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28/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949579

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0023, 28 février 2006, JURITEXT000006949579


X... D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10o Chambre ARRÊT AU FOND DU 28 FEVRIER 2006 No 2006/ Rôle No 03/04942 Martine Y... épouse Z... A.../ Nicole B... Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la X... : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 10 Octobre 2002 enregistré au répertoire général sous le no 99/1289. APPELANTE Madame Martine Y... épouse Z... née le 01 Décembre 1968 à , demeurant 403 Chemin de Brémond - 83500 LA SEYNE SUR MER représentée par la SCP SIDER, avoués à la X..., ayant de Me Pierre André WATCHI-FOURNIER, avocat au barreau de TOU

LON INTIMEE Madame Nicole B... ... par la SCP MAYNARD -SIMONI, avoués à l...

X... D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10o Chambre ARRÊT AU FOND DU 28 FEVRIER 2006 No 2006/ Rôle No 03/04942 Martine Y... épouse Z... A.../ Nicole B... Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la X... : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 10 Octobre 2002 enregistré au répertoire général sous le no 99/1289. APPELANTE Madame Martine Y... épouse Z... née le 01 Décembre 1968 à , demeurant 403 Chemin de Brémond - 83500 LA SEYNE SUR MER représentée par la SCP SIDER, avoués à la X..., ayant de Me Pierre André WATCHI-FOURNIER, avocat au barreau de TOULON INTIMEE Madame Nicole B... ... par la SCP MAYNARD -SIMONI, avoués à la X..., ayant de Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON-- E X P O S É D U F... I T I G E Mme Martine Y... épouse Z... a accouché, le 15 octobre 1994 à la clinique du CAP D'OR à LA-SEYNE-SUR-MER (Var), sous la surveillance du Dr. Marie-Joseph ABRIEL-GRIMA TRE, obstétricien, et du Dr. Nicole B..., anesthésiste. Une anesthésie péridurale a été pratiquée à sa demande mais a été interrompue par le médecin anesthésiste qui a été assigné en responsabilité du fait des souffrances endurées par Mme Martine Y... épouse Z... après l'arrêt de l'anesthésie

péridurale. Par jugement contradictoire du 10 octobre 2002, le Tribunal de Grande Instance de TOULON a débouté Mme Martine Y... épouse Z... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et Mme Nicole B... de sa demande reconventionnelle, laissant à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de l'instance. Mme Martine Y... épouse Z... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 16 janvier 2003 (enrôlé le 14 mars 2003). Vu les conclusions de Mme Martine Y... épouse Z... en date du 7 février 2005. Vu les conclusions récapitulatives de Mme Nicole B... en date du 16 novembre 2005. Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 décembre 2005. M O T I F S D E F... ' A R R Ê T Attendu qu'une expertise a été confiée au Pr. BARRAT et au Dr. SEEBACHER par ordonnance de référé du 11 avril 1995, que ces experts ont déposé leur rapport le 25 octobre 1996, qu'ils ont procédé à leurs investigations dans le respect du contradictoire, que leur rapport, particulièrement complet et documenté, n'est pas sérieusement critiqué par les parties et sera donc entériné par la X... Attendu qu'il en résulte que Mme Martine Y... épouse Z... a été hospitalisée le 15 octobre 1994 à la clinique du CAP D'OR à LA-SEYNE-SUR-MER pour y accoucher sous une anesthésie péridurale qui a été mise en place vers 10 h. par le médecin anesthésiste, le Dr. Nicole B... Attendu que le travail s'est déroulé jusqu'à midi sous la surveillance du médecin obstétricien, le Dr. Marie-Joseph ABRIEL-GRIMA TRE, le Dr. Nicole B... venant régulièrement vérifier le bon fonctionnement et l'efficacité de l'anesthésie péridurale. Attendu qu'à midi, la dilatation étant à 5 cm., le Dr. Marie-Joseph ABRIEL-GRIMA TRE a exprimé l'intention de rentrer chez elle pour déjeuner et de revenir pour l'accouchement, une sage-femme étant présente auprès de la parturiente, qu'une altercation s'est alors élevée entre les deux

médecins, le Dr. Nicole B... voulant que sa consäur reste sur place. Attendu que le Dr. Marie-Joseph ABRIEL-GRIMA TRE est néanmoins partie vers 12 h. 10 mn., que le Dr. Nicole B... a alors décidé, entre 12 h. 20 mn. et 12 h. 40 mn., d'interrompre l'anesthésie péridurale. Attendu qu'à 13 h., la dilatation étant à 8 cm., la sage-femme a prévenu le Dr. Marie-Joseph ABRIEL- GRIMA TRE qui est revenue et a procédé, vers 13 h. 30 mn., à l'accouchement par forceps sans aucune anesthésie, qu'il n'est pas contesté que Mme Martine G... épouse Z... a alors souffert. Attendu que les experts rappellent que l'anesthésie péridurale est un progrès considérable et incontesté pour soulager, voire supprimer, les douleurs du travail et de la distension périnéale lors de l'accouchement, seule cette méthode étant capable d'avoir une efficacité presque totale sur la douleur, tout en permettant à la parturiente de garder la conscience intacte et de participer à la naissance de son enfant. Attendu qu'il s'agit cependant d'un acte médical nécessitant la présence d'un anesthésiste qui doit pouvoir intervenir immédiatement en cas d'incident. Attendu que les experts relèvent qu'il existe, depuis plus de deux décennies, un débat entre obstétriciens et anesthésistes ; que les premiers, habitués depuis longtemps à travailler en équipe avec les sages-femmes, ne pensent pas utile leur présence permanente sur place, à condition de pouvoir être joints rapidement, la présence de l'anesthésiste leur paraissant en revanche indispensable en cas d'incident ou d'accident ; qu'au contraire certains anesthésistes estiment que la présence permanente de l'obstétricien est tout aussi nécessaire que la leur. Attendu que selon les experts ce débat est actuellement résolu dans la plupart des équipes soudées et solidaires, habituées à l'obstétrique sous péridurale, dans le but d'obtenir le meilleur travail et le meilleur accouchement possible pour la mère et pour l'enfant. Attendu qu'en

l'espèce l'altercation entre les deux médecins est survenue dans le contexte d'un conflit latent qui couvait depuis 1990 dans la clinique du CAP D'OR, exacerbé par les modifications survenues dans la nomenclature des actes médicaux et du remboursement de l'anesthésie péridurale (les honoraires étant auparavant libres et non remboursés), chacun des deux médecins ayant adopté ce jour-là sur cette question une position de principe qui, malheureusement, a totalement occulté la situation concrète et humaine de la parturiente dont elles avaient la charge. Attendu que les experts reprochent donc au Dr. Nicole B... d'avoir interrompu sans raison médicale valable l'anesthésie péridurale en cours alors qu'à ce moment-là l'analgésie était efficace, que le travail se déroulait normalement, la dilatation étant régulière, et que le comportement fätal était normal. Attendu que les experts rappellent que tout médecin, s'il peut refuser un traitement ou un acte thérapeutique pour des raisons personnelles, a le devoir, s'il a commencé un traitement ou un acte thérapeutique, de l'accomplir jusqu'à sa terminaison et, en cas d'impossibilité de le faire, a le devoir de s'assurer que cette thérapeutique ou cet acte peut être poursuivi par un autre médecin jusqu'à sa terminaison. Attendu que ces principes déontologiques sont d'ailleurs repris au Code de la santé publique et en particulier aux articles R 4127-2 ("le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité"), R 4127-37 ("en toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement") et, surtout, R 4127-47 ("quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée (...) S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins"). Attendu

en conséquence qu'en interrompant brusquement l'anesthésie péridurale de Mme Martine Y... épouse Z..., sans aucune raison médicale valable mais pour une simple question de principe dans le cadre d'un conflit entre médecins dans lequel la parturiente a été, bien malgré elle, impliquée, le Dr. Nicole B... a commis une faute professionnelle en manquant à son devoir d'humanisme et d'assistance auprès de sa patiente et en ne lui assurant pas la continuité des soins ; que cette faute engage sa responsabilité civile contractuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil. Attendu que du fait de l'interruption soudaine de l'anesthésie péridurale alors que le travail était normalement en cours et que l'accouchement s'est produit environ une demi-heure plus tard, Mme Martine Y... épouse Z... a dû subir un accouchement particulièrement douloureux alors surtout qu'elle avait toujours clairement exprimé le souhait de ne pas souffrir pendant son accouchement, ce que le Dr. Nicole B... n'ignorait pas. Attendu que Mme Martine Y... épouse Z... n'aurait pas connu les souffrances de l'accouchement si le Dr. Nicole B... avait mené jusqu'à sa terminaison l'anesthésie péridurale qu'elle avait mise en place, que de ce fait elle subit bien un préjudice consécutif à la faute du médecin, constitué par la douleur ainsi endurée. Attendu qu'au vu des éléments de l'espèce il convient d'évaluer ce préjudice à la somme demandée de 2.500 ç. Attendu que Mme Martine Y... épouse Z... réclame également la somme de 2.073 ç 47 c. au titre d'un préjudice matériel constitué par les dépenses qu'elle a dû engager lors de son déplacement à PARIS pour assister à l'expertise judiciaire. Attendu qu'il est exact que les experts désignés demeurent à PARIS alors que Mme Martine Y... épouse Z... demeure à LA-SEYNE-SUR-MER, et qu'elle a dû se déplacer une fois à PARIS, accompagnée de son mari, pour l'expertise, qu'à la

lecture du rapport d'expertise, il n'apparaît pas qu'elle ait été assistée d'un médecin conseil. Attendu que Mme Martine Y... épouse Z... a donc nécessairement dû engager des frais, avec son mari, pour le déplacement, le séjour et la restauration à PARIS bien qu'elle ne fournisse aucun justificatif de la somme, pourtant précise, qu'elle réclame à ce titre. Attendu néanmoins que la X... trouve, dans les données de la cause, des éléments suffisants pour évaluer ce préjudice matériel à la somme de 600 ç. Attendu en conséquence que le jugement déféré sera infirmé et que, statuant à nouveau, Mme Nicole B... sera condamnée à payer à Mme Martine Y... épouse Z..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir été déjà versées à titre de provision, la somme de 2.500 ç en réparation de son préjudice corporel personnel au titre des souffrances endurées et la somme de 600 ç en réparation de son préjudice matériel. Attendu que Mme Martine Y... épouse Z... ne justifie pas de ce que Mme Nicole B... aurait abusé de son droit de se défendre en justice, alors surtout qu'en première instance cette dernière avait été mise hors de cause, ni du préjudice distinct qu'elle aurait subi de ce fait, qu'elle sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts de ce chef. Attendu que dans la mesure où Mme Martine Y... épouse Z... a obtenu gain de cause en appel, Mme Nicole B... ne peut qu'être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, étant observé que, pour sa part, Mme Martine Y... épouse Z... ne présente aucune demande à ce dernier titre. Attendu que Mme Nicole B..., partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel. P A R A... E S M O T I F S La X..., statuant publiquement et

contradictoirement. Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau : Dit que Mme Nicole B... a commis une faute professionnelle en interrompant, sans nécessité médicale, l'anesthésie péridurale pratiquée sur Mme Martine Y... épouse Z... à l'occasion de son accouchement le 15 octobre 1994. Évalue le préjudice corporel personnel au titre des souffrances endurées lors de l'accouchement du fait de l'arrêt fautif de cette anesthésie à la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 ç). Évalue le préjudice matériel à la somme de SIX CENTS EUROS (600 ç). Condamne en conséquence Mme Nicole B... à payer à Mme Martine Y... épouse Z..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir été déjà versées à titre de provision, la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.500 ç) en réparation de son préjudice corporel et la somme de SIX CENTS EUROS (600 ç) en réparation de son préjudice matériel. Déboute Mme Martine Y... épouse Z... de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive. Déboute Mme Nicole B... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de ses frais irrépétibles. Condamne Mme Nicole B... aux dépens de la procédure d'appel et autorise la S.C.P. SIDER, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. Magistrat rédacteur : Monsieur RAJBAUT Madame E... Madame C... GREFFIÈRE D...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0023
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949579
Date de la décision : 28/02/2006

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES

Tout médecin, s'il peut refuser un traitement ou un acte thérapeutique pour des raisons personnelles, a le devoir, s'il a commencé un traitement ou un acte thérapeutique, de l'accomplir jusqu'à sa terminaison et, en cas d'impossibilité de le faire, a le devoir de s'assurer que cette thérapeutique ou cet acte peut être poursuivi par un autre médecin jusqu'à sa terminaison, ces principes déontologiques étant repris au Code de la santé publique et en particulier aux articles R 4127-2, R 4127-37 et, surtout, R 4127-47. En interrompant brusquement une anesthésie péridurale, sans aucune raison médicale, mais pour une question idéologique dans le cadre d'un débat opposant obstétricien et anesthésiste, l'anesthésiste a commis une faute professionnelle en manquant à son devoir d'humanité et d'assistance auprès de sa patiente et en ne lui assurant pas la continuité des soins, faute qui engage sa responsabilité civile contractuelle sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil. Doit être réparé le préjudice subi par la victime d'une faute médicale, le préjudice s'analysant en l'espèce en une souffrance subie lors d'un accouchement particulièrement douloureux, qui aurait été évitée si l'anesthésiste avait mené jusqu'à sa terminaison l'anesthésie péridurale qu'elle avait mise en place


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2006-02-28;juritext000006949579 ?
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