COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 17 OCTOBRE 2006 MA/B No 2006/ Rôle No 03/17591 Mathieu X... C/ David Y... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES "FGAO" Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 26 Août 2003 enregistré au répertoire général sous le no 97/04682. APPELANT Monsieur Mathieu X... ... par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour, assisté de Me Isabelle POUEY SANCHOU, avocat au barreau de TOULON INTIMES Monsieur David Y... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 06/6727 du 11/09/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE) né le 3 octobre 1970 à VALENCE, demeurant Quartier Loins Veys - 83390 CUERS représenté par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR, agissant poursuite et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, ZUP de la Rode - Rue Emile Ollivier BP 328 - 83082 TOULON CEDEX représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES "FGAO", ( article L421-1 du Code des Assurances) venant aux droits du Fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse en vertu de la loi n 2003-706 du 01.08.2003 de sécurité financière, en son article 81 dont le siège social est sis 64, rue Defrance 94300 VINCENNES, pris en la personne de son Directeur Général, élisant domicile en sa délégation de Marseille où est géré ce dossier,39 Boulevard Vincent Delpuech - 13006 MARSEILLE représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 21 Juin 2006 en
audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Mme Z..., Présidente suppléante a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Bernadette Z..., Présidente suppléante Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller Madame Dominique KLOTZ, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats :
Madame Sylvie MASSOT. A... parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2006. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2006, Signé par Madame Bernadette Z..., Présidente suppléante et Madame Geneviève B..., greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
Vu le jugement rendu le 26 août 2003 par le Tribunal de Grande Instance de TOULON sous le numéro 97/4682.
Vu l'appel limité interjeté le 16 octobre 2003 par Monsieur Mathieu X...
Vu les conclusions de l'appelant signifiées le 17 février 2004.
Vu les conclusions de Monsieur David Y... signifiées le 30 novembre 2005.
Vu les conclusions du FGAO notifiées le 6 juillet 2004.
Vu les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR signifiées le 28 avril 2004.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 juin 2006. EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X... a interjeté appel limité d'un jugement rendu le 26 août 2003 par le Tribunal de Grande Instance de TOULON, qui a condamné Monsieur Y... à réparer son préjudice consécutif à un accident de la circulation survenu le 11 mars 1992. Il sollicite une majoration des indemnités qui lui ont été allouées au titre de la perte d'une chance professionnelle et au titre du préjudice
d'agrément.
Il demande à la Cour de porter l'indemnité due au titre de la perte d'une chance professionnelle à la somme de 481 371 ç, par application d'un euro de rente viagère, et la somme due au titre du préjudice d'agrément à 30 490 ç.
Monsieur Y... conclut à la confirmation du jugement déféré et le FGAO estime que, compte tenu de l'âge de la victime au moment de l'accident, il n'est pas possible d'affirmer que, même bon élève en 4ème, il aurait pu achever un cycle d'études supérieures et accéder à un statut de cadre supérieur ou analogue.
Il conclut donc également à la confirmation du jugement entrepris, offrant toutefois la somme de 8 000 ç au titre du préjudice d'agrément.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR réclame la somme de 38.951,03 ç montant de ses débours définitifs. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la perte de chance professionnelle :
Il convient de rappeler que Monsieur Mathieu X..., alors âgé de 13 ans et élève en classe de 4ème, qui pilotait sa bicyclette a heurté le 11 mars 1992 un ensemble routier qui circulait sur la Commune de SOLLIES PONT. Cet accident a provoqué un traumatisme crânien sévère avec lésion de coup occipitale droite, hémorragie méningée post traumatique, oedème cérébral diffus et lésion de contre-coup frontale gauche.
Après hospitalisation en réanimation puis rééducation, l'enfant a bénéficié d'un suivi médical et thérapeutique. Il a repris son activité scolaire en 4ème, d'abord à temps partiel jusqu'en juin 1993.
Au mois de mars de la même année un bilan neuropsychologique mettait en évidence des troubles de l'accès lexical, et de la reconnaissance
de certaines catégories d'objets, ainsi que de discrets troubles perceptifs.
Un bilan du 26 octobre 1995 montrait une diminution du savoir sémantique, une altération de la mémoire de travail, de la mémoire à long terme et de la mémoire logique ainsi qu'un déficit des fonctions exécutives des activités de planification, de contrôle et d'inhibition.
En 1999 on retenait une altération de la mémoire de travail, de la mémoire épisodique et de la mémoire sémantique ainsi qu'un déficit des activités de planification et de flexibilité mentale.
Une expertise psychométrique du 6 février 1996 avait déjà révélé une perte d'efficience intellectuelle de 11 % par rapport à l'état antérieur.
Le Docteur C..., neurologue, et le Professeur AZORIN, experts judiciaires, ont enfin conclu que l'accident avait induit une perte de l'autonomie (pour la pratique des courses, des repas, l'utilisation des transports, la gestion des finances, le bricolage et l'entretien de la maison) et noté que le retour à domicile avait été suivi d'une longue période de repli sur soi et d'échec scolaire. Ils concluent que du fait de l'incapacité permanente et des troubles cognitifs, Monsieur Mathieu X... est totalement inapte à reprendre dans les conditions antérieures l'activité qu'il exerçait lors de l'accident.
Au moment du fait traumatique Mathieu X... était un collégien de très bon niveau ainsi qu'en attestent ses professeurs qui soulignent qu'il avait été un élève "vif, brillant, aux résultats de très bon niveau, actif pendant les cours, comprenant très vite les nouvelles notions, et les assimilant aussitôt, permettant de suivre des études" (Madame D..., professeur de mathématiques), "élève brillant tant en
français qu'en latin ... habitué à évaluer les élèves, je puis affirmer compte tenu de mon expérience, que Mathieu X... avant son accident était dans le pourcentage d'élèves qui, outre l'accès au cycle long parvienne sans problème au bac, et poursuivre un enseignement supérieur" (Monsieur E..., professeur de lettres en 1991-1992).
Monsieur F..., professeur d'espagnol, fait le même constat, indiquant "qu'après son accident de la circulation et malgré sa volonté et ses efforts, Mathieu avait du mal à assimiler les notions nouvelles et à les comprendre".
Il résulte des pièces produites aux débats et notamment des attestations des personnes précitées que Mathieu X... était destiné à poursuivre des études supérieures qui lui auraient permis d'accéder à une situation professionnelle confortable.
Il est établi que du fait de l'accident Mathieu a, dans un premier temps, dû redoubler sa quatrième, puis a été réorienté après sa classe de seconde vers un enseignement
Il est établi que du fait de l'accident Mathieu a, dans un premier temps, dû redoubler sa quatrième, puis a été réorienté après sa classe de seconde vers un enseignement professionnel, qu'il a échoué au BEP et n'a pu se diriger vers un bac professionnel, qu'enfin il occupe des emplois précaires, rémunérés au SMIC.
Il existe donc une perte de chance certaine d'exercer une profession procurant un revenu mensuel supérieur de 2,6 à 2,7 fois supérieur au SMIC, comme l'indiquent les statistiques de l'INSEE.
La Cour évalue cette perte de chance à 90 %.
Compte tenu d'une différence moyenne de 33 000 ç par an entre le salaire d'un cadre et le SMIC annuel, des années écoulées depuis la fin prévisible des études (25 ans) et d'un euro de rente viager, la Cour estime qu'il convient de faire droit à la demande de l'appelant
qui s'élève à 481 371 ç. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.
Il y a lieu de reconstituer le préjudice soumis à recours de la victime de la manière suivante :
frais médicaux pris en charge par
la CPAM :
38 951,03 ç non remis en cause
ITT et ITP :
15 000,00 ç non remis en cause
perte de chance professionnelle :
481 371,00 ç
Total :
607 422,03 ç
à déduire recours social :
- 38 951,03 ç
reste à la victime :
568 471,00 ç
Sur le préjudice d'agrément :
A... séquelles de l'accident sur les capacités de la victime, telles qu'elles résultent du rapport d'expertise ci-dessus évoqué, démontrent que l'intéressé a perdu une grande partie de son autonomie et en conséquence une grande partie des agréments normaux de l'existence, tels que la lecture, les activités ludiques et sportives nécessitant concentration, mémoire et initiative.
La Cour évalue le préjudice à la somme de 30 000 ç, cette perte de la qualité de vie ayant débuté dès l'adolescence.
Il revient donc au total à Monsieur X... du chef de son préjudice à caractère personnel la somme de :
souffrances endurées non remis
en cause :
12 000,00 ç
préjudice esthétique non remis
en cause :
1 500,00 ç
préjudice d'agrément :
30 000,00 ç
43 500,00 ç
Le préjudice corporel global de Monsieur X... s'élève en définitive à la somme de 611 971 ç dont il conviendra de déduire les sommes allouées par le jugement déféré (250.300 ç).
Monsieur Y... sera donc condamné à payer à Monsieur X... la somme complémentaire de 361 671 ç.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR déjà satisfaite par le jugement déféré non contesté en ces dispositions.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
L'équité commande de faire droit à la demande de l'appelant. PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
- Vu l'appel limité de Monsieur Mathieu X...
- Infirme le jugement déféré en ses dispositions contestées.
- Fixe la perte de chance professionnelle de Monsieur Mathieu X... à la somme de QUATRE CENT QUATRE VINGT UN MILLE TROIS CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS (481 371,00 ç) et son préjudice d'agrément à la somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 ç),
- après reconstitution du préjudice soumis à recours de la victime et de son préjudice personnel, déduction faite des sommes allouées par le jugement déféré non remises en cause,
- Condamne Monsieur David Y... à payer à Monsieur Mathieu X... la somme globale de TROIS CENT SOIXANTE ET UN MILLE SIX CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS (361 671,00 ç) avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ainsi que celle de MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS (1 794,00 ç) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Déclare le présent arrêt opposable au FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO).
- Condamne Monsieur David Y... aux dépens d'appel.
- Autorise les Avoués en la cause à en poursuivre le recouvrement conformément aux articles 696 et 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Magistrat rédacteur : Madame KLOTZ Madame B...
Madame Z... G...
PRÉSIDENTE