ARRÊT DU
04 Septembre 2024
AB / NC
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N° RG 23/00755
N° Portalis DBVO-V-B7H -DEXQ
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[J] [Y]
[V] [Y]
C/
[N] [L] épouse [D]
[R] [L]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 266-24
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [J] [Y]
né le 18 octobre 1965 à [Localité 7]
de nationalité française
Madame [V] [Y]
née le 27 octobre 1963 à [Localité 7]
de nationalité française
domiciliés tous deux : [Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate au barreau d'AGEN
APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 27 juillet 2023, RG 21/438
D'une part,
ET :
Madame [N] [L] épouse [D]
née le 03 mars 1952 à [Localité 7]
de nationalité française, retraitée
domiciliée : [Adresse 6]
[Localité 4]
Monsieur [R] [L]
né le 15 décembre 1953 à [Localité 7]
de nationalité française, retraité
domicilié : [Adresse 8]
[Localité 5]
représentés par Me Laurence BOUTITIE, avocate au barreau d'AGEN
INTIMÉS
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté le 8 septembre 2023 par les consorts [J] et [V] [Y] à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 27 juillet 2023.
Vu les conclusions des consorts [Y] en date du 7 décembre 2023.
Vu les conclusions de M [R] [L] et Mme [N] [L] épouse [D] (les consorts [L]) en date du 6 mars 2024.
Vu l'ordonnance de clôture du 3 mai 2024 pour l'audience de plaidoiries fixée au 3 juin 2024.
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Les consorts [L] sont propriétaires indivis d'un fonds situé [Adresse 1] à [Localité 7]. Leur immeuble est contigu à celui appartenant aux consorts [Y], sis [Adresse 1] à [Localité 7] (47), qui comporte un parc arboré.
Par acte d'huissier en date des 27, 28 septembre et 5 octobre 2022, les consorts [L] ont assigné les consorts [Y] aux fins de les voir condamner à :
- élaguer tous les arbres passant au-dessus de leur propriété et empiétant sur leur fonds, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement ;
- justifier une fois par an au mois de septembre et sur facture de l'élagage des arbres et entretien de leur laurière ;
- leur payer les sommes de 4.000,00 euros ramenées à 2.851,50 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur préjudice matériel : 1.000,00 euros en réparation de leur préjudice moral ; 1.200,00 euros au titre de leurs frais irrépétibles.
Par jugement en date du 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire d'AGEN a notamment :
- débouté les demandeurs de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de [C] [Y] ;
- condamné les consorts [Y] à procéder à l'élagage des arbres non élagués à savoir l'ormeau qui avait été insuffisamment taillé en début d'année 2022, sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant
la signification du jugement, puis annuellement avant le 30 septembre de chaque année,
- condamné les consorts [Y] à payer aux consorts [L] les sommes suivantes :
- débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes.
- débouté les consorts [Y] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les consorts [Y] aux entiers dépens, en ce compris le coût du constat d'huissier du 25 mars 2022, excepté le coût du constat d'huissier établi en 2017 qui demeurera à la charge des demandeurs.
Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu que :
- l'empiétement sur le fonds [L] est établi par des procès verbaux de constat d'huissier dès 2017 et en particulier en date du 25 mars 2022.
- les consorts [L] justifient de dépenses en lien avec l'empiétement des végétaux
- le préjudice moral résulte de la durée de l'empiétement malgré les démarches mises en oeuvre pour y mettre fin.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel à l'exception de celui ayant débouté les demandeurs de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de [C] [Y].
Les consorts [Y] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris des chefs visés à la déclaration d'appel,
- statuant à nouveau de ces chefs :
- juger n'y avoir lieu à condamnation des consorts [Y] ;
- débouter les consorts [L] de l'intégralité de leurs demandes,
- les condamner solidairement à leur verser la somme de 2.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens, en ce compris le coût du constat d'huissier dressé le 23 octobre 2023 ;
- débouter les consorts [L] de toutes fins et prétentions contraires ;
Les consorts [L] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,
- y ajoutant, à titre reconventionnel
- condamner en outre les consorts [Y] à leur rembourser la facture de 258,50 euros du 22 janvier 2024 de CASSAR CHARPENTE s'ajoutant à leur préjudice matériel ;
- limiter en tant que de besoin la durée de l'astreinte prononcée concernant l'élagage de l'orme de l'indivision [Y] à plus juste proportions et à une durée de 100 jours ;
- condamner les consorts [Y] à procéder à l'élagage de la laurière empiétant sur leur fonds également, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard, pour une durée de 100 jours, passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner les consorts [Y] à la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens dont les frais de constat d'huissier en date de 2017.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 673 du code civil, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin, peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.
Les consorts [L] produisent un constat d'huissier en date du 13 octobre 2017 qui établit que les arbres du fonds [Y] à proximité de la limite des fonds sont des arbres de haute venue dont les branches maîtresses ont été élaguées mais dont des repousses qui ont cru depuis plusieurs années débordent sur le fonds [L]. Les photos aériennes confirment cette avancée sur le fonds [L].
Un constat d'huissier du 25 mars 2022, décrit les lieux en limite de propriété :
- les arbres implantés sur la propriété [Y] culminent à plus de 25 à 30 m de hauteur.
- des branches de ces arbres dépassent encore au-dessus de la clôture, pour surplomber la propriété [L]
- les branches d'un chêne planté à 6 ou 7 m de la clôture surplombent la clôture et la parcelle [L]
- un ormeau récemment taillé porte des branches qui dépassent au-dessus de la clôture séparative des fonds,
- l'angle de la parcelle est en partie envahie par un laurier sauce, qui mesure environ 7 à 8 m de hauteur et dont les branches débordent sur l'angle de la parcelle [L] au-dessus de la clôture ; des débris végétaux tombent sur la parcelle.
- un chêne qui culmine à environ 25 m de hauteur dont une grande partie des branches surplombe la parcelle [L] et viennent couvrir la clôture séparative ainsi que le muret de béton.
- la clôture de grillage qui marque la limite séparative des deux parcelles est totalement envahie par des végétaux (laurière et lierre grimpant qui viennent peser sur la clôture).
Les consorts [Y] produisent des factures d'entretien de leur parc établies entre décembre 2020 et août 2022 qui portent sur l'entretien au sol du parc qui ne permettent pas aux consorts [L] de soutenir que le parc n'est pas entretenu et que cet abandon serait à l'origine d'une infestation estivale de moustiques.
Elles sont sans emport sur l'empiétement invoqué, à l'exception des factures suivantes :
- facture du 20 janvier 2022 : tronçonnage d'un saule et d'un thuya morts ; forfait 180,00 euros ttc
- facture du 27 février 2022 élagage branches diverses : forfait 360,00 euros ;
- facture du 24 octobre 2022 : tronçonné branches du chêne, frêne, laurier sauce à l'aplomb de la haie de laurière + cotonéaster contre le chemin, ensemble des branches broyé : 288,00 euros ttc.
Les consorts [L] produisent des photographies non datées mais déclarées d'octobre 2023 janvier 2024. Ces photographies établissent que les arbres en limite de propriété ont été élagués et que seule la laurière dépasse la clôture. Elles ne mettent pas en évidence que les branches de l'ormeau visées par le constat de mars 2022 demeurent.
Les arbres litigieux ont donc été élagués en cours de procédure et il n'y a plus lieu de prononcer de condamnation sous astreinte de ce chef. Demeure la laurière qui doit être élaguée et le jugement est réformé en ce sens selon les modalités précisées au dispositif de la décision.
Le jugement est réformé en ce qu'il prononce une condamnation sous astreinte à l'élagage des arbres pour les années à venir, dès lors qu'il ne peut être présumé pour l'avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d'élagage.
Sur le préjudice des consorts [L], il est établi par un constat du 24 octobre 2024 et des attestations que les gouttières de l'immeuble [L] sont à contre pente et que la toiture de ce bien est colonisée par les pigeons. En outre le propriétaire est tenu de procéder à l'entretien régulier de la toiture de son bien immobilier. Enfin jusqu'en 2017, un arbre de grande taille croissait sur le fonds [L] aux abords immédiats de leur construction.
Il en résulte que le préjudice nécessairement subi par les consorts [L] du fait de la chute des feuilles provenant des arbres litigieux sur leur toiture doit être limité et retenu sur la base du prix ttc au m² de la facture CASSAR CHARPENTE établie pour l'ensemble de la toiture du fonds [L] à : 70 m² x 7,43 euros ttc = 520,00 euros.
Le premier juge a justement retenu que l'empiétement du fonds [L] par les branches du fonds voisin perdure depuis plusieurs années, malgré de nombreuses démarches en vue de solutionner ce problème. En outre la laurière n'est toujours pas taillées. Le préjudice moral des consorts [L] est établi et justement réparé par l'octroi d'une somme de 500,00 euros à titre de dommages intérêts.
Chacune des parties succombe, chacune d'elle supporte la charge des dépens d'appel et frais de constat d'huissier par elle avancés, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort
Dans la limite de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- condamné les consorts [Y] à procéder à l'élagage des arbres non élagués à savoir l'ormeau qui avait été insuffisamment taillé en début d'année 2022, sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement, puis annuellement avant le 30 septembre de chaque année,
- condamné les consorts [Y] à payer aux consorts [L] les sommes suivantes :
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne les consorts [Y] à procéder à l'élagage de la laurière implantée le long de la clôture sous astreinte de 20,00 euros par jour de retard pendant 30 jours, à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt ;
Condamne les consorts [Y] à payer aux consorts [L] la somme de 520,00 euros en réparation du préjudice matériel,
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supporte la charge des dépens d'appel et frais de constats établis en cause d'appel, par elle avancés.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,