ARRÊT DU
04 Septembre 2024
AB / NC
---------------------
N° RG 23/00661
N° Portalis DBVO-V-B7H- DEM6
---------------------
[X] [E]
[B] [D] épouse [E]
C/
SCI BOURBON-[Localité 4]
[S] [T]
------------------
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 259-24
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [X] [E]
né le 07 octobre 1951 à [Localité 5] (Argentine)
de nationalité argentine, retraité
Madame [B] [D] épouse [E]
née le 17 juillet 1959 à [Localité 7] (ETATS UNIS)
de nationalité américaine, consultante en design
domiciliés ensemble : [Adresse 2]
[Localité 7]
ETATS UNIS
représentée par Me Virginie DANEZAN, membre de la SELARL CELIER-DANEZAN, avocate postulante au barreau du GERS
et Me Sarah BRIGHT THOMAS, SELARL BRIGHT AVOCATS, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE
APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 21 juin 2023, RG 20/01348
D'une part,
ET :
SCI BOURBON-[Localité 4] pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AUCH 519 267 553
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Vincent THOMAS, SELARL MISSIO, avocat au barreau du GERS
INTIMÉE
Monsieur [S] [T] pris en sa qualité d'héritier de Mme [J] [K] née [V]
né le 16 novembre 1969
de nationalité française
domicilié : [Adresse 6]
[Localité 1]
représenté par Me Vincent THOMAS, SELARL MISSIO, avocat au barreau du GERS
INTERVENANT VOLONTAIRE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté le 27 juillet 2023 par les époux [X] [E] et [B] [D] à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 21 juin 2023, intimant la SCI BOURBON [Localité 4] et Mme [J] [V] représentée par M [S] [T] son tuteur.
Vu l'acte de décès de [J] [V] en date du 5 janvier 2023.
Vu les conclusions des époux [X] [E] et [B] [D] en date du 12 octobre 2023
Vu les conclusions de la SCI BOURBON [Localité 4] et de M [S] [T] intervenant volontaire en qualité d'héritier de [J] [V] en date du 4 janvier 2024.
Vu l'ordonnance de clôture du 27 mars 2024 pour l'audience de plaidoiries fixée au 3 juin 2024.
------------------------------------------
Selon promesse de vente synallagmatique reçue sous conditions suspensives par Maître [L], notaire, le 1er décembre 2018, la SCI BOURBON [Localité 4] et Mme [J] [V] se sont engagés à vendre aux époux [E] une propriété sise à [Localité 4] moyennant un prix de 1.300.000 euros (soit 1.299.000 euros pour les biens vendus par la SCI et 1.000 euros pour le bien vendu par Mme [V]). La promesse était consentie pour un délai expirant le 31 mai 2019. Les époux [E] ont versé la somme de 130.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation.
Par acte du 3 avril 2019, les époux [U] ont assigné la SCI BOURBON-[Localité 4] en vente forcée en exposant qu'ils bénéficiaient d'un engagement de vente de sa part. LA SCI BOURBON-[Localité 4] s'est opposée à cette demande.
Elle a proposé aux époux [E] de signer un avenant aux fins de proroger la durée de la promesse, le temps que la procédure judiciaire initiée par les époux [U] soit terminée. Les époux [E] ont refusé cette offre et ont fait savoir à la SCI BOURBON-[Localité 4] par mail du 20 mai 2020 qu'ils considéraient la promesse de vente comme caduque.
La SCI BOURBON-[Localité 4] et Mme [V] ont restitué aux époux [E] la somme de 130.000 euros.
Par acte du 16 octobre 2020, les époux [E] [D] ont assigné la SCI BOURBON-[Localité 4] et Mme [V], représentée par son tuteur M [T] pour obtenir leur condamnation solidaire, au visa de l'article 1231-1 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes de
- 130.000 euros au titre de la clause pénale ;
- 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par jugement du 12 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Auch a sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive devant être rendue dans l'instance opposant les époux [U] à la SCI BOURBON-[Localité 4] considérant que la clause pénale sanctionne le débiteur responsable de l'inexécution et que les défendeurs invoquaient le fait d'un tiers susceptible de les exonérer de toute responsabilité.
L'instance entre les époux [U] et la SCI BOURBON-[Localité 4] n'est pas allée à son terme et les époux [U] se sont finalement portés acquéreurs du bien litigieux le 23 mai 2022 pour un montant de 1.125.000 euros.
Par jugement en date du 21 juin 2023, le tribunal judiciaire d'AUCH a notamment :
- débouté les époux [E] [D] de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné in solidum les époux [E] [D] à payer à la SCI BOURBON-[Localité 4] et à Mme [V] représentée par M [T] la somme totale de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum les époux [E] [D] aux entiers dépens ;
- rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Pour statuer en ce sens le tribunal a retenu que :
- la clause relative à la responsabilité ne peut sanctionner que le débiteur responsable de l'inexécution. Le débiteur peut être exonérer en cas de force majeure ou du fait d'un tiers.
- l'intervention d'un tiers qui ne bénéficiait pas d'un accord des vendeurs sur le prix pouvant fonder une vente forcée exonère les vendeurs de leur responsabilité, l'accord trouvé en cours de procédure avec les époux [U] ne pouvant être interprété comme une reconnaissance du bien fondé de l'action des époux [U]
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
Les époux [E] [D] demandent à la cour de :
- réformer le jugement des chefs visés à la déclaration d'appel
- statuant à nouveau,
- déclarer leur demande recevable et bien fondée, et en conséquence :
- condamner solidairement la société BOURBON-[Localité 4], SCI, et Mme [J] [V] au paiement de la somme de 130.000 euros de dommages et intérêts au titre de la clause pénale en réparation des préjudices moraux, financiers et physiques des époux [E] ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement la société BOURBON-[Localité 4], SCI, et Mme [V] à payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner solidairement la société BOURBON-[Localité 4], SCI, et Mme [V] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Sarah BRIGHT THOMAS.
La SCI BOURBON [Localité 4] et M [T] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- condamner in solidum les époux [E] à payer à M [T] et à la SCI BOURBON-[Localité 4] une somme de 5 000 euros à chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article stipulation de pénalité page 10 de la promesse de vente liant les époux [E] [D] et la SCI, en date du 1er décembre 2018, au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de CENT TRENTE MILLE EUROS (130.000,00 EUR) à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1235-1 du Code Civil
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il peut également la diminuer si l'engagement a été exécuté en partie.
Sauf inexécution définitive, la peine n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
Le premier juge a justement rappelé que, parce qu'elle est une clause relative à la responsabilité, la clause pénale ne peut donc sanctionner que le débiteur responsable de l'inexécution de sorte que la force majeure, le fait du tiers ou de la victime, cause du dommage, exonèrent le débiteur.
En l'espèce le fait d'un tiers est établi.
En effet il apparaît qu'au cours de négociations précontractuelles entre le gérant de la SCI et les époux [U] un accord était intervenu pour une vente du bien au prix de 1.100.000,00 euros, selon offre d'achat de M [U]. Le notaire instrumentaire a indiqué au gérant de la SCI qu'il devait recueillir pouvoir et procuration de l'ensemble des associés pour la vente de son seul actif.
Avant l'établissement d'un compromis de vente, le 7 décembre 2017, le gérant de la SCI est décédé. La SCI n'a pas donné son accord à la proposition des époux [U].
Le lendemain du décès du gérant de la SCI, les époux [U] ont fait savoir qu'ils ne maintenaient plus leur offre initiale et la ramenaient à la somme de 1.075.000,00 euros.
Au 8 décembre 2017, il n'y avait plus d'accord sur le prix entre la SCI et les époux [U], et la SCI était libre de conclure une promesse de vente aux époux [E] consentie pour un délai expirant au 31 mai 2019.
Le 3 avril 2019, au cours du délai de validité de la promesse de vente, les époux [U] ont assigné la SCI en vente forcée. La SCI en a informé les époux [E] en leur proposant les 30 août 2019 et 27 mars 2020 une prorogation de la promesse de vente.
Cette assignation faisait obstacle à toute vente amiable jusqu'au terme de la procédure engagée. Les époux [E] n'ont pas mis la SCI et Mme [V] en demeure de réitérer la vente.
Par mail en date du 20 mai 2020, les époux [E] ont fait valoir qu'ils considéraient la promesse de vente comme caduque.
Antérieurement, la SCI et Mme [V] avaient restitué le 10 janvier 2020 le dépôt de garantie en application de l'article indemnité d'immobilisation de la promesse de vente qui stipule que la somme est restituée au bénéficiaire si le promettant venait à manquer de la capacité, des autorisations ou des pouvoirs nécessaires à la vente amiable.
Les époux [E] considérant que la promesse de vente était caduque, la SCI et Mme [V] ont transigé dans le litige les opposant et le bien a été vendu au prix de 1.125.000,00 euros, supérieur à l'offre des époux [U] soutenue par leur assignation.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'intervention de l'assignation en vente forcée des époux [U] a constitué le fait d'un tiers entravant l'exécution de leurs obligations par les vendeurs de nature à les exonérer de leur responsabilité à l'égard des époux [E] bénéficiaires de la promesse de vente.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la clause pénale stipulée à la promesse de vente ne pouvait trouver application.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
Les époux [E] succombent, ils sont condamnés aux dépens augmentés de la somme 3.000,00 euros chacun à M [T] et à la SCI BOURBON-[Localité 4] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamne les époux [E] [D] in solidum à payer à M [T] et à la SCI BOURBON-[Localité 4], chacun, la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les époux [E] [D] aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,