ARRÊT DU
04 Septembre 2024
DB / NC
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N° RG 23/00787
N° Portalis DBVO-V-B7H -DE4R
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[J] [C]
[U] [L]
C/
[T] [Z]
SA MMA IARD
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 267-24
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
M. [U], [X], [K] [L]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10] (44)
de nationalité française, retraité
Mme [J], [G], [V], [Y] [C]
née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 9] (56)
de nationalité française, agent de maîtrise
domiciliés ensemble : [Adresse 6]
représentés par Me Elodie SEVERAC, avocate postulante au barreau d'AGEN
et Me Cyrille AUCHE, VERBATEAM AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER
APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 1er août 2023, RG 21/01760
D'une part,
ET :
M. [T] [Z]
de nationalité française, avocat
[Adresse 3]
[Localité 5]
SA MMA IARD pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
RCS DU MANS 440 048 882
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentés par Me Erwan VIMONT, substitué à l'audience par Me Florence COULANGES, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d'AGEN
et Me Xavier LAYDEKER, substitué à l'audience par Me Flore HARDY, SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS :
[N] et [R] [B] ont fait construire, en 1999 et 2000, une maison d'habitation au [Adresse 6] à [Localité 8] (33).
La réception des travaux a été prononcée le 3 avril 2000.
Ils ont souscrit l'assurance dommages-ouvrage de l'article L. 242-1 du code des assurances auprès de la SA Axa Assurances, sous le n° 5601943103.
Par acte authentique du 16 septembre 2003, [N] et [R] [B] ont vendu la maison à [U] [L] et [J] [C].
Les vendeurs ont déclaré subroger les acquéreurs dans le bénéfice des garanties des articles 1792 et suivants du code civil et dans le bénéfice de l'assurance dommages-ouvrage.
Il a été noté à l'acte que la maison était donnée à bail d'habitation à Mme [I] jusqu'au 28 février 2004 pour un loyer mensuel de 618,03 Euros.
En début d'année 2009, M. [L] et Mme [C] ont constaté l'apparition d'une fissure transversale dans le sol du séjour/salon d'une façade à l'autre de la maison.
Le 3 avril 2009, ils ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de la SA Axa France IARD (anciennement Axa Assurances), laquelle a mandaté le cabinet Eurisk pour analyser le sinistre.
Le 17 juin 2009, le cabinet Eurisk a constaté l'existence de la fissure transversale, ainsi que d'une micro-fissure près du cellier, et a admis le caractère décennal de la première, chiffrant le coût de réfection à 18 198,64 Euros.
Par lettre du 22 juillet 2009, la SA Axa France IARD a admis la garantie de l'assurance dommages-ouvrage pour cette fissure.
Par lettre du 17 janvier 2011, la SA Axa France IARD a proposé une indemnité de 18 198,64 Euros, refusée par M. [L] et Mme [C], lesquels ont mis en cause une aggravation du sinistre et le caractère insuffisant de la réparation proposée.
Après que le cabinet Eurisk a examiné à nouveau le sinistre le 14 novembre 2011, l'assureur a maintenu sa proposition.
Insatisfaits, M. [L] et Mme [C] ont consulté [T] [Z], avocat au barreau de Bordeaux qui, après avoir vainement demandé à la SA Axa France IARD de revoir son offre, l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux par acte du 30 octobre 2012 afin de voir ordonner une expertise judiciaire du sinistre.
Par ordonnance du 12 novembre 2012, le juge des référés a désigné [S] [P], architecte, en qualité d'expert, avec consignation à la charge de l'assureur.
M. [Z] a assisté ses clients tout au long de la réalisation de l'expertise judiciaire.
M. [P] a établi son rapport définitif le 8 juillet 2015.
Ses conclusions sont les suivantes :
- Les désordres sont constitués :
* d'une fissure du carrelage avec décollement et de fissurations des seuils, compromettant la solidité de l'ouvrage,
* de micro-fissures en chaînage Est au-dessus de la baie vitrée, d'un faïençage des enduits extérieurs de soubassement, n'ayant pas de caractère décennal.
- Le coût de la réfection totale des désordres de nature décennale est de 84 327,84 Euros TTC, auquel il faut ajouter 8 432,78 Euros TTC pour la maîtrise d'oeuvre.
- Le coût de réfection des désordres n'ayant pas de nature décennale est de 936 + 234 Euros TTC,
- Les propriétaires devront déménager pour un coût de 4 000 Euros et se reloger pendant 6 mois pour un coût de 5 400 Euros.
Par lettre du 30 janvier 2017, M. [Z] a informé ses clients, notamment, que 'pour Axa, ma demande de provision va recevoir réponse cette semaine.'
Estimant ne pas être conseillés correctement et que leur indemnisation tardait, M. [L] et Mme [C] ont mandaté un nouvel avocat qui a appris que la SA Axa France IARD ne formulerait aucune proposition d'indemnisation en opposant la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances, écoulée depuis le dépôt du rapport d'expertise.
Par lettre du 12 mars 2021, leur nouvel avocat, [W] [F], a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la SAS Société de Courtage des Barreaux, au titre de la faute commise par M. [Z] qui avait laissé prescrire l'action en indemnisation auprès de l'assureur dommages-ouvrage.
A défaut d'acceptation de cette demande, par acte du 17 novembre 2021, M. [L] et Mme [C] ont fait assigner M. [Z] et son assureur, la SA MMA IARD, devant le tribunal judiciaire d'Agen afin de voir reconnaître la faute de l'avocat et de le voir condamner, avec son assureur, à leur payer les sommes suivantes :
- 104 479,53 Euros au titre de la perte de chance d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Bordeaux,
- 13 000 Euros au titre d'un préjudice de jouissance lié à la contrainte de vivre plus longtemps dans un logement dégradé,
- 8 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 1er août 2023, le tribunal judiciaire d'Agen a :
- condamné in solidum Me [T] [Z] et la SA MMA IARD à payer à M. [U] [L] et à Mme [J] [C] la somme de 65 097,82 Euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum Me [T] [Z] et la SA MMA IARD à payer à M. [U] [L] et à Mme [J] [C] une indemnité de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Me [T] [Z] et la SA MMA IARD aux dépens,
- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le tribunal a retenu la faute, non contestée, de l'avocat, n'ayant pas conseillé ses clients sur la nécessité d'engager une action en justice pour interrompre la prescription biennale, et n'ayant pas entrepris de démarches pour régler le litige ; estimé que la garantie de l'assureur étant acquise, il convenait d'analyser ce que M. [L] et Mme [C] étaient en mesure d'obtenir au vu du rapport d'expertise judiciaire ; qu'une perte de chance de 90 % pouvait être retenue ; qu'en application de l'annexe II de l'article A. 243-1 du code des assurances, le montant de la garantie ne pouvait excéder le coût de la construction, soit 72 330,91 Euros ; qu'il n'était toutefois pas justifié que la garantie des préjudices immatériels avait été souscrite et enfin qu'il n'était pas établi que M. [L] et Mme [C] ont effectivement occupé la maison.
Par acte du 28 septembre 2023, [J] [C] et [U] [L] ont déclaré former appel du jugement en désignant [T] [Z] et la SA MMA IARD en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'ils citent dans leur acte d'appel.
La clôture a été prononcée le 3 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 10 juin 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [J] [C] et [U] [L] présentent l'argumentation suivante :
- M. [Z] a commis une faute :
* l'avocat doit informer et éclairer exhaustivement son client sur la portée et les risques des actes, procédures et choix qu'il entreprend ou suggère, et adopter la meilleure stratégie en recherchant l'état du droit positif et la jurisprudence.
* toute perte de chance, même minime, doit être indemnisée.
* jusqu'en début 2017, ils avaient confié la défense de leurs intérêts pour la mise en jeu de l'assurance dommages-ouvrage à M. [Z] qui, pourtant, n'a entrepris aucune diligence suite au dépôt du rapport d'expertise, laissant s'écouler la prescription biennale à l'encontre de la SA Axa France IARD, interrompue pendant les opérations d'expertise en application de l'article 2239 du code civil, alors qu'ils disposaient d'une action contre cet assureur qui devait être mise en oeuvre avant le 9 juillet 2017.
- Ils ont été préjudiciés :
* la faute commise par leur avocat les a privés de la possibilité d'être indemnisés en justice par la SA Axa France IARD conformément à l'article L. 242-1 du code des assurances.
* le quantum de la chance perdue est très élevé : 90 % comme retenu par le premier juge.
* ils étaient en droit d'obtenir la prise en charge des dommages de nature décennale survenus dans le délai de 10 ans à compter de la réception, sans recherche des responsabilités ni limitation au coût de la construction, l'annexe de l'article A 243-1 ne prévoyant cette limitation que pour les constructions à un usage autre que l'habitation, et le tribunal ne pouvant se fonder sur une simple attestation d'assurance mentionnant cette limitation, la preuve des limitations n'incombant pas à l'assuré.
* ils ont perdu le coût des travaux réparatoires : l'assureur ne pouvait en réduire le montant sauf à produire le contrat d'assurance, soit 92 760,62 Euros au titre de la réparation des désordres de nature décennale avec coût de la maîtrise d'oeuvre et indexation sur l'indice BT 01 depuis le dépôt du rapport d'expertise pendant une durée qui peut être estimée à 18 mois.
* ils ont également été privés de l'indemnisation des frais suivants : relogement pendant 6 mois, assurance du nouveau logement, frais de déménagements, qui doivent être pris en charge dès lors que c'était à l'assureur de justifier qu'il ne prenait pas en charge les préjudices immatériels et qu il avait proposé une indemnité à ce titre de 2 500 Euros, ce qui atteste que ces préjudices étaient garantis.
* ils ont également été privés d'une indemnité pour frais irrépétibles d'au moins 3 000 Euros.
* ils ont enfin subi un préjudice de jouissance lié au fait qu'ils ne peuvent vivre dans un logement rénové.
- L'indemnité pour frais irrépétibles qui leur a été allouée par le tribunal ne couvre pas leurs frais.
Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner in solidum la compagnie MMA IARD et [T] [Z] à leur payer :
* 96 029,57 Euros au titre de la perte de chance d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices par-devant l'ex-tribunal de grande instance de Bordeaux,
* 28 500 Euros au titre du préjudice de jouissance lié à la contrainte de vivre plus longuement dans un logement affecté de désordres structurels,
* 8 170,27 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance, outre 5 000 Euros au titre de ceux exposés en appel,
- les condamner aux dépens.
*
* *
Par conclusions d'intimés notifiées le 4 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SA MMA IARD et [T] [Z] présentent l'argumentation suivante :
- La perte de chance suppose une situation aléatoire :
* elle qui s'apprécie au regard de la probabilité de succès de l'action qui n'a pas été intentée.
* l'issue d'une instance n'est jamais certaine.
* Mme [C] et M. [L] doivent justifier d'une perte de chance d'obtenir la condamnation de l'assureur dommages-ouvrage.
* ils ne peuvent inverser la charge de la preuve et doivent produire tous les documents dont l'assureur a fait état devant l'expert judiciaire ainsi que démontrer que les arguments de l'assureur n'auraient pas fait échec à leurs prétentions.
- Des contestations de l'assureur étaient possibles :
* dans un dire du 2 avril 2014, la SA Axa France IARD avait opposé un plafonnement de l'indemnité au coût de la construction de la maison, soit 46 375 Euros, et le fait que le carrelage avait été posé après la fin des travaux initiaux.
* l'annexe 1 de l'article A 242-1 du code des assurances en vigueur à l'époque prévoyait ce plafonnement avec application de la revalorisation au jour du jugement qui aurait été rendu.
- L'indemnisation des préjudices matériels constitue une garantie facultative :
* Mme [C] et M. [L] doivent justifier que cette garantie avait été souscrite, que les sommes qu'ils réclament entraient dans cette garantie, les préjudices immatériels étant souvent limités à ceux entraînant une perte financière.
* ils ne peuvent prétendre avoir été privés d'une indemnité pour frais irrépétibles alors qu'ils n'ont versé aucun honoraire à M. [Z] après le dépôt du rapport d'expertise.
- Le préjudice de jouissance lié au logement dégradé est arbitrairement chiffré :
* lors de l'acquisition, les lieux étaient occupés par un locataire.
* les désordres n'ont pas empêché d'utiliser la maison.
* si M. [Z] avait été diligent, Mme [C] et M. [L] auraient obtenu une décision en 2017.
* la somme fixée par le jugement du 1er août a été versée en septembre 2023 de sorte que Mme [C] et M. [L] ont pu faire procéder aux travaux.
- Mme [C] et M. [L] ont refusé toute discussion amiable.
Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner Mme [C] et M. [L] à leur payer la somme de 2 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
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MOTIFS :
La SA MMA IARD et M. [Z] ne contestent pas que ce dernier a commis une faute consistant, après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire, à avoir laissé s'écouler le délai de prescription biennale de l'article L. 114-1du code des assurances, privant ainsi Mme [C] et M. [L] d'une chance évaluée, également de façon incontestée, à 90 %, d'être indemnisés en justice par la SA Axa France IARD, en exécution du contrat d'assurance dommages-ouvrage, des désordres de nature décennale qui affectent leur maison.
L'évaluation du préjudice subi par Mme [C] et M. [L] du fait de l'impossibilité de faire valoir leurs arguments devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, suite à la faute commise, suppose de reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer devant ce tribunal afin d'évaluer les sommes qui auraient du être allouées.
Mme [C] et M. [L] présentent les réclamations suivantes :
1) travaux réparatoires des désordres :
Selon l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assurance dommages-ouvrage couvre obligatoirement 'en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article L. 1792-1".
L'expert judiciaire a chiffré à 84 327,84 Euros + 8 432,78 Euros = 92 760,62 Euros les travaux de réparation des dommages de nature décennale qui affectent l'immeuble appartenant à Mme [C] et M. [L].
Cette somme est, par suite, celle qui aurait servi de base à leur indemnisation.
La contestation opposée par les intimés, et admise par le premier juge, porte sur l'application du plafonnement de cette indemnité tel qu'il figure sur l'attestation d'assurance établie le 11 mai 1999 qui indique que l'immeuble :
'Est garanti par la police dommages ouvrage en référence conforme à l'article L. 242-1 du code des assurances et comportant les clauses types définies par l'annexe II à l'article A. 243-1 du même code, pour un montant égal au coût total de construction revalorisé proportionnellement aux variations de la valeur de l'Index National Bâtiment tous corps d'état (BT 01) tel que publié au Journal Officiel (base 100 en janvier 1974).'
Le contrat d'assurance dommages-ouvrage était alors régi par les clauses types obligatoires instituées à l'annexe II de l'article A. 243-1 du code des assurances, telles qu'elles résultaient d'un arrêté du 7 février 2001, dont l'article 3 a réputé incluses dans les contrats en cours les dispositions de cet arrêté et indiqué que ses dispositions s'appliqueraient aux déclarations de sinistres postérieures.
La clause type applicable au contrat souscrit par les époux [B] lors de la construction était, dès lors, la suivante :
'La garantie couvre le coût de l'ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre.
Toutefois elle est limitée au montant du coût total de construction déclaré aux conditions particulières, revalorisé selon les modalités prévues à ces mêmes conditions particulières pour tenir compte de l'évolution générale des coûts de construction entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre. La garantie peut être reconstituée après sinistre selon les modalités également prévues aux conditions particulières.
Le coût total de construction déclaré s'entend de celui résultant du montant définitif des dépenses de l'ensemble des travaux afférents à la réalisation de l'opération de construction, toutes révisions, honoraires, taxes et, s'il y a lieu, travaux supplémentaires compris. En aucun cas ce coût ne peut toutefois comprendre les primes ou bonifications accordées par le maître de l'ouvrage au titre d'une exécution plus rapide que celle prévue contractuellement ni se trouver amputé des pénalités pour retard infligées à l'entrepreneur responsable d'un dépassement des délais contractuels d'exécution.'
La limitation du plafonnement aux constructions autres que destinées à l'habitation, invoquée par les appelants, n'est intervenue que par arrêté du 27 novembre 2009 dont l'article 2 dispose que ses dispositions ne s'appliquent qu'aux contrats conclus ou reconduits postérieurement à son entrée en vigueur.
Le plafonnement au coût total de la construction doit ainsi recevoir application pour le contrat d'assurance en litige.
Par conséquent, l'indemnité à laquelle pouvaient prétendre Mme [C] et M. [L] était limitée à 71 174,16 Euros, tel que calculé par l'expert judiciaire, après revalorisation du coût de construction de la maison, et actualisée ensuite à 72 330,91 Euros à juillet 2017, date à laquelle ils auraient dû être indemnisés en l'absence de carence de leur avocat.
Le jugement qui a appliqué ce plafonnement, puis alloué 90 % de ce montant, soit 65 097,82 Euros doit être confirmé.
2) Préjudices immatériels :
Selon l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assurance dommages-ouvrage ne garantit que le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1.
Par conséquent, pour prétendre obtenir réparation des dommages immatériels constitués par le coût de relogement pendant les travaux de réfection, l'assurance du nouveau logement et les frais de déménagement puis de retour, Mme [C] et M. [L] doivent apporter la preuve que les époux [B] ont souscrit, outre le contrat de base, la garantie des dommages immatériels.
Cette preuve n'est pas rapportée :
- Ils ne déposent aux débats aucun contrat d'assurance.
- L'acte de vente du 16 septembre 2003 mentionne que les vendeurs déclarent que l'assurance souscrite garantit 'le paiement des travaux de réparation des dommages dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792 du code civil', sans faire référence à une extension de la garantie aux dommages immatériels.
- L'attestation d'assurance du 11 mai 1999 citée plus haut ne fait aucune référence à la souscription de garanties complémentaires aux garanties obligatoires.
Les appelants se prévalent de la proposition d'indemnité qui leur a été faite au vu du premier rapport du cabinet Eurisk.
Ce rapport mentionne effectivement les préjudices suivants :
- 'garanties obligatoires, réparation des causes du dommage, réparation des conséquences du dommage : 18 198,64 Euros' correspondant à un devis établi pour ce montant par l'entreprise Solebat chiffrant à ce montant le coût de travaux réparatoires.
- 'garanties facultatives : dommages immatériels : 2 500 Euros' correspondant à des frais de déplacement/stockage des meubles, de relogement et de repas.
Mais la lettre d'accompagnement signée par l'assureur se limite à proposer le versement de la somme de 18 198,64 Euros en indiquant :
'Par ailleurs, le relogement pendant la durée des travaux relève d'une garantie facultative non souscrite, nous sommes donc au regret de ne pouvoir intervenir sur ce point.'
Le nouveau rapport établi par le cabinet Eurisk le 14 novembre 2011 n'a plus fait état de l'indemnisation de préjudices immatériels et, par lettre du 29 novembre suivant, l'assureur a réitéré sa proposition de l'indemnité de 18 198,64 Euros.
Il est donc finalement établi, au contraire des prétentions des appelants, que la garantie facultative des dommages immatériels n'a pas été souscrite de sorte que Mme [C] et M. [L] n'était pas en mesure de réclamer ces préjudices à l'encontre de la SA Axa France IARD.
Le jugement qui a rejeté la demande d'indemnisation de ce poste de préjudice doit être confirmé.
3) Sur le préjudice de jouissance :
La faute commise par l'avocat a privé Mme [C] et M. [L], non seulement de l'indemnité d'assurance elle-même, mais également de sa perception à une date qui peut être estimée à juillet 2017.
A cette date, ils habitaient la maison de [Localité 8], comme les attestations de leurs voisins l'indiquent ainsi que les diverses factures qu'ils déposent aux débats.
La fissuration en litige a été décrite par M. [P] comme a eu pour effet de relever légèrement le carrelage.
En l'absence de réalisation des travaux confortatifs, le 19 décembre 2023, les appelants ont fait constater l'évolution de la fissuration par Me [A], commissaire de justice, qui indique l'existence d'un désaffleurement, de légers disjointements du parquet, et de difficultés de fermeture de la porte de la chambre avec jour important au droit de l'ouverture.
Si la maison est restée totalement habitable, il n'en reste pas moins que Mme [C] et M. [L] ont subi un trouble de jouissance qui sera évalué à une somme mensuelle de 150 Euros, calculée d'août 2017 (date à laquelle ils auraient dû percevoir l'indemnité leur permettant de faire effectuer les travaux) jusqu'en septembre 2023 (date de perception de l'indemnité en vertu de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du 1er août 2023), soit une somme totale de 74 mois x 150 Euros = 11 100 Euros.
Le jugement qui a rejeté cette demande sera réformé, et il y sera fait droit à hauteur de 11 100 Euros.
4) Frais irrépétibles :
En premier lieu, les appelants expliquent que si l'action en justice avait pu être intentée à l'encontre de la SA Axa France IARD, ils auraient obtenu devant le tribunal de grande instance de Bordeaux une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile d'au moins 3 000 Euros.
Mais cette indemnité aurait été destinée à compenser les frais de procès qu'ils auraient exposés.
En l'absence d'instance à l'encontre de l'assureur, Mme [C] et M. [L] n'ont, par hypothèse, exposé aucun frais à compenser de sorte que cette demande doit être rejetée, étant rappelé que l'ordonnance de référé du 12 novembre 2012 a condamné l'assureur à leur payer une indemnité au titre des frais irrépétibles et a mis le coût de l'expertise à la charge de ce dernier.
En second lieu, l'équité permet de leur allouer, en cause d'appel, la somme de 5 000 Euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du trouble de jouissance,
- STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,
- CONDAMNE in solidum [T] [Z] et la SA MMA IARD à payer à [J] [C] et [U] [L] la somme de 11 100 Euros en indemnisation du préjudice de jouissance ;
- Y ajoutant,
- CONDAMNE in solidum [T] [Z] et la SA MMA IARD à payer à [J] [C] et [U] [L], en cause d'appel, la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE in solidum [T] [Z] et la SA MMA IARD aux dépens de l'appel.
- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,