La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/09/2024 | FRANCE | N°23/00604

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 04 septembre 2024, 23/00604


ARRÊT DU

04 Septembre 2024





AB / NC





---------------------

N° RG 23/00604

N° Portalis DBVO-V-B7H -DEG7

---------------------











SAS SCHMIDT GROUPE



C/



[S] [G]





------------------











































GROSSES le

aux avocats









ARRÊ

T n° 258/24











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile

Section commerciale







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



SAS SCHMIDT GROUPE agissant en la personne de son président actuellement en exercice domicilié es qualité audit siège social

RCS COLMAR B 326 784 709

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par ...

ARRÊT DU

04 Septembre 2024

AB / NC

---------------------

N° RG 23/00604

N° Portalis DBVO-V-B7H -DEG7

---------------------

SAS SCHMIDT GROUPE

C/

[S] [G]

------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 258/24

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

Section commerciale

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

SAS SCHMIDT GROUPE agissant en la personne de son président actuellement en exercice domicilié es qualité audit siège social

RCS COLMAR B 326 784 709

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d'AGEN

et Me Marc LANCIAUX, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

APPELANTE d'un jugement du tribunal de commerce d'AGEN en date du 24 mai 2023, RG 22/000987

D'une part,

ET :

Monsieur [S] [G]

né le [Date naissance 2] 1958

de nationalité française

domicilié : [Adresse 5]

[Localité 1]

représenté par Me Sandrine FOURNIER, SELARL JL MARCHI CONSULTANTS, avocate au barreau d'AGEN

INTIMÉ

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 10 juin 2024 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Anne Laure RIGAULT, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 6 juillet 2023 par la SAS SCHMIDT GROUPE à l'encontre d'un jugement du tribunal de commerce d'AGEN en date du 24 mai 2023.

Vu les conclusions de la SAS SCHMIDT GROUPE en date du 26 mars 2024.

Vu les conclusions de M [S] [G] en date du 14 février 2024.

Vu l'ordonnance de clôture du 2 mai 2024, pour l'audience de plaidoiries fixée au 10 juin 2024

------------------------------------------

La société SCHMIDT GROUPE est propriétaire et exploitante des marques et logos propres aux réseaux SCHMIDT et CUISINELLA. Elle fabrique et assure la distribution de meubles de cuisines et de salles de bains au public par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaire locaux.

La société CUISINE BERTRAND, dont le gérant est Monsieur [S] [G] est devenu, par contrat en date du 02 décembre 2005, concessionnaire exclusif SCHMIDT CUISINELLA.

Après quelques années d'activité CUISINE BERTRAND rencontre des difficultés financières qui s'accroissent au cours de l'exécution du contrat de concession.

Par acte en date du 23 août 2011 M [G] se porte caution solidaire de la société CUISINES BERTRAND au profit de la société SCHMIDT GROUPE à hauteur de 90.000,00 euros.

Le 27 novembre 2012 la société CUISINE BERTRAND fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire. Le 19 décembre 2012 la société SCHMIDT GROUPE déclare une première créance à hauteur de 69.720,93 euros puis une seconde créance à hauteur de 15.722,40 euros portant la créance totale à un montant de 85.443.33 euros.

Le 31 janvier 2018 est prononcée la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif de la société CUISINE BERTRAND.

Le 03 janvier 2022 la société SCHMIDT GROUPE informe M [G] qu'elle entend faire jouer ses engagements de caution. M [G] ne donne aucune suite à cette mise en demeure.

Par acte d'huissier en date du 22 mars 2022, la société SCHMIDT GROUPE a assigné M [G] en paiement avec exécution provisoire de la somme de 85.443,33 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2022, outre une somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 24 mai 2023, le tribunal de commerce d'AGEN a notamment :

- constaté le caractère disproportionné de l'engagement de caution de M [G] et l'en a déchargé ;

- débouté la société SCHMIDT GROUPE de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société SCHMIDT GROUPE à la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société SCHMIDT GROUPE aux dépens ;

- liquidé les dépens dont frais de greffe à la somme de 69,59 euros.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que :

- la demande n'est pas prescrite le délai de prescription était interrompu pendant la durée de la procédure collective

- la première créance a bien été admise, il n'est pas justifié de la déclaration de créance complémentaire.

- au jour de la souscription de l'engagement M [G] était d'ores et déjà engagé à titre de caution à concurrence de 234.000,00 euros et bénéficiait d'un revenu de 1.456,00 euros par mois ; aucune fiche de renseignement n'a été établie. Le taux d'endettement dépassait largement 33 %.

Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.

La société SCHMIDT GROUPE demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a décidé que la prescription des engagements de Monsieur [G] ne peut être invoquée.

- infirmer le jugement en ses dispositions visées à la déclaration d'appel

- statuant à nouveau ;

- condamner M [G] au paiement d'une somme de 85.443,33 euros H.T. en respect de l'engagement de caution qu'il a souscrit, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2022 date de la mise en demeure,

- subsidiairement, constater que M [G] a commis une faute contractuelle à l'égard de la société SCHMIDT GROUPE.

- par conséquent, le condamner au paiement de la somme de 85.443,33 euros H.T. à titre de dommages et intérêts.

- en tous cas, débouter M [G] de toutes ses demandes.

- condamner M [G] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous dépens.

M [G] demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer que la société SCHMIDT GROUPE ne démontre pas que sa créance a été admise au passif de la liquidation de la société CUISINES BERTRAND

- constater le caractère disproportionné de l'engagement de caution pris par M [G] et de l'en décharger

- débouter la société SCHMIDT GROUPE de l'ensemble de ses demandes

- condamner la société SCHMIDT GROUPE à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de son manquement au devoir de mise en garde (15.000,00 euros dans le corps des écritures)

- à titre subsidiaire, lui accorder des délais de paiement de 24 mois minimum

- en tout état de cause, condamner la société SCHMIDT GROUPE à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société SCHMIDT GROUPE aux dépens de la procédure.

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire (sic)

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la déclaration de la créance :

Le juge du fond, qui statue dans l'instance en paiement opposant le créancier à la caution du débiteur principal à l'égard duquel a été ouverte une procédure collective, ne fait pas application de l'article L. 624-2 du code de commerce. Il en résulte que la décision par laquelle le juge du cautionnement retiendrait que la déclaration de la créance serait irrégulière ne constitue pas une décision de rejet de cette créance, entraînant, dès lors, l'extinction de celle-ci.

La société GROUPE SCHMIDT produit :

- une déclaration de créance pour un montant de 69.720,93 euros en date du 19 décembre 2012 adressée à Me [I] mandataire judiciaire dont l'accusé de réception est illisible.

- une déclaration de créance pour un montant de 15.722,40 euros en date du 25 novembre 2013 adressée à Me [I] mandataire judiciaire dont l'accusé de réception permet d'identifier l'expéditeur et le destinataire, sans permettre d'identifier la date de réception.

- un extrait du BODACC portant mention de la clôture pour insuffisance d'actif de la SARL CUISINES BERTRAND en date du 11 février 2028.

- un certificat d'irrecouvrabilité dressé par Me [I] le 26 avril 2016 adressé à la société SAS SALM CUISINES SCHMIDT qui mentionne la liquidation judiciaire de la SARL CUISINES SCHMIDT sans mention des créances litigieuses.

La délivrance d'un certificat d'irrecouvrabilité implique nécessairement la réception par le mandataire liquidateur de déclarations de créances.

S'il n'est pas rapporté l'existence d'une décision du juge-commissaire admettant les créances, il n'existe pas davantage de décision de ce juge les rejetant pour irrégularité, dont la caution pourrait se prévaloir.

Dès lors que le débiteur principal est placé en procédure collective, en l'espèce en liquidation, la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture des opérations de liquidation.

Les opérations de liquidation ont été clôturées par jugement du 31 janvier 2018, point de départ du délai de prescription.

L'assignation en paiement de la caution est intervenue par acte d'huissier du 22 mars 2022, alors que le délai de prescription quinquennal n'était pas expiré.

Les moyens soulevés par M. [G] relatifs aux déclarations de créances sont inopérants.

2- Sur la disproportion :

Aux termes de l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation alors applicable, et devenu l'article L. 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ce texte n'impose pas au créancier de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

La disproportion doit être manifeste, c'est à dire flagrante ou évidente, au regard de tous les éléments du patrimoine de la caution et pas seulement de ses revenus.

La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus en prenant en compte l'endettement global de la caution.

Les engagements postérieurs à la date du cautionnement souscrits n'ont pas à être pris en compte.

Cette disproportion s'apprécie en prenant en compte, notamment, l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti.

Ce texte n'impose pas au créancier de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Le fait que le créancier ne propose pas à la caution de renseigner une fiche descriptive de son patrimoine est sans emport sur la charge de la preuve de la disproportion reposant sur la caution.

M. [G] justifie au jour de la conclusion de l'acte de caution, de :

- un revenu annuel pour 2010 de 34.345 euros soit 2.862 euros par mois et en 2011 d'un revenu annuel de 17.473 euros soit 1.456,00 euros par mois.

- un emprunt de 29.500,00 euros remboursable par mensualités de 360,00 euros

- deux engagements de caution au profit de la société CUISINE BERTRAND pour les montants de 48.000,00 et 26.400,00 euros

- un engagement de caution au profit de la SCP FINANCIÈRE JCB dont il est gérant, à hauteur de 159.600,00 euros solidairement avec son épouse.

Or M [G] ne justifie pas de son patrimoine immobilier, qu'il soit ou non grevé d'emprunts, ni des revenus de la SCP, ni de ses charges au jour de la souscription de son engagement de caution

Il ne rapporte donc pas la preuve de la disproportion manifeste qu'il avance.

Le jugement est réformé en ce qu'il a déchargé M [G] de son engagement de caution en raison de son caractère disproportionné.

3- Sur le devoir de mise en garde :

M [G] se prévaut d'un manquement de la société GROUPE SCHMIDT à son devoir de mise en garde.

Le devoir de mis à la charge du co contractant de la caution est un devoir de mise en garde, qui repose sur le créancier professionnel au profit de la caution non avertie, et dans deux situations : soit s'il en résulte un risque d'endettement excessif pour la caution, soit si le concours financier du créancier est inadapté aux capacités financières du débiteur.

Au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.

En l'espèce, la société GROUPE SCHMIDT est un fabricant de cuisine qui accorde des crédits vendeurs et prend des garanties, de sorte que la créance litigieuse est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale. Elle doit être qualifiée de créancier professionnel.

En l'absence de production des comptes de la société CUISINES BERTRAND, M [G] n'établit pas que le concours financier était inadapté aux capacités financières de la société CUISINES BERTRAND en 2011, et faute de production d'un état de son patrimoine et de ses charges en 2011, il n'établit pas le risque d'endettement excessif pour lui de cet engagement.

Enfin, aux termes de l'article 4 de l'engagement de caution, M [G] déclare qu'il suivra personnellement la situation de la société CUISINES BERTRAND débiteur principal ; en conséquence il dispense la société SALM de toute obligation d'information au titre des présentes.

Il en résulte que le manquement du créancier à son obligation de mise en garde n'est pas établi et que la demande de ce chef ne peut prospérer.

4- Sur la demande de délai de grâce :

Le montant des sommes réclamées en exécution des engagements de caution n'est pas contesté.

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En outre il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments.

En l'espèce, M [G] déclare qu'il est à la retraite et qu'il perçoit une pension de 1.177,75 euros par mois, et qu'il supporte outre ses charges courantes les échéances mensuelles de deux prêts pour des montants de 317,13 et 362,49 euros.

Compte tenu des éléments relevés ci-dessus, il apparaît que l'octroi d'un délai de grâce conduirait à imposer à M [G] une charge mensuelle de 85.443,33 euros / 24 = 3.560,00 euros qui excède manifestement ses facultés financières rendant illusoire le respect du délai accordé.

La demande sera donc rejetée.

5- Sur les demandes accessoires :

M. [G] succombe, il supporte les dépens d'appel, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées, et statuant à nouveau

Condamne M [S] [G] à payer à la SAS SCHMIDT GROUPE la somme de 85.443,33 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2022,

Y ajoutant,

Déboute M [S] [G] de sa demande de délai de grâce,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00604
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00604 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award