COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8 Chambre A ARRÊT AU FOND
DU 17 DECEMBRE 2003 N° 2003/
Rôle N° 00/18962 S.A.R.L. BATIMENT DU GOLFE
Georges-André X...
C/ Compagnie d'assuranc ZURICH ASSURANCES 75 Grosse délivrée
le :
à :
réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce FREJUS en date du 03 Juillet 2000 enregistré au répertoire général sous le n° 99/2320.
APPELANTS S.A.R.L. BATIMENT DU GOLFE,
demeurant C/° groupe Storus LE KRYSTAL- 1725 RN 7- 06270 VILLENEUVE LOUBET
agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour,
assistée par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN Maître Georges-André X...
né le 23 Mai 1948 à PARIS 15 (75015), de nationalité française
demeurant ...
pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL BATIMENT DU GOLFE
mandataire judiciaire représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour,
assisté par Me Bernard HAWADIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE Compagnie d'assurances ZURICH ASSURANCES ,
demeurant ... CEDEX 09
prise en la personne de son représentant légal en exercice représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour, assistée par Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON *-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2003 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Monsieur Daniel BACHASSON, Conseiller, présidant l'audience
Madame Bernadette AUGE, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle ROMAN. ARRÊT Contradictoire, Prononcé publiquement le 17 Décembre 2003 par Monsieur Guy SCHMITT, président. Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle ROMAN, greffier présent lors du prononcé.
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Entreprise de construction, la société BÂTIMENT DU GOLFE (SBG l'entrepreneur) a été déclarée en redressement judiciaire le 23 octobre 1995 et a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation . Trois maîtres d'ouvrage dont les bâtiments édifiés par l'entrepreneur présentaient des désordres, mais qui n'avaient pas déclaré au passif les créances correspondantes, ont été indemnisés par leurs assureurs dommage-ouvrage, lesquels se sont retournés contre la compagnie ZURICH qui assurait la responsabilité décennale de l'entrepreneur et ont été remboursés par elle.
Par jugement en date du 3 juillet 2000 le tribunal de commerce de FRÉJUS a condamné l'entrepreneur à payer à la compagnie ZURICH, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles, la somme de 41.900,87 francs correspondant à la franchise prévue au contrat d'assurance, en retenant que, née de la déclaration de sinistre postérieure au redressement judiciaire , la créance de franchise relevait des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 .
Appelants de ce jugement, l'entrepreneur et le commissaire à l'exécution de son plan de redressement, maître X..., concluent à son infirmation, à l'irrecevabilité et au rejet de la demande de la compagnie ZURICH, et à la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 15.000 francs au titre des frais irrépétibles.
La compagnie ZURICH conclut à l'irrecevabilité de l'appel , la confirmation du jugement attaqué, et à la condamnation de l'entrepreneur au paiement d'une somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive , ainsi que d'une somme de 10.000 francs au titre des frais irrépétibles. Vu les conclusions déposées par les appelants le 16 juillet 2003 et par la compagnie intimée le 22 mars 2001;
DISCUSSION Attendu que le jugement attaqué a été signifié au commissaire à l'exécution du plan le 28 juillet 2000 à une personne présente en son étude, l'huissier instrumentaire ayant par le même acte et le même jour dressé un procès-verbal de perquisition en ce qui concerne l'entrepreneur, après avoir constaté que celui-ci avait un domicile différent de celui auquel il officiait; que, n'en ayant pas reçu signification ultérieurement, et le délai d'appel n'ayant pas couru à son encontre, l'entrepreneur était recevable en conséquence à relever appel du jugement le 3 octobre 2000; Attendu qu'il résulte des articles L 621-68 du code de commerce et 90 du décret du 27 décembre1985, que le commissaire à l'exécution du plan n'a qualité que pour poursuivre les instances introduites avant l'adoption du plan par l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers, et introduire dans l'intérêts collectif des créanciers celles qui étaient de la compétence de ces mandataires ; qu'il s'ensuit que maître X... n'avait pas qualité pour défendre à l'instance introduite par la compagnie ZURICH à l'encontre de l'entrepreneur après l'adoption du plan de redressement, et que par voie de conséquence, aucune condamnation solidaire n'ayant par ailleurs été prononcée, aucun lien d'indivisibilité ou de solidarité n'unit les deux appelants; que dans ces conditions, maître X... ne pouvant bénéficier des dispositions de l'article 552 du NCPC , l'appel qu'il a interjeté conjointement avec l'entrepreneur , plus d'un mois après avoir reçu signification du jugement , est irrecevable; Attendu qu'aux termes de l'article L 114-1 du code des assurances , toutes les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance; que, s'agissant de la franchise contractuelle restant à la charge de l'assuré, cet événement est le paiement fait au tiers lésé qui rend exigible la créance de restitution de l'assureur et autorise ce dernier à agir; qu'en l'espèce les paiements invoqués ont été faits moins de deux ans avant l'assignation du 9 juin 1999, à l'exception de celui de 20.402 francs fait le 30 octobre 1996 qui est atteint par la prescription; Attendu que la créance des tiers-lésés à l'encontre de l'entrepreneur, que l'assurance responsabilité décennale a pour but de garantir, naît de l'exécution des travaux défectueux dont il est constant en l'espèce que pour les trois chantiers en cause elle était antérieure à l'ouverture de la procédure collective de l'entrepreneur; qu'il s'ensuit
que les créances des tiers lésés à l'encontre de l'entrepreneur , non déclarées au passif
de ce dernier , sont éteintes par application des dispositions de l'article L 621-46 du code de commerce ; Attendu que l'assureur, qui doit garantir l'intégralité des dommages subis par l'ouvrage et est débiteur d'une indemnité sur laquelle les tiers lésés disposent d'un droit direct et personnel ne peut , dans ses rapports avec ces derniers, se prévaloir de l'extinction de la créance sur l'entrepreneur et de la franchise ; qu'en se retournant contre l'entrepreneur pour obtenir paiement de la franchise, il n'agit cependant que sur le seul fondement du contrat d'assurance et non en responsabilité, par subrogation , à l'encontre de son assuré; qu'il s'ensuit que, l'indemnité due aux tiers incluant la franchise, le fait générateur de la créance de franchise est celui de la créance d'indemnité des tiers sur l'assureur, et ne se confond pas avec celui des créances éteintes de ces tiers sur l'entrepreneur; Attendu que le fait générateur de la créance d'indemnité des tiers lésés n'est ni le fait dommageable imputable à l'entrepreneur, qui doit survenir au cours de la période de garantie et n'a d'incidence que sur l'étendue de la couverture due par l'assureur, ni le dommage qui autorise le tiers lésé à agir sans qu'en l'absence d'action l'assureur soit tenu à paiement, mais le sinistre qui est constitué par la réclamation amiable ou judiciaire adressée dans le cadre de l'action directe à l'assureur ; qu'en l'espèce ,le dossier révélant que toutes les réclamations sont postérieures à l'ouverture de la procédure collective, l'assureur peut prétendre au paiement de la part non prescrite de sa créance dont le détail n'est pas discuté, soit 21.448,87 francs convertis en ?uros ; Attendu que l'appel, qui a partiellement prospéré, n'est pas abusif; que la demande de dommages-intérêts sera rejetée; que compte tenu de l'issue du litige il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens; qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du NCPC; PAR CES MOTIFS LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare irrecevable l'appel de maître X... mais recevable celui de la société BÂTIMENT DU GOLFE.
Au fond, réforme la décision attaquée et, statuant à nouveau,
Condamne la société BÂTIMENT DU GOLFE à payer à la compagnie ZURICH la somme de 21.448,87 francs, soit 3.269,86 ?uros. Déclare la créance prescrite pour le surplus. Déboute la compagnie ZURICH de sa demande de dommages-intérêts . Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens, tant de première instance que d'appel. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC; La Greffière Le Président abstract: Encore que la créance des maîtres d'ouvrages née de l'exécution, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective du constructeur, de travaux affectés de malfaçons, soit éteinte faute d'avoir été déclarée à cette procédure, l'assureur couvrant la garantie décennale du constructeur qui, sur l'action directe des maîtres d'ouvrages tiers lésés, a indemnisé ces derniers postérieurement à l'ouverture sans pouvoir leur opposer l'extinction de leurs créances sur le constructeur et la franchise contractuelle, est en droit de réclamer au constructeur admis au bénéfice d'un plan de continuation, sans avoir à le déclarer au passif, le montant de la franchise prévue au contrat d'assurance dont le fait générateur se confond avec celui de la créance d'indemnité des tiers lésés née de la déclaration de sinistre faite postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.