ARRÊT DU
15 Mars 2023
AB/CR
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N° RG 22/00164
N° Portalis
DBVO-V-B7G-C7EW
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CAISSE REGIONALE
DE CREDIT AGRICOLE
MUTUEL PYRENEES
GASCOGNE
C/
[Z] [R]
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GROSSES le
à
ARRÊT n° 98-2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL
PYRENEES GASCOGNE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate postulante inscrite au barreau d'AGEN et par Me Jérôme MARFAING-DIDIER, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d'un Jugement du Tribunal de proximité de CONDOM en date du 17 Décembre 2021, RG
D'une part,
ET :
Monsieur [Z] [R]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Blaise HANDBURGER, avocat inscrit au barreau du GERS
INTIME
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 Février 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel interjeté le 25 février 2022 par la CRCAM à l'encontre d'un jugement du juge de proximité de CONDOM en date du 17 décembre 2021.
Vu les conclusions de la CRCAM PYRÉNÉES GASCOGNE en date du 26 septembre 2022.
Vu les conclusions de M. [Z] [R] en date du 20 septembre 2022.
Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2022, pour l'audience de plaidoiries fixée au 6 février 2023.
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Par acte sous seing privé du 15 mai 2018 LA CRCAM PYRÉNÉES GASCOGNE (la banque) a consenti à M. [R] une convention d'ouverture de compte sans possibilité de découvert.
Par acte sous seing privé du 22 juin 2018, la banque a consenti à M. [R] un prêt d'un montant de 13.300,00 euros remboursable en 60 mensualités de 243,34 euros au TAEG do 2,59 %.
Par acte sous seing privé du 29 septembre 2018, la banque a consenti à M. [R] un prêt d'un montant de 5.000,00 euros remboursable en 54 mensualités de 103,11 euros au TAEG de 3,74 %.
M. [R] a cessé de faire face au remboursement de ses échéances et n'a pas comblé le découvert de son compte.
Par acte du 18 mars 2021, la banque a assigné M. [R] en paiement des sommes de :
-15.866,62 euros au titre du découvert non autorisé sur 1e compte courant majoré des intérêts de retard au taux contractuel à compter du 30 janvier 2020,
-12.174,61 euros au titre du crédit à la consommation majoré des intérêts de retard au taux contractuel de 2,50 % l'an à compter du 1er mars 2021,
- 4.242,51 euros au titre du crédit à la consommation majoré des intérêts de retard au taux contractuel de 3,50 % 1'an à compter du 1er mars 2021,
- 500 euros à titre de dommages et intérêts,
-800 euros sur le fondement de 1'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 17 décembre 2021 le juge de proximité de CONDOM a :
- déclaré l'action de la banque recevable
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour l'ensemble des contrats
- condamné M. [R] à payer à la banque la somme de 14. 426,93 euros,
- dit que la déchéance du terme a été valablement prononcée
- dit qu'en raison de la déchéance du droit aux intérêts la majoration du taux d'intérêt légal ne sera pas appliquée
- débouté la banque de sa demande de paiement concernant les crédits à la consommation 1032237 et 1127621.
- débouté M. [R] de sa demande de délai de paiement
- débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [R] aux entiers dépens.
Le tribunal a considéré que les actions de la banque sont recevables, le contrat ne mentionne aucune autorisation de découvert, la banque ne démontre pas avoir effectivement informé l'emprunteur du dépassement de découvert, elle est déchue du droit aux intérêts sur le compte courant. Sur les crédits à la consommation, la consultation du FICP n'est pas établie et le formulaire n'est pas détachable, faut d'historique du compte, la créance de la banque ne peut être établie
Les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel sont les suivants :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour l'ensemble des contrats
- condamné M. [R] à payer à la banque la somme de 14. 426,93 euros,
- dit qu'en raison de la déchéance du droit aux intérêts la majoration du taux d'intérêt légal ne sera pas appliquée
- débouté la banque de sa demande de paiement concernant les crédits à la consommation 1032237 et 1127621.
- débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
La CRCAM PYRÉNÉES GASCOGNE demande à la cour de :
- réformer le jugement des chefs mentionnés dans la déclaration d'appel
- juger à nouveau de :
- à titre principal, juger les créances certaines liquides et exigibles, en conséquence
- condamner M. [R] à lui verser sans délai les sommes de :
-à titre subsidiaire, si la cour considérait que la déchéance du droit aux intérêts devait être prononcée pour les trois crédits, juger les créances certaines, liquides et exigibles, en conséquence,
- condamner M. [R] à lui verser sans délai les sommes suivantes au titre du capital restant dû :
- en tout état de cause, débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes
- rejeter la demande de M. [R] visant à la réduction de l'indemnité de 8% à un euro symbolique.
- condamner M. [R] à lui verser la somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts
- le condamner à lui verser la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens
M. [R] demande à la cour de :
- débouter la banque de ses demandes ;
- infirmer la décision en ce que le tribunal a déclaré recevable la demande en paiement du solde débiteur et rejeté la demande de délais de paiement.
- statuant à nouveau,
- déclarer forclose la banque s'agissant du paiement du solde débiteur,
- à titre subsidiaire, lui accorder un délai de deux ans pour payer ce qu'il doit, soit 23 mensualités de 700 euros, le solde étant reporté à la 24 ème mensualité ;
- dire que pendant le délai accordé, le taux d'intérêt sera réduit au taux légal ;
- confirmer la décision pour le surplus ;
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la banque aux dépens.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1- Sur le compte courant :
Sur le compte courant : l'historique du compte produit établit que le compte courant est débiteur en février 2019 de - 197,19 euros mais créditeur en mars 2019 de +1.164,57 euros pour devenir constamment débiteur à compter d'avril 2019 : - 4.793,50 euros.
Le 3 mai 2019 M. [R] a signé une convention d'apurement de son compte en six versements mensuels de 2.050,00 euros. Il n'a pas respecté de plan d'apurement. Le point
Le point de départ des délais des articles L 312-93 et R 312-35 du code de la consommation est donc le 3 mai 2019.
L'assignation a été délivrée le 18 mars 2021, le délai biennal de l'article R 312-35 n'est pas écoulé, l'action en recouvrement du solde débiteur du compte courant n'est pas prescrite.
Aux termes de l'article L 312-92 du code de la consommation, lorsque la convention de compte mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier prévoit la possibilité d'un dépassement, cette convention mentionne le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, les frais applicables et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés. Dans tous les cas, le prêteur fournit ces informations sur support papier ou sur un autre support durable à intervalles réguliers.
Dans le cas d'un dépassement significatif qui se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur fournit cette information à l'emprunteur, sans délai, sur support papier ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.
En l'espèce la banque justifie de demandes de régularisation du compte en date du 24 janvier 20119, 23 avril 2019, 15 juillet 2019, 16 août 2019, et 16 septembre 2019, rappelant à M. [R] que la situation débitrice de son compte génère des frais et intérêts de retard, sans cependant justifier du taux pratiqué.
Il en résulte que la créance de la banque du chef du solde débiteur du compte courant a été justement appréciée par le premier juge à la somme de 14.426,93 euros avec les intérêts au taux contractuel dans les limites du taux d'usure, à compter du 30 janvier 2020
Le jugement est réformé en ce sens.
2- Sur les crédits à la consommation :
Devant la cour, M. [R] ne soutient plus que l'action de la banque serait prescrite.
Aux termes de l'article L 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Aux termes de l'article L. 341-2 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
La banque déclare qu'elle justifie de la consultation du fichier FICP par la production d'un constat d'huissier en date du 6 février 2018 décrivant le processus de consultation du dit fichier par ses agents. Il ne ressort pas de ce constat que la banque ait effectivement consulté ledit fichier lors de l'instruction des demandes de crédit de M. [R].
Faute d'établir qu'elle a respecté les dispositions de l'article L 312-16, la banque est déchue du droit aux intérêts dans la proportion de 60 % au vu des éléments recueillis par ailleurs sur la situation de l'emprunteur.
La banque produit une photocopie du bordereau de rétractation page 8/8 au dos de la première page du tableau d'amortissement 1/2. M. [R] pour sa part ne produit pas son exemplaire du dit bordereau de rétractation. Il apparaît donc que la production de la banque sous forme de photocopie recto verso par pure commodité n'établit pas que le formulaire n'est pas aisément détachable sans altérer l'instrumentum du contrat.
La banque produit les mises en demeure relatives aux crédits à la consommation, cependant elle ne produit aucun
Il en résulte que la créance de la banque doit être ramenée aux sommes de :
- crédit 1032237 : 10.787,41 euros avec les intérêts au taux de 1 % (40 % de 2,5 %) à compter du 31 janvier 2020.
- crédit 1127621 : 3.882,57 euros avec les intérêts au taux de 1,4 % (40 % de 3,5 %) à compter du 31 janvier 2020.
Sur l'indemnité contractuelle 8 % du capital restant dû, cette indemnité est stipulée en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement des prêts, page 3/6 in fine des contrats de prêt. La banque a proposé à M. [R] un échéancier établi sur la base de devis qu'il a remis à la banque et qui permettaient de régulariser sa situation, il n'a pas respecté cet échéancier, il n'y a pas lieu de réduire les indemnités 8 % à concurrence des sommes de 759,78 et 296,30 euros.
Le jugement est réformé en ce sens.
3- Sur les demandes accessoires :
- sur la demande de délai de grâce :
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l'espèce, M. [R] propose le versement de 23 mensualités de 700,00 euros soit 16.000,00 euros, et le solde pour la 24ème mensualité. Cette proposition est insuffisante au regard du capital restant dû excédant 28.000,00 euros
Il n'y a donc pas lieu d'octroyer un quelconque délai de grâce. Le jugement est confirmé de ce chef.
- sur la demande en dommages intérêts : le droit de défendre en justice ses intérêts légitimes ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage. La preuve d'une telle faute de la part de M. [R] n'est pas rapportée, la demande de dommages intérêts présentée par la banque est donc rejetée. Le jugement est confirmé de ce chef.
- sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : M. [R] succombe, il supporte les dépens, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
- déclaré l'action de la banque recevable
- débouté M. [R] de sa demande de délai de paiement
- débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. [R] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau
Condamne M. [R] à payer à la CRCAM PYRÉNÉES GASCOGNE les sommes de :
-14.426,93 euros avec les intérêts au taux contractuel dans les limites du taux d'usure, à compter du 30 janvier 2020.
- crédit 1032237 : 11 547,19 euros avec les intérêts au taux de 1 % (40 % de 2,5 %) à compter du 31 janvier 2020 sur la somme de 10.787,41 euros.
- crédit 1127621 : 4.178,87 euros avec les intérêts au taux de 1,4 % (40 % de 3,5 %) à compter du 31 janvier 2020 sur la somme de 3.882,57 euros.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [Z] [R] aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,