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15/03/2023 | FRANCE | N°21/01097

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 15 mars 2023, 21/01097


ARRÊT DU

15 Mars 2023





AB / NC





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N° RG 21/01097

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C6P5

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[W] [S]

veuve [T]



[V] [T]



[A] [T]

épouse [G]



C/



[K] [M]



CPAM DU GERS



CARSAT MIDI PYRÉNÉES



MSA MIDI PYRÉNÉES



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EXPÉDITI

ONS le

aux avocats









ARRÊT n° 102-23











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile







LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Madame [W] [S] veuve [T]

née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 19] (32)

de nationalité française

domiciliée : [Adresse 12]

[Localité 19]


...

ARRÊT DU

15 Mars 2023

AB / NC

---------------------

N° RG 21/01097

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C6P5

---------------------

[W] [S]

veuve [T]

[V] [T]

[A] [T]

épouse [G]

C/

[K] [M]

CPAM DU GERS

CARSAT MIDI PYRÉNÉES

MSA MIDI PYRÉNÉES

------------------

EXPÉDITIONS le

aux avocats

ARRÊT n° 102-23

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame [W] [S] veuve [T]

née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 19] (32)

de nationalité française

domiciliée : [Adresse 12]

[Localité 19]

Monsieur [V] [T]

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 19] (32)

de nationalité française, conseiller financier

domicilié : [Adresse 18]

[Localité 13]

Madame [A] [T] épouse [G]

née le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 19] (32)

de nationalité française, assistante d'éducation

domiciliée : [Adresse 17]

[Localité 19]

représentés par Me Sylvia GOUDENÈGE-CHAUVIN, avocate postulante inscrite au barreau d'AGEN

et Me Olivia PINEL-BOTTON, avocate plaidante au barreau de TOULOUSE

APPELANTS d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 17 novembre 2021, RG 19/00323

D'une part,

ET :

Monsieur [K] [M]

né le [Date naissance 10] 1962 à [Localité 11] (31)

de nationalité française, Chirurgien orthopédique

domicilié : [Adresse 6]

[Localité 14]

représenté par Me Renaud DUFEU, avocat postulant au barreau d'AGEN et par Me Paola JOLY, membre de la SCP BAYLE-JOLY, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS

[Adresse 3]

[Localité 19]

représentée par Me Clara BOLAC, SCP D'ARGAIGNON-BOLAC, avocate au barreau du GERS

INTIMÉS

CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTÉ AU TRAVAIL MIDI PYRÉNÉES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 9]

[Localité 11]

LA MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE MIDI PYRÉNÉES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 15]

[Localité 11]

INTIMÉES n'ayant pas constitué avocat

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 04 janvier 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l'appel interjeté le 17 décembre 2021 par Madame [W] [S] veuve [T], Monsieur [V] [T], en personne et ès qualités de représentant légal de son fils [B] [T] et Madame [A] [T] (les consorts [T]) à l'encontre d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 17 novembre 2021.

Vu les conclusions des consorts [T] en date du 5 septembre 2022 signifiées à la CARSAT MIDI PYRÉNÉES et à la MSA MIDI PYRÉNÉES le 20 septembre 2022 à personnes habilitées

Vu les conclusions du docteur [M] en date du 7 juin 2022 signifiées à la CARSAT MIDI PYRÉNÉES et à la MSA MIDI PYRÉNÉES le 6 juillet 2022 à personnes habilitées.

Vu les conclusions de la CPAM DU GERS en date du 17 mars 2023 signifiées à la CARSAT MIDI PYRÉNÉES et à la MSA MIDI PYRÉNÉES le 20 septembre 2022 à personnes habilitées

Vu l'ordonnance de clôture du 23 novembre 2022 pour l'audience de plaidoiries fixée au 4 janvier 2023.

------------------------------------------

Le 20 octobre 2014, [K] [T] a été victime d'un accident de la vie privée : il s'est taillé le dos du pied gauche avec une tôle. Il s'est présenté au service des urgences de la polyclinique de GASCOGNE où un parage et une suture de la plaie ont été réalisés parle docteur [Y].

Le 27 octobre 2014, [K] [T] s'est de nouveau présenté à la polyclinique de GASCOGNE en raison d'une infection. Le docteur [Y] a évoqué un sepsis et prescrit une échographie du pied pour recherche d'un corps étranger. Cet examen a mis en évidence 'un aspect hypertrophié du tendon tibial antérieur en faveur d'une tendinopathie post-traumatique' ainsi qu'un 'doute sur un fin trait anéchogène qui peut suggérer une fissure partielle superficielle intra-tendineuse'.

Sur les conseils du docteur [Y], [K] [T] a consulté le docteur [M], chirurgien orthopédique et traumatologique. Le docteur [M], au vu du test de marche sur les talons qui s'est avérée impossible et des difficultés de contraction contre résistance, a considéré que le patient présentait une rupture du jambier antérieur. Il a alors programme une suture chirurgicale sous anesthésie générale pour le 29 octobre 2014.

Son courrier de consultation est ainsi rédigé : 'il présente à mon avis une rupture clinique du jambier antérieur qui se manifeste par une impossibilité de se mettre sur les talons. En effet, il y a une compensation par les extenseurs du gros orteil et les extenseurs communs qui miment la flexion dorsale active. Je n'ai pas autre alternative qu'une sature chirurgicale en fixant le muscle jambier antérieur qui est proéminent du coté droit'.

Au cours de l'opération, [K] [T] a subi un arrêt cardiaque durant plus d'une demi-heure d'origine anaphylactique (en rapport avec l'anesthésie). Cet arrêt a été responsable d'une encéphalopathie post-anoxique suivie d'un état neuro-végétatif. Le patient a été transféré en réanimation au centre hospitalier d'[Localité 19] où il est resté jusqu'au 24 novembre 2014. A cette date, toujours comateux, il a été transféré au service d'éveil de [Localité 21]. Le 31 décembre 2014, il a été victime d'une complication infectieuse, et est décédé le [Date décès 7] 2015 à l'âge de 61 ans.

Par ordonnance en date du 6 septembre 2016, le juge des référés a ordonné une expertise et commis le docteur [D] qui a déposé son rapport le 5 décembre 2017.

Par actes d'huissier en date des 12 février 2019 et 12 mars 2019, les consorts [T] ont assigné Monsieur [K] [M], la CARSAT Midi-Pyrénées, la CPAM du GERS et la MSA Midi Sud Pyrénées en paiement avec exécution provisoire de diverses sommes en réparation du préjudice corporel de leur auteur et en réparation de leur préjudice personnel :

- 1.625 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 50.000 euros au titre des souffrances endurées,

- 3.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- au paiement au profit de madame [W] [T] des sommes suivantes :

- 1.959,60 euros au titre des frais de déplacement,

- 30.000,00 euros au titre du préjudice d'affection

- 30.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

- au paiement au profit de madame [A] [T] des sommes suivantes :

- 762 euros au titre des frais de déplacement,

- 15.000 euros au titre du préjudice d'affection,

- 15.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

- au paiement au profit de monsieur [V] [T] des sommes suivantes :

- 1.854,29 euros au titre des frais de déplacement,

- 15.000 euros au titre du préjudice d'affection,

- 15.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

- au paiement au profit de monsieur [V] [T] en sa qualité de représentant légal

de son fils [B] [T] de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice d'affection,

- au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700-du Code de procédure civile,

- au paiement des entiers dépens.

Par jugement avant dire droit en date du 25 novembre 2020, le tribunal a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise du docteur [D] et a ordonné une nouvelle mesure d'expertise. Les consorts [T] n'ont cependant pas versé la consignation fixée par ce jugement ; le juge chargé du contrôle des expertises a rendu une ordonnance de caducité.

Par jugement en date du 17 novembre 2021, le tribunal judiciaire d'AUCH a :

- débouté les consorts [T] de leurs demandes,

- débouté la CPAM du GERS de ses demandes,

- condamné in solidum les consorts [T] à verser à monsieur [K] [M] la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la CPAM du GERS de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts [T] au paiement des entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise médicale,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Les premiers juges ont retenu au vu des avis des docteurs [U] [P] ET [J] que la faute du docteur [M] n'est pas caractérisée : il n'est pas établi que l'échographie réalisée permettait d'exclure de manière certaine la rupture du tendon ; l'impossibilité de se mettre sur les talons est pathognomonique d'une rupture du tendon, précision étant faite que la gêne à la marche peut être légère en raison de compensations fonctionnelles ; le risque septique évolutif en présence d'un incident cicatriciel justifiait d'autant plus l'acte chirurgical.

Les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel sont ceux relatifs au débouté des demandes des consorts [T].

Les consorts [T] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires présentées en leur qualité d'héritiers et d'ayant droits,

- à titre principal, le réformer, homologuer le rapport d'expertise établi par le Docteur [D] en date du 5 octobre 2017, juger que le Docteur [M] a commis une faute consistant en un manquement de précaution, juger que la réparation des préjudices résultant de la faute du Docteur [M] sera intégrale et condamner le Docteur [M] au paiement des sommes suivantes aux héritiers d'[K] [T] correspondant à ses préjudices temporaires :

. Déficit fonctionnel temporaire total : 1 625 €

. Préjudice esthétique temporaire : 3 000 €

. Souffrances endurées : 50 000 €

- condamner le Docteur [M] au paiement des sommes suivantes à Madame [W] [T] au titre des préjudices subis :

. Frais de déplacement : 1 959,60 euros

. Préjudice économique : 275 953,32 euros ajouté par conclusions postérieures à l'assignation

. Préjudice d'affection : 30 000 euros

. Préjudice d'accompagnement : 30 000 euros

- condamner le Docteur [M] au paiement des sommes suivantes à Madame [A]

[T] au titre des préjudices subis :

. Frais de déplacement : 762 euros

. Préjudice d'affection : 15 000 euros

. Préjudice d'accompagnement : 15 000 euros

- condamner le Docteur [M] au paiement des sommes suivantes à Monsieur [V] [T] au titre des préjudices subis :

. Frais de déplacement : 1 854,29 euros

. Préjudice d'affection : 15 000 euros

. Préjudice d'accompagnement : 15 000 euros

- condamner le Docteur [M] au paiement de la somme de 5 000 euros à Monsieur [V] [T] pris en sa qualité de représentant légal de son fils, [B] [T] pour le préjudice d'affection de ce dernier,

- à titre subsidiaire, en réponse à l'incident, débouter le Docteur [M] de sa demande de contre-expertise,

- à titre infiniment subsidiaire, juger que la nouvelle expertise se déroulera aux frais avancés du Docteur [M],

- dire que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne, la CARSAT et la MSA et ce, avec toutes ses conséquences légales,

- condamner le Docteur [M] au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les consorts [T] font valoir que :

- aucun élément médical ne permettait de confirmer le diagnostic du Docteur [M] de rupture du tendon, lequel ne résultait que de « ses seules certitudes  » après réalisation d'un simple test de la marche non conforme aux données acquises de la science médicale.

- les spécialistes interrogés dans le cadre de l'expertise se prononcent en faveur d'une absence certaine de rupture du tendon résultant des imageries réalisées.

- en tout état de cause et à tout le moins, dans la mesure où le diagnostic de rupture du tendon du jambier antérieur gauche ne pouvait être établi avec certitude, il n'y avait pas d'indication formelle de réparation chirurgicale et, partant, l'anesthésie n'avait pas lieu d'être.

Le docteur [M] demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et en conséquence, juger qu'il n'a commis aucun manquement dans la prise en charge médicale de Monsieur [T] ; plus précisément, juger qu'il n'a commis aucune erreur au titre de l'indication opératoire posée et qu'il n'a fait courir aucun risque injustifié à son patient.

- débouter les Consorts [T] et toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre.

- condamner les parties succombantes à lui verser in solidum la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.

- à titre incident, et à titre subsidiaire, et avant dire droit, ordonner une nouvelle expertise médicale sur pièces de Monsieur [T] confiée à un expert en exercice et spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique, avec mission habituelle et aux seuls frais avancés des appelants.

- surseoir à statuer pour ce qui concerne les demandes formulées par les consorts [T].

- débouter toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre

- réserver les dépens.

Il fait valoir que :

- il était nécessaire d'explorer chirurgicalement au bloc opératoire sous anesthésie la plaie du pied de Monsieur [T], en évolution septique et surtout en raison d'une très certaine section tendineuse. L'indication opératoire était donc correcte et il n'a commis aucune faute, le choc anaphylactique était imprévisible ;

- il n'a fait courir aucun risque injustifié à son patient en prenant la décision avec le consentement de ce dernier de réaliser cette intervention chirurgicale sous anesthésie.

La CPAM DU GERS au vu d'un relevé de débours et d'une attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil indépendant de ses services administratifs, demande à la cour de :

- réformer ou infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes, et de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prenant acte de l'appel incident statuant à nouveau condamner le Docteur [M] à lui payer la somme de 54.205,87 euros au titre de ses débours définitifs, outre la somme de 1.098,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- le condamner à lui payer la somme de 800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et la somme de 800,00 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP M.L d'ARGAIGNON ' C. BOLAC.

La CARSAT MIDI PYRÉNÉES et la MSA MIDI PYRÉNÉES n'ont pas constitué avocat

MOTIFS DE LA DÉCISION

La déclaration d'appel et les conclusions des parties ont été signifiées à la CARSAT MIDI PYRÉNÉES et à la MSA MIDI PYRÉNÉES par actes délivrés à personnes aptes à les recevoir, indiquant aux parties intimées que faute pour elles de constituer avocat dans un délai de 15 jours à compter de celle ci, elles s'exposaient à ce qu'un arrêt soit rendu contre elles sur les seuls éléments fournis par leurs adversaires.

Les parties intimées n'ont pas constitué avocat, il est donc statué par arrêt réputé contradictoire aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, la responsabilité d'un professionnel de santé peut être engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle en cas de faute technique, mais également, an visa des articles 16 et 16-3 et 1240 du code civil au titre de sa responsabilité délictuelle, en cas de manquement à l'obligation d'information ou au droit du patient à consentir de manière éclairée à l'acte médical.

Et plus précisément, en application des dispositions de l'article R.4127-40 du code de la santé publique, le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié.

Il convient de relever qu'il n'existe aucune trace des constatations et de l'intervention du médecin urgentiste lors de la première présentation du patient aux urgences le jour de l'accident, 20 octobre 2014. Il est pratiqué une radiographie de la cheville et une échographie à la recherche d'un corps étranger ou d'un hématome le 27 octobre 1994.

Sont produits aux débats :

- un rapport de l'expert judiciaire [D] du 5 décembre 2017 qui conclut à l'existence d'une faute en ce que le Docteur [M], considérant que M. [T] présentait une rupture du tendon jambier antérieur, devait être opéré.

L'expert retient que le seul test de la marche sur les talons était insuffisant pour caractériser la rupture du tendon jambier et ajoute que la réalisation d'une IRM aurait permis de confirmer l'absence de section du tendon du jambier antérieur, en relevant que :

- le Dr [Y], urgentiste qui avait prescrit une échographie aux fins de rechercher un corps étranger affirme dans un courrier du 22 mai 2017 que l'absence d'atteinte à la structure musculo-tendineuse était évidente

- le sapiteur [H] radiologue ayant analysé l'échographie réalisée, se prononce en faveur d'une absence de signes direct et indirect échographiques de rupture complète du tendon jambier antérieur gauche. Il apparaît cependant que le Dr [H] a retenu pour la lecture de cette échographie l'indication suivante : 'échographie de la cheville gauche réalisée le 27 octobre 2014 pour la recherche de rupture du tendon tibial antérieur sur plaie', alors que la prescription de cet acte était 'recherche d'un corps étranger'.

- une analyse sur dossier de la prise en charge de M. [T] par le Professeur [P] chirurgien en orthopédie et traumatologie qui sur la prise en charge initiale relève l'existence de la règle médicale qui impose d'explorer au bloc opératoire sous anesthésie loco régionale ou générale, avec garrot, toute plaie en regard d'un trajet tendineux. Il relève que l'échographie n'était pas l'examen pertinent dans le contexte d'une plaie récente avec suspicion de section tendineuse en raison de la présence de l'oedème, d'une analyse d'images dynamiques faite lors de mouvements actifs demandés au patient et d'une lecture immédiate et directe de nombreux clichés éphémères. Sur la prise en charge par le Dr [M] il indique : l'analyse clinique de la situation de M. [T] a été tracée par le Dr [M] avec une phrase d'une très grande clarté, rendant évidente la rupture de la continuité du tendon du tibia antérieur. En effet, l'impossibilité de marcher ou se mettre sur les talons est pathognomonique d'une rupture du tendon. Les difficultés à la marche peuvent apparaître discrètes, en raison des compensations fonctionnelles par l'action des tendons de l'extenseur du gros orteil, de l'extenseur commun des orteils, du 3ème fibulaire (muscle non constant) et du court fibulaire. Le Dr [P] ajoute enfin qu'en présence d'un incident cicatriciel le risque septique évolutif justifie d'autant plus l'acte chirurgical.

- une attestation du Professeur [J] qui indique que toute plaie de la face antérieure du cou de pied doit faire suspecter de principe une lésion partielle ou complète des éléments les plus superficiels, à savoir le tendon du muscle jambier antérieur. Une plaie tendineuse n'entraîne aucun déficit à l'examen clinique. Une section complète et isolée du tendon est compensée à la marche par l'action des extenseurs des orteils et des muscles fibulaires. En revanche, le blessé ne peut se maintenir sur les talons. En conséquence, toute plaie de la face antérieure du cou de pied justifie une intervention chirurgicale, au bloc opératoire et sous anesthésie générale ou loco-régionale, afin de débrider et de parer la plaie pour permettre une exploration des plans profonds et procéder le cas échéant à une réparation des éléments lésés.

- une analyse médicale du Dr [U] dont il convient de retenir que :

* l'échographie a en réalité été réalisée pour 'recherche de corps étranger' aucune coupe étagée des tendons de la cheville n'a été réalisée à cette occasion de sorte que cet examen n'a pas permis de suivre et d'affirmer ou d'infirmer la continuité du tendon tibial antérieur ; le sapiteur ne pouvait conclure en faveur de la continuité du tendon alors qu'il ne voyait pas son extrémité distale ; il était impossible s'appuyer sur l'examen échographique produit pour affirmer quoi que ce soit sur la continuité du tendon du jambier antérieur. Si la question de la continuité tendineuse avait été posée par avis préalable, il aurait techniquement agi différemment

* le Dr [Y] avait tout intérêt a soutenir dans sa lettre destinée à l'expert du 22 mai 2017 qu'il y avait une absence évidente de lésion, et considère que son témoignage doit être écarté. Il rappelle que l'absence de trouble majeur de la marche n'est pas une contre-indication au diagnostic de rupture du jambier antérieur contrairement a ce qu'affirme le Dr [F], sapiteur orthopédiste.

* les constatations cliniques fonctionnelles, l'existence d'un contexte d'infection locale et les mauvais résultats du traitement fonctionnel par l'abstention chirurgicale rendaient l'indication opératoire formelle ; il était contre-indiqué d'attendre un rendez-vous pour une IRM, pour compléter cet examen de marche sur les talons, en raison des longs délais nécessaires pour l'obtention d'un tel rendez-vous, parfois supérieurs à un mois, en raison notamment de l'évolution locale infectieuse, incompatible avec ces délais.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît à la cour, nécessaire d'ordonner une contre expertise aux fins de soumettre à un examen contradictoire les éléments produits par le Dr [M].

Ce denier ayant intérêt à l'examen de ces éléments qui contredisent les conclusions du rapport d'expertise judiciaire qui lui sont défavorables, il avancera la provision valoir sur les frais d'expertise.

La cour sursoit à statuer sur les demandes des parties et réserve les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoirement, et avant dire droit,

Ordonne une nouvelle expertise,

Commet pour y procéder le Dr [O] [I]

[Adresse 22]

[Adresse 8]

[Localité 16]

Tél : [XXXXXXXX01]

Mèl : [Courriel 20]

Avec pour mission de :

- se faire communiquer par tout tiers tous documents utiles à sa mission,

- entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologies relatives au secret professionnel)

- recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médial et plus généralement tous documents médiaux relatifs au fait dommageable)

- prendre en particulier connaissance du rapport du Dr [D], des documents médicaux et analyses des Dr [P], [J] et [U] produits devant la cour

- rechercher l'état médical de [X] [T] avant l'acte critiqué,

- décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués,

- rechercher si les actes médicaux réalisés étaient indiqués, si le diagnostic pouvait être établi avec certitude et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale,

- rechercher si le patient a reçu une information préalable et suffisante sur les risques que lui faisait courir l'intervention et si c'est en toute connaissance de cause qu'il s'est prêté à cette intervention,

- analyser, le cas échéant, de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précautions nécessaires, négligences pré, per postopératoires, maladresses ou autres défaillances de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet directe et certaine avec le préjudice allégué, éventuellement dire si les lésions et séquelles sont imputables à une infection ; dans cette hypothèse préciser si celle-ci est de nature nosocomiale ou relève d'une cause extérieure et étrangère à l'hospitalisation,

- le cas échéant, déterminer les préjudices subis par [X] [T] imputables à cet accident médical ou à cette faute,

- faire toutes observations utiles en particulier au regard du rapport du Dr [D] et des documents médicaux et analyses des Dr [P], [J] et [U] produits devant la cour,

- répondre aux dires des parties auxquelles sera soumis un pré-rapport,

Dit que le Dr [M] versera, par chèque libellé à l'ordre du 'régisseur de la cour d'appel', une consignation de 2.000,00 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans le délai d'UN MOIS à compter du présent arrêt ; que ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (n° R.G. 21/1097), au service expertises de la cour d'appel d'AGEN ;

Rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque selon les modalités fixées par l'article 271 du Code de procédure civile ;

Dit que l'expert, si le coût probable de l'expertise s'avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer à la Cour et aux parties l'évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, au besoin, la consignation d'une provision complémentaire ;

Dit que l'expert devra déposer auprès du service expertises de la cour d'appel d'AGEN, un rapport détaillé de ses opérations dans le délai de QUATRE mois à compter de l'avis de versement de la consignation qui lui sera donné par le greffe, qu'il adressera copie complète de ce rapport - y compris la demande de fixation de rémunération - à chacune des parties, conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure civile ;

Précise que l'expert adressera une photocopie du rapport à l'avocat de chaque partie ;

Précise que l'expert doit mentionner dans son rapport l'ensemble des destinataires à qui il l'aura adressé ;

Désigne le Président de la chambre civile de la cour pour contrôler l'expertise ordonnée ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 25 OCTOBRE 2023 à 09 h 00, le présent arrêt valant convocation pour ladite audience ;

Réserve au fond les droits des parties et les dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01097
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.01097 ?
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