ARRÊT DU
04 Septembre 2024
AB / NC
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N° RG 23/00668
N° Portalis DBVO-V-B7H- DENZ
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[V] [K] épouse [U]
[Z] [K]
C/
SAS [I]-ROEHRIG
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 260-24
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [V] [K] épouse [U]
née le 11 mars 1963 à [Localité 5]
de nationalité française, Chargée de Mission
domiciliée : [Adresse 6]
[Localité 3]
Monsieur [Z] [K]
né le 06 août 1964 à [Localité 5]
de nationalité française, agriculteur
domicilié : [Adresse 2]
représentés par Me Marie-Luce D'ARGAIGNON, SCP D'ARGAIGNON-BOLAC, avocat postulant au barreau du GERS
et Me Julie JACQUOT, substituée à l'audience par Me Lucie CLAVERIE, SELARL AVOCADOUR, avocate plaidante au barreau de PAU
APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 21 juin 2023, RG 22/00140
D'une part,
ET :
SAS [I]-ROEHRIG pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS PARIS 392 672 796
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-Laure PRIM, SELARL MISSIO, avocate postulante au barreau du GERS
et Me Valérie ARMAND-DUBOURG, associée de la SELASU AD AVOCATS, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté le 1er août 2023 par M. [Z] [K] et Mme [V] [K] épouse [U], les consorts [K], à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 21 juin 2023.
Vu les conclusions des consorts [K] en date du 25 mars 2024.
Vu les conclusions de la SAS [I] ROEHRIG en date du 29 janvier 2024.
Vu l'ordonnance de clôture du 27 mars 2024 pour l'audience de plaidoiries fixée au 3 juin 2024.
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[N] [S] est décédée le 31 octobre 2019.
Par lettre du 2 décembre 2019, le notaire en charge du règlement de la succession de la défunte a mandaté la société [I]-ROEHRIG, société de généalogie, afin d'effectuer les démarches nécessaires à la recherche d'éventuels héritiers et légataires.
La société [I]-ROEHRIG, société de généalogie, a contacté M [Z] [K] et Mme [V] [U], petits-neveux de la défunte, afin de leur adresser un contrat de révélation de succession, n'indiquant pas le nom du défunt.
M [K] a conclu ledit contrat avec la société [I]-ROEHRIG le 15 mai 2020 et Mme [U], le 4 juin 2020.
La société de généalogie a révélé aux contractants l'identité du défunt, à savoir [N] [S].
Le 6 mai 2021, le notaire a établi la déclaration de succession. Mme [U] et M [K] ont chacun reçu la somme de 65.889,51 euros.
La société [I]-ROEHRIG leur a adressé à chacun une facture d'un montant de 26.977,92 euros au titre du règlement de ses honoraires et frais afférents au contrat. Les consorts [K] n'ont pas procédé au règlement de ces factures, en dépit de lettres adressées le 2 juin 2021 puis de mises en demeure en date du 2 juillet 2021.
Par actes d'huissier du 3 janvier 2022 et du 26 janvier 2022, la SAS [I]-ROEHRIG les a respectivement assignés en paiement de ses honoraires.
Par jugement en date du 21 juin 2023, le tribunal judiciaire d'AUCH a :
- condamné M [Z] [K] à verser la somme de 26.977,92 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraires, majorée des intérêts au taux légal à compter du 03 janvier 2022, date de l'assignation ;
- condamné Mme [V] [U] à verser la somme de 26.977, 92 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraire, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022, date de l'assignation ;
- débouté les consorts [K] de leur demande de réduction d'honoraires ;
- condamne in solidum les consorts [K] à verser la somme de 1.000 euros à la SAS [I]-ROEHRIG au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les consorts [K] aux dépens de l'instance avec recouvrement direct au profit de Maître PRIM-THOMAS ;
- rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que :
- les contrats en litige sont des contrats conclus à distance soumis aux dispositions du code de la consommation.
- les consorts [K] ont reconnu avoir pris connaissance de l'information précontractuelle, et ne démontrent aucune manoeuvre dolosive.
- si les consorts [K] ont été informés par ailleurs du décès de [N] [S], les diligences de la SAS [I] ROEHRIG ont permis l'établissement de la dévolution successorale par le notaire, étant relevé que le bénéficiaire d'une assurance vie n'est pas nécessairement héritier. La contrepartie au contrat est certaine et déterminée.
- la rémunération était contractuellement fixée à 34 % de la part nette revenant à l'héritier. Il n'y a pas lieu à réduction.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
Les consorts [K] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement des chefs visés à la déclaration d'appel ;
- statuant à nouveau,
- à titre principal sur la nullité des contrats conclus avec la société [I]-ROEHRIG pour défaut d'information précontractuelle
- vu les articles L111-1, L111-2, L221-1, L.221-5, L221-7, L.221-11, L221-29 et suivants du code de la consommation, vu les articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, juger que la société [I]-ROEHRIG a violé ses obligations d'information précontractuelle à leur détriment ;
- constater le caractère d'ordre public des dispositions du code de la consommation ;
- juger que leur consentement a été vicié par cette absence d'information précontractuelle, ainsi que par les man'uvres et réticences dolosives employées par la société [I]-ROEHRIG ;
- en conséquence, prononcer la nullité du contrat conclu les 27 mai et 4 juin 2020 entre Mme [U] et la société [I]-ROEHRIG ; prononcer la nullité du contrat daté des 13 et 15 mai 2020 entre M [K] et la société [I]-ROEHRIG ;
- débouter la société [I]-ROEHRIG de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre subsidiaire, sur la nullité des contrats conclus avec la société [I]-ROEHRIG pour absence de prestation
- vu les articles 1128 et 1163 du code civil, juger sur leur engagement de paiement n'avait pas de contrepartie ;
- en conséquence, prononcer la nullité du contrat conclu les 27 mai et 4 juin 2020 entre Mme [U] et la société [I]-ROEHRIG ; prononcer la nullité du contrat daté des 13 et 15 mai 2020 entre M [K] et la société [I]-ROEHRIG ;
- débouter la société [I]-ROEHRIG de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre infiniment subsidiaire, sur la demande de réduction des honoraires de la société [I]-ROEHRIG ;
- vu l'article 1104 du code civil, juger que le montant des honoraires dont la société [I]-ROEHRIG sollicité le paiement est excessif au regard du peu de diligences accomplies ;
- en conséquence, réduire le montant des honoraires de la société [I]-ROEHRIG à une somme ne pouvant excéder 2 000 euros à l'égard de Mme [U] ; réduire le montant des honoraires de la société [I]-ROEHRIG à une somme ne pouvant excéder 2 000 euros à l'égard de M [K] ;
- débouter la société [I]-ROEHRIG de l'ensemble de ses demandes ;
- en tout état de cause débouter la société [I]-ROEHRIG de l'ensemble de ses demandes et moyens ;
- condamner la société [I]-ROEHRIG à leur payer la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens de première instance ;
- condamner la société [I]-ROEHRIG aux entiers dépens de première instance.
- et, y ajoutant : condamner la société [I]-ROEHRIG à leur payer la somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens d'appel ;
- condamner la société [I]-ROEHRIG aux entiers dépens de l'appel.
La Société [I]-ROEHRIG demande à la cour de :
- débouter Mme [U] et M [K] de l'intégralité de leurs demandes ;
- confirmer le jugement entrepris dans son intégralité ;
- y ajoutant :
- condamner M [K] d'une part et Mme [U] d'autre part, à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître PRIM sur ses offres et affirmations de droit.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la nullité du contrat :
Aux termes de l'article 1112-1 in fine du code civil, outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
La charge de la preuve de l'information précontractuelle repose sur le professionnel. La société [I] ROEHRIG reconnaît que la lettre d'information précontractuelle ne fait pas l'objet d'un envoi par lettre recommandée mais d'un courrier par lettre simple dont elle ne peut rapporter la preuve.
Le contrat stipule que l'héritier reconnaît avoir reçu l'information précontractuelle prévue aux articles l 111-1, L 111-2, L 221-5 à L 221-7 du code de la consommation et pris connaissance de la faculté de rétractation prévue à l'article L 221-18 du code de la consommation reproduite au dos et avoir en sa possession le formulaire détachable prévu à l'article L 221-21 du code de la consommation.
Cette mention, pour valoir preuve de l'exécution de l'obligation d'information, doit être corroborée par un élément complémentaire. La société [I] ROEHRIG produit aux débats d'autres exemplaires de contrat de révélation de succession qui établissent que l'envoi du contrat comprend la lettre d'information précontractuelle.
L'envoi de la lettre d'information concomitant à l'envoi du contrat porte une information effectivement précontractuelle dès lors que le contrat n'est formé qu'à la signature du contrat nécessairement postérieure à sa réception.
Au vu de ces éléments c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande d'annulation du contrat fondée sur le seul défaut de preuve de l'envoi de la lettre d'information précontractuelle.
La nullité du contrat ne peut être poursuivie que si le manquement à l'obligation d'information a vicié le consentement des consommateurs. Les consorts [K] soutiennent que ce défaut d'information précontractuelle est à l'origine d'un dol ayant vicié leur consentement.
Il apparaît que l'ensemble des informations figurant sur la lettre d'information précontractuelle, est repris dans le contrat : coordonnées de l'entreprise, faculté de recourir à un médiateur, délai de rétractation, calcul des honoraires et des frais de dossier, prise en charge des diligences par la société en cas d'échec, outre la retranscription des textes du code de la consommation applicables. Aucune information déterminante sur le prix et le service proposé, n'est dissimulée.
Aucun mensonge constitutif d'un dol n'est établi. La société [I] ROEHRIG a relancé les consorts [K] en leur indiquant qu'ils étaient les derniers héritiers à ne pas se manifester auprès du notaire de sorte que la liquidation de la succession était bloquée. Il n'est pas établi que les consorts [K] n'étaient pas les derniers héritiers à se manifester et leur découverte et leur absence de réponse paralysaient effectivement la liquidation de la succession de sorte qu'il ne peut être considéré que cette relance constitue une manoeuvre dolosive.
Le dol n'est donc pas établi et la convention de révélation de succession ne peut être annulée sur ce fondement.
Les consorts [K] soutiennent que le contrat est nul en l'absence de prestation : ils étaient informés du décès de leur grand-tante et connaissaient leur qualité d'héritiers ; le notaire aurait pu connaître leur existence sans s'adresser à un généalogiste et la société CARDIF est parvenue à les retrouver pour leur verser le bénéfice d'assurances vie souscrites par la de cujus au profit de leurs parents eux mêmes défunts.
Le premier juge a rappelé que la convention de révélation de succession est un contrat par lequel le généalogiste s'engage à révéler à un client une vocation héréditaire certaine, ab intestat ou testamentaire, moyennant l'abandon à son profit, à titre de rétribution, d'une fraction de l'actif net de la succession. Ce contrat est aléatoire, l'aléa résidant dans l'incertitude des recherches du généalogiste ou du montant de l'actif successoral.
Le fait que les consorts [K] aient entretenu des relations avec la de cujus de son vivant et aient assisté à ses funérailles est insuffisant à établir qu'ils venaient en rang utile à la succession de [N] [S].
La perception de fonds provenant d'une assurance vie versée hors succession n'implique pas que le bénéficiaire de l'assurance vie était héritier du souscripteur et dans quelle proportion.
Le notaire en charge de la succession ignorait l'existence des consorts [K] qui ne se sont pas manifesté auprès de lui alors qu'ils étaient informés du décès, ce qui démontre qu'ils ignoraient qu'ils venaient en rang utile à la succession de [N] [S], malgré la perception de l'assurance vie.
Les diligences de la société [I] ROEHRIG ont permis d'établir que les consorts [K] sont héritiers de [N] [S] au 4ème degré et légataires par représentation de leurs parents et de leur grand-mère, soeur de [N] [S], et que leur part s'établit à un quart de la succession. Ces diligences ont donc permis d'établir la vocation successorale des consorts [K], la prestation contestée est établie et la nullité de la convention ne peut être prononcée pour défaut de prestation.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- sur la réduction des honoraires :
Les consorts [K] ont eu connaissance du décès de [N] [S] sans l'intervention du généalogiste, ils ont assisté à ses funérailles et ont perçu une assurance vie de son chef. Les diligences de la société [I] ROEHRIG se sont donc limitées à établir qu'ils venaient en rang utile à la succession et la part leur en revenant.
Seule la révélation de la qualité d'héritier justifie la rémunération du généalogiste, laquelle peut être révisée par le juge si elle est trop excessive au regard du service véritablement rendu.
La société [I] ROEHRIG ne justifie concrètement d'aucune des diligences qu'elle a effectuées, recherche à l'état civil et aux archives, diligences auprès du notaire et des membres de la famille et héritiers d'ores et déjà connus.
Cependant la qualité d'héritiers venant en rang utile des consorts [K] n'est apparue en présence d'un testament instituant un légataire universel qu'à la suite du refus de celui ci.
La réalité de la prestation est établie mais doit s'apprécier en tenant compte de la connaissance du décès de la de cujus par les consorts [K] indépendamment de l'intervention de la société [I] ROEHRIG.
Elle justifie une limitation des honoraires de la société [I] ROEHRIG à la somme de 8.000,00 euros à la charge de chacun des consorts [K].
3- Sur les demandes accessoires :
Chacune des parties succombe, chacune d'elle supporte la charge des dépens d'appel par elle avancés, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
La distraction des dépens toujours prévue par l'article 699 du code de procédure civile n'a plus d'objet du fait de la suppression de tout tarif pour l'avocat le 8 août 2015 en première instance et le 1er janvier 2012 devant la cour.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine
Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a :
- condamné M [Z] [K] à verser la somme de 26.977, 92 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraire, majorée des intérêts au taux légal à compter du 03 janvier 2022, date de l'assignation ;
- condamné Mme [V] [U] à verser la somme de 26.977,92 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraire, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022, date de l'assignation ;
- débouté les consorts [K] de leur demande de réduction d'honoraires ;
le réforme sur ces points et statuant à nouveau de ces chefs
Condamne M [Z] [K] à verser la somme de 8.000,00 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraire, majorée des intérêts au taux légal à compter du 03 janvier 2022, date de l'assignation ;
Condamne Mme [V] [U] à verser la somme de 8.000,00 euros à la SAS [I]-ROEHRIG à titre d'honoraire, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022, date de l'assignation ;
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supporte la charge des dépens d'appel par elle avancés.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,