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04/09/2024 | FRANCE | N°23/00719

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 04 septembre 2024, 23/00719


ARRÊT DU

04 Septembre 2024





DB / NC





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N° RG 23/00719

N° Portalis DBVO-V-B7H- DETR

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Jonction avec le

RG 23/000718









[Z] [I]



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[L] [X]





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ARRÊT n° 263/24

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COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile

Section commerciale







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Madame [Z] [I]

née le 27 juin 1967 à [Localité 6]

de nationalité française

domiciliée : '[Adresse 3]

[Localité 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023-003065...

ARRÊT DU

04 Septembre 2024

DB / NC

---------------------

N° RG 23/00719

N° Portalis DBVO-V-B7H- DETR

---------------------

Jonction avec le

RG 23/000718

[Z] [I]

C/

[L] [X]

------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 263/24

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Section commerciale

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame [Z] [I]

née le 27 juin 1967 à [Localité 6]

de nationalité française

domiciliée : '[Adresse 3]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023-003065 du 03/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)

représentée par Me Laurent HUC, avocat au barreau du GERS

APPELANTE d'un jugement du tribunal de commerce d'AUCH en date du 21 juillet 2023, RG 2022 000987

D'une part,

ET :

Monsieur [L] [X]

né le 02 février 1974 à [Localité 5]

de nationalité française

domicilié : [Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Virginie DANEZAN, SELARL CELIER DANEZAN SOULA, avocate au barreau du GERS

INTIMÉ

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 juin 2024 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

A effet du 23 janvier 2014, [Z] [I] a été embauchée en qualité de vendeuse par la SARL Baque [X], exploitant un fonds de commerce de Boulangerie à [Localité 7] (32), gérée par [L] [X].

Par lettre du 29 juillet 2021, la SARL Baque [X] l'a licenciée pour motif économique à effet du 31 août 2021 compte tenu de la cessation d'activité de l'entreprise.

Le 31 août 2021, Mme [I] a signé son reçu pour solde de tous compte établi à partir du salaire du mois d'août 2021.

Entre temps, le 16 août 2021, Mme [I] et [L] [X] ont signé un document dont les termes sont les suivants :

"- Cession gracieuse du fonds de commerce avec loyer mensuel de 300 Euros pour un bail précaire.

- Fourniture de marchandises dans la continuité des prestations habituelles sur la base de 25 % du prix de vente client.

- Accord sur la date de démarrage du transfert d'activité qui doit être postérieure à la fin du préavis de licenciement économique, qu'il soit ou non effectué ; dans la situation actuelle cette date devrait être décalée au 1er octobre."

A effet du 7 octobre 2021, Mme [I] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Auch, pour une exploitation personnelle, de "dépôt de pain et autres produits alimentaires sans vente d'alcool" sous l'enseigne "au bon pain de campagne".

Mme [I] s'est rapidement plainte auprès de M. [X] qu'il ne lui livrait pas assez de marchandises, ce qui lui occasionnait un risque de perte de clients.

Par courriel du 2 novembre 2021, M. [X] lui a répondu :

'Bonsoir, il m'est impossible de donner une suite favorable à votre demande, je m'explique une dernière fois.

60 % de remise m'est totalement impossible (la marge brute en boulangerie, viennoiserie, gâteaux secs est de 71 % c'est à dire l'achat des matières premières auquel il faut ajouter l'Urssaf qui est de 22 % ce qui fait 51 % à déduire du chiffre d'affaires. S'il me reste 40 % du chiffre d'affaires, je suis à 11 %... auquel il faut ajouter l'énergie, assurances et quelques fournitures). 40 % de remise aurait été plus correct avec une marge nette commerciale de 1 à 2 % suivant les invendus.

(...)

On est parti sur de très mauvaises bases ce qui me fait douter de votre honnêteté. Vous avez deux solutions : soit on arrête au plus vite parce que pour l'instant vous m'avez toujours rien réglé ni le loyer (ce qui ne vous est pas arrivé lorsque vous étiez salariée dans l'entreprise) ou vous trouvez une autre entreprise pour vous faire la marchandise. A ce moment-là, je vous loue les murs avec le bail.'

Par courriel du 4 novembre 2021, M. [X] a écrit dans les termes suivants à Mme [I] :

'Je crois que vous avez pas bien compris, ça ne m'intéresse pas de travailler avec vous. 75 % de remise c'est beaucoup trop, à partir de mardi 9 novembre, le magasin est fermé.'

Par lettre recommandée du 29 décembre 2021, Mme [I] a fait mettre en demeure M. [X] de respecter son accord de fourniture de marchandises.

Par lettre recommandée du même jour (datée de 2022 par erreur matérielle), M. [X] a notifié à Mme [I] qu'il cessait de l'approvisionner à compter de janvier 2022.

Mme [I] a fait établir par huissier de justice, le 2 février 2022, un constat de restitution des lieux.

Par acte délivré le 30 mai 2022, elle a fait assigner M. [X] devant le tribunal de commerce d'Auch en lui reprochant de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles, d'avoir rompu abusivement le contrat, en sollicitant sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 21 juillet 2023, le tribunal de commerce d'Auch a :

- débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de M. [X],

- mis à la charge de Mme [I] les dépens, liquidés pour le greffe à la somme de 69,59 Euros,

- condamné Mme [I] à verser à M. [X] la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu qu'il ne pouvait être envisagé que Mme [I] réalise une marge de 75 % sur la seule revente des produits de boulangerie fabriqués par M. [X], alors que le coût de fabrication d'une baguette est de 75 % de son prix de vente ; que le contrat doit s'interpréter comme une vente, par Mme [I], des produits fournis par M. [I], majorés de 25 % et non comme le revendique cette dernière qui s'est elle-même placée dans une situation délicate ; que M. [X] a ainsi été contraint de cesser ses approvisionnements.

Par acte du 29 août 2023, [Z] [I] a déclaré former appel du jugement en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement qu'elle cite dans son acte d'appel.

La clôture a été prononcée le 3 mai 2024 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 3 juin 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 22 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [Z] [I] présente l'argumentation suivante :

- Les parties ont été liées par un contrat de dépôt :

* le contrat du 16 août 2021 constitue à la fois un contrat de dépôt et un contrat de vente : M. [X] fournissait des produits de boulangerie dont elle avait la charge de la vente.

* ce contrat a été conclu après discussions et reprise du fonds de commerce avec loyer mensuel de 300 Euros, et fourniture de marchandises sur la base de 25 % TTC du prix de vente client, soit 75 % pour elle et 25 % pour M. [X].

- M. [X] a manqué à ses obligations :

* à compter du 14 novembre 2021, M. [X] a réduit ses approvisionnements puis, par lettre recommandée du 29 décembre 2021, a notifié leur cessation à compter du 1er janvier 2022.

* elle a immédiatement été contrainte de cesser son activité, M. [X] étant son seul fournisseur, et a quitté les locaux pourtant refaits à neuf pour un prix, supporté par elle, de 4 310,46 Euros.

* il s'agit d'une rupture abusive sans préavis, alors que sa dépendance économique aurait dû lui permettre de bénéficier d'un préavis de 6 mois.

* M. [X] ne peut se plaindre des prix alors qu'il lui a proposé cet arrangement et qu'il a signé le contrat qui lui imposait de fournir des produits sur la base de 25 % TTC du prix de vente client, soit par exemple 25 centimes pour une baguette vendue au prix d'un Euro.

* au cours des 15 premiers jours de la relation contractuelle, il en avait pourtant respecté les termes.

* elle n'aurait jamais accepté de ne conserver que 25 % du prix de vente, ce qui ne lui permettait pas de faire face à ses charges, dont l'achat d'un véhicule pour 1 200 Euros, qui doivent être incluses dans le prix de revient du produit, que ne supportait donc pas M. [X].

* elle a perdu le coût des travaux qu'elle a réalisés et a exposé inutilement 3 647,33 Euros de frais de réparation du véhicule, en sus de son prix, soit une perte totale de 9 157,79 Euros.

* en outre, elle a perdu le bénéfice des indemnités de chômage, ayant bénéficié de l'aide à la création d'activité dite ACCRE.

* sur la base de son chiffre d'affaires, un préavis de 6 mois lui aurait permis d'encaisser 7 426,80 Euros.

* elle peut cumuler à la fois le préjudice causé en vertu de la responsabilité civile contractuelle et l'indemnisation résultant de la rupture brutale des relations commerciales tel que prévue à l'article L. 442-1-II du code de commerce.

- M. [X] a abusé de sa position dominante :

* il a cessé de l'approvisionner alors qu'il savait être son seul fournisseur.

* elle peut invoquer les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- infirmer le jugement,

- condamner M. [X] à lui payer :

* 9 157,79 Euros en réparation du préjudice matériel subi sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle, du fait de ses investissements,

* 7 426,80 Euros représentant 6 mois de chiffre d'affaires sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales et de la perte d'exploitation qui en découle,

* 1 500 Euros sur le fondement des pratiques anti-concurrentielles, et plus particulièrement d'abus de position dominante et refus de vente,

* 2 000 Euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la même somme pour ceux exposés devant la Cour,

- condamner M. [X] aux dépens.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [L] [X] présente l'argumentation suivante :

- Le contrat invoqué doit être interprété :

* dès le 2 novembre 2021, il a contesté l'interprétation donnée par Mme [I] en lui indiquant qu'ils étaient partis sur de mauvaises bases, et en réitérant ensuite ne pouvoir assumer une remise de 75 %.

* sur un prix de vente au client d'une baguette à un Euro, il ne peut vendre la marchandise à Mme [I] pour un prix de 25 centimes, sauf à vendre à perte, le coût de revient étant de 73 % du prix de vente.

* le contrat doit s'interpréter comme prévoyant l'achat, par Mme [I], des produits pour les revendre avec une majoration de 25 %, soit une restitution de 75 % du prix de vente au client.

* ne pouvant accepter l'interprétation qui lui était opposée, il n'avait d'autre choix que de mettre un terme à la relation contractuelle.

* cette interprétation ne pouvait être acceptée par aucun autre fournisseur.

- Il n'a pas rompu brutalement la relation contractuelle :

* il a donné son interprétation du contrat dès novembre 2021 et a néanmoins continué les livraisons jusqu'en décembre.

* il a alerté Mme [I] sur l'impossibilité de poursuivre le contrat aux conditions qu'elle prétendait lui imposer.

* c'est sa contractante qui s'est, elle-même, placée en position délicate, comme l'a admis le tribunal de commerce.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-------------------

MOTIFS :

L'article 1211 du code civil dispose :

'Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.'

Selon l'article L. 442-1-II du code de commerce, une personne exerçant une activité de production peut rompre une relation commerciale établie lorsque le préavis tient compte, notamment, de la durée de la relation commerciale en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En l'espèce, en premier lieu, le contrat conclu le 16 août 2021 entre Mme [I] et M. [X] n'est pas un contrat de dépôt tel que prévu à l'article 1915 du code civil qui suppose que le dépositaire conserve la chose déposée et la restitue.

Comme l'indique la convention, il s'agit d'un contrat de fourniture de marchandises.

En second lieu, ce contrat n'a pas de terme.

En application de l'article 1211 ci-dessus cité, M. [X] pouvait y mettre fin à tout moment et à défaut de préavis prévu contractuellement, se devait seulement de respecter un délai de préavis raisonnable au regard notamment, comme indiqué par l'article L. 442-1-II, de la durée de la relation commerciale et des usages.

Tel a été le cas, en effet :

- La notification de la rupture des relations est intervenue alors que le contrat n'avait été exécuté que depuis octobre 2021, soit seulement pendant trois mois.

- Dès le début de la relation contractuelle, de par le courriel du 2 novembre 2021, soit un mois seulement après le début d'exécution, M. [X] avait indiqué à Mme [I] qu'il n'était pas en mesure de lui fournir des marchandises sur la base de 25 % du prix de vente client, tel que prévu, à l'évidence hâtivement, à la convention.

- M. [X] a réitéré cette position par courriel du 4 novembre 2021, date à laquelle Mme [I] savait que la relation contractuelle allait prendre fin.

- Ainsi, elle pouvait, dès novembre 2021, rechercher un autre fournisseur, ce qu'elle ne prétend pas avoir fait.

- La rupture était légitime car elle faisait travailler M. [X] à perte : comme l'a justement relevé le premier juge, il n'était pas sérieux de prévoir que Mme [I] réalise une marge de 75 % sur la seule revente des produits fabriqués par M. [X].

- Mme [I] ne peut imputer à M. [X] un abus de position dominante alors que ce dernier n'a aucune position dominante sur le marché de la boulangerie gersoise et qu'elle pouvait se fournir sans délai auprès d'un autre boulanger.

Par conséquent, la rupture notifiée par M. [X], même avec un préavis limité à 2 jours, doit être considérée comme régulière et ne peut être qualifiée d'abusive.

Par conséquent, ses demandes doivent être rejetées.

Le jugement sera confirmé.

Enfin, l'équité permet d'allouer à l'intimé, en cause d'appel, la somme de 1 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant,

- CONDAMNE [Z] [I] à payer à [L] [X], en cause d'appel, la somme de 1 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [Z] [I] aux dépens de l'appel.

- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00719
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00719 ?
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