ARRÊT DU
04 JUILLET 2023
PF/CO*
-----------------------
N° RG 22/00174 -
N° Portalis DBVO-V-B7G-C7GF
-----------------------
[R] [U]
C/
SAS BEPCO FRANCE
-----------------------
Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 99 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatre juillet deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[R] [U]
né le 20 juin 1970 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 1]
Représenté par Me Valérie LACOMBE, avocat inscrit au barreau d'AGEN
APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AGEN en date du 11 février 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00065
d'une part,
ET :
LA SAS BEPCO FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Renaud DUFEU, avocat inscrit au barreau d'AGEN
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 02 mai 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [R] [U] a été recruté par la société Agripièces Sud-ouest Distribution, qui commercialisait les pièces détachées de tracteurs et engins agricoles dans le sud de la France, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2008 en qualité de voyageur représentant placier (ci-après désigné VRP).
Il bénéficiait du statut protecteur de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 applicable aux VRP.
En 2012, TVH group a acquis toutes les filiales du groupe Bepco-Tracpièces dont Agripièces et a restructuré les secteurs commerciaux.
Son contrat a été ainsi repris par la société Bepco France, dont le siège social est situé à [Localité 3], venant aux droits de la société Agripièces Sud-ouest Distribution.
Le 5 juillet 2015, le salarié a signé un contrat à durée indéterminée avec la société Bepco France emportant changement de son statut de VRP en un statut de salarié soumis au droit commun et sa nouvelle dénomination en tant que « responsable régional des ventes », statut cadre niveau 520 coefficient C.20 de la convention collective métropolitaine des entreprises de maintenance, distribution, et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiments, de manutention de motoculture de plaisance et activités connexes » dite SDLM du 23 avril 2012 .
L'annexe 1 du contrat daté du 28 février 2017 prévoit le calcul de la rémunération brute variable perçue en sus de la rémunération fixe en rapport avec les objectifs commerciaux pour l'année 2017.
Le 15 mai 2017, le salarié a signé un avenant temporaire relatif aux modalités de calcul de sa rémunération variable mettant en place de nouveaux paramètres en termes d'objectifs et de primes.
Le salarié a refusé de signer le nouvel avenant qui lui était soumis daté du 12 mars 2019 visant à modifier les modalités de calcul et de rémunération variable des responsables régionaux des ventes et a confirmé son désaccord par courrier du 25 mai suivant.
Par requête du 14 juin 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'Agen d'une action en résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, en rappel de salaire et en paiement de différentes indemnités.
Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 29 février 2020.
Le 10 mars 2021, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude en précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 13 avril 2021.
Par lettre du 16 avril 2021, le salarié a été licencié pour inaptitude.
Par requête du 29 avril 2019, M. [U] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes d'Agen d'une action en contestation de son licenciement.
Par jugement du 11 février 2022, le conseil de prud'hommes a :
- prononcé la jonction des procédures RG 2019/00065 et RG 2021/00191 sous le seul numéro RG 2019/00065
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes
- débouté la société Bepco France de sa demande au titre de l'article 700 du code procédure civile
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- condamné M. [U] aux dépens
Par déclaration du 3 mars 2022, M. [U] a régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant la société Bepco France comme partie intimée et en visant les chefs de jugement critiqué qu'il cite dans sa déclaration d'appel.
La société Bepco France a formé appel incident.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 avril 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
I. Moyens et prétentions de M. [R] [U] appelant principal et intimé sur appel incident
Aux termes de ses dernières conclusions n°3 enregistrées au greffe le 31 mars 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, M. [R] [U] sollicite de la cour de :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
Infirmer le jugement dont appel,
I- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
A titre principal,
- Dire et juger qu'il a exercé les fonctions de voyageur représentant placier,
- Dire et juger que la société Bepco France a eu un comportement déloyal,
- Résilier son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur pour manquement à ses obligations contractuelles à la date du licenciement pour inaptitude,
- Condamner la société Bepco à lui payer les sommes suivantes :
- 18 500 € brut au titre de l'indemnité de préavis,
- 1 850 € brut au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- 200 000 € net au titre de l'indemnité de clientèle,
- 75 000 € net à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
- 75 000 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
- Ordonner la remise des documents de fin de travail sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification de la décision à intervenir,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Sur le rappel de salaire,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 21 813.26 € bruts au titre du rappel de prime d'ancienneté se décomposant comme suit :
- 7 % du salaire annuel brut pour les années 2016, 2017, 2018 soit la somme de 14 022.81 € bruts,
- 10 % du salaire annuel brut pour les années 2019 et 2020 soit la somme de 7790.45 arrêtée au 28 février 2020 ' à parfaire,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 2 181.32 € bruts au titre de l'indemnité de congé payé afférente à parfaire.
Sur la rupture du contrat de travail et le défaut de loyauté,
- Résilier son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à la date du licenciement pour inaptitude,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 18 530.15 € au titre de l'indemnité de préavis,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 1 853.01 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme nette de 19 902.74 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme nette de 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme nette de 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
- Ordonner la remise des documents de fin de travail sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification de la décision à intervenir,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
II - Sur le licenciement pour inaptitude
A titre principal,
- Dire et juger qu'il a exercé les fonctions de voyageur représentant placier,
- Dire et juger que la société Bepco a eu un comportement déloyal,
- Dire et juger que son inaptitude a pour origine le comportement fautif de l'employeur,
- Dire et juger que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Bepco France à lui payer les sommes suivantes :
- 18500 € brut au titre de l'indemnité de préavis (3 mois),
- 1850 € brut au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- 200 000 € net au titre de l'indemnité de clientèle,
- 75000 € net à titre de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
- 75000 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
- Ordonner la remise des documents de fin de travail sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification de la décision à intervenir,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
Sur le rappel de salaire
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 21 813.26 € bruts au titre du rappel de prime d'ancienneté se décomposant comme suit :
- 7 % du salaire annuel brut pour les années 2016, 2017, 2018 soit la somme de 14022.81 € bruts,
- 10 % du salaire annuel brut pour les années 2019 et 2020 soit la somme de 7790.45 arrêtée au 28 février 2020,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 2181.32 € bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente.
Sur la rupture du contrat de travail et le défaut de loyauté
- Dire et juger que la société Bepco a eu un comportement déloyal,
- Dire et juger que son inaptitude a pour origine le comportement fautif de l'employeur,
- Dire et juger que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme brute de 18 530.15 € au titre de l'indemnité de préavis (3 mois),
- Condamner la société Bepco France lui payer la somme brute de 1 853.01 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme nette de 19 902.74 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme nette de 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société Bepco France à lui payer à la somme nette de 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
- Ordonner la remise des documents de fin de travail sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification de la décision à intervenir,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- Condamner la société Bepco France à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, M. [U] fait valoir que :
- la société a modifié unilatéralement et à plusieurs reprises son contrat de travail de manière déloyale lorsqu'il a perdu son statut protecteur de VRP et les avantages liés à l'indemnité de clientèle, sans contrepartie financière
- il a accepté l'avenant par crainte de perdre son emploi
- il a toujours exercé les fonctions de VRP et non de responsable régional des ventes ce qui n'a pas été analysé par le conseil
A- sur les dispositions applicables
1- modification de la rémunération
- la rémunération variable constitue une condition substantielle du contrat de travail dont la modification impose l'accord du salarié
- elle lui a été imposée par l'employeur et constitue un manquement suffisamment grave pour lui imputer la rupture de la relation de travail
B- sur l'application au cas d'espèce, le défaut de loyauté de l'employeur et la résiliation du contrat de travail
B1- sur la continuité des fonctions de VRP de 2015 à 2020
1- sur le principe de la continuité de ses fonctions de VRP
- le conseil l'a débouté à tort pour absence de preuve
- il a poursuivi les mêmes fonctions de VRP entre 2015 et 2020 alors qu'elles auraient dû être celles d'un responsable régional des ventes conformément à son nouveau contrat
- l'employeur a été déloyal car il a perdu son statut protecteur avant la signature du contrat du 5 juillet 2015 comme responsable régional des ventes
- dès mai 2015, ses bulletins de paie intègrent la nouvelle dénomination de sa fonction et le nouveau calcul de sa rémunération (fixe + primes sur objectifs) alors, qu'auparavant comme VRP, il était indiqué un calcul des commissions en pourcentage de chiffre d'affaires hors taxe
- son mode rémunération a ainsi été modifié dès le mois de mai 2015 avant la signature du contrat alors que ses fonctions n'avaient pas changé et qu'il exerçait toujours comme un VRP
- l'employeur applique depuis 2015 une nouvelle convention collective (IDCC 1404) dite SDLM du 23 avril 2012 dans laquelle sont définies les fonctions de responsable des ventes qu'il n'exerce pas sur le terrain
- l'employeur ne justifie pas de l'exercice de ses nouvelles fonctions
- M. [F], ancien chef des ventes et M. [T], nouveau chef des ventes ont rempli ces fonctions
- pour justifier de la réalité de son statut de VRP, il produit :
- l'évolution de son chiffre d'affaires entre 2007 et 2019 et celle de son collègue M. [W]
- la carte de son secteur de prospection en 2015 et le courriel de M. [F], chef des ventes en 2015, informant les VRP de leur changement d'intitulé de poste
- les envois de commande de M. [W]
- les échanges entre M. [T], directeur des ventes et M. [W]
- les attestations de M. [W] et de M. [D]
- les tableaux d'analyse de Bepco avant et après 2015 pour gérer sa force de vente
- ses prises d'ordre et de commandes
- en conclusion, les dispositions conventionnelles de la nouvelle convention collective excluent les VRP et elles ne sont pas appliquées par l'employeur.
- il n'exerce aucune des attributions d'un responsable régional des ventes.
- le statut de VRP doit s'appliquer car il réunit les quatre conditions prévues à l'article L.7311-1 du code du travail
- la prescription biennale soulevée par l'employeur ne s'applique pas car le contrat de travail est à exécution successive
- son action est fondée sur l'exécution loyale du contrat de l'article L.1222-1 du code du travail
- ses bulletins de paie mentionnent une convention collective différente de celle relative aux VRP
2- sur le développement de la clientèle et l'indemnité de clientèle
- il a démultiplié la clientèle dès son arrivée 2008 : 1 243 973, 21 € de chiffre d'affaires et en 2015, 2 279 628 € de chiffre d'affaires
- la preuve lui incombe et il la rapporte
- son quantum n'est pas fixé par la loi mais par la jurisprudence
B2- Les fautes de l'employeur ayant conduit à son inaptitude : la continuité du statut de VRP et les modifications unilatérales du contrat de travail « responsable régional des ventes »
- son inaptitude est due au comportement fautif de l'employeur en raison de son comportement déloyal depuis plusieurs années
- les fautes de l'employeur sont constituées par :
' La perte du statut de VRP avant la signature d'un avenant au contrat (bien que finalement acceptée) sans la moindre contrepartie financière alors que sa clientèle avait un coût important,
' L'application d'un mode de calcul de rémunération variable de 2015 à février 2017 (selon une variable poids des mois) sans que cet élément ne soit contractualisé ; la contractualisation intervenant a posteriori en février 2017, cet élément a été ainsi appliqué pendant deux ans alors qu'il s'y était opposé comme le démontre son courriel du 14 mars 2016 adressé à M. [H], directeur général
' L'application d'un nouveau mode de calcul de rémunération variable dès le mois de janvier 2019 sans que cet élément ne soit contractualisé, la proposition d'avenant au contrat intervenant deux mois après son application effective,
' L'absence de mention de la prime d'ancienneté sur ses bulletins de paie contrairement aux obligations conventionnelles,
' La modification du secteur de prospection,
' Le manque de loyauté de l'employeur et son attitude répréhensible eu égard à la proposition et à la gestion de ces modifications du contrat de travail,
1- sur l'application de la rémunération variable « au poids des mois » à compter de 2015
- il a matérialisé son refus par courriels dès le mois de mars 2016, notamment celui adressé à M. [H], directeur général, le 14 mars 2016
2- sur le nouveau mode de calcul de la rémunération en février 2019 et proposé le 13 mars 2019
- l'employeur a modifié le calcul de sa rémunération variable en fonction du critère « au poids des mois » et lui a appliqué dès janvier 2019
- il s'agit en réalité d'une pondération négative et il a refusé de signer l'avenant
3- sur l'absence de la prime d'ancienneté sur les bulletins de paie et le rappel de salaire afférent
- elle est prévue par l'article 4.23 de la nouvelle convention collective et doit figurer sur une ligne à part du bulletin de paie
- l'article 4.21.2 précise qu'elle ne fait pas partie intégrante du salaire minimum conventionnel
- ses bulletins de salaire ne la mentionnent pas sur une ligne à part
- il demande en conséquence le rappel de salaire afférent aux années 2017, 2018 et 2019
- son ancienneté est de 12 ans
4- sur les commissions de la société GDI
- il a été commissionné sur les ventes en 2017 dans son activité de prospection et il a perçu une prime globale sur objectifs en 2017 au titre de son investissement pour la société GDI en 2016
- il n'a plus été commissionné sur les ventes de 2018 ni postérieurement
- or le chiffre d'affaires 2018 sert de base au commissionnement
- il accuse une perte sèche de son chiffre d'affaires depuis que les ventes ont lieu directement via le net ce qui constitue une nouvelle modification de son contrat de travail à laquelle il n'a jamais donné son accord
B3- La persistance de l'employeur dans son manque de loyauté a conduit à son licenciement pour inaptitude
- il a été placé en arrêt maladie pour syndrome dépressif du 29 février 2020 au 26 février 2021
- il produit l'attestation du chef de service du centre hospitalier universitaire de [Localité 6] qui indique « ..une dépression sévère sur harcèlement moral professionnel ... »
1- il a saisi le conseil de prud'hommes en résiliation de son contrat
2- il a été licencié pour inaptitude après onze ans d'ancienneté
Son inaptitude consécutive à un manquement préalable de l'employeur est due :
- au refus de l'employeur de lui régler le salaire conventionnel (VRP) pendant plusieurs années,
- au fait de lui avoir imposé des modifications de contrat et de convention parfaitement infondées en droit,
- de s'être entêté à le laisser saisir la juridiction prud'homale,
- d'avoir refusé de négocier,
- de l'avoir ainsi poussé vers la sortie au point d'être déclaré inapte à tous postes,
Son préjudice est important :
- il produit les justificatifs de Pôle emploi, il a connu une longue période de chômage ; il a retrouvé un emploi mais sa rémunération est inférieure
- il a deux enfants à charge dont un étudiant
II. Moyens et prétentions de la société Bepco France intimée sur appel principal et appelante sur appel incident
Selon dernières conclusions d'intimée n°3 enregistrées au greffe de la cour le 5 avril 2023 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la société Bepco France demande à la cour de :
Vu le principe du contradictoire, article 16 du code de procédure civile,
Rejeter des débats les conclusions de M. [U] notifiées par RPVA le 31 mars 2023 et ses pièces numérotées 64 et 65.
Réformer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 11 février 2022 en ce qu'il a « débouté, pour le surplus, les parties de leurs demandes, fins et conclusions et l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau sur ce point
Juger prescrites les demandes de Monsieur [R] [U]
Ecarter des débats les pièces adverses 16, 18 et 44
Juger irrecevable et mal fondé Monsieur [R] [U] en ses demandes, fins et conclusions.
Confirmer le jugement du 11 février 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire,
Juger, s'il était fait droit à une indemnité de clientèle, qu'il y a lieu de compenser celle-ci à hauteur de 16 481,11€ net puisque l'indemnité de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité de clientèle.
En tout état de cause,
Condamner Monsieur [R] [U] à lui verser la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner Monsieur [U] au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Me Dufeu conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, la société Bepco France fait valoir que :
- le 5 juillet 2015, le salarié a accepté de changer de statut : être salarié de droit commun au lieu de VPR. Un projet de contrat lui avait été préalablement soumis. Il a consulté son avocat et un délai de réflexion lui a été accordé
- l'évolution et le changement de métier et de fonction était nécessaire en raison des mutations de la clientèle et du développement de l'e-commerce
- elle se réserve la possibilité de modifier le secteur, le suivi de clients en fonction des nécessités du service
- le contrat prévoit que le salarié ne choisit plus sa clientèle mais présente le réseau
- la rémunération du salarié comprend une part fixe 40 800€ par an et une part variable assise sur le chiffre d'affaires de la zone où le salarié opère et au chiffre d'affaires de la société puisque les ventes sont déconnectées des personnes qui, sur le terrain, présentent les gammes, les promotions et proposent l'installation de corners de pièces Bepco etc.
- la rémunération variable donne lieu à l'attribution d'une prime dont le montant ne peut être connu qu'à la clôture de deux exercices : N-1 et N
- elle a décidé de régler de façon anticipée et à l'avantage du salarié la rémunération variable en appliquant « la règle du poids des mois » puisque au fur et à mesure de l'année, le résultat de chaque mois pouvait être comparé au résultat du mois N-1. Il s'agissait d'une avance sur prime sans régularisation au détriment du salarié en fin d'année
- elle a modifié à l'avantage du salarié le règlement de la part variable en lui permettant de la percevoir chaque mois sans avoir à attendre en N+1 les résultats de l'année en cours
- le statut de VRP ne prévoyait pas les avantages de maintien du salaire à l'inverse de la nouvelle convention collective
- le 31 janvier 2017, un avenant au contrat a été signé pour entériner l'accord des parties portant sur une l'évolution du réseau Bepco à animer. Cet avenant a pris effet le 1er février 2017 modifiant son secteur et l'absence de fixité
- le 28 février 2017, un avenant à l'annexe 1 du contrat de 2015 a été signé et a entériné le paiement de la rémunération variable au poids des mois et prévoit en cas de contre-performance une « pondération négative », notion qui n'était pas nouvelle
- le calcul de la rémunération variable s'effectue au mois par comparaison avec le mois de l'année antérieure
- la rémunération variable est maintenue comme l'indique l'annexe 1 du contrat
- en juillet 2017, a lieu l'entretien professionnel d'évaluation du salarié qui fait mention du changement de statut et de fonctions
- le responsable, [O] [F], a ainsi noté que le salarié était « bien dans son poste » et même « vigilant à une opportunité ».
- en fin d'année 2018, elle a entamé une réflexion sur la rémunération variable des commerciaux en les associant individuellement
- contrairement à ce que soutient le salarié, la modification contractuelle ne lui a pas été proposée le 13 mars 2019 puisqu'il a bénéficié d'un premier entretien individuel en décembre 2018 ; elle lui a transmis une note le 19 décembre 2018 puis une synthèse explicative le 21 décembre 2018. Les 8 et 9 janvier un échange a été organisé avec tous les commerciaux et le 24 janvier le salarié a reçu l'annexe technique. Le salarié n'a fait connaître aucune remarque
- les commerciaux et le salarié ont adhéré au principe et aux modalités des règles de détermination de la rémunération variable sous réserve d'ajustements en cours. Tous les commerciaux ont signé sauf le salarié. Elle a commencé à appliquer ces nouvelles règles dès le début mars (rémunération variable de février).
- par un courriel du 14 mars 2019 et par courrier recommandé avec avis de réception du 25 mai 2019, le salarié a brusquement fait part de son désaccord
- une rencontre avec M. [T] a été organisée à [Localité 5]. Elle n'était en rien intimidante et le directeur général lui a adressé un courriel de 1er avril parfaitement bienveillant
- il résulte des échanges avec le médecin du travail que :
- le salarié a des problèmes gastriques importants et il est par ailleurs asthmatique de sorte que, lorsqu'il visitait la clientèle, il localisait toujours l'hôpital le plus proche
- dans le cadre d'une visite du médecin du travail le 3 décembre 2019, le praticien n'a rien relevé
- de façon totalement laconique, il a annoncé son arrêt de travail le 29 février 2020
O- Rejet des pièces et écritures adverses
- l'ordonnance de clôture a été reportée deux fois à sa demande en raison de nouvelles écritures. Elle a finalement été prononcée le 6 avril 2023
- elle demande le rejet des nouvelles écritures adressées le 31 mars 2023
- elle demande le rejet de la pièce 64 sous la forme de courriel comme ne répondant pas aux exigences des articles 1366 et 1379 du code civil ainsi que de la pièce 65 qui est un tableau Excel comprenant des chiffres et qui ne peut être analysé dans un délai aussi bref
I- Appel incident- fin de non recevoir- irrecevabilité
A- Sur la prescription des demandes principales
- depuis la réforme de 2016, le demandeur doit désormais présenter toutes ses demandes dans sa requête initiale
- en l'espèce, les faits afférents au contrat de VRP étaient connus dès l'origine
- en raison de la suppression du principe d'unicité de l'instance, l'effet interruptif de la prescription par dépôt de la requête ne peut produire effet qu'à l'égard des prétentions émises dans la requête selon les articles R.1452-1 et suivants du code du travail
- elle soulève la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail
- l'acte de saisine du salarié date du 14 juin 2019 ; ce n'est que la convocation qui vaut citation en justice (article 1452-5 du code du travail), soit le 18 juin 2019 et sa demande d'indemnité de clientèle n'a jamais été émise lors de la requête
- cette prétention n'a été émise que le 28 décembre 2020, date où la prescription était acquise autant au 28 décembre 2020 qu'au 18 juin 2019. Le salarié ne peut se prévaloir des faits antérieurs au 18 juin 2017 et donc des faits, droits et prétentions afférents à son changement de statut
- son contrat de VRP n'était plus en cours avant le 5 juillet 2015 puisqu'il y a eu novation d'un nouveau contrat
- sa demande est prescrite, tant au titre de la formation du contrat que de son exécution pour la période antérieure à deux ans courant à compter de la convocation des parties en bureau de conciliation
B- Prescription des demandes subsidiaires
- le salarié ne peut se prévaloir du paiement ou du règlement par avance de la rémunération variable, ce qui lui est favorable, pour la période de 2015 à février 2017 dès lors que la première citation en justice, interruptive de prescription pour les seules prétentions alors émises date du 18 juin 2019
- il ne peut réclamer l'ancienneté pour la période antérieure au 18 juin 2016, compte tenu de la prescription de trois ans (L.3245-1 code du travail) puisque les créances salariales étaient connues avec le bulletin de paie et la mention de la convention collective applicable
- le salarié ne peut se prévaloir des faits antérieurs au 18 juin 2017 puisque la prescription était acquise à cette date
II- Au fond
I- Observations liminaires
A- passivité du salarié
- jusqu'à la signature de l'avenant de 2015 ou encore postérieurement, jusqu'au 15 mars 2019, date du courrier recommandé relatif à l'avenant 2019, les relations ont été cordiales
B- La signature éclairée du contrat opérant changement de statut
- il a paraphé et signé en 2015 son contrat opérant son changement de statut de VRP à salarié de droit commun et il a consulté son avocat
- quatre réunions ont été organisées pour expliquer la nouvelle politique aux commerciaux entre 2015 et 2016
- lors de son évaluation 2016 réalisée en juillet 2017, le changement de statut était rappelé et il était noté par l'évaluateur que le salarié était « bien dans son poste » et espérait même une opportunité d'évolution
C- Sur l'absence de modification unilatérale par l'employeur du mode de rémunération variable
- elle le conteste car le salarié a signé tous ses avenants : 31 janvier 2017 et 28 février 2017
- le principe et les modalités de la rémunération variable ont fait l'objet d'un accord écrit entre les parties ; il y trouve avantage car le poids des mois permet au salarié d'être payé à l'avance chaque mois, ce que ne permettait pas l'avenant antérieur
- le poids des mois permet un règlement chaque mois de la rémunération variable et évite au salarié d'attendre l'année suivante pour la recevoir, et en outre, il ne peut y avoir de régularisation en début d'année n+1 en cas de trop perçu
D- Sur l'application du poids des mois de 2015 à 2017
- le salarié reproche à son employeur d'avoir appliqué le poids de mois de 2015 à février 2017 et s'appuie sur sa pièce 24 constituée d'un unique courriel du 8 janvier 2016 adressé par M. [F] aux commerciaux
- la preuve de l'application du poids des mois n'est pas rapportée
- contrairement à ce qu'il soutient, les courriels que produit le salarié démontrent qu'il avait les moyens de contrôler le calcul de sa rémunération
- le poids des mois matérialise un avantage pour le salarié dans la mesure où il impacte favorablement le paiement de la prime en permettant un règlement anticipé chaque mois par comparaison avec le mois de l'année d'avant alors que si l'on applique strictement l'avenant de 2015, le salarié doit attendre la clôture de l'exercice pour espérer recevoir paiement de sa prime
- son courriel du 14 mars 2016 démontre qu'il a essayé de négocier cette prime
E- Sur l'avenant du 15 mai 2017 qui « matérialise l'application d'un nouveau système de rémunération »
- il ne « matérialise » pas mais s'ajoute au dernier avenant permettant de calculer sous forme de primes une rémunération variable sur la base d'objectifs. Cet avenant est « temporaire »
F- Le salarié sait marquer un désaccord
- quand le salarié a montré brutalement son désaccord par courrier du 15 mars 2019, alors qu'elle avait commencé à appliquer le mode de rémunération variable fondé sur le projet d'avenant, elle a immédiatement régularisé en avril 2019 la rémunération du salarié sur la base de l'avenant en cours qu'il avait signé
- à la date du 14 juin 2019, date du dépôt de sa requête devant le conseil de prud'hommes, sa rémunération était rectifiée depuis avril 2019
G- Sur la énième contrevérité du salarié qui prétend n'avoir aucun moyen de contrôler le calcul de sa rémunération depuis le début de l'année 2019
- c'est faux et elle justifie qu'il recevait par courriels chaque mois les résultats, les modes de calcul de ses résultats et sa prime et toutes informations utiles et nécessaires depuis mars 2018
- le salarié les produit lui-même ce qui démontre qu'il les recevait
II ' Sur la résiliation judiciaire
A- En droit
- les griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa demande doivent être suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur
B- En fait
1. Au fond
a- Sur le changement de statut en 2015
- l'accord du salarié est nécessaire et il l'a apporté en signant le contrat du 5 juillet 2015
- il était responsable régional des ventes, cadre
- M. [W], qui atteste pour le salarié, est en litige avec elle, ce qui discrédite son attestation qui n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile
- leurs attestations croisées entachent leur force probante
- M. [D] souhaitait partir en retraite et n'était pas concerné par l'avenant de 2019
- le salarié n'était pas autonome mais agissait sous les ordres, les instructions, les directives du directeur commercial. Il était soumis à une hiérarchie. Il n'agissait pas comme le ferait un VRP. Il n'enregistrait aucune commande ni aucun ordre après 2015, il ne choisissait pas la clientèle
- le contrat de travail de droit commun lui conférait un rôle technique et de conseil que le salarié n'avait pas auparavant
- le salarié faisait du suivi de promotions ce qu'il ne réalisait pas auparavant
- du fait du nouveau contrat, il n'existait plus de fixité depuis 2015 sur le secteur géographique et la clientèle (article 2.5 et 2.6 du contrat de travail) ni par rapport aux produits à l'inverse de son statut antérieur.
- le secteur n'est plus la caractéristique principale du contrat
- s'agissant de sa rémunération, le contrat de travail de droit commun de 2015 ne prévoit plus que le salarié perçoive une commission par vente mais au contraire lui assigne un objectif en dessous duquel il perd son droit à prime, prime qui dépend en grande partie des ventes nationales et pas seulement régionales passées entre le client et la plateforme ou encore internet
- il n'était pas VRP au sens de l'article L.7311-3 du code du travail
- Sur ses pièces 50 à 55 :
- certaines sont agrémentées d'annotations manuscrites
b- Sur le poids des mois
- l'avenant du 28 février 2017 précise le mode de rémunération variable. L'article 3 détermine le mode de calcul de la rémunération avant l'application de l'article 4
- le mode de calcul est la formule de calcul au poids des mois. Chaque chiffre d'affaires du mois est rapporté au chiffre d'affaires de l'année complète. C'est la pondération
- il bénéficie d'une rémunération variable fondée sur le chiffre d'affaires sans qu'importe le mode de passation des commandes ce qui est plus juste et plus avantageux pour lui
c- Sur le changement de mode de rémunération en 2019
- elle justifie de la réception par le salarié de :
- la note du 19 décembre 2018,
- la note technique du 21 décembre 2018,
- la note technique modifié le 24 janvier 2019,
- le point avec son responsable le 18 février 2019
- il n'a manifesté aucune opposition
- début mars, il a reçu sa paie de février 2019 avec la nouvelle rémunération variable et n'a pas protesté
- ce n'est qu'après le courriel du 13 mars 2019 qu'il a réagi
- il n'existe donc aucun manquement suffisamment grave de nature à « empêcher la poursuite du contrat de travail » :
- L'avenant 2019 n'a jamais été signé
- La rémunération est calée sur le poids des mois selon avenant antérieur signé par le salarié
- elle a régularisé les deux mois de février et mars 2019 sur la paie d'avril 2019
- au jour du dépôt de la requête le 14 juin 2019, il ne pouvait reprocher l'application du projet d'avenant puisque la régularisation de paie est intervenue en avril 2019
d- Sur le changement de secteur
- elle a renoncé à l'avenant proposé
- cette clause qui n'implique pas en soi l'obligation de déterminer une zone précise d'application a été mise en 'uvre de juillet 2018 à décembre 2018 sans que d'ailleurs le salarié ne proteste
- il n'y a pas de « manquement suffisamment grave de l'employeur » de nature à « empêcher la poursuite du contrat de travail ».
- le salarié ne peut formuler de demande de rappel de salaire sur ce point puisque ce qui lui est dû lui a été payé
e- Sur les ventes auprès de la société GDI
- le salarié évoque une perte sèche mais ne donne aucun chiffre et il n'explique pas en quoi la vente par internet entraînerait une modification de son contrat de travail ni ne calcule la perte sèche année par année
- la genèse de la proposition de modification de la rémunération variable des commerciaux est fondée sur l'idée comme d'ailleurs la novation de contrat opérée en 2015
- la rémunération variable dans sa définition antérieure ne correspond plus à l'évolution permanente et rapide du marché
- le salarié a une rémunération variable basée sur les ventes réalisées par e-commerce ou plateforme, consécutives au travail de promotion, de présentation, de conseils techniques et d'animation réalisés par la force commerciale car elle s'est adaptée au marché, au changement des habitudes des clients en proposant un canal d'échange commercial adéquat sans que cela ne pénalise le commercial qui touche une part variable alors qu'il ne fait plus les ventes, son travail se situant en amont
- le salarié a touché sa part variable puisque précisément des ventes sont réalisées à distance, même pendant son absence d'avril à juin 2020
f- Sur le chiffre d'affaires réalisé et le calcul de prime
- le calcul de sa prime : il s'agit d'un pourcentage mensuel à appliquer sur une enveloppe globale de prime, pourcentage qui se déclenche dès lors que le chiffe d'affaires N est égal à celui de N-1
- le salarié ne peut prétendre que, depuis le début 2019, il n'avait aucun moyen de contrôle du calcul de sa rémunération
- il bénéficiait d'entretiens mensuels et annuels avec ses responsables
g- Sur l'ancienneté
- par conclusions du 24 février 2020, le salarié lui reproche d'avoir émis des bulletins de salaire « ne mentionnant pas sur une ligne à part le calcul de la prime d'ancienneté laquelle était intégrée au salaire de base contrairement aux dispositions des articles 4.23 et 4.21.2 de la convention collective applicable »
- l'ancienneté intégrée au salaire de base ne figurait pas sur une ligne, mais elle était réglée comme le salarié le reconnaît dans ses écritures
- elle lui a versé 1565 euros le 28 septembre 2020
- depuis le 28 février 2019, la prime a été supprimée
- cette prime n'était pas demandée dans la requête
h- Sur la preuve par courriels
- le salarié a produit et communiqué deux courriels tronqués du 14 mars : date incomplète, sans signature et sans entête
- ces courriels ne sont pas conformes à l'article 1316-1 du code civil et devront en conséquence être écartés par la cour
III- Sur l'exécution déloyale du contrat
- le salarié n'a formulé aucun commentaire, ni émis le moindre écrit lorsqu'il a formé et donc signé son contrat en 2015 après avoir consulté son avocat,
- pendant quatre ans, le salarié a accepté d'accomplir ses nouvelles fonctions et de recevoir une contrepartie substantielle en bénéficiant de primes sur les ventes notamment nationales en exécution du contrat du 5 juillet 2015
- s'agissant de la négociation de l'avenant de 2019, la chronologie des faits matérialise bien le fait qu'il est demeuré passif, taisant pendant plusieurs semaines, alors qu'elle était dans l'échange
- à la suite du désaccord du salarié manifesté par courriel du 14 mars 2019, elle a régularisé le variable sur la base de l'ancien avenant dès avril 2019 donc avant la saisine du conseil de prud'hommes et avant qu'il ne statue sur la demande de résiliation judiciaire possiblement plus de deux ans après l'introduction de l'instance
IV- Sur le licenciement pour inaptitude
- La pathologie chronique et handicapante du salarié doit être rapprochée du confinement survenu le 17 mars 2020, et du 15 mars 2019 au 29 février 2020, le salarié n'a évoqué des faits susceptibles d'être mis en relation avec les allégations formulées dans l'attestation médicale du 19 mars 2020 évoquant un «harcèlement moral professionnel»
- le salarié n'a jamais relié sa pathologie à une qualification que son médecin traitant impute à une situation professionnelle, en violation de l'article R.4127-28 du code de la santé publique, R.4127-52 du code de la santé publique et de l'article 28 du code de déontologie médicale sans autre précision, y compris de date : « le médecin ne doit certifier que ce qu'il a lui-même constaté »
- cette pièce doit être écartée
- après la visite médicale périodique du 3 décembre 2019,aucune alerte, aucun avis n'a été émis
- l'échange avec le médecin du travail suite à la visite à la demande du salarié puisque le médecin ne fait aucune alerte quant à un harcèlement
- il n'y a pas de lien entre inaptitude et les faits visés, la seule attestation médicale produite étant insuffisante et entachée d'un vice dirimant
- elle est totalement contredite par les échanges avec le médecin du travail, en interne et avec le salarié : il a une santé fragile puisqu'il est asthmatique et fait des crises régulières, il est sujet à infection pulmonaire impliquant des hospitalisations, il est sujet à des problèmes gastriques en lien avec ses problèmes immunitaires d'où son hospitalisation
V- Sur les demandes du salarié
a- Indemnité de clientèle
- la demande est prescrite
- de plus, le bénéfice de l'indemnité est réservé aux seuls représentants statutaires et il a perdu cette qualité à la suite de la modification de son contrat de travail le 5 juillet 2015
- elle n'est due au VRP que s'il a créé, apporté ou développé la clientèle de son employeur et s'il en rapporte la preuve : le salarié ne fournit que des tableaux incompréhensibles
- le montant forfaitaire réclamé de 200 000 € ne correspond à rien. La pratique des cours fixe généralement, avant pondération liée aux efforts de l'employeur, à deux années de commission le montant de l'indemnité de clientèle ou décide d'ordonner une expertise judiciaire
- l'indemnité de clientèle ne se cumule jamais avec l'indemnité légale de licenciement ni avec l'indemnité conventionnelle de licenciement, seule l'indemnité la plus élevée étant due
- le salarié a perçu l'indemnité de licenciement soit la somme nette de 16 481,11€
b- Sur les intérêts moratoires de l'indemnité
- il en sera débouté car c'est une créance indemnitaire de sorte qu'elle ne produit intérêt moratoire qu'à compter du jour où elle est judiciairement fixée et non de la demande.
c- Sur le quantum d'un préavis
- les quantum des sommes réclamées sont soit erronés soit injustifiés. Le montant du salaire de référence du salarié, le plus favorable s'élève à 5250,62€
- il aurait donc droit au titre du préavis à 5250,62€ X 3 = 15751,86€ et à 1575€ au titre des congés payés.
d- Sur l'indemnité légale de licenciement
- elle lui a été versée
e- Sur le cumul d'indemnités
- le salarié ne peut à la fois prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement nul et une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail
- la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement nul quand elle est intervenue pour l'un des motifs entraînant une nullité tels que prévus par la loi ou relevant des libertés fondamentales, ce qui n'est pas le cas en l'espèce
- le salarié ne justifie d'aucune diligence de recherche d'emploi durant la période d'indemnisation de Pôle emploi et concernant ses revenus, il s'est abstenu de communiquer sa déclaration d'imposition 2022 correspondant aux revenus 2021 et les éléments permettant de reconstituer ses revenus 2022 et 2023.
- le salarié ne justifie pas de sa position actuelle et de sa situation depuis son licenciement, ni d'ailleurs du montant des indemnités Pôle emploi perçues
MOTIFS :
1. Sur le rejet des pièces et écritures adverses :
L'ordonnance de clôture a été reportée à deux reprises à la demande la société Bepco France en raison de nouvelles pièces et de nouvelles écritures communiquées la veille de sa clôture.
La société Bepco France demande le rejet des conclusions du 31 mars 2023 et les pièces adverses 64 et 65 en raison de leur transmission tardive le vendredi 31 mars 2023 et réceptionnées le lundi 3 avril alors que l'ordonnance de clôture était reportée au 6 avril. La société Bepco France a conclu de nouveau le 5 avril en sollicitant leur rejet et en invoquant le délai trop bref pour les analyser et les examiner.
S'agissant des conclusions du 31 mars 2023, la société Bepco France a fait valoir ses observations par conclusions du 5 avril et a donc été en mesure d'y répondre. Le principe du contradictoire a été respecté.
S'agissant des pièces 64 et 65 adverses, la société Bepco France fait valoir que :
- la pièce 64 sous forme de courriel est dépourvue de date, l'identité de son auteur demande à être vérifiée et elle ne répond pas aux exigences des articles 1366 et 1379 du code civil ce qui rend sa fiabilité discutable
- la pièce 65 consiste en un tableau comparatif Excel dont la véracité et l'exactitude nécessitent des vérifications
En raison de cette communication tardive trois jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, la cour fait droit à la demande de la société Bepco et écarte des débats les pièces 64 et 65 de l'appelant.
Concernant les pièces 16 et 18 adverses, l'employeur demande leur rejet sur le fondement de l'article 1316-1 du code civil. Il s'agit de l'échange de deux courriels du 14 mars au sujet du calcul de commissionnement, signés par M. [H] et M. [U]. Le salarié précise dans ses conclusions et son bordereau qu'il s'agit de l'année 2016. Leurs auteurs sont identifiés et ces pièces sont éclairantes. Aucun motif ne justifie qu'elles soient écartées. En conséquence, la cour rejette la demande présentée aux fins de les écarter.
Concernant la pièce 44 de l'appelant, il s'agit du certificat médical établi le 19 mars 2020 par le docteur [N] [L], psychiatre, attestant qu'il suit M. [U] pour une dépression sévère « sur harcèlement moral professionnel ».
Or, aux termes de l'article 28 du code de déontologie médicale et des articles R.4127 et R.4127-52 du code de la santé publique, un praticien peut seulement reprendre les dires du patient mais non se prononcer sur l'origine de son état médical. Le praticien a outrepassé son rôle en donnant son avis sur l'origine l'inaptitude. En conséquence, la cour fait droit à la demande et écarte cette pièce des débats.
2. Sur la fin de non recevoir tenant à la prescription
La société Bepco France soutient que l'effet interruptif de la prescription par dépôt de la requête ne produit effet qu'à l'égard des prétentions émises dans celle-ci et la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail aux actions portant sur l'exécution du contrat de travail doit s'appliquer.
Selon l'intimée, la saisine du conseil de prud'hommes est en date du 14 juin 2019. Or, sa demande d'indemnité de clientèle a été émise le 28 décembre 2020. Celle-ci était donc prescrite tant au 28 décembre 2020 qu'au 18 juin 2019, date de la convocation en justice. Le salarié ne pouvait donc se prévaloir de faits afférents à son statut, antérieurs au 18 juin 2017.
M. [U] soutient qu'il s'agit d'un contrat à exécution successive et que l'article L.1471-1 du code du travail n'est pas applicable. De plus, il fait valoir que l'obligation de loyauté qui soutient sa demande découle des textes et qu'elle est d'ordre public sans être soumise à aucune prescription.
L'indemnité de clientèle a pour but et pour effet d'assurer au représentant dont le contrat a été résilié par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, la réparation du préjudice que lui cause son départ de la maison en lui faisant perdre, pour l'avenir, le bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. Il s'agit donc d'une créance en dommages et intérêts qui se prescrit depuis la réforme de 2008 par cinq ans.
En l'espèce, le contrat de VRP a pris fin le 5 juillet 2015. M. [U] pouvait par conséquent présenter des demandes dans le délai de cinq ans à compter de cette date soit jusqu'au 5 juillet 2020. En saisissant le conseil de prud'hommes le 14 juin 2019, la demande du salarié en indemnité de clientèle n'était pas prescrite quand bien même il l'aurait formulée postérieurement au dépôt de la requête dans le cadre de cette instance.
I- SUR LA RÉSILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL :
A- A titre principal, sur l'obligation de loyauté et les manquements de l'employeur
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, des faits, manquements ou agissements de l'employeur d'une gravité suffisante, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La charge de la preuve du bien fondé de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail repose sur le salarié.
Le juge examine la gravité des manquements invoqués à la date où il statue et non à la date où ils se sont prétendument déroulés.
Ils se regroupent en trois thèmes : une modification contractuelle imposée au salarié, un non respect des obligations inhérentes au contrat de travail et une atteinte à l'obligation de sécurité.
La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcé aux torts de l'employeur entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'obligation, inhérente à tout contrat, d'exécuter de bonne foi le contrat de travail d'abord dégagée par la jurisprudence, a été codifiée par l'article L.1222-1 du code du travail qui énonce « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».
M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 14 juin 2019 puis a contesté, le 29 avril 2019 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Son contrat de travail s'est poursuivi jusqu'à l'envoi de la lettre de licenciement pour inaptitude le 16 avril 2021.
Monsieur [U] invoque une exécution déloyale du contrat de travail constitutive de manquements graves à ses obligations contractuelles, se manifestant par les modifications aux conditions substantielles de son contrat de travail, rémunération et secteur, imposées par l'employeur :
- la perte de son statut protecteur de VRP exclusif, sans la moindre contre-partie financière, pour celui de responsable régional des ventes et le nouveau calcul de sa rémunération, avant la signature de l'avenant du 5 juillet 2015, comme le démontrent ses bulletins de salaire à compter de mai 2015, et la perte de sa prime de clientèle alors que sa clientèle représentait un coût important
- la poursuite dans les faits de ses fonctions de VRP
- l'application de la convention collective des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes dite SDLM du 23 avril 2012 qui a entraîné une modification du mode calcul de sa rémunération dite « au poids des mois » et par conséquent, la modification d'un élément substantiel de son contrat de travail sans que cet élément ne soit contractualisé. L'employeur a appliqué ce coefficient du mois de juillet 2015 à février 2017
- la modification unilatérale de son secteur de représentation dès le 1er juillet 2017
- la modification dès le début de l'année 2019, du mode de calcul de sa rémunération sans avenant : ses bulletins de salaire de février et mars 2019 démontrent que les
modifications de sa rémunération étaient déjà intégrées avant la conclusion d'un avenant lequel n'a été proposé que le 12 mars
Il estime que l'employeur a été déloyal en mettant en place des modifications tenant à son statut et à son mode de rémunération sans son assentiment exprès.
M. [U] soutient que les conditions décrites par l'article L.7311-3 du code du travail sont réunies et que le statut de VRP lui est applicable car :
- il travaille exclusivement pour Bepco depuis son embauche,
- il exerce de façon exclusive des fonctions de représentation,
- il ne fait aucune opération commerciale pour son propre compte,
- il est lié avec son employeur par des engagements en termes de taux de rémunération et de secteurs,
Il fait valoir en outre que l'employeur ne rapporte aucun élément venant corroborer la fonction de responsable régional des ventes après 2015 et il rappelle que la convention collective dite SDML mentionne expressément l'exclusion de son application aux VRP.
La cour rappelle que c'est à celui qui réclame une classification de prouver les missions réellement exercées. Il appartient par conséquent à M. [U] de rapporter la preuve qu'il exerce réellement les fonctions de VRP et non celles de responsable régional des ventes telles que définies par la convention collective dite SDML du 23 avril 2012.
L'article L.7311-3 du code du travail dispose que : « Est voyageur, représentant ou placier, toute personne qui :
1° Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;
2° Exerce en fait d'une façon exclusive et constante une profession de représentant ;
3° Ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel ;
4° Est liée à l'employeur par des engagements déterminant :
a) La nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat ;
b) La région dans laquelle il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter
c) Le taux des rémunérations.
Seule la satisfaction des conditions légales du statut doit être vérifiée pour l'octroi ou non de la qualité de VRP.
En premier lieu, la cour écarte l'attestation de M. [W] dont l'objectivité n'est pas garantie dans la mesure où celui-ci est également en litige avec la société Bepco pour des griefs similaires tenant à l'exécution du contrat de travail. Quant à l'attestation de M. [D], ancien salarié retraité, il n'y a pas lieu à l'écarter, mais celle-ci n'apporte pas d'éclairage sur les fonctions réellement exercées par M. [U].
Pour justifier des missions réellement exercées en tant que VRP, M. [U] produit le tableau d'évolution de son chiffre d'affaires et la carte de France des commerciaux en 2015 et 2019. Ces deux pièces sont sans rapport avec les missions dont il se déclare chargé.
Il produit également les échanges par courriel entre M. [T], directeur des ventes et M. [W] dans lesquels le chiffre d'affaires est discuté. Selon l'appelant, il ressort de la teneur de ces échanges ce qu'il qualifie de « flicage » de son activité. Or, d'une part, ces divers échanges ne concernent pas directement M. [U] mais M. [W]. D'autre part, cet échange démontre au contraire le lien de subordination étroit entre le salarié et l'employeur qui est celui d'un salarié de droit commun.
D'autre part, les photographies dites de « prises d'ordres 2017/2019 » provenant de sa tablette numérique produites par le salarié sont illisibles.
La cour relève que :
- son entretien professionnel d'évaluation du salarié au mois de juillet 2017 fait mention du changement de statut et de fonctions. Force est de constater que le salarié n'a fait connaître aucun grief se déclarant « bien dans son poste » et même « vigilant à une opportunité »
- depuis 2015, la stratégie commerciale de la société a changé et les ventes se réalisent en direct via internet ou la plateforme téléphonique afin de s'adapter aux nouveaux modes de consommation
En conséquence, la cour considère que M. [U] n'exerçait plus depuis 2015 des fonctions de VRP mais de salarié de droit commun et qu'il a bénéficié des primes sur les ventes nationales conformément à son nouveau contrat.
La cour observe que M. [U] avait, préalablement à la conclusion du nouveau contrat, consulté son conseil, que le contrat lui a été transmis au mois de mai 2015 et qu'il l'a retourné signé le 5 juillet 2015. Son consentement était donc parfaitement éclairé et donné sans précipitation lorsqu'il l'a signé. Aucune déloyauté à cet égard n'est démontrée.
L'employeur a effectivement appliqué le nouveau statut et la nouvelle rémunération dès le mois de mai 2015 comme le confirment les bulletins de salaire produits.
Cependant cette anticipation de deux mois alors que l'employeur a organisé quatre réunions dont deux en 2015, ce dont il justifie, ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail que le salarié a ratifié le 5 juillet.
S'agissant de la modification de sa rémunération « au poids des mois », M. [U] a signé l' avenant à son contrat du 28 février 2017, annexe I du contrat du 5 juillet 2015. Il soutient que l'employeur a appliqué le coefficient dès le mois de juillet 2015 et produit un courriel du 8 janvier 2016 pour en justifier. Ce courriel est transféré à son conseil et il s'agit d'une information interne ainsi rédigée : « ci-joint le CA de l'année 2015 vs N-1 avec les bons chiffres de décembre 2014. Comme convenu la journée du 30/11 a été incluse dans le mois de novembre et enlevée du mois de décembre ». Particulièrement laconique et à défaut d'autres éléments, ce message ne démontre pas l'application du coefficient sur la période visée.
D'autre part, la cour relève que, par courriel du 14 mars 2016, M. [U] a entendu négocier le moment du versement de la prime. Il n'était donc pas opposé à une modification des modalités la concernant. Il a d'ailleurs su montrer son désaccord dans son courriel du 15 mars 2019 par lequel il a refusé le dernier avenant proposé. L'employeur en a tenu compte et a rectifié sa rémunération rétroactivement depuis avril 2019 en lui appliquant l'ancien dispositif.
La cour considère que l'application anticipée du nouveau calcul de la rémunération qui a été rectifiée dès que l'employeur a eu connaissance de son refus, ne constitue pas un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation du contrat de travail.
Enfin, la clause 2.3 de son contrat prévoit un secteur non défini en fonction des clients. Elle a été appliquée de juillet à décembre 2018 sans opposition du salarié. L'inclusion du département 48 dans le périmètre de son activité en 2019 est conforme aux termes de son contrat. Il n'existe donc aucune modification unilatérale.
Le jugement sera confirmé de ce chef en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes en indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en délivrance des documents de fin de contrat sous astreinte.
Sur l'indemnité de clientèle :
L'article L.7313-13 du code du travail dispose que : « En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.
Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié. »
Les premiers juges ont omis de statuer de ce chef.
L'indemnité de clientèle est réservée au représentant statutaire c'est-à -dire à celui qui répond à la définition légale.
En raison de son nouveau statut résultant du contrat de travail du 5 juillet 2015 « Attributions » ses fonctions sont celles d'un salarié de droit commun et non plus de VRP : « en sa qualité d'animateur des ventes « sera principalement chargé, sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par la direction commerciale :
- De visiter et prospecter les professionnels du machinisme agricole et autres secteurs d'activités, clients et non clients, ainsi que de leur faire connaître l'ensemble de la gamme de produits de l'entreprise
- D'apporter une solution technique à la demande en pièces
- De contribuer par son action au développement du portefeuille clients et du chiffre d'affaires du secteur géographique qui lui est attribué ;
- De réaliser le suivi des opérations promotionnelles
- D'assurer la prise en charge des relations commerciales entre les clients de l'entreprise et cette dernière ».
A surplus, M. [U] produit à l'appui de sa demande à hauteur de 200 000 euros, différents tableaux, sans démontrer son intervention personnelle dans l'augmentation en nombre et en valeur de la clientèle.
Par conséquent, la cour déboute M. [U] de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle.
B- A titre subsidiaire
1- Sur le rappel de la prime d'ancienneté
M. [U] sollicite l'application de la convention collective dite SDML du 23 avril 2012 qui prévoit en son article 4.21.2 le versement d'une prime d'ancienneté :
« Eléments exclus de la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garanti :
« Dans la mesure où le salaire minimum mensuel conventionnel garanti se définit par rapport à la durée hebdomadaire légale du travail, les heures supplémentaires en sont naturellement exclues.
Ne sont pas pris en compte dans la définition du salaire minimum mensuel conventionnel garantis les éléments de la rémunération qui ne sont pas la contrepartie directe du travail ainsi que les primes et gratifications dont l'attribution présente un caractère aléatoire.
Il en est ainsi notamment :
' de la prime d'ancienneté prévue par l'article 4.23 ;
' de la prime conventionnelle d'astreinte ;
' de la prime de panier ;
' de la prime d'habillage ;
' des sommes ayant le caractère de remboursements de frais ;
' des sommes attribuées pour tenir compte de conditions exceptionnelles ou inhabituelles d'exercice des tâches, fonctions ou responsabilités confiées aux salariés,c'est-à-dire des sommes qui cessent d'être payées lorsque ces conditions prennent fin.
Aucun salarié ne peut percevoir un salaire mensuel inférieur au salaire minimum mensuel con-ventionnel garanti correspondant à la classification conventionnelle des emplois définie à l'article 4.10 »
M. [U] conteste le non-respect des dispositions contractuelles tenant à une mention distincte sur ses bulletins de salaire. Il demande la somme de 21 813 euros due à ce titre selon le calcul prévu à l'article 4.23 précité soit :
- 7 % du salaire annuel brut pour les années 2016, 2017 et 2018 soit la somme de 14 022,81 euros bruts
- 10 % du salaire annuel brut pour les années 2019 et 2020 soit la somme de 7790,45 euros arrêtée au 28 février 2020
ainsi que les congés payés afférents.
Il appartient à l'employeur de démontrer le versement de la prime.
La société Bepco France fait valoir que le salarié a reconnu dans ses conclusions du 21 février 2020 que la prime avait été intégrée dans le salaire, donc que le salarié avait reconnu l'avoir perçu et qu'il s'agit d'un aveu judiciaire, qu'elle était exclue pour les VRP, que son calcul était erroné car la prime doit être calculée en pourcentage du salaire minimum mensuel conventionnel garanti au salarié et qu'elle a été supprimée par accord d'entreprise du 1er mars 2019 pour les cadres comme M. [U].
Le salarié ne conteste pas la prescription soulevée par l'employeur pour la période antérieure à 2016.
En 2019, un accord d'entreprise du 6 février a prévu en son article 4.2.2 que : « Les personnels cadres qui ont à date une ligne spécifique pour leur ancienneté verront celle-ci intégrée dans leur rémunération forfaitaire ».
L'employeur justifie avoir régularisé le paiement de la prime, soit la somme de 1565 euros, par chèque le 28 septembre 2020 pour la période du 18 juin 2016 au 28 février 2019 et la période courant à compter du 1er mars 2019 en raison de la revalorisation des taux.
En conséquence, la cour déboute M. [U] de sa demande en indemnité d'ancienneté.
2- Sur la rupture du contrat de travail et le défaut de loyauté
Le salarié demande la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à la date du licenciement pour inaptitude pour exécution déloyale du contrat de travail fondée sur les mêmes moyens que ceux présentés à titre principal.
En raison des développements supra, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande en résiliation du contrat de travail pour défaut de loyauté présentée à titre subsidiaire.
II- SUR LE LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE :
A- Sur le comportement fautif de l'employeur à l'origine de son inaptitude
M. [U] soutient que son inaptitude en raison de laquelle il a été licencié, a été provoquée par les manquements de l'employeur à son obligation de loyauté et qu'un tel comportement est fautif.
En effet, lorsqu'il est établi que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur l'ayant provoquée, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
M. [U] fonde sa demande en résiliation judiciaire sur les manquements de l'employeur suivants :
- le refus de lui régler le salaire conventionnel de VRP pendant plusieurs années
- le fait de lui avoir imposé des modifications de contrat et de convention infondées en droit
- l'avoir laissé engager une procédure prud'homale
- le refus de négocier
- l'avoir poussé vers la sortie
D'une part, M. [U] a perçu pendant plusieurs années son salaire conformément aux dispositions contractuelles qu'il n'a pas critiquées jusqu'au mois de juin 2019. Les modifications du contrat ont fait l'objet d'avenants qui ont tous été signés et acceptés par le salarié hormis celui du 12 mars 2019. Il a fait le choix d'engager une procédure ce qui ne peut être attribué à la mauvaise volonté de l'employeur et à un refus de négocier ou même de l'avoir incité à quitter l'entreprise.
Ces moyens sont par conséquent inopérants.
D'autre part, la cour relève que lors de son évaluation professionnelle annuelle en 2017, le salarié n'a manifesté aucun signe de mal-être au travail et au contraire s'est déclaré satisfait et motivé par une évolution professionnelle.
Enfin, l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 10 mars 2021 ne fait pas ressortir un lien entre un manquement de l'employeur et l'inaptitude constatée.
En l'état de ces éléments, il n'est pas démontré que l'inaptitude soit consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de loyauté.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes en qualification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et en délivrance des documents de fin de contrat sous astreinte.
B- Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté et les demandes indemnitaires au titre du défaut de loyauté à l'origine de son inaptitude
Un rappel de salaire pour prime d'ancienneté est sollicité dans le cadre du licenciement pour inaptitude. La demande étant identique à celle présentée à titre subsidiaire dans le cadre de la résiliation judiciaire du contrat, la cour déboute M. [U] de cette demande présentée à titre subsidiaire.
La cour déboute M. [U] de ses demandes fondées sur le défaut de loyauté sans développer de moyens différents de ceux présentés à titre principal et pour lesquels les demandes ont été rejetées.
III- SUR LES DEMANDES ANNEXES :
M. [U], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel. Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.
L'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais non répétibles qu'elle a engagés dans cette instance. Le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande tendant à rejeter des débats les conclusions de M. [R] [U] en date du 31 mars 2023,
REJETTE les pièces 64 et 65 produites par M. [R] [U],
REJETTE la fin de non-recevoir tenant à la prescription et déclare recevables les demandes de M. [R] [U],
REJETTE la demande tenant à écarter des débats les pièces 16 et 18 produites par M. [R] [U],
ÉCARTE des débats la pièce 44 produite par M. [R] [U],
CONFIRME le jugement du 11 février 2022 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
DÉBOUTE M. [R] [U] de sa demande au titre du rappel de la prime d'ancienneté,
DÉBOUTE M. [R] [U] de sa demande en indemnité de clientèle,
DÉBOUTE M. [R] [U] de ses demandes présentées à titre subsidiaire,
CONDAMNE M. [R] [U] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de M° Dufeu conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [R] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Bepco France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT