COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 12 AVRIL 2006 MA/B No 2006/ Rôle No 03/02430 Gérard X... C/ FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH S.A. AXA FRANCE IARD Marc Y... SOCIÉTÉ SWISS LIFE nouvelle dénomination de la SOCIÉTÉ SUISSE ACCIDENTS CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 16 Mai 2002 enregistré au répertoire général sous le no 01/13047 et du jugement rectificatif en date du 21 Novembre 2002 enregistré au répertoire général sous le no 02/7695. APPELANT Monsieur Gérard X... né le 22 Mars 1947 à MARSEILLE (13000), demeurant 27 Traverse Oliver - 13013 MARSEILLE représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, assisté de Me Georges BANTOS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Norbert AIDAN, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMES FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH reconnue d'utilité publique par décret du 10 septembre 1984, prise en la personne de son Dirigeant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, 26 Boulevard de Louvain - 13285 MARSEILLE CEDEX représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE S.A. AXA FRANCE IARD venant aux droits de la COMPAGNIE AXA CONSEIL IARD au capital porté à 214 799 030 euros, inscrite au RCS DE PARIS sous le numéro 722.057.460, entreprise régie par le Code des Assurances, dont le siège social est 26, rue Drouot 75009 PARIS, prise en la personne de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité en sa Direction régionale sis, 16 Boulevard Sergent Triaire - 30028 N MES CEDEX 9 représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Marc Y... élisant domicile à la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH - 26 Boulevard Louvain - 13285 MARSEILLE CEDEX 08 représenté
par la SCP ERMENEUX - ERMENEUX - CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, assisté de la SCP BRAUNSTEIN - MAGNAN - CHOLLET, avocats au barreau de MARSEILLE SOCIÉTÉ SWISS LIFE nouvelle dénomination de la SOCIÉTÉ SUISSE ACCIDENTS Entreprise régie par le Code des Assurances, Société Anonyme au capital de 135 000 000 euros, immatriculée au RCS DE PARIS sous le numéro B 391 277 878, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, 86 Boulevard Hausmann - 75380 PARIS représentée par la SCP ERMENEUX - ERMENEUX - CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, assistée de la SCP BRAUNSTEIN - MAGNAN - CHOLLET, avocats au barreau de MARSEILLE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE prise en la personne de son Directeur en exercice y domicilié, 8 Rue Jules Moulet - 13281 MARSEILLE CEDEX 6 représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 15 Février 2006 en audience publique devant la Cour composée de : Madame Elisabeth Z..., Présidente Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller Madame Dominique KLOTZ, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2006. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2006, Signé par Madame Elisabeth Z..., Présidente et Madame Geneviève A..., greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
Vu le jugement rendu le 16 mai 2002 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE sous le numéro 01/13047 et le jugement rectificatif en date du 21 novembre 2002 sous le numéro 02/7695.
Vu l'appel interjeté le 5 décembre 2002 par Monsieur Gérard X...
Vu les conclusions de l'appelant notifiées le 2 avril 2003.
Vu les conclusions récapitulatives de S.A. AXA FRANCE IARD venant aux
droits de la COMPAGNIE AXA CONSEIL IARD et de la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH notifiées le 9 juin 2004.
Vu les conclusions de Monsieur Marc Y... et de la SOCIÉTÉ SWISS LIFE nouvelle dénomination de la SOCIÉTÉ SUISSE ACCIDENTS notifiées le 9 avril 2004.
Vu les conclusions de CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE notifiées le 31 octobre 2003.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 février 2006. EXPOSE DU LITIGE
Porteur du virus de l'hépatite C, Gérard X... a subi le 6 octobre 1997 à l'HÈPITAL SAINT JOSEPH de MARSEILLE une ponction de biopsie hépatique sous anesthésie générale, réalisée par le Docteur Y..., gastro-entérologue.
Au décours de l'intervention, Monsieur X... a présenté un gros hématome hépatique, et secondairement, des complications infectieuses.
Monsieur X... a bénéficié d'une expertise amiable réalisée par le Docteur B... sur la base de laquelle il a sollicité l'indemnisation de son préjudice.
Le Tribunal a retenu que ces complications extrêmement rares, doivent être considérées comme des aléas, mais que le Docteur Y... ne justifiait pas avoir éclairé complètement son patient sur les risques encourus, ce défaut d'information étant à l'origine d'une perte de chance d'éviter l'opération évaluée à 50 %.
Il a également retenu la responsabilité de l' HÈPITAL SAINT JOSEPH du fait de l'apparition des complications infectieuses survenues durant le séjour du malade en réanimation.
Adoptant la répartition effectuée par l'expert, deux tiers pour le Docteur Y... et un tiers pour l'Etablissement de santé à l'origine de l'infection nosocomiale, le Tribunal a liquidé le
préjudice de la victime.
Monsieur X... réclame devant la Cour l'indemnisation de la totalité de son préjudice, tout en tenant compte de la ventilation opérée par l'expert. Il sollicite l'allocation de la somme globale de 90 707,17 ç.
Le Docteur Y... et son assureur soutiennent que "le défaut d'information par écrit de Monsieur X..., à une époque où cette obligation n'était pas à la charge des médecins, n'a entraîné aucun préjudice à l'appelant" puisque cette biopsie était indispensable au traitement de la maladie. Ils concluent donc principalement au rejet de la demande à leur égard et subsidiairement, formulent des offres qu'ils estiment satisfactoires.
La COMPAGNIE AXA FRANCE IARD venant aux droits de la COMPAGNIE AXA CONSEIL IARD et la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH concluent à la confirmation de la décision entreprise.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE s'en rapporte à justice sur le problème de la responsabilité et réclame cependant le remboursement de la somme de 56 521,26 ç, montant de ses débours. MOTIFS DE LA DÉCISION
L'expertise amiable, dont les conclusions ne sont pas remises par les parties établit qu'au cours de l'opération réalisée par le Docteur Y..., des complications sont intervenues sous la forme de lésions de la petite branche artérielle située sur le bord gauche de la brèche hépatique, d'un gros hématome intrahépatique, d'un hématome de la vésicule biliaire et d'un hémopéritoine par rupture de la capsule hépatique intérieure du foie.
Ces lésions ont été traitées au cours de l'artériographie du 8 octobre 1997 puis par une intervention du 10 octobre 1997.
C'est alors que Monsieur X... a présenté des difficultés
ventilatoires, une acidose métabolique et une désaturation opératoire, dont l'évolution a été marquée par une hémodynamique instable, un syndrome fébrile, une surinfection pulmonaire avec difficultés respiratoires.
La thérapeutique a notamment rendu nécessaire une trachéotomie.
Sur la responsabilité du Docteur Y... :
L'expert judiciaire indique en page 55 de son rapport que les complications apparues au décours de la ponction biopsie sont dues au geste de la ponction (1 pour 1000 selon la littérature) et précise :
"ces complications rares sont des aléas".
Le Docteur C... ne retient aucune faute à la charge du Docteur Y... ; Monsieur X... ne formule aucun reproche de cet ordre.
S'il maintient avoir informé verbalement Monsieur X... de ces rares complications, ce que conteste l'intéressé, le Docteur Y... reconnaît n'avoir pas conservé la preuve de cette information.
La jurisprudence est cependant bien établie en la matière. Il incombe en effet au médecin de délivrer à son patient toutes les informations sur les risques, même exceptionnels, de l'intervention envisagée, afin d'obtenir le consentement éclairé de l'intéressé.
En l'espèce, le manquement au devoir d'information est établi et le Docteur Y... ne peut soutenir qu'à défaut d'avoir été consacrée par la Cour de Cassation à la date des faits, cette obligation ne peut être aujourd'hui sanctionnée. Nul ne peut en effet se prévaloir d'un droit à une jurisprudence immuable.
Au cas d'espèce, le Docteur C... rappelle toutefois que la biopsie hépatique est "un examen clé dans la prise en charge des patients atteints d'hépatite chronique virale, il est le seul moyen de recueillir des informations diagnostiques et pronostiques et participe à la décision thérapeutique et au suivi évolutif
individuels.
Donc l'indication et la réalisation de cet examen étaient en conformité avec les données actuelles de la science".
Il apparaît en conséquence que Monsieur X... n'aurait pu refuser l'examen, même informé des risques exceptionnels de l'intervention.
Aucun préjudice ne résultant du défaut d'information le jugement déféré doit être réformé et Monsieur X... débouté de sa demande à l'égard du Docteur Y....
Sur la responsabilité de la clinique :
L'expert estime que l' HÈPITAL SAINT JOSEPH est responsable pour un tiers du préjudice de Monsieur X... c'est-à-dire de l'infection nosocomiale, d'une partie des séquelles des paraostéoarthropathies, justifiant un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % et d'une partie du quantum doloris soit 1/3 de 4,5/7.
Cette conclusion est acceptée par l' HÈPITAL SAINT JOSEPH et son assureur, comme par Monsieur X....
De ce chef le jugement déféré ne peut qu'être confirmé.
S'agissant de l'évaluation du préjudice de la victime, la Cour estime que le premier Juge a exactement tenu compte de l'âge et de la situation de Monsieur X... (53 ans à la consolidation le 9 novembre 2000, sans emploi), des conclusions expertales et des pièces produites pour allouer les sommes en litige étant rappelé que la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE ne peut s'imputer que sur les postes du préjudice non personnel de l'intéressé, comprenant le déficit fonctionnel séquellaire (Cass. Plén. du 19 décembre 2003).
Le calcul de l'indemnité s'effectue donc comme suit :
Préjudice soumis au recours des tiers payeurs :
dépenses de santé prises en charge par la
CPAM :
56 521,56 ç
ITT : 3 mois :
1 600,71 ç
déficit fonctionnel séquellaire :
41 161,23 ç
Total :
99 283,50 ç
à déduire la créance de la CPAM :
- 56 521,56 ç
reste à la victime :
42 761,94 ç
Préjudice à caractère personnel :
souffrances endurées :
10 671,43 ç
En conséquence la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH et son assureur seront condamnés in solidum à payer à Monsieur X... un tiers de l'indemnité globale soit 17.811,12 ç (53 433,37 ç : 3) dont il conviendra de déduire les provisions versées, et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE la somme de 18 840,52 ç équivalant au tiers de ses débours.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande présentée par la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH et son assureur. PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
- Infirme le jugement déféré en ce qui concerne la responsabilité du Docteur Marc Y... et la condamnation subséquente, ainsi que sur les condamnations à la charge de la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH et son assureur.
- Statuant à nouveau de ces chefs.
- Dit qu'il ne résulte aucun préjudice du défaut d'information sur les risques exceptionnels de l'intervention réalisée par le Docteur Marc Y...
- En conséquence,
- Déboute Monsieur Gérard X... de sa demande à l'encontre de Monsieur Marc Y... et de son assureur la SOCIÉTÉ SWISS LIFE nouvelle dénomination de la SOCIÉTÉ SUISSE ACCIDENTS.
- Condamne in solidum la FONDATION HÈPITAL SAINT JOSEPH et la COMPAGNIE AXA FRANCE IARD venant aux droits de la COMPAGNIE AXA
CONSEIL IARD à payer en deniers ou quittances :
à Monsieur Gérard X... la somme globale de DIX SEPT MILLE HUIT CENT ONZE EUROS DOUZE CENTS (17 811,12 ç) provision non déduite,
à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÈNE la somme de DIX HUIT MILLE HUIT CENT QUARANTE EUROS CINQUANTE DEUX CENTS (18 840,52 ç),
le tout avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré dont l'évaluation du préjudice est confirmée.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- Condamne Monsieur Gérard X... succombant aux dépens d'appel dont distractions au profit de la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE, de la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS et de la SCP SIDER, avoués, sur leur affirmation de droit. Magistrat rédacteur : Madame KLOTZ Madame A...
Madame Z... D...
PRÉSIDENTE