COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
6 Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 FEVRIER 2007
No 2007 /
Rôle No 05 / 24473
Antoinette X... épouse Y...
C /
François Y...
Grosse délivrée
le :
à : SCP DE SAINT FERREOL
SCP COHEN
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Juillet 2004 enregistré (e) au répertoire général sous le no 99 / 7023.
APPELANTE
Madame Antoinette X... épouse Y...
née le 05 Janvier 1923 à ASSI BEN OKBA (ALGERIE),
demeurant ...- 06150 CANNES LA BOCCA
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL- TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de Me Michèle CINA- ASTRUC, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur François Y...
né le 10 Février 1922 à ORAN (ALGERIE),
demeurant ...- 06210 MANDELIEU LA NAPOULE
représenté par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
assisté de Me Dominique SAUVES- CHEMAMA, avocat au barreau de NICE substitué par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 11 Janvier 2007 en Chambre du Conseil. Conformément à l' article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur François FILLERON, Conseiller a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Claire FALCONE, Président
Monsieur François FILLERON, Conseiller
Monsieur François BOISSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Marie- Sol ROBINET.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2007.
Signé par Madame Marie Claire FALCONE, Président et Madame Marie- Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE.
Le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de GRASSE, par jugement rendu le 15 juillet 2004, a prononcé la séparation de corps de M. François Y... et de Mme Antoinette X... aux torts du mari, dit que M. Y... devrait verser à Mme X... une pension alimentaire mensuelle de 457, 35 euros en exécution du devoir de secours, rejeté la demande de Mme X... d' attribution du domicile conjugal en usufruit au titre du devoir de secours, débouté M. Y... de sa demande de dommages- intérêts, condamné ce dernier à payer à Mme X... la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu' aux dépens.
Mme X... a relevé appel de cette décision le 23 septembre 2004 en limitant son recours aux dispositions du jugement rejetant sa demande d' attribution de l' usufruit du bien immobilier commun à titre de complément du devoir de secours.
La cour d' appel, par arrêt prononcé le 24 novembre 2005, a ordonné le retrait de l' affaire du rôle général de la Cour à la demande des parties.
L' affaire a été rétablie le 23 décembre 2005 à la demande de Mme X....
Mme X..., par conclusions signifiées le 4 novembre 2005, demande à la cour d' appel de réformer partiellement le jugement entrepris et de lui allouer l' usufruit du bien immobilier commun évalué à la somme de 16 500 euros à titre de complément du devoir de secours, de condamner M. Y... à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
M. Y..., par conclusions notifiées le 21 juin 2006, demande à la cour d' appel de confirmer le jugement entrepris en ce qu' il a rejeté la demande d' attribution de l' usufruit de l' appartement et de condamner Mme X... à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION.
La recevabilité de l' appel n' est pas discutée. Aucun élément n' est fourni à la cour d' appel lui permettant de relever d' office la fin de non- recevoir tirée de l' inobservation du délai de recours. L' appel sera déclaré recevable.
L' appel étant limité à la question de l' attribution de l' usufruit du bien immobilier commun, toutes les autres dispositions du jugement entrepris seront confirmées. Une erreur matérielle sur la date du mariage des époux sera rectifiée, celui- ci ayant été célébré le 19 février 1944 et non le 12 février 1944.
En application des anciens articles 303, 285, 274 et 275 du Code civil, lorsque la consistance des biens de l' époux débiteur s' y prête, la pension alimentaire allouée en exécution du devoir de secours est remplacée, en tout ou partie, par la constitution d' un capital, le versement du capital pouvant s' effectuer par l' abandon d' usufruit sur un bien immobilier, la décision opérant cession forcée en faveur du créancier.
M. François Y..., né le 10 février 1922, et Mme Antoinette X..., née le 5 janvier 1923, se sont mariés le 19 février 1944 sans contrat préalable. Ils ont eu six enfants, Francine née le 14 novembre 1944, Jean Pierre né le 27 août 1946, Paule née le 3 juin 1948, Claude né le 27 novembre 1950, décédé le 27 août 1982, René né le 11 novembre 1953, Maryline née le 22 décembre 1958. L' ordonnance de non- conciliation a été rendue le 29 mai 2000.
M. Y..., âgé actuellement de 85 ans, perçoit plusieurs pensions de retraite.
Il produit les avis d' imposition suivants :
- année 2002 : 22 650 euros, soit 1 887, 50 euros par mois,
- année 2004 : 23 033 euros, soit 1 919, 41 euros par mois.
Divers bulletins de pensions et des notifications de revenus à déclarer permettent de mieux déterminer ses revenus réels, certains éléments de pensions n' étant pas imposables :
- bulletin de pension du 6 août 2005 : retraite personnelle du mois de juillet 2005 de 1812, 17 euros, montant imposable, outre une majoration enfant de 453, 04 euros, non imposable, retraite du combattant du 1o mars au 31 août 2005 de 213, 68 euros, soit 35, 61 euros par mois, non imposable,
- revenus CRAM du Sud Est à déclarer en 2002 : 2 114 euros, soit 176, 16 euros par mois,
- revenus CAPIMMEC- IREC à déclarer en 2002 : 505, 59 euros, soit 42, 13 euros par mois,
soit une somme totale de 1 812, 17 euros + 453, 04 euros + 35, 61 euros + 176, 16 euros + 42, 13 euros = 2 519, 11 euros.
Suivant contrat en date du 4 août 2000, il a pris en location un studio meublé pour un loyer mensuel de 2 500 Francs (381, 12 euros), charges comprises. La quittance la plus récente produite, couvrant la période du 1o janvier 2003 au 31 juillet 2003, est de 2667, 84 euros, soit 381, 12 euros par mois. Il supporte en outre les charges de la vie courante.
Les documents médicaux qu' il produit révèlent que son état de santé justifie la présence d' une aide ménagère.
Mme X..., âgée actuellement de 84 ans, perçoit également des pensions de retraite :
- avis d' imposition 2002 : 6 133 euros, soit 511, 08 euros par mois,
- pensions à déclarer en 2003 : 5 795 euros (CRAM du Sud Est) + 625 euros (ARRCO) = 6 420 euros, soit 535 euros par mois.
Elle réside au domicile conjugal, un appartement de cinq pièces, d' une surface de 85 m2 environ, que les époux ont acquis en 1978, dont la jouissance gratuite lui a été attribuée par le juge conciliateur.
Il est établi que durant la procédure de divorce elle a fait de longs séjours chez des membres de sa famille mais, ainsi qu' il résulte notamment de certificats médicaux délivrés le 27 septembre 1999 et le 30 mars 2001 par le Docteur D..., elle a présenté un syndrome anxio- dépressif réactionnel à ses problèmes familiaux et les séjours auprès de proches ou d' amis pouvaient lui apporter un réconfort et un soutien moral.
Elle produit des factures de consommation d' eau, de gaz et d' électricité, de téléphone montrant qu' elle occupe habituellement ce logement. Elle supporte les charges de la vie courante, dont les charges de copropriété, déclare être exonérée du paiement de la taxe d' habitation ainsi que de la taxe foncière mais que son mari a exigé que l' avis de paiement de cette dernière taxe lui soit adressé.
L' appartement a été évalué le 7 octobre 2004 entre 155 000 euros et 165 000 euros. Eu égard à cette dernière valeur et à l' âge de Mme X..., la valeur de l' usufruit s' élève à 16500 euros selon le barème usuel.
En considération de ces éléments sur les situations respectives des parties, la cour d' appel estime qu' il doit être alloué à Mme X... en exécution du devoir de secours, outre la pension alimentaire mensuelle fixée par le premier juge, un capital de 16 500 euros sous la forme de l' abandon en usufruit du bien immobilier commun.
Les dépens seront mis à la charge de M. Y... aux torts de qui la séparation de corps est prononcée. De ce fait, celui- ci ne peut obtenir l' allocation d' une indemnité fondée sur les dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
L' équité commandait l' allocation en première instance d' une indemnité de 1 800 euros à Mme X... en application des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile. Une indemnité complémentaire de 500 euros sera allouée en cause d' appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour ;
Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats non publics ;
Déclare l' appel recevable en la forme ;
Confirme le jugement rendu le 15 juillet 2004 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de GRASSE en toutes ses dispositions à l' exception de celle relative à la demande d' attribution de l' usufruit du bien immobilier commun ;
Le réforme de ce chef et statuant à nouveau ;
Alloue à Mme Antoinette X... un capital de 16 500 euros, à titre de complément de pension alimentaire en exécution du devoir de secours, sous la forme de l' attribution de l' usufruit du bien immobilier commun désigné ainsi qu' il suit :
Dans l' ensemble immobilier sis sur le territoire de la commune de CANNES (Alpes Maritimes), Quartier des Puits, 167 et 169 avenue Michel Jourdan, Bâtiment B nommé Les Saules :
- le lot 108 consistant en un appartement situé au deuxième étage du bloc 3, entrée 3 du bâtiment B, les cent trente quatre / dix millièmes de la propriété du sol et des parties générales à tout l' ensemble immobilier,
- le lot 70 consistant en un local à usage de cave, au rez- de- chaussée du bâtiment B, et les cinq / dix millièmes de la propriété au sol et des parties communes générales à tout l' ensemble immobilier,
- le lot 228 consistant en un parking extérieur, et le un / dix millièmes de la propriété au sol et des parties communes générales à tout l' ensemble immobilier ;
Ce bien a été acquis de la société anonyme coopérative d' habitation à loyer modéré des Alpes Maritimes par acte dressé les 19 et 24 juin 1978 par Maître Christian E..., notaire à CANNES ;
Le règlement de copropriété et l' état descriptif de division dressé par Maître E..., notaire, le 2 novembre 1977, a été publié le 10 novembre 1977, vol 3809 no 11 ;
Dit que la présente décision opère cession forcée en faveur de Mme X... ;
Précise que le mariage de M. François Y... et de Mme Antoinette X... a été célébré le 19 février 1944 à ORAN (Algérie) ;
Déboute M. Y... de sa demande d' indemnité fondée sur les dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. Y... à payer à Mme X... une indemnité complémentaire de 500 euros en cause d' appel en application des dispositions de l' article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. Y... aux dépens d' appel et dit qu' ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
Le GreffierLe Président