Résumé : Réparation du préjudice corporel, préjudice professionnel, calcul, capitalisation du préjudice futur, application d'un Euro de rente, barème, caractère obligatoire du barème du décret du 8 août 1986 (non), application d'un barème réactualisé (tables de mortalité, taux d'intérêt). COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 29 SEPTEMBRE 2004 N° 2004/ Rôle N° 02/19595 Joséphine X... épouse Y... Marcel Z... Claudette Y... épouse Z... Lydie Z... Jean-Louis Z... A.../ Jean-Marc B... GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE Paulette C... épouse D... LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD E... délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Août 2002 enregistré au répertoire général sous le n° 01/6436. APPELANTS Madame Joséphine X... épouse Y... née le 14 Mars 1924 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant 37 Avenue Saint Jean - 13002 MARSEILLE représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour, assistée de Me LELIEVRE-BOUCHARAT, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Marcel Z... né le 01 Mars 1941 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant 106 Avenue de la Fourragère - Résidence Le Vendôme - Bâtiment 34 - 13012 MARSEILLE représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour, assisté de Me LELIEVRE-BOUCHARAT, avocat au barreau de MARSEILLE Madame Claudette Y... épouse Z... née le 12 Septembre 1943 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant 106 avenue de la Fourragère - Résidence Le Vendôme - Bâtiment 34 - 13012 MARSEILLE représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour, assistée de Me LELIEVRE-BOUCHARAT, avocat au barreau de MARSEILLE Mademoiselle Lydie Z... née le 22 Mars 1976 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant 106 Avenue de la Fourragère - Résidence Le Vendôme - Bâtiment 34 - 13012 MARSEILLE représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour, assistée de
Me LELIEVRE-BOUCHARAT, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur Jean-Louis Z... né le 24 Mars 1969 à MARSEILLE (BOUCHES DU RHONE), demeurant 106 Avenue de la Fourragère - Résidence Le Vendôme - Bâtiment 34 - 13012 MARSEILLE représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX, avoués à la Cour, assisté de Me LELIEVRE-BOUCHARAT, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMES Monsieur Jean-Marc B... né le 06 Janvier 1961 à ORTHEZ (64), demeurant 4 avenue Honoré Baradat - 64000 PAU représenté par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, ayant la SCP FRANCOIS CARREAU-FRANCOIS - COROUGE, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (G.M.F) prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié au siège social sis 31, Avenue de la Résistance - 64000 PAU représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, ayant la SCP FRANCOIS CARREAU-FRANCOIS - COROUGE, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, assignée prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège sis 8 Rue Jules Moulet - 13281 MARSEILLE CEDEX 06 défaillante Madame Paulette C... épouse D... ... par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour assistée de Me Jean-François ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, entreprise régie par le Code des assurances, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié au siège sis 10, Boulevard Alexandre Oyon - 72030 LE MANS CEDEX représentées par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, assistées de Me Jean-François ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Juin 2004 en audience publique devant la Cour composée de : Madame Elisabeth F..., Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Mme Laure G.... ARRÊT Réputé contradictoire, Prononcé publiquement le 29 Septembre 2004 par Madame Elisabeth F..., Présidente, après prorogation du délibéré fixé initialement au 23 septembre 2004. Signé par Mme Elisabeth F..., Présidente et Mme Geneviève H..., greffière présente lors du prononcé. ***
E X P O I... E D U J... I T I G E
Le 12 octobre 1995 à ISTRES (Bouches-du-Rhône) la motocyclette conduite par M. Jean-Louis Z... a heurté le véhicule automobile conduit par M. Jean-Marc B..., qui circulait dans le même sens, et a ensuite heurté le véhicule automobile conduit par Mme Paulette C... veuve D..., qui circulait en sens inverse.
Par jugement rendu le 25 mars 1999 par le Tribunal de Grande Instance
d'AIX-EN-PROVENCE et par arrêt partiellement confirmatif rendu le 27 mars 2001 par la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans, a été reconnu l'entier droit de M. Jean-Louis Z... à réparation de son préjudice à la charge solidaire de M. Jean-Marc B... et de son assureur, la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (ci-après G.M.F.), qui ont été condamnés à lui payer, en deniers ou quittance, une provision de 2.000.000 F. (304.898,03 ) à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, une expertise médicale de la victime étant ordonnée.
En outre Mme Paulette C... veuve D... et son assureur, les MUTUELLES DU MANS IARD, ont été condamnées solidairement à garantir M. Jean-Marc B... et la G.M.F. des condamnations prononcées à leur encontre à concurrence de la moitié.
L'expert judiciaire a déposé son rapport, à la suite de quoi l'affaire est revenue pour liquidation du préjudice de M. Jean-Louis Z... et de ses proches.
Par jugement réputé contradictoire du 13 août 2002, le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE a : - donné acte à Mme Joséphine X... veuve Y..., Mlle Lydie Z..., M. Marcel Z... et Mme Claudette Y... épouse Z... de leur intervention volontaire aux débats, - condamné solidairement, après déduction du recours de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône, M. Jean-Marc B... et la G.M.F. à payer, en deniers ou quittance (après déduction des provisions effectivement réglées), la somme de 444.938 18 c. à M. Jean-Louis Z... en indemnisation de son préjudice corporel, la somme de 10.370 89 c. au titre du préjudice matériel et la somme de 2.200 au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamné solidairement M. Jean-Marc B... et la G.M.F. à payer à M. Marcel Z... et à Mme Claudette Y... épouse Z... la somme de 12.000 chacun en indemnisation de leur préjudice moral et la somme de 6.500
au titre du préjudice matériel, - condamné solidairement M. Jean-Marc B... et la G.M.F. à payer à Mlle Lydie Z... la somme de 4.500 en indemnisation de son préjudice moral, - débouté Mme Joséphine X... veuve Y... et M. Marcel Z..., ès-qualités d'héritier de sa mère Fernande VENTURE veuve Z..., décédée le 24 juillet 2001, de leurs demandes, - rappelé que conformément aux termes de l'arrêt précité du 27 mars 2001, Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD sont tenues solidairement de relever et garantir M. Jean-Marc B... et la G.M.F. dans la proportion de moitié de toutes les condamnations prononcées, - ordonné l'exécution provisoire à concurrence de moitié des sommes allouées à M. Jean-Louis Z...
Mme Joséphine X... veuve Y..., M. Marcel Z..., Mme Claudette Y... épouse Z..., Mlle Lydie Z... et M. Jean-Louis Z... ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 1er octobre 2002 (enrôlé le 7 novembre 2002).
Vu l'ordonnance rendue le 14 novembre 2003 par Mme la Présidente de la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans, fixant l'affaire à l'audience du Mardi 1er juin 2004 à 8 h. 45 mn. en application des dispositions de l'article 910, alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'assignation de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône notifiée le 10 novembre 2003 à personne habilitée, à la requête de Mme Joséphine X... veuve Y..., M. Marcel Z..., Mme Claudette Y... épouse Z..., Mlle Lydie Z... et M. Jean-Louis Z...
Vu les conclusions récapitulatives de Mme Joséphine X... veuve Y..., M. Marcel Z..., Mme Claudette Y... épouse Z..., Mlle Lydie Z... et M. Jean-Louis Z... en date du 2 mars 2004.
Vu les conclusions de M. Jean-Marc B... et de la G.M.F. en date du 28 mai 2004.
Vu les conclusions de Mme Paulette C... veuve D... et des MUTUELLES DU MANS IARD en date du 28 mai 2004.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 1er juin 2004.
M O T I F I... D E J... ' A R R E T I : LE PRÉJUDICE DE M. JEAN-LOUIS Z... :
Attendu que M. Jean-Louis Z... a été examiné le 15 septembre 1999 par le Dr. Gérard BOUDOURESQUES, expert, qui a déposé son rapport le 29 septembre 1999, qu'il en résulte que l'accident de la circulation dont il a été victime le 12 octobre 1995 a entraîné un polytraumatisme comportant notamment un traumatisme crânien sévère avec coma, un pneumothorax gauche, un hémothorax gauche, une contusion pulmonaire droite et gauche, une hématurie, une paralysie du plexus brachial gauche et un traumatisme du bassin.
Attendu que M. Jean-Louis Z... a été hospitalisé dans le service de réanimation de l'Hôpital Nord de MARSEILLE jusqu'au 22 novembre 1995 où il a dû être opéré d'urgence du fait d'une ischémie aiguù du membre supérieur gauche, qu'il a ensuite été pris en charge à la Clinique de Rééducation Fonctionnelle de SAINT-MARTIN du 22 novembre 1995 au 19 juillet 1996, puis du 30 avril 1997 au 20 juin 1997 et du 2 février 1998 au 10 avril 1998 pour une prise en charge spécialisée comportant notamment une rééducation kinésithérapique et une rééducation orthophonique, qu'il a encore été opéré à deux reprises, le 23 avril 1997 au niveau du plexus brachial gauche et le 20 janvier 1998 au niveau de la hanche droite pour une para-ostéo-arthropathie. Attendu qu'il persiste un lourd handicap lié notamment à des séquelles neuropsychologiques sévères, que M. Jean-Louis Z... présente un trouble du comportement se traduisant par une grande indifférence affective, un manque de motivation pour tous les actes de la vie quotidienne et un grand adynamisme ; qu'il passe ses
journées à jouer à des jeux vidéo devant un ordinateur, n'ayant aucun autre pôle d'intérêt ; qu'il est gêné par un trouble de la mémoire touchant les faits récents, ne lui permettant pas de restituer les consignes qu'on lui demande de retenir quelques minutes auparavant.
Attendu que la paralysie complète du membre supérieur gauche, bien qu'il soit droitier, constitue également pour M. Jean-Louis Z... un handicap fonctionnel sévère, qu'il est en effet gêné pour réaliser la plupart des actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, alimentation, tâches ménagères) qu'il peut soit réaliser avec aide, soit exécuter avec une extrême lenteur ; qu'il vit actuellement chez ses parents et ne peut en aucune manière réaliser la plupart des actes de la vie quotidienne sans leur aide.
Attendu que la marche reste difficile et douloureuse, qu'il est impossible à M. Jean-Louis Z... de courir alors qu'avant l'accident il pratiquait un grand nombre d'activités sportives qu'il a été obligé de cesser.
Attendu qu'un scanner cérébral pratiqué le 5 août 1998 montre des hypodensités parenchymateuses frontales droites et gauches séquellaires, expliquant un syndrome frontal clinique, que sur le plan professionnel il existe une tentative de réinsertion en milieu protégé.
Attendu que l'expert conclut à une I.T.T. du 12 octobre 1995 au 7 décembre 1998, date de consolidation des blessures, qu'il fixe le taux d'I.P.P. à 75 % et évalue le pretium doloris à 6/7 et le préjudice esthétique à 4/7, qu'il retient en outre l'existence d'un préjudice d'agrément, que la victime n'est pas apte à reprendre, dans les conditions antérieures ou autres, l'activité qu'elle exerçait lors de l'accident, qu'elle ne pourra exercer éventuellement une activité que dans un emploi protégé réservé aux handicapés graves, que son état requiert une assistance par une tierce personne à raison
de trois heures par jour pour la paralysie totale du membre supérieur gauche et de deux heures par jour pour incitation compte tenu du syndrome frontal.
Attendu que le rapport de l'expert judiciaire est complet et documenté, que ses conclusions ne sont d'ailleurs pas sérieusement critiquées par les parties. Le préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs :
A) La créance du tiers payeur :
Attendu que bien que n'ayant pas constitué avoué, la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône a fait connaître le montant définitif de sa créance qui s'élève à la somme globale de 569.265 31 c. comprenant le versement des indemnités journalières pendant la période d'I.T.T. (44.772 42 c.), les frais d'hospitalisation (166.178 49 c.), les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et divers (29.291 86 c.), les frais futurs (82.170 02 c.), les arrérages de la rente accident du travail au 14 décembre 1999 (14.496 44 c.) et le capital de la rente à la même date (232.356 08 c.).
Attendu que ce décompte de créance n'est pas contesté par les parties.
B) L'Incapacité Temporaire Totale :
Attendu que le préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie quotidienne pendant la période d'I.T.T. sera indemnisé sur la base de 610 par mois.
A...) Le Déficit Fonctionnel Séquellaire :
Attendu que le déficit fonctionnel séquellaire sera indemnisé selon une valeur du point d'incapacité de 3.070 compte tenu de son âge à la consolidation (29 ans) et du taux d'I.P.P. (75 %).
D) L'incidence professionnelle définitive (passée et future) :
Attendu que M. Jean-Louis Z... est médicalement inapte à l'exercice d'une quelconque activité professionnelle alors qu'avant son accident
il exerçait la profession d'assistant technique et percevait un salaire mensuel net moyen de 1.143 37 c., que la perte annuelle de revenus est donc de 13.720 44 c.
Attendu que M. Jean-Louis Z... sollicite l'évaluation de son préjudice professionnel par l'application d'un Euro de rente de 24,628 correspondant à son âge à la consolidation, résultant du barème fixé par l'arrêté du 2 janvier 1998 fondé sur les tables de mortalité INSEE 1988-1990 et un taux d'intérêt de 3 % alors que le jugement déféré a retenu un Euro de rente de 13,654 résultant du barème fixé par le décret n° 86-973 du 8 août 1986 pris en application de l'article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
Attendu cependant que les sommes passées ne peuvent être réduites d'un quelconque coefficient de rémunération d'un capital dont la victime ne disposait pas, qu'en effet le calcul à l'Euro de rente est destiné, pour éviter tout enrichissement indu de la victime, à intégrer la rémunération du capital perçu dans les sources de revenus compensatoires au handicap, que ce calcul ne peut avoir lieu qu'autant que la perception du dit capital est effective, ce qui n'est pas le cas pour la période comprise entre la date de consolidation et celle du prononcé du présent arrêt.
Attendu en conséquence que pour cette période de 5 ans et 10 mois (soit du 7 décembre 1998 au 23 septembre 2004), il convient d'additionner les années écoulées et de ne procéder au calcul à l'Euro de rente qu'à compter du prononcé du présent arrêt, que le préjudice professionnel, pour cette période, sera donc évalué à la somme de 80.035 90 c. (1.143,37 x 70).
Attendu que pour évaluer le préjudice professionnel futur à compter du prononcé du présent arrêt et, par conséquent, pour évaluer en capital une perte de revenus périodiques il est nécessaire de retenir la valeur de l'Euro de rente défini comme la somme nécessaire à un
organisme de capitalisation pour obtenir une rente annuelle de 1 Euro, que cette valeur est donnée par un barème de capitalisation établi en fonction de l'espérance de survie à un âge donné et du taux d'intérêt de rémunération du capital.
Attendu qu'il convient en premier lieu de rappeler que le juge conserve sa liberté souveraine d'appréciation et n'est tenu par aucun barème de capitalisation "officiel", qu'ainsi le barème fixé par le décret du 8 août 1986 précité n'a, pour le juge, aucun caractère obligatoire.
Attendu que ce barème est constitué de deux paramètres aujourd'hui vieillis et dépassés quant à l'espérance de survie à un âge donné (fondée sur les tables de mortalité INSEE 1960-1964) et quant au loyer de l'argent (taux d'intérêt de 6,50 %), aucune actualisation de ce décret n'étant intervenue depuis lors.
Attendu qu'il n'est en effet plus possible, au XXI° siècle, de continuer à calculer un Euro de rente sur la base de tables de mortalité vieilles de plus de quarante ans et qui sous-estiment l'espérance actuelle de survie à un âge donné alors que les progrès de la médecine et de l'hygiène publique aboutissent en France à une prolongation constante et régulière de cette espérance de survie.
Attendu de même qu'il n'est également plus possible de continuer à retenir un taux d'intérêt de 6,50 % fixé à une époque où l'inflation était beaucoup plus élevée qu'aujourd'hui et qui ne correspond plus aux réalités économiques actuelles quant à la rémunération du capital, ce qui aboutit à une diminution de la valeur de l'Euro de rente et du capital corrélatif.
Attendu qu'il convient donc de retenir un barème qui soit techniquement plus exact et financièrement plus équitable pour les victimes qui doivent pouvoir être indemnisées de l'intégralité de leur préjudice.
Attendu que l'article A 331-10 du Code des Assurances, tel que modifié par arrêté du 20 décembre 1996, se réfère, pour le calcul, par les compagnies d'assurances, des provisions techniques de prestations d'incapacité de travail et d'invalidité à la table de mortalité TD 88-90, homologuée par arrêté du 27 avril 1993, et à un taux d'actualisation variable dénommé taux intérêt technique maximum, qui ne peut excéder 60 % du taux moyen des emprunts d'Etat, calculé sur la base semestrielle, sans pouvoir dépasser 3,5 %.
Attendu que ces références de calcul d'un barème de capitalisation correspondant davantage aux données sociologiques (tables de mortalité réactualisées) et économiques (taux d'intérêt de 3 % en adéquation avec le taux d'inflation et le loyer de l'argent) actuelles, sont d'ailleurs celles retenues par l'Etat Français d'une part dans les négociations amiables avec les compagnies d'assurances des tiers responsables d'accidents survenus à des agents de l'Etat et d'autre part dans le cadre de la production de la créance de l'Etat auprès des juridictions judiciaires sans que les compagnies d'assurances aient contesté le recours, par l'Etat Français, aux références fixées par l'article A 331-10 susvisé.
Attendu en conséquence qu'il convient de retenir, sur ces bases de calcul, un Euro de rente de 23,019 correspondant à l'âge de la victime au jour du prononcé du présent arrêt (35 ans), que le préjudice professionnel futur sera dès lors évalué à la somme de 315.830 80 c.
Attendu que l'évaluation du préjudice professionnel passé et futur se monte donc à la somme globale de 395.866 70 c., que toutefois M. Jean-Louis Z... ne réclame, de ce chef de préjudice, que la somme de 337.906 30 c. qui lui sera dès lors allouée.
E) Le coût du recours à une tierce personne (passé et à venir) :
Attendu que l'indemnisation pour l'assistance d'une tierce personne,
dès lors que celle-ci s'avère nécessaire, n'est pas subordonnée à la production de justifications des dépenses effectuées pour la période comprise entre la date de consolidation et celle du présent arrêt.
Attendu qu'en ce qui concerne le coût du recours à une tierce personne il convient de relever que les données fournies par l'A.D.M.R. et produites par la victime ne concernent pas des salaires mais sa rémunération en tant que prestataire de service, employeur de la tierce personne, que pour la période entre la date de consolidation et le prononcé du présent arrêt il convient de retenir un coût horaire moyen de 11 compte tenu de l'évolution du S.M.I.C. horaire pendant cette période, du coût des charges patronales et de l'incidence des congés payés et des jours fériés, soit sur la base de cinq heures par jour, une somme de 55 par jour ou 20.075 par an, que ce coût pour la dite période de 5 ans et 10 mois, sera dès lors évalué à la somme de 117.104 .
Attendu que pour la période postérieure au prononcé du présent arrêt il convient de retenir, sur la base d'un S.M.I.C. horaire de 7 19 c., un coût horaire de 12 65 c. tenant compte des charges patronales et de l'incidence des congés payés et des jours fériés, soit un coût quotidien de 63 25 c. et annuel de 23.086 25 c., qu'il est davantage conforme à l'intérêt de la victime de l'indemniser par le versement d'une rente annuelle qui sera donc fixée à la somme de 23.086 25 c., que conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 (modifié par la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985) cette rente sera majorée de plein droit, selon les coefficients de revalorisation prévus à l'article J... 434-17 du Code de la Sécurité Sociale, le 1er janvier de chaque année en prenant pour base l'indice en vigueur à la date de l'arrêt.
Attendu que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation pour une durée supérieure à trente jours consécutifs.
F) Les frais d'aménagement matériel :
Attendu que M. Jean-Marc B... et la G.M.F. d'une part et Mme Paulette C... veuve D... d'autre part ne contestent pas le principe de l'indemnisation des postes de préjudice réclamés de ce chef par M. Jean-Louis Z... (frais d'aménagement d'un véhicule automobile, d'équipement de matériel informatique et d'aménagement de son domicile) et concluent à la confirmation de ces chefs du jugement déféré.
Attendu que la perte d'autonomie fonctionnelle crée une situation de dépendance que la réparation doit pallier non seulement par des moyens humains tels que le recours à l'assistance d'une tierce personne mais aussi par des moyens matériels d'aide à l'autonomie, que les frais y afférents ont donc pour objet de réparer le préjudice corporel de la victime et doivent dès lors être inclus dans les postes de préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs.
Attendu en conséquence que les demandes de M. Jean-Louis Z... relatives aux frais d'aménagement d'un véhicule automobile, d'équipement de matériel informatique et d'aménagement de son domicile ne sont pas des éléments d'un préjudice matériel mais font partie de son préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs.
Attendu que M. Jean-Louis Z... justifie ainsi avoir dû faire adapter son véhicule automobile par un système électrique sur le volant à main droite (facture S.A.R.L. HANDI PROVENCE du 21 août 1998 pour 1.450 70 c. T.T.C.) et par le montage de lève-vitres électriques (facture MONDIAL AUTOMOBILES du 29 juin 2000 pour 343 41 c. T.T.C.), soit une dépense de 1.794 11 c. s'amortissant sur cinq années, ce qui correspond, en retenant comme précédemment un Euro de rente de 23,019, à un préjudice capitalisé de 8.259 72 c.
Attendu que l'expert judiciaire a relevé que le seul pôle d'intérêt de M. Jean-Louis Z... était l'usage d'un ordinateur, que ce dernier justifie de l'achat d'un matériel informatique pour un coût global de 2.108 37 c., ce qui correspond, sur la base d'un nécessaire amortissement sur cinq années (compte tenu de la durée de vie moyenne d'un ordinateur) et d'un Euro de rente de 23,019, à un préjudice capitalisé de 9.706 51 c.
Attendu enfin que les séquelles de M. Jean-Louis Z... l'empêchant d'enjamber une baignoire (certificat médical du Dr. Hélène CURALLUCCI du 22 octobre 2001) ont nécessité l'aménagement de sa salle de bains par l'installation d'une cabine de douche pour un coût justifié de 1.929 70 c. (factures LEROY-MERLIN du 22 novembre 2001 et PETTINO du 5 décembre 2001).
Attendu que le préjudice corporel économique de M. Jean-Louis Z..., soumis au recours des tiers payeurs, sera en conséquence évalué ainsi qu'il suit : - Incidence professionnelle temporaire : 44.772 42 c. (entièrement indemnisée par la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône), - Gêne dans les actes de la vie courante pendant l'I.T.T. : 23.180 , - Frais d'hospitalisation :166.178 49 c. (entièrement indemnisés par la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône), - Frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et divers : 29.291 86 c. (entièrement indemnisés par la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône), - Frais futurs : 82.170 02 c. (pris en charge par la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône), - Déficit fonctionnel séquellaire : 230.250 , - Incidence professionnelle définitive : 337.906 30 c. (somme demandée), - Tierce personne pour la période antérieure au prononcé du présent arrêt : 117.104 , - Frais d'aménagement automobile : 8.259 72 c., - Frais d'achat de matériel informatique :
9.706 51 c., - Frais d'aménagement du domicile : 1.929 70 c. TOTAL :1.050.749 02 c. dont il convient de déduire la créance de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône (569.265 31
c.), il revient donc à la victime de ce chef de préjudice la somme de 481.483 71 c., outre une rente annuelle indexée de 23.086 25 c. au titre de la tierce personne. Le préjudice corporel à caractère personnel :
Attendu que M. Jean-Marc B... et la G.M.F. d'une part et Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD d'autre part ne contestent pas l'existence d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel, que ces parties concluent d'ailleurs à la confirmation du jugement déféré sur l'évaluation du préjudice corporel à caractère personnel.
Attendu qu'il apparaît que les premiers juges ont fait, compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire et des documents produits, une correcte évaluation à caractère personnel.
Attendu qu'il apparaît que les premiers juges ont fait, compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire et des documents produits, une correcte évaluation des postes du préjudice corporel à caractère personnel ainsi qu'il suit : - Préjudice au titre des souffrances endurées : 27.500 , - Préjudice esthétique : 15.500 , - Préjudice d'agrément : 38.000 , - Préjudice sexuel : 30.500 . TOTAL : 111.500 .
Le préjudice moral :
Attendu que le déficit fonctionnel et le lourd handicap neuropsychologique dont souffre M. Jean-Louis Z..., tels que décrits précédemment, le pénalisent dans sa vie quotidienne et le rendent entièrement dépendant de ses parents et de tierces personnes dans la quasi-totalité des actes de sa vie, qu'il ressort du rapport d'expertise qu'il est capable de doléances et qu'il connaît ainsi une souffrance morale distincte des autres chefs de préjudice liée à la contemplation quotidienne de la diminution extrêmement importante de ses capacités et à la perte irréversible et majeure d'une qualité de vie personnelle et sociale.
Attendu que ce préjudice moral sera évalué à la somme de 15.000 .
Attendu que le jugement déféré sera donc partiellement réformé sur l'évaluation et la liquidation du préjudice de M. Jean-Louis Z... et que, statuant à nouveau de ces chefs, M. Jean-Marc B... et la G.M.F. seront solidairement condamnés à payer à M. Jean-Louis Z..., en quittances ou deniers (compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées soit à titre de provision soit en vertu de l'exécution provisoire partielle du jugement déféré), la somme de 592.983 71 c. au titre de son préjudice corporel (créance de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône déduite), une rente annuelle indexée de 23.086 25 c. au titre de la tierce personne pour l'avenir et la somme de 15.000 au titre de son préjudice moral. II : LE PRÉJUDICE DES PROCHES DE M. JEAN-LOUIS Z... :
Attendu que M. Marcel Z... et Mme Claudette Y... épouse Z..., parents de la victime, justifient de la réalité d'un préjudice matériel résultant des déplacements quotidiens qu'ils ont dû effectuer de leur domicile aux lieux d'hospitalisation de leur fils, qu'il y a lieu de retenir l'évaluation forfaitaire qu'en ont faite
les premiers juges à la somme de 6.500 en l'absence de justificatifs détaillés de la somme de 40.270 réclamée par les époux Z..., la somme retenue par les premiers juges étant d'ailleurs acceptée par M. Jean-Marc B... et la G.M.F. d'une part et Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD d'autre part puisqu'ils concluent à la confirmation de ce chef du jugement déféré.
Attendu que la réalité de l'existence d'un préjudice moral subi par les parents de la victime et par sa soeur, Mlle Lydie Z..., n'est pas contestée par M. Jean-Marc B... et la G.M.F. d'une part et Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD d'autre part, lesquels concluent sur ce point à la confirmation du jugement déféré.
Attendu qu'il apparaît que compte tenu des éléments de l'espèce les premiers juges ont fait une correcte évaluation du préjudice moral des parents de la victime à la somme de 12.000 pour chacun d'eux et du préjudice moral de la soeur de la victime à la somme de 4.500 .
Attendu qu'en ce qui concerne le préjudice moral des grands parents de la victime (Mme Joséphine X... veuve Y... et feue Fernande VENTURE veuve Z..., décédée le 24 juillet 2001, aux droits de laquelle intervient M. Marcel Z..., ès-qualités d'héritier) c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé l'absence de preuve de la réalité d'un tel préjudice dans la mesure où, en cas de survie de la victime d'un dommage corporel, le préjudice moral de ses proches est limité au champ de ceux qui, partageant effectivement la vie de la victime, ont leur propre vie concrètement perturbée par l'accident et peuvent justifier d'un trouble véritable et profond dans leurs conditions d'existence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé sur l'ensemble des chefs relatifs à l'indemnisation des préjudices subis par les proches
de la victime. III : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique de la partie condamnée, d'allouer à M. Jean-Louis Z... (à la charge solidaire de M. Jean-Marc B... et de la G.M.F.) la somme de 1.500 au titre des frais par lui exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé en ce qu'il lui a alloué en équité la somme de 2.200 au titre de ses frais irrépétibles de première instance.
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rappelé que conformément aux termes de l'arrêt précité du 27 mars 2001, Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD sont tenues solidairement de relever et garantir M. Jean-Marc B... et la G.M.F. dans la proportion de moitié de toutes les condamnations prononcées, qu'il sera rappelé que cette obligation s'applique également aux condamnations prononcées par le présent arrêt.
Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'autres condamnations au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que M. Jean-Marc B... et la G.M.F., parties perdantes, seront solidairement tenus au paiement des dépens de la procédure d'appel et relevés et garantis par moitié par Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD solidairement, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a prononcé la condamnation aux dépens de première instance dans les mêmes conditions. P A R A... E I... M O T I F I...
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire.
Réforme le jugement déféré sur l'évaluation et la liquidation du préjudice de M. Jean-Louis Z... et, statuant à nouveau de ces chefs :
Evalue le préjudice corporel économique de M. Jean-Louis Z...,
soumis au recours des tiers payeurs, à la somme de UN MILLION CINQUANTE MILLE SEPT CENT QUARANTE NEUF EUROS DEUX CENTS (1.050.749 02 c.), outre une rente annuelle indexée de VINGT TROIS MILLE QUATRE VINGT SIX EUROS VINGT CINQ CENTS (23.086 25 c.) au titre de la tierce personne pour l'avenir, son préjudice corporel à caractère personnel à la somme de CENT ONZE MILLE CINQ CENTS EUROS (111.500 ) et son préjudice moral à la somme de QUINZE MILLE EUROS (15.000 ).
Condamne solidairement M. Jean-Marc B... et la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES à payer à M. Jean-Louis Z..., en deniers ou quittances (compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées soit à titre de provision soit en vertu de l'exécution provisoire partielle du jugement déféré), la somme de CINQ CENT QUATRE VINGT DOUZE MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT TROIS EUROS SOIXANTE ET ONZE CENTS (592.983 71 c.) au titre de son préjudice corporel (créance de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône déduite) et la somme de QUINZE MILLE EUROS (15.000 ) au titre de son préjudice moral.
Condamne solidairement M. Jean-Marc B... et la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES à payer à M. Jean-Louis Z... une rente annuelle de VINGT TROIS MILLE QUATRE VINGT SIX EUROS VINGT CINQ CENTS (23.086 25 c.) au titre de la tierce personne pour l'avenir.
Vu l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974, modifié par la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.
Dit que cette rente sera majorée de plein droit, selon les coefficients de revalorisation prévus à l'article J... 434-17 du Code de la Sécurité Sociale, le 1er janvier de chaque année en prenant pour base l'indice en vigueur à la date du présent arrêt.
Dit que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation pour une durée supérieure à trente jours consécutifs.
Confirme pour le surplus le jugement déféré.
Y ajoutant :
Condamne solidairement M. Jean-Marc B... et la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES à payer à M. Jean-Louis Z... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 ) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Rappelle que conformément aux termes de l'arrêt rendu le 27 mars 2001 par la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans, Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD sont tenues solidairement de relever et garantir M. Jean-Marc B... et la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES dans la proportion de moitié de toutes les condamnations prononcées, y compris par le présent arrêt. Dit n'y avoir lieu de prononcer d'autres condamnations au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamne solidairement M. Jean-Marc B... et la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES aux dépens de la procédure d'appel, relevés et garantis pour moitié solidairement par Mme Paulette C... veuve D... et les MUTUELLES DU MANS IARD et autorise la S.C.P. BOTTA, GEREUX, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. Magistrat rédacteur : Monsieur RAJBAUT Madame H...
Madame F... K...
PRESIDENTE