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22/03/2023 | FRANCE | N°21/00986

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 22 mars 2023, 21/00986


ARRÊT DU

22 Mars 2023





DB / NC





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N° RG 21/00986

N° Portalis DBVO-V-B7F -C6ET

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[V] [D]



[Z] [J]



[I] [B] épouse [J]



C/



[N] [U]



[G] [K]



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GROSSES le

aux avocats









ARRÊT n° 117-2023











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Monsieur [V] [T] [A] [D]

né le 16 mai 1956 à [Localité 8] (MAROC)

de nationalité française, retraité



Monsieur [Z] [W] [J]

né le 05 août 1950 à [Localité 10]

de nationalité française, retraité...

ARRÊT DU

22 Mars 2023

DB / NC

---------------------

N° RG 21/00986

N° Portalis DBVO-V-B7F -C6ET

---------------------

[V] [D]

[Z] [J]

[I] [B] épouse [J]

C/

[N] [U]

[G] [K]

------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 117-2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [V] [T] [A] [D]

né le 16 mai 1956 à [Localité 8] (MAROC)

de nationalité française, retraité

Monsieur [Z] [W] [J]

né le 05 août 1950 à [Localité 10]

de nationalité française, retraité

Madame [I] [M] [L] [B] épouse [J]

née le 10 juillet 1953 à [Localité 10]

de nationalité française, retraitée

tous domiciliés : [Adresse 5]

[Adresse 5]

représentés par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulant au barreau d'AGEN

et Me Mélanie LE NORMAND-ROUSSEL, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE

APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 17 septembre 2021, RG 19/0331

D'une part,

ET :

Madame [N] [U]

née le 05 août 1978 à [Localité 9] (Lot)

de nationalité française, employée

domiciliée : [Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Laurent BELOU, SELARL Cabinet Laurent BELOU, avocat au barreau du LOT

Madame [G] [H] [M] [K]

née le 02 août 1953 à [Localité 9] (46)

de nationalité française, retraitée

domiciliée : [Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat au barreau d'AGEN

INTIMÉES

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 janvier 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Cyril VIDALIE, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Par acte authentique établi le 27 avril 2015, [G] [K], a vendu à [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] (en nue-propriété pour les premiers et en usufruit pour le dernier) une maison d'habitation située [Adresse 6] (46), cadastrée section [Cadastre 7], [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], composée au rez-de-chaussée d'une cuisine, dégagement, salle d'eau salon, et à l'étage d'une chambre avec dégagement.

Le prix a été fixé à 90 000 Euros payé comptant.

Mme [K] avait acquis cette maison le 4 janvier 2012 et procédé à sa restauration.

Initialement, cette maison provenait de la division d'un ancien bâtiment à usage agricole appartenant à la famille [K].

Par acte authentique du 4 juillet 2017, [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] ont revendu l'immeuble à [N] [U].

Cet acte a porté à la connaissance de Mme [U] qu'un dégât des eaux était intervenu le 30 avril 2017, que les lieux avaient été remis en état suite à la prise en charge du sinistre par la compagnie GMF Assurances, et 'que l'acquéreur a constaté dès avant ce jour la remise en ordre des lieux à l'exception d'une odeur persistante au niveau de la salle de bain constatée ce jour'.

Ayant constaté des traces d'humidité, des mauvaises odeurs, des défectuosités des gouttières et un réseau d'évacuation d'eaux usées non signalé, elle a fait examiner l'immeuble par [S] [X] qui a établi un compte rendu le 13 octobre 2017.

Elle a également fait procéder à un constat d'huissier.

Par acte du 14 février 2018, elle a fait assigner [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Cahors.

Ces derniers ont appelé en cause [G] [K].

Par ordonnance du 25 avril 2018, le juge des référés a ordonné une expertise des désordres invoqués confiée à [J] [Y], architecte.

M. [Y] a déposé son rapport le 9 mars 2019.

Ses conclusions sont les suivantes :

- l'immeuble présente des défauts :

* mauvaises odeurs et humidité dans la salle de bain, le séjour et la chambre, suite à un défaut de ventilation, celle-ci n'étant pas conforme à la réglementation, ce qui est imputable aux travaux effectués par Mme [K],

* scellement de la bonde de la douche provoquant une difficulté de nettoyage du siphon.

* existence sous la maison et le terrain d'une canalisation d'eaux usées et d'eaux pluviales commune à 4 logements, sur laquelle la maison est raccordée,

* gouttière vétuste.

- le coût de réfection de ces défauts est de 500 Euros.

Par acte du 30 avril 2019 publié au fichier immobilier, Mme [U] a fait assigner [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] devant le tribunal de grande instance de Cahors afin de voir prononcer la résolution de la vente et d'obtenir paiement de dommages et intérêts, en expliquant que l'immeuble qu'elle a acquis est grevé d'une servitude de canalisation qui n'a pas été portée à sa connaissance.

Par acte du 30 avril 2019, [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] ont appelé [G] [K] en garantie.

Par jugement rendu le 17 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Cahors a :

- Vu l'article 1638 du code civil,

- prononcé pour servitude cachée non déclarée la résolution de la vente intervenue par acte du 4 juillet 2017 entre Mme [N] [U] et les consorts [V] [D] - époux [W] [J] portant sur une maison d'habitation sise [Adresse 6]), cadastrée section [Cadastre 7], [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], d'une surface totale de 05a 64ca, et par voie de suite celle de la vente du 27 avril 2015 conclue entre les consorts [D]-[J] et Mme [G] [K] portant sur le même bien,

- condamné in solidum les consorts [V] [D] - époux [W] [J] à payer à Mme [N] [U] les sommes de 97 000 Euros et 5 729 Euros, ainsi que celles de 2 877,93 Euros au titre des intérêts bancaires versés et 663,16 Euros pour les taxes foncières, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ainsi que celle de 1 250 Euros à titre de dommages et intérêts, celle de 300,09 Euros au titre du constat d'huissier et celle de 600 Euros au titre de la consultation de M. [X],

- condamné Mme [G] [K] à payer aux consorts [D]-[J] en suite de la résolution de l'acte du 27 avril 2015 les sommes de 90 000 Euros et 5 316 Euros, ainsi que celles de 244 Euros pour la taxe foncière, avec intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt des conclusions sollicitant la résolution de leur acte, ainsi que celle de 1 250 Euros à titre de dommages et intérêts,

- précisé toutefois que le transfert effectif de propriété et l'inscription du bien au nom de Mme [K] au fichier tenu à la Conservation des hypothèques de [Localité 9] seront subordonnés à la production, par elle, d'une part de la justification du caractère définitif du jugement, d'autre part d'une attestation du notaire ayant authentifié la vente entre elle-même et les consorts [D]-[J] et justifiant du paiement à ceux-ci des sommes qui leurs sont dues aux termes du jugement,

- dit n'y avoir lieu à assortir le jugement de l'exécution provisoire,

- condamné les consorts [D]-[J] à payer à Mme [U] la somme de 2 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et Mme [G] [K] au paiement de la même somme au profit des consorts [D]-[J],

- débouté ces derniers du surplus de leurs demandes vis-à-vis de Mme [K],

- condamné Mme [G] [K] aux dépens de la procédure en ceux compris les frais du constat de M. [X] et de l'expertise judiciaire.

Le tribunal a estimé que Mme [U] n'était pas informée de l'existence de la servitude de canalisation qui doit être considérée comme pesant lourdement sur le fonds acquis, notamment du fait qu'elle est de nature à empêcher la réalisation de travaux, même si le réseau ne présente pas de dysfonctionnement actuel ; que le contrat ne contient pas de clause de non-garantie en cas de servitude cachée ; que la résolution de la vente à Mme [U] est encourue et, pour les mêmes motifs, la résolution de la vente précédente.

Par acte du 28 octobre 2021, [V] [D], [Z] [J] et [I] [B] épouse [J] ont déclaré former appel du jugement en désignant [N] [U] et [G] [K] en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'ils citent dans leur acte d'appel, et sur le rejet de leurs demandes.

La clôture a été prononcée le 23 novembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 2 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 7 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [V] [D], [Z] [J] et [I] [B] épouse [J] présentent l'argumentation suivante :

- L'article 1638 du code civil ne peut trouver application :

* ce texte suppose qu'il existe une servitude non apparente d'une telle gravité que l'acquéreur n'aurait pas acheté le bien s'il en avait été informé.

* la servitude retenue par le tribunal ne repose sur aucun titre et ne résulte que des constatations unilatérales et non-contradictoires de M. [X] qui ne pouvaient fonder la décision.

* contrairement à ce qu'a estimé M. [X], l'expertise de M. [Y] indique que la canalisation litigieuse reçoit les eaux de la cuisine de Mme [U] qui dessert également trois logements en amont, mais l'expert judiciaire n'a pas vérifié si ceux-ci déversent leurs eaux usées dans cette canalisation.

* l'expert judiciaire s'est limité au raccordement de l'évacuation de la salle de bain au réseau public d'assainissement et a réalisé un croquis qui détermine des emplacements en réalité hypothétiques.

* aucune investigation approfondie n'a eu lieu sur ce point et le tribunal s'est contenté de suppositions.

* en tout état de cause, cette canalisation ne diminue pas la jouissance de la maison et Mme [U] ne prétend pas avoir été empêchée de démolir ou de construire de sorte qu'il ne peut être présumé qu'elle n'aurait pas acquis la maison si elle avait connu l'existence de cette canalisation.

* il n'existe aucun lien entre le dégât des eaux survenu juste avant la vente à Mme [U] et la canalisation en litige qui fonctionne normalement et qui ne dévalorise pas l'immeuble.

* en réalité, Mme [U] a laissé le bien se dégrader sans procéder aux travaux, minimes, relevés par l'expert.

- L'acte de vente contient une clause de non-garantie qui doit recevoir application :

* ils n'avaient aucune connaissance de la servitude invoquée, l'immeuble n'ayant été occupé que brièvement par [V] [D] et revendu du fait d'une grave maladie de son épouse et de l'arrêt prématuré de son activité professionnelle.

* l'acte contient une clause d'acceptation de l'immeuble en son état actuel sans recours pour quelque cause que ce soit contre le vendeur.

- Subsidiairement, ils devraient être garantis par Mme [K] :

* la résolution de la vente du 27 avril 2015 devrait être confirmée pour les mêmes motifs, comme l'a admis le tribunal.

* Mme [K] devrait alors leur verser 90 000 Euros (prix de vente) + 5 226 Euros (droits de mutation) + 90 Euros (contribution de sécurité immobilière) + 244 Euros (taxe foncière).

* les dommages et intérêts alloués à Mme [U] pour un montant limité à 1 250 Euros devraient également être imputés à Mme [K] qui doit les relever indemnes de toutes condamnations mises à leur charge.

- La restriction apportée par le tribunal quant au transfert de propriété et à la publication doit être infirmée :

* elle revient à permettre à Mme [K] en ne payant pas le prix de vente, de les priver de la restitution du bien qui resterait entre les mains de Mme [U].

* c'est une autre restriction qui doit être prévue.

- Ils ont subi un préjudice moral :

* ils ont été accusés de tromperie alors que Mme [U] a pu librement accéder au bien avant de l'acquérir et y entreposer ses meubles.

* l'état de santé de Mme [J] s'est aggravé.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

- réformer le jugement,

- débouter [G] [K] et [N] [U] de toutes leurs demandes,

- condamner [N] [U] à leur payer la somme de 8 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de référé-expertise de première instance et d'appel,

- à titre subsidiaire :

- rejeter les demandes de [G] [K],

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 27 avril 2015 par suite de celle du 4 juillet 2017 et condamné [G] [K] à leur payer les sommes de 90 000 Euros, 5 316 Euros et 244 Euros à compter les conclusions sollicitant la résolution,

- rejeter les demandes présentées par Mme [U] et confirmer sa condamnation à leur payer la somme de 1 250 Euros,

- réformer le jugement en ce qu'il a précisé que le transfert effectif de propriété et l'inscription du bien au nom de Mme [K] au fichier tenu à la Conservation des hypothèques de [Localité 9] seront subordonnés à la production, par elle, d'une part de la justification du caractère définitif du jugement, d'autre part d'une attestation du notaire ayant authentifié la vente entre elle-même et les consorts [D]-[J],

- dire que ce transfert et cette inscription sont subordonnés à la justification du paiement des sommes due à [N] [U] et à eux-mêmes,

- condamner [G] [K] à les relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre à tous les titres et à leur payer la somme de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts, outre 8 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et mettre les dépens à sa charge.

Par dernières conclusions notifiées le 8 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [N] [U] présente l'argumentation suivante :

- La résolution de la vente doit être prononcée :

* l'expert a constaté la présence d'un regard sur sa propriété, qui collecte les eaux usées de trois logements voisins de sorte qu'il existe une canalisation commune dont elle n'avait pas connaissance et qui constitue une servitude.

* cette canalisation dessert une maison d'habitation, un studio et un T3 avant de passer sous sa cuisine, comme l'indique le croquis établi par l'expert judiciaire.

* M. [X] a mis en évidence que les eaux vannes et usées des trois autres logements passent dans la canalisation située sous son terrain.

* les autres parties n'ont jamais réellement contesté ces constatations.

* son terrain est ainsi grevé d'une charge importante dont elle ignorait l'existence et qui est de nature à compromettre toute revente au point que l'agence Immo46 a évalué la maison à 30 000 Euros.

* étant en fin de réseau, tout problème affectant cette canalisation impactera sa propriété et pourrait aboutir à engendrer des travaux de destruction de l'immeuble bâti.

* un dégât des eaux s'est d'ailleurs produit peu de temps avant qu'elle n'achète la maison et des odeurs d'égout ont été constatées par M. [X].

- La clause de non-garantie ne peut être invoquée par ses vendeurs :

* il n'existe aucune clause de non-garantie à la rubrique 'servitude' de son acte de vente.

* ses vendeurs font référence à une clause d'exclusion pour vice caché qui n'a pas le même champ d'application.

- Les conséquences de la résolution :

* les sommes suivantes doivent lui être versées :

- 97 000 Euros avec intérêts à compter de l'assignation : prix de vente

- 5 720 Euros : frais d'acte

- 2 877,93 Euros : intérêts de l'emprunt qu'elle a souscrit pour l'acquisition

- 10 000 Euros : préjudice moral et de jouissance (tracasseries, sentiment d'avoir été trompée et manipulée).

- 300,09 Euros : constat d'huissier

- 600 Euros : expertise [X]

- 60,16 Euros + 573 Euros : taxes foncières.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ses dispositions la concernant, sauf en ce qu'il a limité les dommages et intérêts qui lui ont été alloués à 1 250 Euros,

- condamner les consorts [D] - [J] à lui payer la somme de 10 000 Euros en réparation du préjudice moral et de jouissance,

- rejeter toute autre demande formée à son encontre,

- les condamner à lui payer la somme de 7 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont ceux du référé y compris l'expertise judiciaire, avec distraction.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [G] [K] présente l'argumentation suivante :

- La servitude invoquée ne provoque aucune nuisance :

* l'article 1638 du code civil subordonne la résiliation à la présence d'une servitude d'une telle importance que l'acheteur n'aurait pas acquis le bien s'il en avait eu connaissance.

* l'annulation de la seconde vente n'implique pas nécessairement l'annulation de la première.

* ses acquéreurs ont habité l'immeuble et ne se sont jamais plaints du moindre désordre.

* l'expert a confirmé cette absence de nuisances, n'attachant aucune importance à la servitude d'assainissement qui, enterrée à une profondeur de plus de 60 cm, ne génère que des risques purement hypothétiques.

* l'usage de l'immeuble n'est pas diminué et aucune construction n'est possible, la parcelle étant située en zone inondable.

- Elle ne diminue pas, non plus, la valeur de l'immeuble :

* le simple avis d'une agence immobilière ne peut prouver le contraire.

* rien n'atteste que ses acheteurs n'auraient pas acquis l'immeuble s'ils avaient connu l'existence de la servitude.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux consort [D] - [J] en suite de la résolution de l'acte du 27 avril 2015 les sommes de 90 000 Euros, 5 316 Euros, 244 Euros, 1 250 Euros et 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a précisé toutefois que le transfert effectif de propriété et l'inscription du bien au nom de Mme [K] au fichier tenu à la Conservation des hypothèques de [Localité 9] seront subordonnés à la production, par elle, d'une part de la justification du caractère définitif du jugement, d'autre part d'une attestation du notaire ayant authentifié la vente entre elle-même et les consorts [D]-[J] et justifiant du paiement à ceux-ci des sommes qui leurs sont dues aux termes du jugement,

- débouter les consorts [D]-[J] de toutes leurs demandes,

- les condamner à lui payer la somme de 5 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens en ce compris les frais du constat de M. [X] et de l'expertise judiciaire, avec distraction.

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MOTIFS :

Selon l'article 1626 du code civil, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

L'article 1638 du code civil, qui est une application de ce principe pour les servitudes, qu'invoque Mme [U], dispose :

'Si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.'

Ce texte s'applique à toutes les charges occultes à caractère réel ou personnel.

Une charge peut se définir comme un droit dont un tiers est titulaire sur une chose ou en rapport avec elle et qui est de nature à diminuer la valeur du droit de propriété acquis par l'acheteur (G. [R] et L. [F] : traité théorique et pratique de droit civil, De la vente et de l'échange).

En l'espèce, en premier lieu, M. [Y] a ainsi décrit la maison acquise par Mme [U] : maison sur un terrain de 564 m² développée sur deux niveaux :

- rez-de-chaussée : cuisine, dégagement, salle de bain, salon, surface d'environ 40 m²,

- étage : mezzanine et chambre, surface d'environ 20 m².

- murs extérieurs en maçonnerie de moellons calcaires, charpente en bois apparente supportant une couverture en tuiles céramiques, dallage béton au rez-de-chaussée, et plancher intermédiaire en bois, absence de VMC : seul un aérateur mécanique est en place dans la salle de bain avec temporisation à l'éclairage de la pièce.

Avec l'intervention de la société Descargues, il a fait procéder à des recherches de canalisations eaux usées et eaux pluviales et mis en évidence que l'évacuation de l'évier de la cuisine 'se raccorde sur la canalisation EU/EV qui dessert les trois logements en amont, immédiatement en aval du regard situé à l'intérieur de la parcelle de Mme [U]'.

II a indiqué avoir constaté 'la présence d'un regard, sur la parcelle de Mme [U], qui collecte les eaux usées des trois logements voisins. Au-delà de ce regard, il semble bien que ce soit cette canalisation commune qui est raccordée sur le tabouret EU/EV situé en limite du domaine public. De même, il semble bien que les canalisations d'évacuation de la cuisine et de la salle de bain du logement [U] soient raccordées sur cette canalisation commune' et qu'il est 'infiniment probable que la maison [U] est raccordée sur cette canalisation commune'.

Il a établi un croquis qui permet de constater que les trois logements situés en amont déversent leurs eaux usées dans une canalisation commune qui passe sous la cuisine de la maison de Mme [U] avant de rejoindre un regard extérieur.

Aucun des appelants n'a présenté à l'expert de dire contestant ces constatations ou sollicitant des investigations complémentaires.

Ils peuvent d'autant moins les contester que M. [X], dont le constat a été produit à l'expert judiciaire et aux parties qui ont pu le discuter, avait déjà constaté l'existence de cette canalisation commune en expliquant :

'Les appartements impliqués proviennent avec celui de Mme [U] de la division d'un corps de bâtiment.

Le bâtiment d'origine était raccordé au tout à l'égout par un regard situé en bordure de route devant l'accès au jardin de Mme [U].

Lors de la division du bâtiment, afin de créer plusieurs appartements et pour ne pas payer de nouveaux raccordements au réseau public, le constructeur a réalisé une canalisation longeant la façade Sud afin de collecter et d'évacuer les eaux vannes et les eaux usées des appartements créés au réseau d'égout par le seul raccordement déclaré'.

L'expert judiciaire a conclu que 'Mme [U] a acquis cette maison sans savoir qu'il existe une canalisation EU/EV commune aux quatre logements, qui circule sous sa cuisine et dans sa parcelle, pas plus qu'elle ne savait que sa propre maison est raccordée sur cette canalisation commune'.

Par conséquent, l'existence de cette canalisation est établie.

Mais, en deuxième lieu, l'acte de vente du 4 juillet 2017 contient la clause, licite, suivante :

'ETAT DU BIEN

L'acquéreur prendra le bien dans l'état où il se trouve à ce jour, tel qu'il l'a vu et visité, le vendeur s'interdisant formellement d'y apporter des modifications matérielles ou juridiques.

Il déclare que la désignation du bien figurant aux présentes correspond à ce qu'il a pu constater lors de ses visites.

Il n'aura aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison :

- des vices apparents,

- des vices cachés'.

De par l'emploi de la formule 'pour quelque cause que ce soit', cette clause exonère [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] de la garantie de l'article 1638 du code civil.

L'adverbe 'notamment' qui poursuit la phrase indique que la référence aux vices apparents ou cachés, ensuite mentionnés, ne constitue qu'un exemple des garanties objets de l'exonération, de sorte qu'elle ne peut valoir limitation de l'exonération aux vices dont l'immeuble serait atteint.

Dès lors qu'il est indiscutable que les vendeurs ne pouvaient pas avoir connaissance de l'existence de la canalisation commune, qui n'a été mise en évidence que par M. [X] puis par l'expert judiciaire, ils peuvent opposer cette clause d'exonération.

Par conséquent, l'action en garantie intentée par Mme [U] doit être rejetée, ce qui rend sans objet l'action en garantie exercée par [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] à l'encontre de Mme [K].

Le jugement doit être infirmé.

Enfin, l'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

- STATUANT A NOUVEAU,

- REJETTE l'action en garantie intentée par [N] [U] à l'encontre de [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] ;

- DIT n'y avoir lieu à statuer sur l'action en garantie intentée par [Z] [J], [I] [B] épouse [J] et [V] [D] à l'encontre de [G] [K] ;

- DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [N] [U] aux dépens de 1ère instance et d'appel.

- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00986
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.00986 ?
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