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23/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006944639

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0023, 23 novembre 2005, JURITEXT000006944639


Si la règle de compétence posée par l'article 14 du Code civil n'est pas d'ordre public, elle ne peut être écartée que par un traité international ou si son bénéficiaire renonce à s'en prévaloir. La convention Franco-Monégasque du 28 février 1952 sur la sécurité sociale (entrée en vigueur le 1er avril 1954) ne concerne que la détermination de la loi applicable aux citoyens français et monégasques victimes d'un accident du travail dans l'un ou l'autre pays ; les articles 1er et 3 de cette convention disposent que les travailleurs monégasques ou français salariés ou assimil

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Si la règle de compétence posée par l'article 14 du Code civil n'est pas d'ordre public, elle ne peut être écartée que par un traité international ou si son bénéficiaire renonce à s'en prévaloir. La convention Franco-Monégasque du 28 février 1952 sur la sécurité sociale (entrée en vigueur le 1er avril 1954) ne concerne que la détermination de la loi applicable aux citoyens français et monégasques victimes d'un accident du travail dans l'un ou l'autre pays ; les articles 1er et 3 de cette convention disposent que les travailleurs monégasques ou français salariés ou assimilés, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays. Ces dispositions ne réglementent donc pas la compétence de la juridiction appelée à connaître du litige mais définissent simplement la loi applicable au litige. Le fait pour un salarié français d'une société monégasque, victime en France d'un accident de la circulation, d'avoir pu accepter, en signant son contrat de travail, de se soumettre à la loi monégasque précitée en matière d'accidents du travail (ce qui n'est d'ailleurs que la simple application de la convention Franco-Monégasque précitée), n'implique donc pas qu'il ait ainsi pu renoncer implicitement ou "nécessairement", à la compétence des juridictions françaises fixée par l'article 14 du Code civil pour connaître d'un litige relatif à un accident de la circulation. COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 23 NOVEMBRE 2005 No 2005/ Rôle No 04/14371 Sylvie LESAUX ALESSANDRA C/ CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX MONACO "CSS" AREAS ASSURANCES AREAS DOMMAGES ET LA SOCIETE VIE Enzo LANARI GENERALI FRANCE ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE LA COMPAGNIE LA FRANCE Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la Mise en Etat rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Mai 2004

enregistrée au répertoire général sous le no 03/01184. APPELANTE Madame Sylvie LESAUX ALESSANDRA née le 11 Avril 1963 à , demeurant Hameau du Soleil - Les Cyprès n 3 - 06270 VILLENEUVE LOUBET représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour, ayant Me Nathalie BROCQUET, avocat au barreau de GRASSE INTIMES CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX MONACO "CSS" , assignée prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, 11 rue Louis Notari - 98000 MONACO défaillante AREAS ASSURANCES "Aréas Dommages et la Société Vie"venant aux droits de la Caisse Mutuelle d'assurance et de prévoyance société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, entreprise régie par le Code des Assurances, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis, 47-49 rue Miromesnil - 75008 PARIS représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Alain LERDA, avocat au barreau de GRASSE Monsieur Enzo LANARI demeurant 12 rue des Roses - 98000 MONACO représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, ayant Me Michel MASSE, avocat au barreau de GRASSE GENERALI FRANCE ASSURANCES venant aux droits de la COMPAGNIE LA FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis, 5 Rue de Londres - 75456 PARIS CEDEX représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, ayant Me Michel MASSE, avocat au barreau de GRASSE *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 28 Septembre 2005 en audience publique devant la Cour composée de : Madame Elisabeth VIEUX, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 Novembre

2005. ARRÊT Réputé contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Novembre 2005, Signé par Madame Elisabeth VIEUX, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la décision. *** E X P O S É D U L I T I G E

Mme Sylvie X... a été victime, le 8 juillet 1999 à CAP-D'AIL (Alpes-Maritimes), d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule automobile conduit par M. Enzo LANARI, assuré auprès de la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES.

Une instance au fond ayant été engagée devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, le Juge de la Mise en État de ce tribunal, saisi par incident d'une demande de provision par Mme Sylvie X..., par ordonnance du 24 mai 2004 : - a donné acte à la S.A. Monégasque EUROPA ASSURANCES et à la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE ET DE PRÉVOYANCE (ci-après C.M.A.) de leur intervention volontaire, - a prononcé la mise hors de cause de la S.A. Monégasque EUROPA ASSURANCES, - a débouté la S.A. Monégasque EUROPA ASSURANCES de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Première Instance de MONACO (Principauté de Monaco).

Mme Sylvie X... a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance le 13 juillet 2004 (enrôlé le 12 août 2004).

Vu l'assignation de la CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE MONACO (ci-après C.S.S.) notifiée à Parquet Général le 10 mars 2005 à la requête de Mme Sylvie X....

Vu l'ordonnance de Mme le Président de la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans en date du 22 mars 2005 fixant l'affaire à

l'audience du Mercredi 28 septembre 2005 à 8 h. 45 mn. en application des dispositions de l'article 910 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions de Mme Sylvie X... en date du 10 novembre 2004.

Vu les conclusions d'intervention volontaire d'AREAS ASSURANCES, venant aux droits de la C.M.A., en date du 7 juin 2005.

Vu les conclusions de M. Enzo LANARI et de la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES en date du 27 septembre 2005.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 septembre 2005.

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Attendu qu'il sera donné acte à AREAS ASSURANCES de son intervention volontaire à l'instance, comme venant aux droits de la C.M.A.

Attendu que la S.A. Monégasque EUROPA ASSURANCES n'a pas été intimée par Mme Sylvie X... et n'est donc pas partie à la présente instance d'appel.

Attendu qu'il est constant que Mme Sylvie X..., de nationalité française et demeurant en France, est salariée du Centre Hospitalier Princesse-Grasse de MONACO (Principauté de Monaco), qu'elle a été victime, le 8 juillet 1999 à CAP-D'AIL (Alpes-Maritimes), d'un accident de la circulation constitutif d'un accident du travail (accident de trajet).

Attendu qu'après avoir obtenu, en référé au Tribunal de Grande Instance de GRASSE, la désignation d'un médecin-expert et l'allocation d'une provision de la part du conducteur impliqué, M. Enzo LANARI, et de son assureur, la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES, Mme Sylvie X... a engagé une action au fond en responsabilité devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE à l'encontre de M. Enzo LANARI et de la Compagnie GENERALI FRANCE

ASSURANCES en présence de son organisme social monégasque, la C.M.A., aux droits de laquelle intervient désormais AREAS ASSURANCES.

Attendu qu'au cours de cette instance Mme Sylvie X... a saisi d'un incident le Juge de la Mise en État afin d'obtenir l'octroi d'une provision de 104.513 ç 49 c. à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ainsi que la somme de 4.000 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu que par la décision déférée, le Juge de la Mise en État s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction monégasque au visa de la loi monégasque no 636 du 11 janvier 1958.

Attendu que Mme Sylvie X... est de nationalité française, que le fait dommageable générateur de l'obligation de M. Enzo LANARI et

Attendu que Mme Sylvie X... est de nationalité française, que le fait dommageable générateur de l'obligation de M. Enzo LANARI et de son assureur s'est produit en France, qu'en application des dispositions de l'article 14 du Code civil, les juridictions françaises sont donc bien compétentes pour connaître de ce litige.

Attendu que si cette règle de compétence n'est pas d'ordre public, elle ne peut être écartée que par un traité international ou si son bénéficiaire renonce à s'en prévaloir.

Attendu qu'il n'existe et qu'il n'est même allégué l'existence d'aucun traité international qui prévoirait la compétence exclusive des juridictions monégasques lorsque la victime française d'un accident de la circulation survenu en France est salariée d'une entreprise publique ou privée monégasque.

Attendu en effet que la convention Franco-Monégasque du 28 février

1952 sur la sécurité sociale (entrée en vigueur le 1er avril 1954) ne concerne que la détermination de la loi applicable aux citoyens français et monégasques victimes d'un accident du travail dans l'un ou l'autre pays ; que les articles 1er et 3 de cette convention disposent que les travailleurs monégasques ou français salariés ou assimilés, sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays.

Attendu que ces dispositions ne réglementent donc pas la compétence de la juridiction appelée à connaître du litige mais définissent simplement la loi applicable au litige.

Attendu qu'il est allégué par AREAS ASSURANCES qu'en signant son contrat de travail, lequel emporterait soumission obligatoire à la loi monégasque no 636 du 11 janvier 1958 relative aux accidents du travail, Mme Sylvie X... aurait nécessairement renoncé à la règle de compétence posée par l'article 14 du Code civil.

Mais attendu qu'outre le fait que ce contrat de travail n'est même pas produit aux débats, il convient de rappeler que la loi monégasque no 636 du 11 janvier 1958 réglemente simplement l'application de la réparation des accidents du travail dont sont victimes les salariés d'entreprises monégasques et, en particulier, la procédure à suivre devant la juridiction monégasque lorsque celle-ci est saisie mais ne contient aucune règle de compétence internationale, surtout relativement à un accident de la circulation.

Attendu en conséquence qu'à supposer même qu'en signant son contrat de travail Mme Sylvie X... ait effectivement accepté de se soumettre à la loi monégasque précitée en matière d'accidents du travail (ce qui ne serait d'ailleurs que la simple application de la convention Franco-Monégasque précitée), elle n'a pu, de ce seul fait, renoncer implicitement ou "nécessairement", comme l'énonce à tort le

Juge de la Mise en État, à la compétence des juridictions françaises fixée par l'article 14 du Code civil pour connaître du litige relatif à cet accident de la circulation.

Attendu en conséquence que l'ordonnance déférée sera infirmée et que, statuant à nouveau, il sera dit que le Tribunal de Grande Instance de GRASSE est bien compétent pour connaître du litige relatif à cet accident de la circulation.

Attendu que l'affaire sera donc renvoyée au Tribunal de Grande Instance de GRASSE.

Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la C.S.S.

Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique de la partie condamnée, d'allouer à Mme Sylvie X..., à la charge d'AREAS ASSURANCES, la somme de 1.000 ç au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'autres condamnations au paiement des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Attendu qu'AREAS ASSURANCES, partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de l'instance. P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire.

Donne acte à AREAS ASSURANCES de son intervention volontaire à l'instance, comme venant aux droits de la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE ET DE PREVOYANCE.

Infirme l'ordonnance déférée.

Dit que le Tribunal de Grande Instance de GRASSE est compétent pour connaître du litige.

Renvoie en conséquence l'affaire devant le Tribunal de Grande

Instance de GRASSE.

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE MONACO.

Condamne AREAS ASSURANCES à payer à Mme Sylvie X... la somme de MILLE EUROS (1.000 ç) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dit n'y avoir lieu à prononcer d'autres condamnations au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Condamne AREAS ASSURANCES aux dépens de l'instance et autorise la S.C.P. BOTTA, GEREUX, BOULAN, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. Magistrat rédacteur : Monsieur RAJBAUT Madame JAUFFRES

Madame VIEUX GREFFIÈRE

PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0023
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944639
Date de la décision : 23/11/2005

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Privilège de juridiction - Article 14 du Code civil - Exclusion

Aux termes de l'article 14 du Code civil, les juridictions françaises sont compétentes pour connaître d'un litige opposant la victime d'un accident de la circulation survenu en France, salariée française d'une société monégasque, au conducteur responsable et son assureur. Cette règle de compétence, qui n'est pas d'ordre public, ne peut être écartée que par un traité international ou si son bénéficiaire renonce à s'en prévaloir. La compétence de la juridiction appelée à connaître d'un tel litige n'est pas réglementée par la convention franco-monégasque du 28 février 1952, relative à la détermination de la loi applicable aux citoyens français et monégasques victimes d'un accident de travail dans l'un ou l'autre pays, ni par la loi monégasque n 636 du 11 janvier 1958 relative à la seule réparation des accidents de travail dont sont victimes les salariés d'entreprises monégasques, ces textes ne prévoyant aucune règle de compétence internationale. Dès lors, le fait pour un salarié français d'une société monégasque d'avoir accepté, en signant son contrat de travail, de se soumettre à la loi monégasque précitée n'implique pas qu'il ait ainsi implicitement renoncé à la compétence des juridictions françaises posée par l'article 14 du Code civil


Références :

article 14 du Code civil
convention franco-monégasque du 28 février 1952
loi monégasque n 636 du 11 janvier 1958

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2005-11-23;juritext000006944639 ?
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