ARRÊT DU
05 Avril 2023
JYS / NC
---------------------
N° RG 21/00853
N° Portalis DBVO-V-B7F -C5VC
---------------------
[N] [E] épouse [E]
C/
[J] [C]
------------------
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 158-23
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [N] [E] épouse [E]
née le 17 février 1969 à [Localité 6] ([Localité 6])
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Arnaud Silvère YANSOUNOU, membre associé de la SELARL YANSOUNOU, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 22 Juillet 2021, RG 19/01775
D'une part,
ET :
Monsieur [J] [C]
né le 20 avril 1945 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité française, retraité
domicilié : [Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Clara BOLAC, SCP D'ARGAIGNON-BOLAC, avocate au barreau du GERS
INTIMÉ
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 mai 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
Mme [N] [E] épouse [E] a hérité de son père [B], décédé en 2018, une maison d'habitation à [Localité 6] (Lot-et-Garonne), prêtée à [J] [C], qu'elle dit vouloir vendre. Le locataire n'a pas quitté les lieux malgré qu'elle le lui a demandé par lettre recommandée du 1er juillet 2019 pour le 30 septembre suivant et qu'elle l'a réitérée le 3 septembre 2019.
Suivant acte d'huissier délivré le 22 octobre 2019, Mme [N] [E] épouse [E] a fait assigner [J] [C] devant le tribunal judiciaire d'Agen sur le fondement des articles 544 et 1875 du code civil, pour être condamné au principal à lui verser une indemnité d'occupation de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2019 jusqu'à la libération complète des lieux à titre de jouissance de l'immeuble sis commune de Tonneins (Lot-et-Garonne) lieu-dit 'Courage', ordonner son expulsion et le condamner à lui payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement contradictoire du 22 juillet 2021, le tribunal a :
- débouté [N] [E] épouse [E] de sa demande d'indemnité d'occupation et de sa demande d'expulsion,
- débouté [N] [E] épouse [E] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné [X] [E] épouse [E] aux dépens,
- condamné [X] [E] épouse [E] à payer à J.-J. [C] 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour débouter, le tribunal a jugé qu'il ressort des pièces débattues que suivant six tiers témoins, [B] [E] avait convenu d'une mise à disposition viagère de son bien à son ancien ouvrier J.-J. [C] ; l'attestation contraire de [G] [E], frère de feu [B] et celles d'[D] [E], fille d'[N] et de [W] [E], mari de cette dernière, ne peuvent avoir la même objectivité.
Suivant déclaration au greffe de la cour, Mme [X] [E] a fait appel de tous les chefs du jugement, le 27 août 2021 ; elle a intimé J.-J. [C].
Selon dernières conclusions visées au greffe le 23 mars 2022, Mme [X] [E] demande, infirmant le jugement et, abstraction faite des 'dire et constater' qui ne sont pas des prétentions mais des moyens, de :
- condamner J.-J. [C] à lui verser une indemnité d'occupation de 500 euros par mois à compter du 1er janvier 2019 jusqu'à la libération complète des lieux à titre de jouissance de l'immeuble,
- ordonner l'expulsion de J.-J. [C] de l'immeuble ainsi que tous occupants de son chef avec si nécessaire, le concours de la force publique,
- condamner J.-J. [C] à lui payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner J.-J. [C] aux dépens et à lui payer 3 000 euros en dédommagement des frais exposés dans la défense de ses intérêts au procès.
L'appelante expose que les attestations à l'appui ne prouvent pas le caractère viager du prêt à usage de la maison car sa famille atteste que son père a toujours indiqué que tous ses biens lui reviendraient à sa mort ; le commodat n'étant que la contrepartie du vivant de [B] [E] des services de J.-J. [C], ce dernier est désormais occupant sans droit ni titre. Elle fait valoir que lorsqu'aucun terme n'est convenu sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment.
Selon dernières conclusions visées au greffe le 24 mars 2022, J.-J. [C] demande, confirmant le jugement et, abstraction faite des 'dire' qui ne sont pas des prétentions mais des moyens, de :
- débouter Mme [X] [E] de ses demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation,
- débouter Mme [X] [E] de ses demandes en dommages et intérêts et en frais,
- condamner Mme [X] [E] au paiement de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'intimé expose qu'il ressort de tous les témoignages, sauf ceux du frère, du mari et de la fille d'[N] [E] que [B] [E] avait fixé le décès de son ami comme terme du prêt à usage. Lui-même a toujours travaillé pour le défunt sans contrepartie et il remplit son obligation en entretenant encore sa maison. Il fait valoir que le terme du contrat n'est pas indéterminé puisqu'il est jusqu'à la fin de sa propre vie d'emprunteur.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée du 13 avril 2022 par ordonnance du conseiller de la mise en état du même jour fixant l'affaire à plaider.
MOTIFS
1 / Sur le prêt à usage :
Les articles 1879, 1888 et 1889 du code civil disposent :
"Les engagements qui se forment par le commodat passent aux héritiers de celui qui prête, et aux héritiers de celui qui emprunte.
Mais si l'on n'a prêté qu'en considération de l'emprunteur, et à lui personnellement, alors ses héritiers ne peuvent continuer de jouir de la chose prêtée"
et
"Le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée. "
et
"Néanmoins, si, pendant ce délai, ou avant que le besoin de l'emprunteur ait cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de sa chose, le juge peut, suivant les circonstances, obliger l'emprunteur à la lui rendre. "
C'est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal a débouté [N] [E] de son action.
Il suffira de rappeler qu'il ressort de six témoignages que les attestants soutiennent à l'instar de M. [T] [R], retraité, que : "M. [C] J. [F] a travaillé pendant des années pour M. [E] pour le travail des terres agricoles et le garage. Je certifie en outre que monsieur [E] [B] m'a dit que pour l'achat de la maison ou loge actuellement monsieur [C] il l'achète pour loger j. [F] [C] pour le reste de ses jours pour services rendus". En l'espèce, la mort de J.-J. [C], et non celle de [B] [E], est bien l'élément de la convention orale dont la réalisation est prévisible ; elle représente bien le terme légal du prêt à usage dont il s'agit, indépendamment de son jour incertain.
Les demandes, principale et accessoires, d'[N] [E] sont mal fondées et le jugement sera confirmé.
2 / Sur les dépens :
Mme [X] [E] qui succombe derechef en instance d'appel, les supportera entièrement.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Condamne [N] [E] épouse [E] aux dépens d'appel et à payer à [J] [C] 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Conseiller,