ARRÊT DU
26 Avril 2023
JYS / NC
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N° RG 21/00792
N° Portalis DBVO-V-B7F -C5PV
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[O] [Y]
C/
[E] [L]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 197-23
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [O] [Y]
né le 12 décembre 1944 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité française, retraité
domicilié : [Adresse 1]
[Localité 10]
représenté par Me Catherine JOFFROY, avocate au barreau d'AGEN
APPELANT d'un jugement du tribunal de proximité de VILLENEUVE SUR LOT en date du 03 juillet 2020,
RG 11-19-000104
D'une part,
ET :
Monsieur [E] [L]
né le 1er mars 1980 à [Localité 9] ([Localité 9])
de nationalité française
actuellement détenu à la Maison d'arrêt
[Adresse 2]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/003492 du 04/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représenté par Me Sarah VASSEUR, avocate au barreau d'AGEN
INTIMÉ
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 septembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : Dominique BENON, conseiller
Assesseur : Jean-Yves SEGONNES, conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Claude GATÉ, présidente de chambre
en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS
En 2018 à [Localité 10] (Lot-et-Garonne), par cession écrite et mention au certificat d'immatriculation le 28 juillet 2018, [O] [Y] a vendu "en l'état" à [E] [L] un tracteur 'Fergusson' à un prix jamais payé. Il l'a mis en demeure le 6 décembre 2018, vainement.
Suivant acte d'huissier délivré le 16 avril 2019, [O] [Y] a fait assigner [E] [L] devant le tribunal de proximité de Villeneuve-sur-Lot sur les fondements des articles 1103 et 1650 du code civil pour, au principal, être condamné à payer 8 000 euros du prix de la vente conclue du tracteur Fergusson. En cours d'instance, il a changé sa demande principale pour une résolution de la vente et subsidiairement, le paiement du prix.
Par jugement contradictoire du 3 juillet 2020, le tribunal a :
- prononcé la résolution de la vente du tracteur Fergusson immatriculé [Immatriculation 4] intervenue le 28 janvier 2018 entre M. [O] [Y] et M. [E] [L],
- ordonné à [E] [L] de restituer le tracteur Fergusson à ses frais et à son domicile sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,
- ordonné à [E] [L] de prévenir par courrier recommandé [O] [Y] au moins 15 jours avant la date prévue de la restitution,
- condamné [E] [L] à payer à [O] [Y] 400 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamné [E] [L] aux entiers dépens,
- condamné [E] [L] à payer à [O] [Y] 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [E] [L] aux entiers dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Pour ordonner la restitution, le tribunal a jugé que la vente est faite puisque [E] [L] avance une valeur de 4 000 euros et qu'il demande un délai de paiement.
PROCÉDURE
Suivant déclaration au greffe de la cour, [O] [Y] a fait appel de tous les chefs de dispositif du jugement dont il s'agit le 2 août 2021 ; il a intimé [E] [L].
Selon dernières conclusions visées au greffe le 28 juillet 2022, [O] [Y] demande de :
- réformer le jugement sauf en ce que le tribunal a condamné [E] [L] aux entiers dépens,
- condamner [E] [L] à payer 8 000 euros, subsidiairement 4 000 euros, au titre de la vente conclue le 28 juillet 2018 ayant pour objet un tracteur Fergusson immatriculé [Immatriculation 4] assortis des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2018,
- débouter [E] [L] de toutes ses demandes contraires,
- condamner [E] [L] à payer 236,94 euros de frais de déplacement,
- condamner [E] [L] à payer 1 000 euros pour résistance abusive,
- condamner [E] [L] à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 2 000 euros en appel,
- condamner [E] [L] aux entiers dépens de l'instance comprenant 189,20 euros de sommation interpellative.
L'appelant expose qu'il ne connaissait pas la situation de [E] [L] qui est incarcéré depuis 2019 et se trouvait à la maison d'arrêt de [Localité 6]-[Localité 8] et désormais à celle d'[Localité 3]. Il fait valoir qu'il a régularisé un écrit de vente en janvier 2019 ; il lui a fait sommation interpellative le 1er juillet 2021 à [Localité 3] à laquelle [E] [L] n'a pas contesté le prix qu'il demande et il s'est engagé à le payer, tout en précisant qu'il avait déjà revendu le tracteur.
Selon dernières conclusions visées au greffe le 4 janvier 2022, [E] [L] demande de :
- débouter [O] [Y] de toutes ses demandes en cause d'appel,
- réformer le jugement sauf en ce que le tribunal a débouté [O] [Y] de sa demande en paiement de 236,94 euros de frais de déplacement et jugeant à nouveau, de :
principalement,
- rejeter les demandes de résolution du contrat de vente, de restitution du véhicule sous astreinte, de paiement du prix de vente du véhicule, de dommages et intérêts pour résistance abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
subsidiairement,
- lui accorder un report de paiement de 24 mois à compter du caractère définitif de l'arrêt à intervenir ou encore de 250 euros durant 24 mois,
en tout état de cause, de :
- dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles en appel.
L'intimé expose que le prix était de 4 000 euros et qu'il a encore cédé l'engin agricole ; il précise que son domicile est à [Localité 7] (Gironde) et qu'il a déclaré en première instance son adresse à la maison d'arrêt départementale à [Localité 8] (33). Il fait valoir que [O] [Y] ne rapporte pas la preuve des conditions du contrat au prix de 8 000 euros et que la remise du tracteur fait présumer le versement du prix.
Le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction de la procédure par ordonnance du 17 août 2022.
MOTIFS
1/ Sur la recevabilité de l'appel :
Il ressort de la procédure que [O] [Y] savait depuis la signification de l'exploit introductif d'instance que [E] [L] était incarcéré ; par contre, il ignorait jusqu'au 1er juillet 2021, jour de la sommation interpellative, que le tracteur était revendu.
L'intérêt de l'appelant est de modifier le dispositif du titre exécutoire de la restitution du tracteur litigieux en considération de l'élément nouveau aux débats de la dernière cession du tracteur.
L'appel est recevable.
2/ Sur la résolution de la vente :
Les articles 1650 et 1654 du code civil disposent :
"La principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente."
et
"Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente".
En l'espèce, [E] [L] a fait l'aveu extra judiciaire, en réponse aux questions de Me [T] huissier de justice à [Localité 3] à la sommation interpellative, suivant : " Non, je ne possède plus le tracteur il est parti à la ferraille dans le centre de la France. Je l'ai vendu à une société dont je ne me souviens pas du nom. Donc je ne l'ai plus, par contre, je m'engage à régler le tracteur à ma sortie", soit qu'il reconnaît un fait juridique qui emporte la conséquence contre lui qu'il doit encore payer le prix du tracteur Fergusson objet de la vente du 28 juin 2018, à [O] [Y].
Si la remise du tracteur présume du paiement du prix, l'aveu du 1er juillet 2021 présume que le prix stipulé à 8 000 euros est encore dû.
L'accord des parties, signé le 28 juillet 2018, prévoit deux versements mensuels de 4 000 euros chacun. Toutefois, cet écrit pré-rédigé à St Sylvestre le 21 août 2018 est surchargé à l'exemplaire du vendeur de la date du 28 juillet 2018 et complété " le mois février 4000 2ème mars 4 000 sur 2 mois ". L'incohérence des dates au document conduit à écarter cette pièce des débats au principal.
Au subsidiaire, [O] [Y] et [E] [L] reconnaît un montant de 4 000 euros du prix ; [E] [L] sera condamné à payer cette somme à [O] [Y].
Le jugement sera réformé de ce chef.
3/ Sur les accessoires :
En l'état du doute sur le document contractuel, le montant des frais de déplacement de janvier 2019 allégués à cet effet, doit être rejeté. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le comportement de [E] [L] caractérise la résistance à s'acquitter de sa dette ; la réparation de l'abus à hauteur du dixième de la vente est justifiée. Le jugement sera confirmé de ce chef.
La situation de détenu de [E] [L] justifie un délai de grâce de 24 mois, comme au dispositif. Le jugement sera complété de ce chef.
4/ Sur les dépens :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, [E] [L] qui succombe en appel comme en première instance les supportera derechef ; le jugement sera confirmé et complété de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Reçoit [O] [Y] en son appel,
Infirme le jugement, sauf la résolution, les dommages et intérêts, le non-paiement des frais de déplacement, les dépens et les frais irrépétibles et,
jugeant à nouveau le surplus :
Condamne [E] [L] à payer à [O] [Y] la somme de 4 000 euros au titre de la vente du 28 juillet 2018 du tracteur Fergusson immatriculé 6533RB47 et les intérêts au taux légal à dater du 28 juillet 2018,
Dit que [E] [L] pourra se libérer de cette somme en 24 mensualités, la 1ère suivant la signification du présent arrêt, et les 22 suivantes de 167 euros outre la dernière suivante de 159 euros,
Dit qu'à défaut du paiement mensuel d'une seule mensualité, le délai sera caduc et le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
y ajoutant,
Condamne [E] [L] aux dépens qui comprendront le coût de 189,20 euros de la sommation d'huissier du 1er juillet 2021 de Me [T],
Condamne [E] [L] à payer à [O] [Y] 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Conseiller,