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09/05/2023 | FRANCE | N°22/00325

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 09 mai 2023, 22/00325


ARRÊT DU

09 MAI 2023



PF/CO*



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N° RG 22/00325 -

N° Portalis DBVO-V-B7G-C7U2

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SELARL MENINI MONTAGE





C/





[N] [J]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 86 /2023







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au gr

effe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le neuf mai deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCI...

ARRÊT DU

09 MAI 2023

PF/CO*

-----------------------

N° RG 22/00325 -

N° Portalis DBVO-V-B7G-C7U2

-----------------------

SELARL MENINI MONTAGE

C/

[N] [J]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 86 /2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le neuf mai deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

LA SELARL MENINI MONTAGE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas EYBERT, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 04 avril 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F21/00059

d'une part,

ET :

[N] [J]

né le 29 décembre 1979 à [Localité 2] (SENEGAL)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Nadège BEAUVAIS, avocat inscrit au barreau du GERS

INTIMÉ

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 14 mars 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Hélène GERHARDS, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat à durée déterminée le 2 février 2019, M. [N] [J] a été embauché par la société Menini Montage exerçant son activité de travaux de montage de structures métalliques à [Localité 4] (32), en qualité de chaudronnier soudeur monteur moyennant un salaire brut de 1820 euros.

Par avenant du 1er avril 2019, son contrat de travail a été transformé en contrat à durée indéterminée moyennant un salaire de 1906,66 euros pour 169 heures mensuelles, tout en gardant l'ancienneté acquise.

Le 24 février 2020, le salarié a reçu un avertissement qu'il a contesté le 12 juin 2020.

La procédure de rupture conventionnelle engagée par les parties en mai 2020 n'a pas abouti.

A la suite d'incidents dans le cadre professionnel avec le fils de son employeur et le chef d'atelier, M. [H], le salarié a déposé une main courante à la gendarmerie.

Le 3 juin 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire, fixé au 17 juin 2020.

Par courrier du 24 juin 2020, l'employeur a licencié M. [J] pour faute grave en ces termes :

« Déjà par courrier en date du 24/02/2020, nous vous avions adressé un avertissement dans le but d'attirer votre attention sur le manque de rigueur dont vous faisiez preuve dans l'exécution de vos travaux et sur votre difficulté à accepter les directives de vos supérieurs.

Le courrier d'avertissement indiquait : 'nous vous avons plusieurs fois demandé de ne pas meuler les soudures surtout s'il s'agit de soudure de résistance, d'autre part vous ne tenez pas compte de la méthodologie de soudage préconisée par votre responsable pour limiter les déformations'.

A l'issue de cet avertissement, nous attendions de votre part un changement de comportement qui n'est pas intervenu puisqu'à votre retour dans l'entreprise après le confinement, à la mi mai, vos responsables ont à nouveau constaté plusieurs manquements aux règles de l'art dans la réalisation des tâches qui vous étaient confiées, accompagnés d'une intention manifeste de ne pas respecter les consignes de vos supérieurs :

- Le 05/05/2020, à la suite d'une mauvaise manipulation de votre part avec un chariot élévateur vous avez renversé une table métallique

- Le 15/05/2020, votre chef d'atelier vous a demandé de souder des pièces semi-auto et vous les avez soudés à la baguette

- Le 18/05/2020, le chef d'atelier vous a demandé de démonter l'extincteur de la remorque poids lourds pour la peinture et vous avez refusé d'exécuter cette consigne en prétextant que c'était inutile

- Le 19/05/2020, vous avez utilisé le pont roulant sans respecter les consignes de sécurité.

L'ensemble de ces manquements et insubordinations forment des motifs de licenciement

Nous avons envisagé une procédure de rupture conventionnelle, à laquelle vous n'avez pas donné suite en ne vous présentant pas au premier entretien prévu.

En outre, le 03/06/2020 nous avons été informés de faits nouveaux vous concernant qui nous ont amené à engager à votre encontre la procédure de licenciement pour faute grave.

En effet, votre chef d'atelier nous a informé qu'à la suite de l'avertissement du 24/02/2020 vous l'aviez menacé de représailles dans les termes suivants : « maintenant, il faut que tu me laisses tranquille car je peux être méchant. Tu as une femme et des enfants, je peux être méchant et je sais de quoi je suis capable. »

Ces propos qui sont clairement des menaces sont parfaitement inacceptables et constituent à eux seuls un motif valable de licenciement pour faute grave.

Enfin, également le 03/06/2020, nous avons été informés par l'un de nos partenaires venu réaliser des travaux de peinture à l'entreprise les 18 et 19 mai 2020, qu'à l'occasion de son intervention vous aviez ouvertement dénigré la société Menini et ses dirigeants.

Là encore, il n'est pas acceptable que vous salissiez l'image de l'entreprise qui vous emploie et de ses dirigeants auprès d'intervenants extérieurs avec lesquels nous entretenons des relations professionnelles depuis plusieurs années.

Pour cette raison et l'ensemble des faits évoqués ci-dessus nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave».

Par courrier du 1er juillet 2020, M. [J] a demandé à son employeur de lui préciser clairement les motifs de son licenciement.

M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch pour contester son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes a jugé que : le licenciement de M. [J] ne reposait pas sur une faute grave, a dit qu'il était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la société Menini Montage à payer à M. [J] les sommes de 1906,66 euros au titre de l'indemnité de préavis, 190,66 euros au titre des congés payés afférents, 762,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 3813,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 21 avril 2022, la société Menini Montage a régulièrement déclaré former appel en visant les chefs du jugement critiqué qui ont :

- dit que le licenciement de M. [J] ne reposait pas sur une faute grave,

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 1906,66 euros au titre de l'indemnité de préavis et 190,66 euros au titre des congés payés afférents,

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 762,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 3813,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

I- Moyens et prétentions de la société Menini Montage, appelante principale et intimée sur appel incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 9 décembre 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la société Menini Montage demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires ou mal fondées,

Constater que la saisine de la cour est limitée aux chefs contestés dans l'acte d'appel,

Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [J] ne reposait pas sur une faute grave,

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 1906 euros au titre de l'indemnité de préavis, 190 euros au titre des congés payés afférents,

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 762 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

-l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 3813,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Dire et juger que le licenciement de M. [J] reposait bien sur une faute grave

- Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner M. [J] à lui verser une somme de 2000 euros.

A l'appui de ses prétentions, la société Menini Montage fait valoir que :

- l'avertissement du 24 février 2020 avait pour origine un relâchement dans son travail et une tendance à ne pas respecter les consignes

- le salarié n'a pas modifié son comportement et a souhaité une rupture conventionnelle à laquelle il a finalement renoncé

- apprenant les menaces proférées par le salarié à l'égard du chef d'atelier courant juin 2020 et la non prise en compte de l'avertissement délivré, il a convoqué le salarié à un entretien préalable puis l'a licencié pour faute grave

- il lui a adressé ses documents de fin de contrat

- A titre liminaire, le salarié ne peut plus solliciter l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse ou la réparation du licenciement prétendument vexatoire car ces deux demandes ont été rejetées en première instance et que ni l'appelant ni l'intimé n'ont relevé appel de ces chefs

- Sur le caractère injustifié du licenciement :

1°- le salarié reconnaît dans ses conclusions de première instance avoir renversé une table métallique à la suite d'une mauvaise manipulation du chariot élévateur le 5 mai 2020.

Le grief est démontré. Il s'inscrit dans un contexte général de laisser-aller de la part du salarié. De plus, les conséquences pouvaient être graves

2°- les autres points de la lettre

- M. [H], ancien salarié et chef d'atelier dont il produit l'attestation, confirme les faits

3°- sur les menaces contre M. [H]

- le chef d'atelier a fait remarquer au salarié que ses soudures ne respectaient pas les règles de l'art et il rapporte les propos dans son attestation

- les erreurs de date sont dues à leur ancienneté et ne remettent pas en cause le contenu de l'attestation

Les dommages et intérêts réclamés sont supérieurs au barème de l'article L.1235-3 du code du travail

- Sur le caractère vexatoire du licenciement :

- le salarié n'apporte aucun élément corroborant sa demande et il les conteste

- il produit des attestations de Mme [G] [P], secrétaire, et de M. [K], chef monteur soudeur, attestant n'avoir jamais entendu de propos racistes être proférés par l'employeur

II- Moyens et prétentions de M. [N] [J] intimé sur appel principal et appelant sur appel incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 11 août 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, M. [N] [J] demande à la cour de :

Débouter la société Menini Montage de son appel

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Auch le 4 avril 2022 en ce qu'il a :

- Dit et jugé que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave

- Dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- En ce qu'il a condamné la société Menini Montage à lui verser les sommes suivantes :

- 1 906.66 € au titre de l'indemnité de préavis

- 190.66 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis

- 762.66 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 22 879.92 € au titre de l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse

-15 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Auch sur le quantum des condamnations prononcées à savoir :

' 1906.66 € au titre de l'indemnité de préavis

' 190.66 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis

' 762.66 € au titre de l'indemnité de licenciement

' 3 813.32 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant en cause d'appel :

Condamner la société Menini Montage à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et frais éventuels d'exécution.

A l'appui de ses prétentions, M. [N] [J] fait valoir que :

- il n'a rencontré aucune difficulté depuis son embauche jusqu'au mois de janvier 2020 et l'arrivée du nouveau chef d'atelier, M. [E] [H]

- l'employeur a demandé à M. [M], salarié, de le surveiller comme ce dernier en atteste

- il a refusé d'effectuer des heures supplémentaires parce qu'il avait été averti tardivement

Sur les griefs :

- les faits (manque de rigueur et difficulté à respecter les directives), objet de l'avertissement du 24 février 2020, ne peuvent pas être sanctionnés une deuxième fois. II a contesté l'avertissement et l'employeur ne lui a jamais répondu. Il demande à la cour de l'annuler. De plus, les faits ne sont pas datés et sont invérifiables

- sur les faits du 5 mai 2020 : mauvaise manipulation d'un chariot élévateur entraînant la chute d'une table métallique

- il les a spontanément reconnus. Il s'agit d'une simple erreur de manipulation qui ne peut justifier une faute et qui n'a eu aucune conséquence dommageable. Il ne s'agit pas d'un acte volontaire de sa part. Les premiers juges ont relevé que l'employeur évoque lui-même une erreur de manipulation. Il n'existe aucun antécédent

- sur les faits du 18 mai 2020 : refus d'exécuter les consignes

il les conteste car il lui était impossible d'effectuer le retrait de l'extincteur en étant seul et verse une photographie afin de visualiser l'emplacement de l'objet. Il a demandé de l'aide à M. [H] qui lui a refusée. Finalement, le fils de M. [H], alternant, l'a aidé. Il demande communication des images de vidéo surveillance.

- sur les faits du 15 mai 2020 : non respect des règles de l'art

il n'a reçu aucune instruction du chef d'atelier ni d'aucun autre supérieur hiérarchique

il bénéficie d'expérience incontestable en matière de soudage et n'a jamais commis aucun manquement

L'employeur ne rapporte aucune preuve des instructions prétendument données ni du déroulement des faits ni de leur imputabilité ni d'une éventuelle malveillance

Les autres griefs ne se sont pas déroulés aux dates indiquées mais le 3 juin 2020 quand il est allé déposer une main courante dont l'employeur a eu connaissance immédiatement par un courriel de la gendarmerie

Sur les agissements de ses collègues à son encontre :

- il a été victime de propos racistes

- sa tenue de travail a été volontairement souillée

- à compter du 3 juin 2020 il a été obligé d'effectuer toutes sortes de tâches sauf celles pour lesquelles il était engagé

- l'attestation de M. [H], au sujet des insultes alléguées, est fallacieuse et il est incohérent qu'il attende quatre mois pour les dénoncer

- de plus, la date des menaces alléguées est erronée car le 29 février 2020 n'était pas un mercredi mais un samedi ce qui démontre qu'il s'agit d'un faux dicté pour les besoins de la cause

- les attestations émanant des salariés ne sont pas probantes en raison du lien de subordination avec l'employeur

- son licenciement est en lien avec son refus d'une rupture conventionnelle

- le jour de sa reprise, à 8h, l'employeur lui remis en main propre la convocation à l'entretien préalable licenciement lui a été remise

- il n'a pas retrouvé d'emploi

- il demande à la cour de confirmer les indemnités accordées par les premiers juges

- il sollicite la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1147 du code civil pour le caractère vexatoire du licenciement (propos racistes, dégradation de ses vêtements de travail). Il a subi un préjudice dont il demande réparation.

MOTIFS :

A titre liminaire, la cour rappelle que les juges de première instance ont condamné la société Menini Montage à payer à M. [J] la somme de 3 813,32 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non la somme de 22 879,92 euros comme indiqué dans les conclusions de l'intimé. Ils n'ont pas non plus condamné la société appelante à la somme de 15 000 euros en dommages et intérêts pour procédure vexatoire mais ont débouté M. [J] de sa demande.

I- Sur le licenciement :

Par courrier du 24 juin 2020, qui fixe les limites du litige, M. [J] a été licencié pour faute grave.

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Toutefois, s'il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l'employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d'indemnité de licenciement, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise,même pour la durée limitée du délai-congé.

Il ressort de la lettre de licenciement : un non respect des règles de l'art associé à un non respect des consignes, des menaces vis à vis du chef d'atelier, M. [H] et un dénigrement de l'entreprise auprès d'un client.

1- un manque de rigueur et une difficulté à respecter les directives :

Ces faits ont déjà fait l'objet d'un avertissement le 24 février 2020 et ne peuvent être soulevés une deuxième fois pour servir de base à un licenciement en application du principe « non bis in idem ».

Le salarié demande l'annulation de l'avertissement mais ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses conclusions. En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

2- mauvaise manipulation d'un chariot élévateur le 5 mai 2020 :

L'employeur produit l'attestation de M. [H] selon laquelle une table métallique a été renversée à la suite d'une mauvaise utilisation d'un chariot élévateur par M. [J].

Par l'emploi des termes utilisés par l'employeur, il en ressort que ce dernier reconnaît l'existence d'une maladresse commise par le salarié et qu'elle est restée sans conséquence.

Par conséquent, il ne s'agit pas d'un acte volontaire et donc d'une faute.

En conséquence, le grief n'est pas fondé.

3. un non respect des consignes et des règles de l'art le 15 mai 2020 :

L'employeur verse l'attestation de M. [H] selon laquelle M. [J] est volontairement passé outre ses recommandations et n'a pas procédé aux soudures comme l'exigeaient les règles de l'art. L'employeur ne produit aucun élément de nature à corroborer le non respect des règles de l'art par le salarié.

Le grief n'est pas fondé.

4. le refus d'exécuter les consignes le 18 mai 2020 :

M. [H] atteste que le salarié a refusé de démonter un extincteur sur une remorque en déclarant que c'était inutile, alors qu'il lui en faisait la demande. Cette attestation n'est corroborée par aucune autre pièce et le salarié produit une photographie justifiant la nécessité d'être deux pour procéder à l'opération.

Le grief n'est pas fondé.

5. le non respect des consignes de sécurité le 19 mai 2020 lors de l'utilisation d'un pont roulant :

M. [H] témoigne de l'utilisation du pont roulant sans respect des consignes de sécurité. L'attestation est imprécise, les circonstances de l'utilisation du pont roulant sont inconnues et les règles de sécurité invoquées ne sont pas indiquées.

En conséquence, le grief n'est pas fondé.

6. les menaces à l'encontre de M. [H] :

L'employeur verse à l'appui de ce grief la seule attestation de M. [H] du 8 juin 2020 relatant les propos allégués datant du 22 février.

L'employeur indique dans ses écritures que ce grief est prépondérant dans la décision de licencier M. [J] pour faute grave. Or, la cour relève qu'aucune sanction n'a été prise à cette date par l'employeur pour ces faits.

Le grief n'est pas fondé.

7. le dénigrement de la société les 18 et 19 mai 2020 auprès d'un client :

L'employeur ne produit aucune pièce à l'appui de ce grief.

En conséquence, celui-ci n'est pas fondé.

Les griefs, non établis en leur matérialité, ne peuvent donc servir de base au licenciement du salarié.

C'est par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que le licenciement de M. [J] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

II- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

1. Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement

Les premiers juges ont opéré un calcul de l'indemnité de préavis conforme aux dispositions de l'article L.1234-5 du code du travail dont les modalités ne sont pas utilement discutées par l'employeur.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [J] la somme de 1906,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 190,66 € au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis.

2. Sur l'indemnité de licenciement

Les premiers juges ont opéré un calcul de l'indemnité de licenciement conforme aux pièces salariales du dossier et aux dispositions législatives sur ce point dont les modalités ne sont pas utilement discutées par l'employeur.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [J] la somme de 762,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement

3. Sur les dommages et intérêts

En conséquence, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, compte tenu de l'effectif de l'entreprise supérieur à 11 salariés et de son ancienneté (16 mois) à la date de la rupture de la relation de travail, de la perte des avantages liés à son précédent contrat de travail, de sa situation professionnelle actuelle, de son salaire de référence de 1906,66 euros brut, il y a lieu d'allouer à M. [J], une somme de 3813,32€ euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et réelle et sérieuse.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

III- Sur les dommages et intérêts pour procédure vexatoire :

Le salarié invoque des propos racistes tenus à son encontre et la dégradation de ses vêtements de travail.

Pour confirmer le jugement entrepris, il suffira d'ajouter que ces griefs, à les supposer établis, sont sans lien avec la procédure de licenciement mais concernent uniquement la relation de travail.

IV- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur les dépens, la cour condamne la société Menini Montage aux dépens de première instance.

La société Menini Montage, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens et à payer à M. [J] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Toutefois, les dépens ne peuvent inclure des éléments autres que ceux limitativement énumérés à l'article 695 du code de procédure civile.

En outre, il n'y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d'exécution forcée d'une décision dont l'exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution qui prévoit la possibilité qu'ils restent à la charge du créancier lorsqu'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu'en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d'exécution forcée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 4 avril 2022 dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Menini Montage aux dépens de première instance et d'appel,

DIT n'y avoir lieu à se prononcer actuellement sur les frais d'exécution,

CONDAMNE la société Menini Montage à payer à M. [J] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00325
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;22.00325 ?
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