ARRÊT DU
26 Avril 2023
JYS / NC
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N° RG 21/00677
N° Portalis DBVO-V-B7F -C47D
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[R] [C] [O]
C/
GFA DE [Adresse 7]
[V] [H]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 195-23
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [R] [C] [O]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 7]
[Localité 5]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/02726 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représentée par Me Ludovic VALAY, SELARL VALAY - BELACEL - DELBREL - CERDAN, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un jugement du Juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de VILLENEUVE SUR LOT en date du 02 avril 2021, RG 11-20-000154
D'une part,
ET :
GFA DE [Adresse 7] pris en la personne de son gérant actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS AGEN 317 441 939
[Adresse 7]
[Localité 5]
INTIMÉ
Monsieur [V] [H]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 8]
de nationalité française, enseignant
domicilié : [Adresse 3]
[Localité 4]
INTERVENANT VOLONTAIRE
tous deux représentés par Me Anne-Sophie RIGAL, avocate au barreau d'AGEN
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 07 septembre 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS
Le 17 mars 2009, Mme [R] [O], vivait en concubinage avec [Z] [U] qui gérait l'exploitation de [Adresse 7] de 40 ha à [Localité 5] (Lot-et-Garonne) en groupement foncier agricole avec sa fratrie ; il avait pris à bail en 2009 le logement de type 2 annexe à la maison domaniale contre un loyer mensuel de 200 euros ; il s'est suicidé en 2018. Le 7 septembre 2020, Mme [R] [O] a reçu un congé pour vente par l'huissier du GFA [Adresse 7] géré par un frère [K] [U], avec offre de reprise au prix de 35 000 euros. Depuis un acte du 15 avril 2022, les terres du GFA, sont vendues au prix de 160 000 euros à M. [V] [H] mais Mme [R] [O] est restée dans les lieux.
Suivant assignation délivrée le 28 octobre 2020 au GFA de [Adresse 7], Mme [R] [O] avait saisi le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Villeneuve-sur-Lot sur le fondement de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 pour principalement, prononcer la nullité du congé pour vendre du GFA.
Par jugement contradictoire du 2 avril 2021, le tribunal a :
- débouté Mme [R] [O] de l'ensemble de son argumentation pour obtenir l'annulation du congé pour vendre qui lui a été délivré le 7 septembre 2020,
- débouté [R] [O] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné [R] [O] à payer au GFA de [Adresse 7] la somme de 108 euros au titre des loyers et charges non réglés,
- débouté le GFA de [Adresse 7] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné [R] [O] à payer au GFA de [Adresse 7] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [R] [O] aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté l'ensemble des autres demandes.
Pour débouter [R] [O], le tribunal a jugé que l'acte de l'huissier indique clairement la désignation du bien, à la seule omission d'une cave dont la location est douteuse et à défaut par elle de prouver qu'un jardin et une terrasse, non mentionnés à l'acte, sont aussi dans son bail ; le lotissement n'oblige pas au stade du congé à un état descriptif de division ni un règlement de copropriété. Le propriétaire vendeur indique un prix du bien qui n'est pas excessif compte tenu d'une évaluation notariale.
PROCÉDURE
Suivant déclaration au greffe, Mme [R] [O] a fait appel de tous les chefs, sauf le débouté du GFA de [Adresse 7] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de dispositif du jugement dont il s'agit, le 28 juin 2021 ; elle a intimé le GFA de [Adresse 7].
Selon conclusions visées au greffe le 2 août 2022, Mme [R] [O] demande d'infirmer le jugement dans ses dispositions concernant la nullité du congé et la condamnation à payer 108 euros et, jugeant à nouveau, de :
- condamner le GFA et [V] [H] à payer 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel.
L'appelante expose que le logement annexe à la maison principale est aménagé dans le garage à voiture avec une pièce attenante, le plan annexé à l'exploit ne correspondant pas à la réalité du bien loué en raison de l'absence de limites de copropriété et il est indécent. Elle fait valoir que d'une part, la description du bien sans les diagnostics réglementaires ni le détail des charges de copropriété à prévoir l'empêche de soumettre le projet à un organisme financier pour lever l'option d'achat et d'autre part l'indécence du logement anéantit le prix du bail qui ne peut pas servir de base à l'estimation immobilière. Elle communique une évaluation de M. [N], expert immobilier du 31 mai 2022 à 15 600 euros nets de 80 % de vétusté pour une superficie de 60 m² comprenant les extérieurs. Accessoirement, elle précise qu'elle a reçu le 16 septembre 2020 un avis à tiers détenteur des montants des loyers, dont elle ne règle qu'un reliquat mensuel de 27 euros, par la Trésorerie de [Localité 9] pour le paiement de 3 299 euros d'impôt foncier dû par M. [H].
Selon conclusions d'intervention volontaire visées au greffe le 28 juin 2022 puis, selon conclusions visées au greffe le 9 août 2022, [V] [H] et le GFA de [Adresse 7] demandent de :
- prendre acte de l'intervention volontaire de S. [H],
- débouter Mme [R] [O] de son appel et l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et confirmer le jugement,
- prendre acte que le GFA renonce au bénéfice de la somme de 108 euros au titre des loyers et charges non réglés, à laquelle elle a été condamnée,
- ordonner la libération des lieux et à défaut, l'expulsion de Mme [R] [O] et de tout occupant de son chef avec au besoin le concours de la force publique,
les accueillant en leur appel incident et réformant le jugement en ce qu'il les a déboutés de la demande de dommages et intérêts et jugeant à nouveau, de :
- condamner [R] [O] à verser conjointement au GFA et à [V] [H] 2 000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner [R] [O] à verser conjointement au GFA et à [V] [H] 2 000 euros chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les intimés exposent que Mme [O] occupe tous les biens du GFA et a ajouté cave et terrasse à son propre exemplaire du bail qu'elle a communiqué en première instance ; elle a fait poser des serrures sur les portes de la maison principale et de sa cave, elle a dû être sommée le 9 juillet 2019 de respecter le bail en cours en libérant les locaux et terrains qu'elle occupe sans droit ni titre, sans succès. Ils font valoir que la réglementation n'exige pas la déclaration de la surface à vendre ni le lotissement préalable et que le prix, qui est libre, est fondé sur l'évaluation d'un notaire. Accessoirement, ils précisent qu'ils n'ont pas reçu les courriers des Finances Publiques adressés au siège du GFA, dont Mme [O] s'est aussi approprié la boîte à lettres.
Par ordonnance du 17 août 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure et fixé l'affaire à plaider le 7 septembre 2022.
MOTIFS
1/ Sur l'intervention volontaire de M. [V] [H] :
[V] [H] a qualité et intérêt à agir en cause d'appel sur le sort du congé pour vendre par lequel il a acquis le patrimoine du GFA de [Adresse 7].
2/ Sur le congé :
L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dispose :
" II. - Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. Les dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement.
A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.
Le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l'adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n'a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.
Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux actes intervenants entre parents jusqu'au troisième degré inclus, sous la condition que l'acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l'expiration du délai de préavis, ni aux actes portant sur les immeubles mentionnés au 1° de l'article L. 126-17 du code de la construction et de l'habitation.
Dans les cas de congés pour vente prévus à l'article 11-1, l'offre de vente au profit du locataire est dissociée du congé. En outre, le non-respect de l'une des obligations relatives au congé pour vente d'un accord conclu en application de l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, et rendu obligatoire par décret, donne lieu à l'annulation du congé.
Est nul de plein droit le congé pour vente délivré au locataire en violation de l'engagement de prorogation des contrats de bail en cours, mentionné au premier alinéa du A du I de l'article 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation".
Il convient de rappeler que le tribunal a jugé :
- sur la description des lieux : que Mme [R] [O] ne peut valablement soutenir que le congé aux fins de vente devait indiquer les millièmes de copropriété dès lors qu'il est constant que le règlement de copropriété et l'état descriptif de division de l'immeuble en copropriété n'entrent pas dans les prévisions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et qu'aucune disposition réglementaire ni légale n'oblige à mentionner la superficie du logement dans le congé pour vendre ; qu'au surplus Mme [R] [O] ne produit pas suffisamment d'éléments de preuve permettant d'établir qu'elle jouirait au titre du bail conclu d'un jardin plus grand ou d'une terrasse qui ne seraient pas mentionnés à l'acte de congé ;
- sur le prix de vente : que Mme [R] [O] ne peut valablement soutenir que le prix proposé est excessif au simple motif que l'état de son logement est délabré et nécessite des travaux dès lors que le bailleur verse aux débats une évaluation notariale sur la rentabilité du logement pour déterminer la valeur du bien et qu'aucun autre élément, attestation de valeur ou évaluation immobilière, n'est produit par elle permettant de critiquer le prix défini pour en arrêter un nouveau.
C'est avec des motifs adaptés que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal a rejeté la nullité dudit congé.
Il conviendra d'ajouter :
- sur la description des lieux qu'en droit, l'arrêté du 13 décembre 2017 relatif au contenu de la notice d'information sur les obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation prévoit en son article 2-2-3 que le congé doit décrire exactement les locaux loués et leurs dépendances éventuelles sans l'obligation d'avoir à mentionner la superficie ; qu'en l'espèce, Mme [R] [O], qui ne communique plus son exemplaire du contrat de bail d'habitation, s'était attribuée unilatéralement des superficies au risque de fausser la juste évaluation du bien ;
- sur le prix de vente, que nonobstant, le bien a été vendu à M [V] [H] au prix de 35 000 euros pour le bâti occupé sans cave ni terrasse et 125 000 euros pour les terres conformément à l'évaluation de Me [E], notaire chargé de la vente, à l'acte de congé avec offre de rachat ; que Mme [R] [O] pouvait accepter l'offre en discutant le prix dans les deux mois de la signification de l'acte, tout en disposant à la notification de l'acceptation de [V] [H] d'un nouveau délai d'un mois pour négocier à l'appui de la conclusion du rapport de M. [N], ce qu'elle n'a pas fait ;
- qu'au surplus, ce rapport n'est pas contradictoire et n'a pas valeur d'expertise en l'absence d'élément extrinsèque et qu'il ne s'impose ni aux parties [Adresse 7] et [H] ni à la juridiction.
Il s'ensuit que la nullité du congé n'est pas justifiée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3/ Sur les arriérés de loyers :
Il convient de prendre acte du désistement en appel de ce chef de demande des parties intimées et en conséquence de faire droit à la demande d'infirmation de la partie appelante.
4/ Sur les dommages et intérêts :
Il ne ressort de la procédure la preuve de la commission d'aucune faute des parties GFA de [Adresse 7] et [H] au fondement de la demande au titre de la nullité de Mme [R] [O]. En conséquence, la demande au titre de l'abus du congé pour vendre sera rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.
Il ne ressort pas de la procédure une faute de Mme [R] [O] dans sa défense au congé pour vendre. Les parties [Adresse 7] et [H] seront déboutées à ce titre et le jugement sera confirmé de ce chef.
5/ Sur l'expulsion de Mme [R] [O] :
En conséquence du deuxième alinéa du II de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, le congé, à l'expiration du délai de préemption non exercé du locataire, entraîne de plein droit la perte de tout droit d'occupation sur le local. En conséquence, le départ des lieux de Mme [R] [O] sera ordonné comme au dispositif.
6/ Sur les dépens :
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [R] [O] qui succombe au principal de ses prétentions les supportera entièrement en appel, comme en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Reçoit [V] [H] en son intervention,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf la condamnation de Mme [R] [O] à payer 108 euros au GFA de [Adresse 7] au titre des arriérés de loyers impayés,
Jugeant à nouveau le chef non confirmé,
Constate le désistement de GFA de [Adresse 7] et de [V] [H] du chef des arriérés de loyers impayés,
Y ajoutant,
Ordonne la libération des lieux par [R] [O] et à défaut son expulsion et celle de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique,
Ordonne l'expulsion de ainsi que de tout occupant de son chef, de la propriété occupée sans droit ni titre, située au groupement foncier agricole de [Adresse 7] à [Localité 5] (Lot-et-Garonne) avec le concours de la force publique et d'un serrurier, dans les délais et formes définis aux articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Condamne [R] [O] à payer au GFA de [Adresse 7] et à [V] [H], une indemnité mensuelle d'occupation de 200 Euros à compter du 4 août 2021 et ce, jusqu'à la date de libération effective des lieux,
Dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L. 433-1 à L. 433-3 du code des procédures civiles d'exécution,
Condamne [R] [O] aux dépens d'appel et à payer au GFA de [Adresse 7] et [V] [H], chacun, 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Conseiller,