ARRÊT DU
09 MAI 2023
PF/CO*
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N° RG 22/00300 -
N° Portalis DBVO-V-B7G-C7SO
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[X] [BY] épouse [G]
C/
ASSOCIATION AGAPEI
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 85 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le neuf mai deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[X] [BY] épouse [G]
née le 26 juillet 1979 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie PICCIN, avocat inscrit au barreau du GERS
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 10 mars 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 21/00091
d'une part,
ET :
L'ASSOCIATION AGAPEI prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant inscrit au barreau de TOULOUSE et par Me Jade ROQUEFORT, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 14 mars 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Hélène GERHARDS, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 27 juin 2005, Mme [X] [BY] a été embauchée par l'association AGAPEI du Gers, sur le site d'[Localité 5] (32), en qualité d'éducatrice spécialisée.
La convention collective applicable était celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Par courrier recommandé du 1er mars 2019, Mme [X] [BY] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 28 mars 2019 avec mise à pied conservatoire.
Par courrier du 3 avril 2019, Mme [X] [BY] a été licenciée pour faute grave, aux motifs suivants :
« Comme suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 27 mars 2019, nous vous notifions par la présente votre licenciement, sans préavis ni indemnité, pour faute grave.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement pour faute grave, nous vous précisons qu'il s'agit de ceux que nous vous avons exposés lors de l'entretien précité et que nous vous rappelons ci-après.
Nous vous reprochons votre attitude non professionnelle à l'égard de vos collègues de travail et des résidents que vous prenez en charge, laquelle démontre de graves difficultés relationnelles ainsi que des comportements d'opposition systématique qui nuisent au bon fonctionnement du service.
En effet, suite à l'intervention en nos locaux d'un Cabinet extérieur (le cabinet EASIF), lequel a reçu en entretien individuel l'ensemble des salariés (et vous-même bien entendu), nous avons été interpellés sur vos agissements au sein de notre structure.
Le contenu du rapport rendu par ce Cabinet met en lumière vos comportements, lesquels sont effarants, mais ont été corroborés par des témoignages écrits ultérieurs de vos collègues de travail.
Ainsi, nous constatons que :
- Vous manquez ouvertement de distance dans vos relations de travail et adoptez des réactions excessives et culpabilisantes :
Pour illustration :
- vous faites état de vos difficultés personnelle quotidiennement et sans retenu auprès de vos collègues de travail, lesquels tentent en vain de ne pas devenir vos confidents ;
- lorsque vos collègues tentent de mettre de la distance dans les relations qu'ils entretiennent avec vous, vous faites preuve d'agressivité ou de ressentiment, essayant de les faire culpabiliser,
- vous essayez de tisser des relations d'ordre trop personnel avec certains résidents,
- Vous tenez des propos irrespectueux à l'égard de vos collègues de travail ou des résidents, et utilisez un ton vif et agressif inacceptable.
Par exemple, vous adoptez un comportement conflictuel à l'égard de certaines salariées récemment embauchées, que vous qualifiez de « plantes vertes », notamment devant des personnes externes à l'établissement. Vous tenez également des propos tranchés et particulièrement blessants à l'égard des résidents de type : « je ne l'aime pas », « il est moche », etc.
- Votre posture est systématiquement négative : vous dénigrez en permanence vos collègues ou l'organisation de notre structure et notre manière d'accompagner les personnes accueillies, exagérant volontairement des événements sans incidence particulière au sein du service pour tenter d'obtenir le soutien de certains salariés contre la Direction ou d'autres salariés. Vous tentez d'instaurer un climat de défiance à l'égard de notre structure.
- Vous refusez de travailler en équipe, n'acceptez aucune discussion ou remarque, préférant vous positionner systématiquement en « victime ».
Cette attitude s'est d'ailleurs confirmée au cours de l'entretien préalable, pendant lequel vous avez contesté l'ensemble des manquements reprochés, préférant prétendre, ne pas être correctement traitée par vos collègues de travail plutôt que de vous remettre en question.
L'ensemble de ces manquements dégrade la bonne ambiance de travail et génère une appréhension importante de la part de vos collègues de travail.
En effet, vos collègues ont été nombreux à exprimer leur difficulté à travailler avec vous, certains indiquant avoir l'impression d'être « manipulés » par vous-même, ou ne plus souhaiter travailler avec vous, d'autres évoquant un « mal-être » cause par votre comportement. Ils ont notamment attiré notre attention sur le fait qu'ils sont extrêmement stressés à l'idée d'assister une réunion à laquelle vous êtes présente et ont ajouté que régnait en votre présence une tension ingérable.
De plus, votre attitude vous conduit également à ne pas assurer vos missions correctement, votre attention n'étant pas pleinement portée sur le bien-être des résidents que vous devez prendre en charge, ce qui dégrade la qualité de notre service.
Vous comprendrez que des manquements aussi graves sont intolérables, et rendent totalement impossible la poursuite de votre contrat de travail, y compris pendant un préavis. »
Le 8 octobre 2019, l'employeur a confirmé la mesure de licenciement.
Mme [X] [BY] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch le 4 novembre 2019, afin notamment de contester son licenciement et de voir l'employeur condamné à lui verser diverses sommes.
Par jugement du 10 mars 2022, le conseil de prud'hommes d'Auch, section activités diverses, a :
- dit que Mme [X] [BY] était recevable et bien fondée en ses demandes,
- dit que le licenciement de Mme [X] [BY] était requalifié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence l'association AGAPEI du Gers à verser à la requérante les sommes suivantes :
- 2 763,80 euros à titre de rappels de salaires retenus indûment suite à la mise à pied conservatoire notifiée le 1er mars 2019,
- 276,38 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,
- 5 302,62 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 15 907,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile sur les salaires, congés payés, préavis, indemnité de licenciement,
- débouté Mme [X] [BY] du surplus de ses demandes,
- condamné l'association AGAPEI du Gers à payer à Mme [X] [BY] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 11 avril 2022, Mme [X] [BY] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant l'association AGAPEI en qualité de partie intimée et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui :
- ont jugé que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse, alors qu'il était demandé qu'il soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- l'ont déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 31 815,72 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 15 907,86 euros, alors qu'il était demandé la somme de 18 448,65 de ce chef.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 14 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
I. Moyens et prétentions de Mme [X] [BY] appelante principale
Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 18 janvier 2023, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, Mme [X] [BY] demande à la cour de :
A titre principal,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022 en ce qu'il a requalifié son licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
Et y ajoutant,
- prononcer la nullité de son licenciement,
En conséquence,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 31 815,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, correspondant à 12 mois de salaire,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 15 907,86 euros,
Et y ajoutant,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 18 448,65 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- confirmer le conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022 pour le surplus,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- requalifier son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence et y ajoutant,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 31 815,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, correspondant à 12 mois de salaire,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022 en ce qu'il a fixé l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 15 907,86 euros,
Et y ajoutant,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 18 448,65 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- confirmer le (jugement du) conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022 pour le surplus,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch en date du 10 mars 2022,
- condamner l'AGAPEI à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [X] [BY] fait valoir que :
I. Sur la nullité du licenciement
- L'article 33 de la convention collective prévoit : « (') Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale ».
- Elle n'a jamais fait l'objet d'une quelconque mesure disciplinaire antérieure. Ainsi si l'employeur souhaitait s'en séparer, il devait prononcer un licenciement pour faute grave, sous peine de nullité du licenciement.
- L'employeur avance le fait que, à la suite « d'un incident d'agressivité de la part de la salariée à l'égard d'un résident le 7 juin 2017, une fiche d'événement indésirable a été établie et donné lieu à un entretien de recadrage ». Or cette fiche ne contient aucun « recadrage », ni aucune sanction. En tout état de cause, si la cour considère que cette fiche contient une sanction, celle-ci devrait être annulée dans la mesure où elle n'a jamais été convoquée à un entretien préalable pour ce motif
- En cause d'appel, l'association AGAPEI sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. L'employeur reconnaît donc que les faits, sur lesquels se fonde le licenciement, ne sauraient recevoir la qualification de faute grave. Le licenciement doit donc être considéré comme nul.
II. Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
A. Sur l'absence de tout manquement professionnel préalable au licenciement
- Contrairement à ce qu'affirme l'employeur, elle n'a jamais fait l'objet de plusieurs « recadrages » en lien avec ses problèmes de communication. La seule fiche d'événement indésirable établie est celle exposée en amont et pour laquelle elle conteste avoir fait preuve d'un comportement agressif.
- Ses entretiens annuels de 2014 et 2016 ne font pas mention d'un comportement agressif, désinvolte, opposant ou dénigrant. Le bilan annuel du 16 novembre 2018 n'a été signé ni par elle, ni par le responsable hiérarchique, contrairement aux exigences conventionnelles, il ne peut donc être retenu comme élément d'appréciation. Elle conteste les mentions figurant sur ce document.
- Elle était principalement affectée à la prise en charge des résidents bénéficiant d'un hébergement en foyer, dans une situation lourde ou complexe. Elle avait en charge 5 résidents et était co-référente pour 4 autres résidents, ce qui était davantage que ses autres collègues de travail. Ses compétences professionnelles ont donc conduit l'employeur à considérer qu'elle pouvait prendre en charge plus de résidents que ses collègues.
B. Sur les motifs du licenciement et l'absence d'éléments probatoires pertinents
- Les motifs exposés dans la lettre de licenciement sont fondés sur un rapport d'audit qui daterait du mois de février 2019 et sur quatre attestations de salariés.
Sur l'audit réalisé :
- L'employeur a saisi la société EASIF en vue d'établir un diagnostic sur la santé et la qualité de vie au travail. Un audit mené par une entreprise externe doit répondre à plusieurs règles de déontologie et de confidentialité, il doit être mené par une personne n'ayant aucun lien avec la structure auditée et devant respecter un devoir de neutralité. Or, la directrice de la société EASIF, Mme [A] [F], a travaillé pour le compte de l'ANRAS, partenaire de l'association AGAPEI. De plus, Mme [A] [F] connaissait M. [K] [YJ], directeur de l'association, car ils ont échangé régulièrement sur le site « Linkedin ».
- La société EASIF était dans un lien de dépendance avec la structure auditée, car elle se trouvait dans une situation financière fragile. Le 30 septembre 2017, la société affichait un chiffre d'affaires de seulement 99 310 euros pour des pertes à hauteur de 11 144 euros.
- Le document n'est pas daté, sauf à viser le mois de février 2019, ni signé par son auteur.
- Les objectifs officiels de l'audit étaient d'identifier « les différentes approches de chacun au travail, les complémentarités possibles avec une démarche de QVT, de disposer de repères pour conduire une démarche collective des facteurs de réussit du travail en équipe, et d'intégrer l'encadrement dans l'analyse de situations de travail et la conception de mesures d'amélioration ». Cependant le rapport ne répond que très peu à ces objectifs, et particulièrement le point n°2 concernant « Les exigences émotionnelles » qui constitue un véritable réquisitoire à son égard. L'audit ne livre d'ailleurs aucune préconisation, ni conseil sur les actions à entreprendre. Sa réelle raison d'être était de pré-constituer des éléments probatoires à son encontre pour justifier un licenciement grave. Cela est corroboré par Mme [E] [I], éducatrice sur le site d'[Localité 5], qui atteste : « ' lors de l'audit à la fin de son audition, la personne menant cet audit lui a dit 'qu'une solution sur mesure allait lui être proposée...' (en parlant de Mme [BY]) ».
- L'audit a fait l'objet d'un compte-rendu au comité d'établissement en réunion du 7 mars 2019. Aux termes de ce compte-rendu, il a été décidé que la responsable des ressources humaines devait se rapprocher des salariés du site d'[Localité 5] pour approfondir les éléments contenus dans l'audit. Une réunion a été programmée le 14 mars 2019, alors pourtant qu'elle a reçu une convocation à l'entretien préalable dès le 1er mars 2019.
Sur les attestations :
- La responsable des ressources humaines a obtenu quatre attestations, établies par M. [DL], Mme [W], Mme [OE] et Mme [Y]. A l'exception de Mme [W], les autres personnes ont été embauchées récemment et sont jeunes, ainsi plus perméables aux requêtes formulées par la hiérarchie, même lorsqu'il s'agit de remettre en cause un autre collègue.
- Ces personnes évoquent des problèmes de stress, d'anxiété et d'angoisse ressentis à son simple contact. Cependant, aucune d'elles n'a fait l'objet d'un arrêt de travail en lien avec de telles problématiques, ni n'a établi de fiche d'événement indésirable.
- Sur 25 personnes interrogées pour l'audit, seules quatre ont témoigné, alors que l'employeur prétend que tous étaient unanimes pour décrire son comportement particulièrement nocif. Les déclarations faites dans ces attestations sont strictement identiques aux passages contenus dans le rapport.
- Elle a été placée en mi-temps thérapeutique le 1er trimestre de l'année 2016 et a été absente 286 jours en 2016, pour cause de maladie, 13 jours en 2017 et 96 jours en 2018. Il est donc légitime de s'interroger sur une prétendue prégnance d'un comportement agressif compte tenu de son absence.
- Elle produit des attestations de collègues de travail, en poste au moment de son licenciement, et dont certains ont travaillé avec elle pendant une dizaine d'années :
- M. [M] [J] a été son binôme de 2009 à 2015, il n'a jamais été confronté à des difficultés particulières. Il précise qu'il a toujours été possible d'échanger avec elle lors des réunions, même en cas de divergence d'opinion. Il précise que la situation a évolué à l'arrivée de M. [V], en qualité de nouveau responsable d'unité d'intervention sociale (ci-après « RUIS »), qui avait des techniques de management mettant en concurrence les salariés,
- M. [C] [OY], éducateur spécialisé et ayant occupé la fonction de chef de service, a déclaré « ne pas avoir souhaité quitter ce poste, par rupture conventionnelle, pour des raisons liées à la personne de Mme [BY] [X]. J'indique ne pas avoir rencontré de difficultés particulières à travailler avec Mme [BY] [X]. »,
- Mme [S] [P], avec qui elle travaille au sein de l'association REGAR depuis le mois de février 2021, témoigne : « [X] entretient aussi de bon contact avec les autres collègues de l'association, elle a progressivement fait la connaissance de tous. (') En conclusion je suis ravie aujourd'hui de faire équipe avec [X], notre binôme fonctionne très bien et nos échanges permanents permettent de bien avancer au quotidien dans notre travail. C'est aussi un plaisir de la connaître et de discuter avec elle sur des sujets plus personnels »,
- tous ses collègues de travail actuels, ainsi que Mme [T] [B], directrice de cette association, témoignent de son professionnalisme et de sa capacité à s'intégrer dans un groupe
- Des témoignages de plusieurs familles de résidents permettent également de mettre en lumière son respect de la déontologie, ses marques de respect, d'attention et de dévouement, l'existence d'échanges cordiaux et professionnels. Notamment Mme [ZD] [Z] a attesté : « Mme [X] [BY] était la référente de mon fils [U]. Mon fils l'appréciait beaucoup et moi aussi. [U] faisait beaucoup de progrés avec elle. Lorsque je lui ai dit qu'il ne reverrait plus [X], il s'est mis à pleurer ». Les familles ne se sont jamais plaintes de son comportement, alors que l'audit réalisé indiquait une mise en danger « probable » des résidents.
- Aucun élément ne permet d'établir une mise en danger de ses collègues de travail et des résidents, un manquement grave ou léger au règlement intérieur, une défaillance dans la prise en charge des résidents ou des comportements répréhensibles. Les éléments avancés par l'employeur ne sont donc pas suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave, et en l'absence de manquement de la salariée le licenciement ne repose pas non plus sur une cause réelle et sérieuse.
III. Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
A. Sur le rappel de salaires
- Ses bulletins de paie font état d'une retenue, pour mise à pied conservatoire, à hauteur de :
- 2 411,38 euros pour le mois de mars 2019,
- 352,42 euros pour la période du 1er au 3 avril 2019.
B. Sur les indemnités conventionnelle de rupture
Sur l'indemnité de préavis et congés payés sur préavis :
- Il est demandé la confirmation du jugement sur ce point, en ce qu'il a condamné l'association AGAPEI à lui verser la somme de 5 302,62 euros correspondante aux deux mois de préavis, et la somme de 530,26 euros pour les congés payés afférents.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
- Elle avait 13 ans, 11 mois et 10 jours d'ancienneté. Il convient de tenir compte de la durée de préavis de 2 mois et de ses arrêts de travail, ce que n'a pas fait l'employeur, à tort. La moyenne de ses trois derniers mois de salaires était de 2 651,31 euros.
- L'article 17 de la convention collective prévoit le calcul de cette indemnité de licenciement : « égale à une somme calculée sur la base d'un demi-mois de salaire par année d'ancienneté, étant précisée que ladite indemnité de licenciement ne saurait dépasser une somme égale à 6 mois de salaires et que le salaire servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est le salaire moyen des 3 derniers mois ». Il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser la somme de 18 448,64 euros à ce titre (1 365,25€ x 13 ans + 1 365,25€ / 12 x 11 mois).
C. Sur les dommages et intérêts résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
- Elle a fait l'objet d'un licenciement injustifié et vexatoire. Elle n'a réussi à retrouver un emploi qu'après 23 mois, compte tenu de sa sphère professionnelle, sa spécialisation et le prononcé d'un licenciement pour faute grave, dans un département comme celui du Gers. Elle a subi un préjudice lié à la perte d'évolution et de progression de carrière, ainsi que la diminution de ses revenus suite à l'indemnisation de pôle-emploi. Elle sollicite ainsi la somme de 31 815,72 euros à titre d'indemnité, correspondante à 12 mois de salaires.
II. Moyens et prétentions de l'association AGAPEI intimée sur appel principal et appelante sur appel incident
Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 17 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, l'association AGAPEI demande à la cour de :
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a considéré que le licenciement de Mme [X] [BY] devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné l'association AGAPEI au paiement des sommes suivantes :
- 2 763,80 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 276,38 euros au titre des congés payés afférents,
- 5 302,62 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 530,26 euros au titre des congés payés afférents,
- 15 907,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement de première instance sur le surplus,
- débouter Mme [X] [BY] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [X] [BY] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [X] [BY] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'association AGAPEI fait valoir que :
I. Sur le bien-fondée du licenciement
A. Sur les pièces produites par l'association AGAPEI et les arguments inopérants de Mme [X] [BY]
- Elle produit un compte-rendu du 16 novembre 2018, dont la salariée conteste uniquement le fait qu'il n'ait pas été signé, sans contester formellement que l'entretien se soit tenu à cette date.
- Elle produit également des attestations particulièrement précises de certains salariés qui ont travaillé avec Mme [X] [BY]. Cette dernière a relevé que les salariés ayant attesté avaient été embauchés peu de temps avant son licenciement et qu'ils étaient jeunes.
- Le rapport démontre que la quasi-majorité de l'équipe, soit 25 personnes, s'est plainte de l'attitude de Mme [X] [BY]. Ce rapport est anonyme et ne cite pas le nom de Mme [X] [BY], toutefois après l'audit, la parole des salariés s'est libérée et certains sont allés dénoncer Mme [X] [BY] directement auprès de la direction. C'est pour cette raison qu'elle a demandé que les témoignages des personnes ayant attesté soient recueillis. Ces salariés sont restés constants dans leurs déclarations qui étaient précises, avec des propos concordants. Il importe peu que les témoins n'aient jamais rédigé de fiche d'événement indésirable.
- Mme [X] [BY] se prévaut d'attestations dont il faut préciser le contexte :
- des témoignages de familles de résidents qui louent son professionnalisme. Cela n'est pas étonnant, puisqu'il est justement reproché à la salariée son favoritisme à l'égard de certains résidents dont, il est logique, elle fait preuve de professionnalisme,
- des attestations de collègues dont certains n'étaient pas affectés au même service et ne travaillaient pas quotidiennement avec Mme [X] [BY], dont Mme [L] et Mme [I]. Elle produit également l'attestation d'un collègue de travail, M. [J], qui a démissionné suite à un différent avec l'association et qui garde manifestement une ranc'ur.
- Elle produit enfin le rapport d'audit « Qualité de vie au travail » établi par un cabinet indépendant. Mme [X] [BY] avance que cet audit aurait été diligenté uniquement pour la licencier, sans apporter la moindre preuve. La salariée verse l'attestation de Mme [I] qui n'a aucune valeur puisque cette dernière n'était pas présente lors de l'audition de Mme [X] [BY]. En outre, on peut se demander pourquoi elle aurait souhaité licencier Mme [X] [BY] si elle n'avait aucun grief à lui reprocher, cela n'a pas de sens.
- Le cabinet d'audit choisi était parfaitement indépendant et impartial, contrairement à ce qu'indique Mme [X] [BY] qui avance que :
- Mme [A] [F] a travaillé pour l'ANRAS : l'AGAPEI n'est pas mentionnée sur la liste des partenaires de l'ANRAS. De plus, de par son rayonnement, l'ANRAS est en partenariat avec toutes les plus grosses associations de la région,
- M. [K] [YJ] et Mme [A] [F] se connaîtraient particulièrement bien : la salariée produit un extrait du profil « Linkedin » de Mme [A] [F] dans lequel il apparaît que M. [K] [YJ] a commenté ses publications, à deux reprises uniquement. De plus, ce réseau social permet justement une mise en relation et rien ne permet de déterminer si M. [K] [YJ] a commenté ces publications avant ou après l'audit,
- la société EASIF aurait été dans une situation financière compliquée au moment de l'audit : la salariée ne corrobore ses dires par aucun élément objectif. Par ailleurs, la société EASIF accusait des pertes de 11 000 euros, ce qui est loin d'être considérable.
- Le rapport d'audit comporte en première page sa date, « février 2019 » et il n'est pas signé car ce type de document, sous format « powerpoint », n'est jamais signé.
- Le rapport était anonymisé. Ce n'est qu'à la suite des déclarations de certains salariés qu'elle a pu faire le lien avec Mme [X] [BY]. Cet audit a répondu à ses objectifs, puisqu'il a été diligenté précisément « suite à une série de conflits et de difficultés relationnelles, importantes entre les salariés de l'équipe du complexe départemental [O] [D] ». Il a fait suite notamment à un élément déclencheur qui se trouvait être une soirée football au cours de laquelle Mme [X] [BY] a été au c'ur de tensions. Suite à cette soirée, des salariés ont tenté de s'opposer au comportement de la salariée, dont Mme [N] [OE].
- L'audit a identifié les sources principales de conflit, évoquant le cas de Mme [X] [BY], mais également les plannings, les contraintes liées au format de l'accueil des résidents, etc. Il a également relevé d'autres axes de travail (alourdissement des pathologies des personnes accueillies, mutation des rôles directeurs, chefs de services, éducateurs avec accroissement des responsabilités)
B. Sur les faits reprochés à Mme [X] [BY]
- Il est reproché à Mme [X] [BY] :
- une attitude non professionnelle : la salariée ne cesse de critiquer, dénigrer et contester le travail de ses collègues ce qui est établi par l'audit lequel reprend les paroles des salariés : « On sait qu'elle ne sera pas d'accord, surtout si elle n'était pas à la réunion quand on a décidé », « Il n'y a pas de discussion possible avec elle ». Mme [X] [BY] remettait en cause le professionnalisme de toute personne qui prenait une initiative, comme en témoigne l'attestation de M. [SF] [DL], éducateur sportif, à propos de la soirée football. Cela nuisait au bon déroulement des réunions co-disciplinaires, au cours desquelles il est arrivé à la salariée de « tourner le dos à l'équipe en regardant durant toute la séance le mur, sans parler ». Enfin, la salariée négligeait une partie de ses tâches en accaparant le temps de ses collègues de travail pour parler de ses problèmes d'ordre privé,
- un manque de respect à l'égard des collègues de travail et de la hiérarchie : plusieurs collègues de travail ont exprimé un mal-être et avoir la « boule au ventre » en subissant l'agressivité de Mme [X] [BY], notamment Mme [H] [Y] ou Mme [N] [OE]. La salariée faisait preuve de discrimination à l'égard de ses deux collègues, les qualifiant de « plante verte » ou abordant leur jeune âge ou leur physique. Cela est également corroboré par l'audit.
Mme [X] [BY] avait un comportement agressif envers sa hiérarchie et les différents responsables qui se sont succédés. L'audit précise à ce sujet : « Elle est toujours surdimensionnée, elle a épuisé trois RUIS », « Elle est irrespectueuse par rapport au cadre pendant les réunions ». Le comportement de la salariée était systématiquement négatif et elle se plaignait constamment. Cela était notamment le cas des plannings qu'elle demandait toujours à changer, disant être désavantagée par rapport à ses autres collègues. Or une analyse du nombre de mercredis et dimanches travaillés permet d'établir qu'elle était dans la moyenne, voire favorisée. L'audit énonce également : « Sur ce point, le caractère discriminatoire n'est pas prouvé et l'analyse des plannings conduite par la RRH sur l'année civile fait apparaître que la salariée XXX bénéficie au contraire d'un traitement de faveur »,
- des manquements dans son rôle auprès de certains résidents : Mme [X] [BY] critiquait ses collègues de travail devant les résidents. Le fait de prendre à partie des résidents, souvent dans une situation de fragilité et pouvant être affectés par un contexte de tension, va à l'encontre de l'obligation de réserve de la salariée et constitue un manquement grave à son rôle d'accompagnement. Mme [X] [BY] affichait également explicitement ses préférences entre les résidents, disant des résidents « je vous aime », « je ne l'aime pas », « il est moche ». La salariée ne gardait pas toujours une distance professionnelle avec certains résidents, l'audit précisant même : « Elle se vante d'aller voir le psychiatre du résident qu'elle suit aussi. Elle assiste à sa séance avec le psychiatre. Je ne comprends pas qu'on laisse faire ça. ».
C. Sur la gravité des faits
- Tout écart de conduite ou démonstration d'agressivité en présence de résidents porte atteinte à la sérénité des résidents et à la qualité d'accueil. La Cour de cassation a confirmé qu'un comportement enfreignant les obligations contractuelles ou portant atteinte à des personnes vulnérables était susceptible de caractériser une faute grave
- Le comportement de Mme [X] [BY] était en contradiction avec la mission d'accompagnement des résidents dans la dignité et le respect. La salariée, de par son comportement, a fortement dégradé les relations de travail et l'ambiance générale au sein de la structure. L'audit évoque à ce sujet : « Elle est dans la manipulation psychologique, elle créé de l'oppression, du stress, de l'anxiété et un sentiment de culpabilité. C'est de la maltraitance psychique. ». Les nombreuses attestations qu'elle produit le corrobore et notamment celle de Mme [OE] qui indique avoir été mise en arrêt de travail suite au comportement de Mme [X] [BY].
- Face au mal-être au travail généré par la salariée, elle n'avait pas d'autre choix que de mettre fin au contrat de travail de Mme [X] [BY], afin d'assurer des conditions de travail sereines au reste de l'équipe.
- Il importe peu que Mme [X] [BY] n'ait pas fait l'objet de sanction antérieure. Par ailleurs, la salariée avait déjà été alertée à plusieurs reprises sur la nécessité d'améliorer son comportement et son mode de communication, notamment lors des entretiens professionnels de 2014, 2016 et 2018. Une fiche d'événement indésirable a même été établie suite à un incident d'agressivité de la part de Mme [X] [BY] à l'égard d'un résident le 7 juin 2017.
- Si elle avait connaissance du problème de communication de Mme [X] [BY], elle n'avait pas conscience de l'ampleur et de la gravité de ses agissements. Ce n'est qu'après l'audit réalisé et avoir recueilli plusieurs témoignages qu'elle en a pris conscience et qu'elle a décidé de procéder au licenciement.
- La salariée affirme que l'employeur sollicitait la confirmation du jugement de première instance dans son dispositif. Il s'agissait d'une erreur de plume, le licenciement pour faute grave ayant toujours été soutenu.
II. Sur l'absence de fondement des demandes
- Le licenciement pour faute grave étant justifiée, Mme [X] [BY] devra être déboutée de toutes ses demandes qui sont injustifiées sur le principe ainsi que dans leur quantum.
Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- La salariée disposait d'une ancienneté de 13 ans et 9 mois à la date de sortie des effectifs. Mme [X] [BY] peut prétendre à une indemnité de trois mois minimum, au-delà si elle établit l'existence d'un préjudice réel et certain et justifie du quantum. Or, la salariée n'apporte pas la preuve d'un tel préjudice, produisant uniquement un courrier de réponse négatif à sa recherche d'emploi, alors que le secteur dans lequel elle est rencontre des difficultés de recrutement constantes. Par ailleurs, elle a été indemnisée pendant 23 mois par pôle-emploi. Le préjudice financier de la salariée ne peut donc être équivalent à la somme demandée.
Sur les indemnités de rupture sollicités :
- L'indemnité de licenciement doit être de 15 649,10 euros, en tenant compte d'une ancienneté réduite au regard des absences de la salariée.
III. Sur les frais et les dépens
- Au vu de l'entête des attestations produites par Mme [X] [BY], il semblerait que les frais de justice de la salariée soient pris en charge par une assurance protection juridique. La salariée devra être déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et être condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur ce même fondement, outre les entiers dépens.
MOTIVATION
I. Sur le licenciement de Mme [X] [BY]
Par courrier du 3 avril 2019, qui fixe les limites du litige, Mme [X] [BY] a été licenciée pour faute grave.
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Toutefois, s'il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l'employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d'indemnité de licenciement, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pour la durée limitée du délai-congé.
L'employeur reproche à la salariée plusieurs griefs :
- son attitude non professionnelle à l'égard de ses collègues de travail et des résidents qu'elle prend en charge, laquelle démontre de graves difficultés relationnelles ainsi que des comportements d'opposition systématique qui nuisent au bon fonctionnement du service,
- le manque de distance dans ses relations de travail et l'adoption de réactions excessives et culpabilisantes,
- des propos irrespectueux à l'égard de ses collègues de travail ou des résidents, et l'utilisation d'un ton vif et agressif,
- une posture systématiquement négative, avec dénigrement des collègues de travail ou de l'organisation de la structure,
- son refus de travailler en équipe,
- son comportement conduisant à une dégradation de la bonne ambiance au travail et générant une appréhension importante de la part de ses collègues de travail qui ont exprimé leur difficulté à travailler avec la salariée,
- le fait de ne pas assurer ses missions correctement, dégradant la qualité du service.
L'employeur verse à l'appui des griefs plusieurs attestations :
- l'attestation de M. [SF] [DL], éducateur sportif, en date du 22 mars 2019, selon laquelle : « Le 7 juin 2018, j'organisais une rencontre sportive et festive dans le cadre de mon activité professionnelle, auparavant 15 jours avant j'avais pris le soin d'informer et de prévenir toutes les personnes susceptibles d'être présente à cette rencontre afin d'anticiper une organisation et un éventuel changement de planning. Lors de son retour le 5 juin, Mme [BY] m'interroge par SMS sur mon temps de repos sur cette organisation et cet événement en invoquant le fait que rien n'est organisé, que cela est fait à la légère (') Le 7 juin Mme [BY] m'interpelle agacée, et toujours sur cette histoire d'organisation, le ton monte entre nous deux et une explication verbale (sans insultes) a lieu (') Quelques jours après Mme [BY] est en arrêt de travail pendant un long moment et évoque une agression de ma part (') Récemment des personnes accueillies viennent me trouver et m'informer que Mme [BY] verbalise des choses négatives à mon égard devant ces dernières (') une personne recueillie refuse de participer aux activités physique sous prétexte que 'je sois faché avec [X]' (') cette situation a généré chez moi du stress, une boule au ventre lorsque je voyais cette personne sur le lieu de travail, cela c'est sûr a joué sur la qualité de mon travail. »
- l'attestation de Mme [R] [W], monitrice éducatrice, du 19 mars 2019, qui énonce : « Mme [BY] exprimait que des propos négatifs. Lorsqu'elle parlait d'un usager, elle ressortait que le négatif de la personne dont c'était très compliqué de partager avec elle. (') Mme [BY] avait une attitude et des comportements très difficile, complexe, très tranché (blanc/noir, j'aime/j'aime pas). (') Lors d'une réunion GAP, Mme [BY] a pu tourner le dos à l'équipe en regardant durant toute la séance le mur, sans parler... Ces changements d'attitude se sont accentués et sont devenus difficiles psychologiquement après la soirée « foot » (') Ces événements m'ont déstabilisée, questionnée, perturbée, car tous les professionnels ont été pris en « otage » par Mme [BY]. »
- l'attestation de Mme [N] [OE], aide médico-psychologique, datée du 15 mars 2019, témoignant d'une « relation étouffante » et du fait que « [X] [BY] a démontré une personnalité volubile et est excessive dans ses émotions. ». Elle énonce également « J'ai ensuite aussi entendu dire qu'elle me qualifiait de 'plante verte' faisant référence à mon physique ». Elle conclut : « je pense qu'[X] est néfaste au bien-être de l'équipe pluridisciplinaire. A aucun moment elle ne s'est remise en question. (') Aussi elle semble être très attachée à un résident faisant l'impasse sur la distance professionnelle que nous devons avoir pour le bien être du résident et le nôtre. Son attitude n'est pas professionnelle »
- l'attestation de Mme [H] [Y], AES, du 20 mars 2019, qui confirme la négative de Mme [X] [BY], le fait qu'elle avait des préférences pour certains résidents et qu'elle le montrait, et que celle-ci qualifiait les jeunes recrues de « plantes vertes ».
Les attestations produites sont concordantes, précises et circonstanciées et établissent que Mme [X] [BY] tenait des propos négatifs à la fois sur les résidents et sur ses collègues de travail. Celles-ci témoignent également du manque de distance dont faisait preuve la salariée à l'égard de certains résidents.
L'employeur verse également l'audit réalisé par Mme [A] [F] au mois de février 2019, suite à une série de conflits et de difficultés relationnelles importantes. Cet audit retranscrit le témoignage de salariés visant à mettre en évidence le comportement de « la salariée XXX ». Cet audit témoigne du fait que cette salariée « a depuis plusieurs années été la source de conflits anciens et de difficultés au travail quant à la prise en charge des usagers ». Il est reproché à la salariée :
- celle-ci « n'est jamais satisfaite de son planning malgré les aménagements qui lui sont régulièrement proposé par le RUIS (') Il semble qu'elle réussisse à réduire son nombre de levers ou de mercredis de sorte à ne plus en assurer »,
- « elle exerce des pressions psychologiques sur ses collègues qui vivent mal sa présence »,
- « la propension de cette personne à beaucoup parler, à parler essentiellement de sa vie privée et à monopoliser la parole et l'attention (') Il semble que cette personne ne respecte pas la 'bonne distance' qui doit exister entre deux collègues et paraît donc très 'envahissante' pour ceux qui travaillent avec elle (') Cette attitude pèse sur toute l'équipe et surtout pour ceux qui doivent travailler régulièrement avec elle »,
- elle « s'est montrée discriminante vis-à-vis de certains de ses collègues, faisant état tour à tour de leur jeunesse, de leur allure physique »,
- elle « a inventé un terme pour désigner ses jeunes professionnelles nouvellement recrutées : les 'plantes vertes'. Elle n'hésite pas à utiliser cette expression devant les familles, en parlant de ses collègues. Elle critique ouvertement leur professionnalisme et leurs méthodes de travail. »,
- elle « peut alors devenir très agressive et 'maltraitante', comme certains salariés ont pu le dire. Colère et mépris constituent alors sa réponse à la tentative de ses collègues de s'éloigner pour se protéger. »,
- une « posture systématiquement négative »,
- une « impossibilité de travailler en équipe »,
- une « manipulation probable des résidents », avec « un risque de maltraitance à évaluer de façon urgente », « certains professionnels soulignent sur les résidents ne se comportent pas de la même façon quand elle est là. Certains salariés évoquent des résidents plus nerveux, plus enclins à se mettre en colère ». Pour elle, « il existe, semble-t-il, deux catégories de résidents : 'ceux qu'elle aime et ceux qu'elle n'aime pas' »,
Ce rapport corrobore les témoignages versés par l'employeur qui dénoncent de façon unanime le comportement de Mme [X] [BY] laquelle peut se montrer agressive, dévalorisante à l'égard de certains collègues et non professionnelle à l'égard des résidents.
S'agissant d'une faute grave, la charge de la preuve incombe à l'employeur. Celui- ci démontre que les griefs invoqués à l'encontre de Mme [X] [BY] sont établis. Leur nature constitue une faute d'une telle gravité qu'elle empêche la poursuite du contrat et justifie le licenciement pour faute grave. De ce fait, l'association AGAPEI du Gers rapporte la preuve de la faute grave commise par Mme [X] [BY]. Le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre est justifié.
En conséquence, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que le licenciement de Mme [X] [BY] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et déclare le licenciement fondé sur une cause grave.
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
La nullité du licenciement ne peut être demandée que dans des cas précis à savoir le harcèlement moral ou sexuel ; en matière de discrimination ou de violation d'une liberté fondamentale.
Force est de constater que l'appelante ne développe aucun moyen au soutien de la nullité du licenciement pour l'un de motifs. En conséquence, la cour déboute Mme [BY] de cette demande.
II. Sur les conséquences du licenciement de Mme [X] [BY]
Mme [X] [BY] formule plusieurs demandes financières qui sont la conséquence de sa demande de voir reconnaître son licenciement nul ou ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse.
Il a été jugé que le licenciement de la salariée reposait sur une faute grave.
Ainsi, la cour déboute Mme [X] [BY] de ses demandes subséquentes en :
- rappels de salaires retenus suite à la mise à pied conservatoire notifiée le 1er mars 2019,
- indemnité de congés payés sur rappels de salaire,
- indemnité de préavis,
- indemnité conventionnelle de licenciement,
Le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch du 10 mars 2022 sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de la salariée sur ce point.
III. Sur les frais et dépens
Mme [X] [BY], qui succombe en ses demandes, sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en appel et sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
La cour infirme le jugement entrepris en ce que l'association AGAPEI a été condamnée à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et laisse la charge des frais irrépétibles à chaque partie.
L'équité commande de ne pas faire droit à la demande formulée par l'association AGAPEI selon les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, visant à voir condamner Mme [X] [BY] à lui régler la somme de 1 500 euros en cause d'appel et laisse la charge des frais irrépétibles à chaque partie.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch du 10 mars 2022 en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de Mme [X] [BY] était requalifié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence l'association AGAPEI du Gers à verser à la requérante les sommes suivantes :
- 2 763,80 euros à titre de rappels de salaires retenus indûment suite à la mise à pied conservatoire notifiée le 1er mars 2019,
- 276,38 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappels de salaire,
- 5 302,62 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 15 907,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- condamné l'association AGAPEI du Gers à payer à Mme [X] [BY] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch du 10 mars 2022 en ses autres dispositions,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE que le licenciement de Mme [X] [BY] repose sur une faute grave,
DÉBOUTE Mme [X] [BY] de sa demande en nullité du licenciement,
DÉBOUTE Mme [X] [BY] de ses demandes au titre de :
- rappels de salaires retenus suite à la mise à pied conservatoire notifiée le 1er mars 2019,
- indemnité de congés payés sur rappels de salaire,
- indemnité de préavis,
- indemnité conventionnelle de licenciement,
DÉBOUTE Mme [X] [BY] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
DÉBOUTE l'association AGAPEI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
CONDAMNE Mme [X] [BY] aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT