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04/09/2024 | FRANCE | N°23/00803

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 04 septembre 2024, 23/00803


ARRÊT DU

04 Septembre 2024





DB / NC





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N° RG 23/00803

N° Portalis DBVO-V-B7H -DE6E

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[D] [P] épouse [Y]



[L] [Y]



C/



EURL PARAMELLE FABIEN



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GROSSES le

aux avocats


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ARRÊT n° 268-24











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



M. [L] [Y]

né le 25 novembre 1941 à [Localité 5] (13)

de nationalité française, retraité



Mme [D] [P] épouse [Y]

née le 27 octobre 1945 à [Localité 3] (ALGÉRIE)

de nationalité française, retr...

ARRÊT DU

04 Septembre 2024

DB / NC

---------------------

N° RG 23/00803

N° Portalis DBVO-V-B7H -DE6E

---------------------

[D] [P] épouse [Y]

[L] [Y]

C/

EURL PARAMELLE FABIEN

------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 268-24

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

M. [L] [Y]

né le 25 novembre 1941 à [Localité 5] (13)

de nationalité française, retraité

Mme [D] [P] épouse [Y]

née le 27 octobre 1945 à [Localité 3] (ALGÉRIE)

de nationalité française, retraitée

domiciliés ensemble : [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentés par Me François DELMOULY, substitué à l'audience par Me Julie CELERIER, membres de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d'AGEN

et Me CAMBRIEL, substitué à l'audience par Me Cécile GERBAUD-COUTURE, SCP CAMBRIEL STREMOOUHOFF GERBAUD-COUTURE ZOUANIA, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE

APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 15 septembre 2023, RG 21/00671

D'une part,

ET :

SARL PARAMELLE FABIEN

RCS CAHORS 804 823 672

dont le siège social est : [Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d'AGEN

et Me Nathalie CABESSUT, avocate plaidante au barreau du LOT

INTIMÉE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 juin 2024 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Selon devis accepté le 9 novembre 2018, [L] [Y] et [D] [P] son épouse (les époux [Y]), ont confié à la SARL Paramelle Fabien, qui exerce une activité de gros-oeuvre, la construction, dans leur propriété de [Localité 7] (46), d'un garage composé d'un radier en béton, de murs en agglos et d'une dalle supérieure en béton avec étanchéité, sur un seul niveau, d'une surface de 55 m², accolé à la maison existante.

Le prix de la prestation a été fixé à 35 922 Euros TTC.

La demande de permis de construire a été déposée le 18 septembre 2018 et le permis a été accordé le 14 décembre 2018.

Le chantier a été ouvert le 2 mai 2019.

La SARL Paramelle Fabien a établi 4 factures d'un montant total de 30 978 Euros qui ont été payées par les époux [Y].

Un différend est survenu entre les maîtres de l'ouvrage et la SARL Paramelle Fabien juste avant réalisation de l'étanchéité de la dalle, que cette société avait prévu de sous-traiter.

Les travaux n'ont pas fait l'objet d'une réception et ont été arrêtés à compter du 24 mai 2019.

Estimant qu'il existait des désordres, M. [Y] a effectué une déclaration de sinistre auprès de la SA Axa France IARD, assureur de la SARL Paramelle Fabien, laquelle a répondu que la garantie décennale n'était pas mobilisable faute que l'ouvrage ait fait l'objet d'une réception.

L'assureur de la SARL Paramelle Fabien a mandaté le cabinet Saretec pour examiner les problèmes d'étanchéité invoqués.

La visite des lieux s'est déroulée le 30 octobre 2019 en présence, notamment, de M. [W] du cabinet Polyexpert mandaté par la Macif, assureur des époux [Y].

Le 6 décembre 2019, le cabinet Saretec a établi un rapport dont les conclusions sont les suivantes :

- L'étanchéité n'a pas été réalisée.

- La largeur du garage est supérieure de 30 cm à celle indiquée au permis de construire : un défaut d'équerrage de la maison s'est répercuté sur la construction.

- Défaut de ferraillage des poteaux habillés en pierre invoqué par le maître de l'ouvrage : absence de désordre objectif, seules des investigations destructrices permettraient d'aller plus loin.

- Absence de joint de dilatation entre l'existant et le garage invoquée par le maître de l'ouvrage : il n'existe pas de liaison entre les constructions.

- Stagnation d'eau sur la dalle haute du garage invoquée par le maître de l'ouvrage : absence de constat.

- produit d'étanchéité 'Alveotech' visible sur le pignon Ouest : les travaux de finition avec mise en place d'un enrochement pourront ensuite être réalisés.

Le chantier est resté en l'état.

Par acte du 25 février 2020, les époux [Y] ont fait assigner la SARL Paramelle Fabien devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cahors afin d'obtenir l'organisation d'une expertise judiciaire des travaux.

Par ordonnance du 20 mai 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné pour y procéder, [K] [O], architecte.

M. [O] a déposé son rapport définitif le 19 janvier 2021.

Par acte délivré le 17 novembre 2021, les époux [Y] ont fait assigner la SARL Paramelle Fabien au fond devant le tribunal judiciaire de Cahors en déclarant produire un rapport critique du rapport d'expertise judiciaire, établi par M. [X], ingénieur en génie civil, afin de voir condamner cette société à leur payer, en principal :

- 70 735,87 Euros TTC au titre de la démolition et de la reconstruction du garage,

- 2 000 Euros en réparation d'un manquement à une obligation de conseil,

- des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance sur une base mensuelle de 100 Euros.

Ils ont également demandé que l'indemnisation définitive des préjudices subis soit réservée dans l'attente des résultats d'une étude de sol à effectuer.

Par jugement rendu le 15 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Cahors a :

- condamné l'EURL Paramelle Fabien à payer aux époux [Y] la somme de 2 573,06 Euros TTC,

- débouté les époux [Y] de leur demande au titre d'un manquement à une obligation de conseil et d'information,

- débouté les époux [Y] de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance,

- débouté les époux [Y] et l'EURL Paramelle Fabien du surplus de leurs demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné l'EURL Paramelle Fabien aux entiers dépens, en ceux compris les dépens de référé et les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de la SCP Cambriel-Stremoouhof-Gerbaud-Couture-Zounia en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné l'EURL Paramelle Fabien à payer à M. et Mme [Y] une indemnité totale de 3 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a indiqué qu'il ne pouvait statuer qu'au vu des conclusions de l'expert judiciaire, auquel les époux [Y] ont pu présenter toutes explications utiles, et non au vu d'un rapport d'expertise établi unilatéralement par le maître de l'ouvrage ; qu'il n'était pas contractuellement prévu que la dalle haute serve de toit terrasse comme l'invoquaient les maîtres de l'ouvrage ; que les désordres devaient être indemnisés conformément aux conclusions du rapport d'expertise qui excluait la démolition de la construction ; et a procédé à une compensation entre le coût des réfections retenues et un solde restant dû de 4 320 Euros par le maître de l'ouvrage.

Par acte du 4 octobre 2023, les époux [Y] ont déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- condamné l'EURL Paramelle Fabien à payer aux époux [Y] la somme de 2 573,06 Euros TTC,

- débouté les époux [Y] de leur demande au titre d'un manquement à une obligation de conseil et d'information,

- débouté les époux [Y] de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance,

- débouté les époux [Y] du surplus de leurs demandes.

La clôture a été prononcée le 3 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 10 juin 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 26 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [L] [Y] et [D] [P] épouse [Y] présentent l'argumentation suivante :

- Le débat technique n'est pas terminé :

* surpris des conclusions de l'expert judiciaire, ils ont consulté M. [X] qui a établi un premier rapport sur pièces puis un complément après visite sur site.

* ainsi, M. [O] a admis que la terrasse devait être circulable, sans néanmoins faire le calcul de la charge d'exploitation.

* l'expert s'est également abstenu de faire le calcul des armatures verticales des blocs à bancher.

* la SARL Paramelle Fabien a elle-même eu recours à nouveau au cabinet Saretec pour procéder à des calculs complémentaires, ce qui confirme la nécessité d'une expertise complémentaire.

- La SARL Paramelle est, comme tout constructeur, tenue d'une obligation de résultat.

- Ils sont fondés à se plaindre des éléments suivants :

* le toit du garage doit pouvoir être utilisé comme une terrasse : il est très facilement accessible, et le constructeur, qui disposait du permis de construire mentionnant l'usage de terrasse, était informé de cet usage bien que les garde-corps, par simple oubli, n'aient pas été mentionnés. Or selon M. [X], la charge supportable n'est que de 80 kg/m² au lieu de 150 à 250 kg/m² selon les règles de l'art.

Cette terrasse est impropre à sa destination et doit être démolie et reconstruite.

* l'étanchéité doit être réalisée : le tribunal l'a admis, mais sur la base d'une terrasse accessible.

* les caractéristiques du plancher hourdis ne sont pas celles prévues au devis : il n'existe pas d'armature verticale, ce que M. [X] qualifie de manquement aux règles de l'art, de sorte que la stabilité n'est pas garantie.

Ce plancher doit être refait.

* le pilier droit n'est pas stable : le tribunal l'a admis. Mais la reprise en sous-oeuvre n'est pas possible compte tenu de l'écrasement du tuyau en PVC.

* un drain agricole non conforme a été mis en place : il fallait mettre en place un drain de bâtiment, dont la structure est différente. Il doit être remplacé.

* le tuyau en PVC d'évacuation de la fosse septique n'est pas conforme aux règles de l'art.

- La démolition est indispensable :

* elle devra être précédée d'une étude de sol.

* ils ont sollicité pour ce faire l'EURL E4 Construction.

- Ils ont également subi un préjudice de jouissance :

* ils étaient fondés à mettre en cause la qualité des travaux effectués, alors qu'ils avaient fait confiance au constructeur.

* l'ouvrage aurait dû être achevé en mai 2019, mais est finalement abandonné, inachevé et inutilisable.

* ils acceptent la compensation avec la somme de 4 944 Euros dont ils sont redevables au titre du solde du marché.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

- en réparation du préjudice matériel :

- s'entendre condamner la SARL Paramelle Fabien à leur payer :

* le coût de réalisation de l'étude de sol de type G2 pro d'un montant de 2 832 Euros TTC à parfaire jusqu'à la date d'établissement du devis Geoccitane soit le 4 octobre 2021 jusqu'à la décision à intervenir,

* le coût de démolition et reconstruction des ouvrages non-conformes aux règles de l'art, aux DTU et au contrat, soit 58 946,56 Euros HT et 70 735,87 Euros TTC avec indexation sur l'indice BT 01 du 20 septembre 2021 jusqu'à la date de la décision à intervenir,

- réserver leurs droits concernant l'indemnisation définitive de leurs préjudices à l'issue des résultats de l'étude de sols de type G2 pro et au devis définitif qui pourrait être établi par la société E 4 Construction au regard des investigations géotechniques concernant toute indemnisation complémentaire à ce titre,

- subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise,

- très subsidiairement, en cas d'exclusion de la nécessité d'une démolition/reconstruction :

- condamner la SARL Paramelle Fabien à leur payer :

* le coût de réalisation de l'étanchéité toiture terrasse : 20 375,76 Euros TTC avec indexation sur l'indice BT 01 depuis le 20 septembre 2021,

* le coût du remplacement du drain agricole par un drain bâtiment : 4 704 TTC avec indexation sur l'indice BT 01 depuis le 20 septembre 2021,

- en réparation du préjudice de jouissance : 100 Euros par mois à compter du 1er juin 2019 jusqu'à la date de la décision à intervenir,

- ordonner la compensation des créances respectives,

- condamner la SARL Paramelle Fabien à leur payer la somme de 8 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- rejeter les demandes présentées par la SARL Paramelle Fabien.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 30 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Paramelle Fabien présente l'argumentation suivante :

- Seul le rapport d'expertise judiciaire doit être pris en compte :

* M. [X] a, dans un premier temps, établi un rapport sans examiner l'ouvrage, puis a repris purement et simplement les explications de ses clients, comme par exemple que la réalisation d'un toit terrasse était prévue et conclut à des démolitions en l'absence de désordre, à l'encontre des conclusions de M. [O].

* il a en réalité été mandaté pour procéder à des chiffrages exorbitants.

* les époux [Y] ont pourtant été assistés de leur propre expert au cours de l'expertise judiciaire.

* elle est en mesure de contredire M. [X] par des notes établies par le cabinet Saretec.

- Les époux [Y] ont été contraints d'abandonner leurs contestations sur le non-respect des cotes :

* les plans fournis par le maître de l'ouvrage, qui les a établis lui-même par mesure d'économie, n'étaient pas réalisables.

* elle leur avait signalé la difficulté et avait adapté la construction, ce qui a d'ailleurs permis d'agrandir le garage.

- Les contestations formées à son encontre en cause d'appel ne sont pas fondées :

* la toiture du garage : il n'existait aucune commune intention de créer une terrasse accessible, le maître de l'ouvrage ne lui ayant rien précisé sur ce point et les plans établis par les époux [Y], qu'ils ont fait difficulté pour communiquer au cours de la procédure, et qui ont établi et déposé le permis de construire, ne comprenaient pas de garde-corps.

La charge est conforme aux règles de l'art et la terrasse est apte à recevoir une installation type 'salon de jardin'.

* l'étanchéité est absente : les époux [Y] se sont opposés à l'intervention de l'entreprise tierce à laquelle elle a fait appel, et cette prestation ne peut être réalisée sur la base d'une terrasse circulable.

* les blocs à bancher sont solides : aucune investigation complémentaire n'a été demandée au cours de l'expertise judiciaire et les allégations de M. [X] sont contredites par l'expert judiciaire et la note du cabinet Saretec.

Sur une photographie, il est visible qu'elle a construit deux rangs d'agglos avant de couler la dalle.

Il n'existe aucun désordre depuis la construction.

* le pilier droit : il existe effectivement un désordre qu'elle accepte, la conduite coulée dans le béton ne pouvant être écrasée.

* le drain agricole est conforme : elle n'était pas contractuellement tenue de respecter le DTU et le drain, posé sur une cunette, est efficace.

* le tuyau d'évacuation de la fosse septique : il a dû être déposé pendant les travaux, mais a été recalé ensuite et aucun défaut d'évacuation n'a été signalé depuis. Les venues d'eau sont causées par l'absence de réalisation de l'étanchéité et elle n'était pas chargée des aménagements des abords.

Seule la fixation de la natte peut être mise à sa charge.

- Les demandes sont disproportionnées :

* les époux [Y] se prévalent d'un devis d'un montant de 77 443,87 Euros TTC, auquel il faut ajouter le coût d'une analyse de sol, émanant d'une entreprise située à 161 km du chantier, alors que la construction en litige n'est composée que de 3 murs en maçonnerie surmontés d'une toiture en poutrelle hourdis.

* cette somme est exorbitante : elle est du double du coût initial de la construction et les tarifs sont plus élevés que la moyenne selon le cabinet Saretec, et incluait initialement des prestations supplémentaires (sol en carrelage sur l'étanchéité, construction d'un escalier, mise en place d'un enrochement).

* aucune étude de sol n'est utile.

* il n'existe pas de préjudice de jouissance pour un garage situé dans une résidence secondaire alors que l'étanchéité aurait pu être réalisée depuis longtemps si les époux [Y] ne s'y étaient pas opposés et n'avaient pas adopté une position contentieuse voire des comportements déplacés, comme en attestent des courriers qu'elle produit aux débats.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- débouter les époux [Y] de leur appel et de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement,

- les condamner à lui payer la somme de 5 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec distraction.

-------------------

MOTIFS :

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Il convient de rappeler avant toute autre considération qu'en l'absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur (Civ3 10 juin 2021 n° 20-15277).

1) Sur l'usage du toit du garage :

En premier lieu, le devis établi par la SARL Paramelle Fabien, accepté par M. [Y], porte sur la prestation suivante : 'travaux de création d'un garage'.

La partie en élévation est ainsi décrite :

'Création d'un plancher hourdis béton 20 + 5, isoler suivant calcul étude structure béton avec coffrage périphérique goutte d'eau de 25 cm passage hélicoptère pour lissage partie haute.'

Ce devis ne fait aucune référence à la création d'un toit terrasse accessible et aménageable.

En deuxième lieu, il n'existe aucun échange, préalable aux travaux, entre les maîtres de l'ouvrage et le constructeur dans lesquels ceux-ci lui auraient demandé de créer un toit terrasse accessible.

En troisième lieu, les plans du dossier de permis de construire, dont les photographies sont annexées au rapport d'expertise judiciaire, n'indiquent pas que la partie supérieure du garage doit pouvoir être aménagée en terrasse accessible.

Ainsi, aucun garde-corps, indispensable vu la hauteur, n'y est dessiné.

Le descriptif du projet signé par le maire de la commune, dont les appelants ne prouvent d'ailleurs pas qu'il aurait été remis à la SARL Paramelle Fabien avant les travaux, se limite à mentionner 'le toit du garage sera une terrasse qui se situe au niveau de l'habitation car le garage est enterré au niveau du terril et à hauteur des caves' et n'implique pas que la terrasse soit aménageable.

En quatrième lieu, l'examen des lieux avant la création du garage (et plus particulièrement la photographie en pièce n° 18 produite par les appelants), permet de constater que la maison dispose, en façade du rez-de-chaussée, d'un vaste terrain/parc plat gazonné permettant de profiter de l'extérieur sans avoir besoin d'accéder à une terrasse au-dessus du garage à construire, dont l'intérêt n'est pas manifeste.

L'insertion graphique du garage avant sa construction ne contient, non plus, ni aménagement de la dalle supérieure, ni garde-corps.

Il résulte de ces éléments que les maîtres de l'ouvrage, qui ont eux-mêmes conçu leurs projets, établi les plans et déposé le permis de construire selon l'expert judiciaire, n'ont pas commandé à la SARL Paramelle Fabien un toit destiné à constituer une terrasse accessible et aménageable, en dehors de la simple possibilité d'y accéder pour le nettoyage.

Cette société n'avait pas à aller au-delà de la commande qui lui a été passée qui était en cohérence avec les plans établis et le permis de construire, et elle n'était tenue, sur ce point, à aucune obligation de conseil particulière.

Enfin, et selon les calculs mêmes de M. [X], la charge de la terrasse est de 80 kg/m², ce qui correspond à l'usage de type H (toitures inaccessibles sauf pour entretien et réparations courantes) qui a été commandé.

La dalle de toiture est donc conforme à la commande et a été réalisée dans les règles de l'art.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point doit être confirmé.

2) Sur l'étanchéité :

Cette prestation, qui a généré le différend, n'a pas été réalisée.

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal en a fixé le coût à 6 043,06 Euros TTC.

Il suffit d'ajouter que si M. [X] indique que les prestations prévues pour ce prix 'sont cohérentes pour ce type de prestation de toiture non accessible', sa réserve sur la nécessité d'y ajouter du carrelage ne peut être retenue.

En effet :

- l'expert judiciaire ne l'a pas prise en compte,

- M. [X] n'indique pas à quelles règles de l'art il fait référence, ni la date de leur modification alors qu'il reconnaît qu'il y a quelques années cette prestation n'était pas nécessaire de sorte que son absence n'entraînait pas nécessairement la survenance de désordres,

- le contrat conclu entre les maîtres de l'ouvrage et la SARL Paramelle Fabien n'impose pas à cette société de construire selon certaines normes.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point au-delà de la somme de 6 043,06 Euros doit être confirmé.

3) Sur le plancher hourdis :

L'expert judiciaire a procédé aux constatations suivantes : 'Les armatures verticales des blocs à bancher n'ont pas été scellées dans les fondations (voir photo cote 11.8 qui montre qu'il n'existe aucune armature en attente pour poursuivre la construction du mur en blocs à bancher), les armatures verticales n'existent qu'au-dessus du niveau du dallage béton'.

Il a expliqué qu'il s'agit d'un manquement aux règles de l'art, mais a précisé qu'il 'ne génère strictement aucun désordre' en indiquant que l'ouvrage doit être conservé.

Il a enfin précisé que rien ne permet d'affirmer que les blocs à bancher n'ont pas été correctement bétonnés.

M. [X] reprend à son compte l'absence de liaison verticale entre les murs et la semelle, estime que 'les murs reprenant des poussées horizontales dues aux terres et n'étant pas liées aux fondations, rien de s'oppose à cette interface à leur glissement' de sorte qu'il existerait, selon lui, un risque de manque de solidité.

Toutefois, les éléments avancés par M. [X] ont été contredits par le cabinet Socotec qui les qualifie de 'totalement erronés' en expliquant que 'les pieds de murs en béton ne peuvent pas glisser. Ils sont bloqués par la dalle béton. En effet, il a été en premier lieu réalisé les fondations et monté les murs, puis coulé le dallage béton. Les pieds de mur sont donc bloqués par la dalle. Ils ne peuvent glisser comme l'évoque M. [X].'

Le cabinet Socotec ajoute que 'les murs réalisés par l'entreprise Paramelle sont parfaitement aptes à supporter les différents efforts, à savoir :

- la poussée des terres sur une hauteur maximum de 2,5 m,

- la charge du plancher béton.'

Il conclut que 'la préconisation suggérant la démolition des murs n'a aucun fondement, ni technique (le dimensionnement des murs adapté) ni juridique (pas de formation de fissures sur les murs signe d'une atteinte à la solidité'.

Interrogé à nouveau, M. [X] a répliqué que les photographies attestent que les blocs ont été posés sur le dallage construit avant, ce qui invalide l'analyse du cabinet Socotec.

M. [X] a cependant produit une note de calcul difficilement exploitable dont le cabinet Saretec indique en dernier lieu qu'elle est basée sur 'une valeur théorique supérieure à la réalité' de sorte 'qu'il est évident que le ferraillage mis en oeuvre est suffisant et que l'ouvrage n'est pas en péril'.

Au-delà des échanges entre les experts des parties, et de leurs contradictions, la Cour ne peut que constater qu'il n'est pas discuté que les murs, construits depuis maintenant plus de 5 ans, ne sont affectés d'aucune fissuration et ne présentent strictement aucun signe de mouvement, ce qui permet d'en conclure que, malgré la malfaçon relevée par l'expert judiciaire, il n'existe effectivement ni désordre ni risque d'instabilité, comme il l'a également conclu.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point doit être confirmé.

4) Sur le manque de stabilité du pilier droit :

L'expert judiciaire a tout d'abord écarté les objections des maîtres de l'ouvrage se plaignant de l'absence de ferraillage des piliers en pierre en expliquant que 'la maçonnerie pierre n'est jamais ferraillée car les armatures ne peuvent être réellement mises en oeuvre que dans du béton où elles peuvent être correctement enrobées pour faire du béton armé. Ces piliers sont auto-stables et ils ne supportent aucune charge puisque la totalité du plancher hourdi repose sur les parois en blocs à bancher.'

Ce point n'est plus discuté.

L'expert judiciaire a ensuite expliqué qu'en cours de chantier, un pilier en pierre s'est effondré parce que mal construit, et que l'autre a été démoli par la SARL Paramelle Fabien qui l'estimait mal bâti, de sorte qu'ils ont dû être reconstruits.

Le pilier gauche est de section 50 cm x 50 cm, et le pilier droit de section 80 x 90.

Selon l'expert judiciaire, ces piliers 'constitués de petits éléments en pierre, ont été bâtis sur le dallage porté, après coulage de celui-ci' et 'le pilier de droite 'échappe' au dallage si on en croit la photo de la cote 11.4. Le pilier droit est en surépaisseur de 60 cm par rapport au mur construit en bloc à bancher ; il repose donc sur les 20 cm qui forment surlargeur de la semelle filante ; 40 cm sont bâtis 'dans le vide'. Il convient donc d'envisager la reprise en sous-oeuvre de cette partie du pilier par mise en oeuvre d'un plot béton mesurant 90 x 40 x 40 (H) coulé contre la face de la semelle filante existante (voir croquis n° 1).'

Il a conclu qu'il n'existe aucun désordre mais qu'il est nécessaire de procéder à une reprise en sous-oeuvre d'un coût de 600 Euros TTC.

Répondant à un dire des maîtres de l'ouvrage proposant la pose de renforts béton, il a indiqué 'ces renforts béton sont inutiles puisque les murs sont bâtis en blocs à bancher, c'est à dire en blocs remplis de béton avec armature. Il s'agit-là de renforts largement suffisants', ajoutant que 'le plancher a une capacité à travailler en encorbellement au point qu'il n'y a pas d'inquiétude à nourrir sur la question de la solidité'.

Les maîtres de l'ouvrage mettent désormais en cause le fait que la fondation extérieure du pilier repose sur le passage d'un drain.

Mais l'expert a vu ce drain (la photographie en annexe 11.4 de son rapport en atteste), sans faire aucune remarque sur ce point.

M. [X] calcule le poids du pilier sur le poteau à 3,96 tonnes et estime 'il est évident que sous cette charge, le tuyau PVC va s'écraser et que la reprise en sous-oeuvre prescrite par M. [O] juste en dessous de celui-ci n'est donc pas adaptée ni réalisable.'

Cette conclusion est toutefois contestée par la note du cabinet Socotec qui explique que 'la conduite est coulée dans le béton. Elle ne peut donc être écrasée. Le passage du conduit dans les structures est une disposition classique qui ne pose aucune difficulté technique. Cela serait différent si la conduite était sous la fondation, auquel cas elle pourrait être écrasée par le poids de la structure.', ce qui rejoint la conclusion de l'expert judiciaire qui, s'il avait estimé qu'il existait un risque d'écrasement de la conduite, l'aurait mentionné.

Il faut donc s'en tenir à la possibilité de la reprise en sous-oeuvre.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point doit être confirmé.

5) Sur le drain :

M. [X] fait remarquer que la photographie de la structure du pilier droit montre que le drain, du fait de sa couleur jaune, est un drain agricole, alors que dans la construction de bâtiments, ce type de drain est proscrit et qu'il doit être mis en oeuvre un drain en PVC strié sur le dessus pour collecter et évacuer les eaux.

Mais l'expert judiciaire l'a nécessairement vu du fait qu'il disposait de la photographie en question, et qu'il indique dans sa description des lieux que 'le tuyau du drain (posé après réalisation des semelles filantes), émerge sous le pilier construit en pierre'.

Or, il n'a fait aucune remarque sur ce point.

En outre, le cabinet Socotec indique que le drain est posé sur une cunette (= petit canal d'écoulement au fond d'un fossé, d'un égout ou d'un aqueduc, en contrebas d'un trottoir, d'un remblai etc...), ce qui 'constitue un système de drain efficace', ajoutant que le système 'assure parfaitement sa fonction de drainage'.

Le cabinet Socotec dépose également aux débats un extrait de la norme NFP 16-379 qui indique qu'il existe trois types de drainage, dont les drains à cunette.

M. [X] n'a pas prétendu que le drainage ne serait pas correctement assuré de sorte que la pose d'un drain agricole n'a aucune incidence particulière.

Il convient enfin de rappeler que le contrat conclu entre les époux [Y] et la SARL Paramelle Fabien n'imposait aucune norme aucun mode constructif précis à ce constructeur.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point doit être confirmé.

6) Sur le tuyau d'évacuation de la fosse septique :

Les appelants invoquent la remarque de M. [X] qui, à partir d'une photographie du radier, avant construction des murs en agglos, a indiqué 'en arrière-plan, je distingue le terrassement effectué par l'entreprise Paramelle. Je distingue également un tuyau PVC d'évacuation de la fosse septique. Il est aisé de visualiser le scotch orange de chantier au raccord du tuyau à l'endroit même d'une contre-pente. Je distingue également proche de la bâtisse un calage du tuyau PVC sur une pierre. Il est évident que ce réseau est non-conforme aux règles de l'art qui, pour une évacuation gravitaire pérenne, doit être réalisé dans une tranchée avec grain de riz et grillage avertisseur. Je m'interroge donc sur la conformité de cette réalisation lors du remblaiement des terres.'

M. [X] conclut que 'le tuyau d'évacuation de la fosse septique est à reprendre.'

Mais ces constatations sont relatives à des travaux antérieurs à la construction des murs, de sorte qu'elles portent sur des éléments à caractère provisoire.

Il était, en effet, nécessaire pour le constructeur, dans un premier temps, de débrancher la conduite du réseau des eaux pluviales située à l'arrière de l'emplacement du garage, pour pouvoir construire.

L'expert judiciaire, chargé d'examiner l'ensemble de la prestation réalisée par la SARL Paramelle Fabien, n'a fait aucune remarque sur ce point.

Il est, au contraire, actuellement constant qu'aucun défaut d'évacuation des eaux usées n'a été constaté depuis la réalisation des travaux, ce qui établit que la SARL Paramelle a, comme elle l'indique, calé la conduite sur un lit de sable sans contre-pente lors des travaux postérieurs à la construction du radier.

Le jugement qui a rejeté les prétentions des époux [Y] sur ce point doit être confirmé.

Finalement, la Cour dispose de tous les éléments techniques pour statuer de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner une expertise complémentaire et, sur le fond, il n'y a lieu ni à réalisation d'une étude de sol, ni à démolition de la construction.

Le jugement doit être confirmé, ainsi que sur l'apurement des comptes.

7) Sur le préjudice de jouissance invoqué :

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a rejeté ce poste de demande.

Il suffit d'ajouter que les époux [Y] par leur intransigeance, leurs mises en cause techniquement erronées de certains travaux (comme par exemple l'absence de ferraillage des piliers en pierre), leurs réclamations déraisonnables, et leurs contestations ayant notamment entraîné un refus d'intervention de l'entreprise sollicitée pour réaliser l'étanchéité, ont eux-mêmes généré l'arrêt pur et simple du chantier.

Finalement, le jugement sera intégralement confirmé.

Enfin, l'équité nécessite d'allouer à l'intimée, en cause d'appel, la somme de 2 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant,

- CONDAMNE [L] [Y] et [D] [P] épouse [Y] à payer à la SARL Paramelle Fabien, en cause d'appel, la somme de 2 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [L] [Y] et [D] [P] épouse [Y] aux dépens qui pourront être recouvrés par Me Llamas pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00803
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00803 ?
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