ARRÊT DU
15 Mars 2023
AB/CR
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N° RG 22/00208
N° Portalis
DBVO-V-B7G-C7JU
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GROUPAMA
CENTRE-ATLANTIQUE
C/
S.A. ENEDIS
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GROSSES le
à
ARRÊT n° 99-2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
GROUPAMA CENTRE-ATLANTIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Olivier MAILLOT, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX
APPELANTE d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 08 Mars 2022, RG 20/01976
D'une part,
ET :
S.A. ENEDIS
RCS de Nanterre n°B 444 608 442
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe BELLANDI, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Myriam ROUSSEAU, avocate plaidante inscrite au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 Février 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel interjeté le 18 mars 2022 par GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE (GROUPAMA) à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 8 mars 2022.
Vu les conclusions de GROUPAMA en date du 6 septembre 2022.
Vu les conclusions de la SA ENEDIS en date du 29 juillet 2022.
Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2022 pour l'audience de plaidoiries fixée au 6 février 2023.
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La Commune de [Localité 6] est propriétaire d'un local, sis au [Adresse 5], loué à Mme [F] [V].
La Commune de [Localité 6] est assurée, en tant que prioritaire non-occupant, auprès de la Compagnie d'assurance GROUPAMA.
Le 23 avril 2017, un incendie s'est déclaré dans les locaux loués par Mme [V]. Une expertise amiable et contradictoire a conclu que le sinistre a été causé par un échauffement au niveau du coupe-circuit principal individuel, CCPI dans le coffret ENEDIS et a évalué à 5.005,82 euros, le montant des dommages subis par l'immeuble.
Sur la base de cette évaluation et suivant quittance d'indemnité subrogative en date du 25 avril 2018, GROUPAMA a indemnisé la Commune de [Localité 6] à hauteur de la somme de 5.005,82 euros TTC.
Par courrier en date du 13 septembre 2017 réitéré, en vain, par deux lettres recommandées avec accusé de réception en date du 7 novembre 2017 et du 12 janvier 2018, GROUPAMA, subrogé dans les droits de la Commune de [Localité 6], a réclamé à ENEDIS la somme de 5.005,82 euros, correspondant au dommage subi par son assuré, en application du principe de réparation intégrale du préjudice.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier délivré le 12 novembre 2020, GROUPAMA a assigné ENEDIS devant en paiement de la somme de 5.005,82 euros.
Par jugement en date du 8 mars 2022, le tribunal judiciaire d'AGEN a :
- déclaré irrecevables les demandes formulées par à l'encontre de ENEDIS.
- condamné GROUPAMA à payer à ENEDIS la somme de 800,00 euros sur le fondement des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Compagnie d'assurance GROUPAMA aux dépens.
Le tribunal a déclaré prescrite l'action de la demanderesse, la prescription applicable étant la prescription triennale relative aux produits défectueux
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
GROUPAMA demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- la déclarer recevable et bien fondée en son action,
- constater que les dommages immobiliers subis par la Commune de [Localité 6] le 23 avril 2017 sont dus à un échauffement du Coupe-Circuit Principal Individuel sous concession ENEDIS.
- dire que la responsabilité de ENEDIS (autrefois dénommée ERDF) est engagée, en sa qualité de gardien du réseau de distribution d'électricité et du coffret contenant le CCPI, sur le fondement de l'article 1242 alinéa 2 du code civil,
- condamner ENEDIS à lui payer la somme de 5.005,82 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 janvier 2018,
- la condamner au paiement d'une indemnité de 3.000,00 euros sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et dont distraction pour ceux de la présente procédure au profit de Maître David LLAMAS.
Elle fait valoir que :
- le régime de la responsabilité du fait des produites défectueux ne trouve pas à s'appliquer, elle n'est pas producteur importateur ou vendeur du produit défectueux mais distributeur d'électricité.
- la prescription applicable est la prescription quinquennale de droit commun et son action est recevable.
Le sinistre est imputable à un échauffement du CCPI dans le coffret ENEDIS qui doit donc réparation
La SA ENEDIS demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- et par conséquent, déclarer irrecevables les demandes formulées par GROUPAMA
- la condamner à lui verser une indemnité de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- la condamner aux entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir que :
- elle est gestionnaire du réseau de distribution d'énergie électrique, elle procède aux travaux d'entretien et d'extension des réseaux de distribution placés sous sa concession, elle répond à une obligation contractuelle de moyens.
- elle transforme l'électricité, fournie à très haute ou haute tension, en électricité à basse ou moyenne tension, ce qui permet alors à l'électricité de devenir un produit en état d'être utilisé par les clients. Elle estime donc que le produit fini d'électricité, consommé est celui qui résulte de la transformation apportée par la société ENEDIS.
- le dommage résulte d'un phénomène de surtension ou modification de la tension de l'électricité distribuée qui « reprend en quelque sorte sa tension initiale ».
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Aux termes de l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Aux termes de l'article 1245-2 in fine du même code, l'électricité est considérée comme un produit.
Aux termes de l'article 12-45-16 du code civil, l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent chapitre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
ENEDIS anciennement ERDF s'est vue transférer l'ensemble des biens, autorisation droits et obligations d'EDF, relatifs à l'activité de distribution/production d'électricité : elle est le concessionnaire du réseau basse tension et chargée des opérations de transformation et de livraison du produit haute tension qui lui est livré et qui de manière fongible entre dans ses stocks de sorte qu'elle n'est plus en mesure d'identifier son producteur originaire.
Elle assure la transformation du courant haute tension qu'elle reçoit en courant moyenne et basse tension qu'elle fournit aux usagers. Elle doit donc être assimilée à un producteur au sens de l'article 1245 ; elle est tenue d'une obligation de sécurité dans le produit qu'elle fournit.
L'incendie résulte d'un incident de surtension électrique sur le réseau ayant entraîné l'incendie du coupe-circuit principal individuel situé dans le coffret ENEDIS installé dans les locaux loués par la mairie, ce qui établit le caractère défectueux du produit "électricité" livré.
La prescription applicable à l'action en réparation est la prescription triennale de l'article 1245-16.
L'assignation, diligentée par GROUPAMA à l'encontre d'ENEDIS est en date du 12 novembre 2020.
GROUPAMA subrogée dans les droits de la commune a eu connaissance du dommage à la suite de la déclaration de l'assurée le 2 mai 2017 et connaissance du défait et de l'identité du producteur après dépôt du rapport d'expertise du 13 septembre 2017.
Plus de trois ans se sont écoulés entre cette dernière date et l'assignation, l'action de GROUPAMA est donc prescrite.
Le jugement est donc confirmé.
GROUPAMA succombe, elle supporte les dépens d'appel augmentés d'une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la compagnie d'assurance GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à payer à la SA ENEDIS la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la compagnie d'assurance GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,