la faute du transitaire dans la mesure où il n'a pas été avisé de la mise à disposition de la marchandise, après son débarquement, dans l'aire réservée aux conteneurs « secs », bien que le connaissement mentionnât la consigne d'un transport par moins 20ºCelsius. Il ne peut ainsi lui être imputé de faute pour défaut de diligences suffisantes en vue de l'enlèvement de la marchandise, dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure par le transporteur d'effectuer l'enlèvement matériel de la marchandise, une fois celle-ci débarquée. Constitue un élément du préjudice indemnisable du destinataire de la marchandise, le montant du fret payé alors que les marchandises avariées ne lui ont pas été délivrées et qu'il n'a tiré aucun profit de la prestation de transport. La clause insérée au connaissement « frais acquis tout événement » ne peut avoir pour effet de limiter le droit à réparation intégrale du destinataire. En l'espèce, pour le calcul de l'indemnité d'assurance, la valeur FOB des marchandises a été majorée de 10 % pour tenir compte, selon un usage international, des frais annexes et notamment d'expertise supportés par le destinataire qui n'a effectivement pas fait de réclamation spécifique concernant les frais du commissionnaire en avaries qu'elle a mandaté. Que les frais annexes découlant du sinistre et qui ont été « forfaitisés », constituent un élément du préjudice indemnisable.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Marseille, 17 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2007-10-25;06.03404 ?
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