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14/03/2023 | FRANCE | N°21/01046

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 14 mars 2023, 21/01046


ARRÊT DU

14 MARS 2023



PF/CO



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N° RG 21/01046 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C6LL

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[G] [E]





C/





SAS FRANCE INCENDIE





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 55 /2023







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au gref

fe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE...

ARRÊT DU

14 MARS 2023

PF/CO

-----------------------

N° RG 21/01046 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C6LL

-----------------------

[G] [E]

C/

SAS FRANCE INCENDIE

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 55 /2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[G] [E]

né le 17 octobre 1969 à ROUEN (76000)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pierre THERSIQUEL, avocat inscrit au barreau du GERS

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 08 septembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00055

d'une part,

ET :

La SAS FRANCE INCENDIE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 14]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Raphaëlle RIPOLL-BUSSER, avocat inscrit au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 10 janvier 2023 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Jean-Yves SEGONNES et Benjamin FAURE, conseillers, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 16 février 2004, M. [G] [E] a été recruté par la société France Incendie, rachetée en 2004 par la société Scutum incendie, dont le siège social est situé au Plessis-Trévise (94) et dont l'activité est de fournir des solutions technologiques de protection et de prévention des risques pour les infrastructures, les biens, les personnes et les données, en qualité de technicien de chantier à l'agence de [Localité 11], niveau 3, coefficient 240, suivant la convention collective de la métallurgie.

Au 30 novembre 2015, ladite convention était remplacée par celle des commerces en gros. Sa qualification était désormais niveau 4, échelon 3. Il acceptait une convention de forfait en jours.

A compter du 21 mars 2016, le salarié accédait au niveau 5, échelon 3 de la convention collective applicable.

M. [E] obtenait une mutation à l'agence de [Localité 13] à compter du 3 septembre 2018 au poste de technicien désenfumage.

En mars 2019, il sollicitait une rupture conventionnelle que son employeur refusait.

M. [E] était placé en arrêt maladie à compter du 9 septembre 2019.

Lors de la visite de reprise le 2 mars 2020, le médecin du travail indiquait dans l'avis d'inaptitude : « inapte au poste occupé définitivement.

Poste de reclassement envisageable : poste sédentaire ne comportant pas de déplacement professionnel ni de manutention lourde ou répétitive ».

Son arrêt de travail était prolongé jusqu'au 2 avril 2020.

Le salarié refusait les propositions de reclassement.

Le 13 juin 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch pour dire et juger que la convention de forfait en jours lui était inopposable, dire que la clause de résidence insérée dans son contrat de travail était nulle et obtenir en réparation une somme égale à quinze mois de salaire, obtenir le rappel d'heures supplémentaires, la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux dépens outre l'exécution provisoire de la décision.

Dans ses dernières conclusions communiquées en octobre 2020 à la juridiction, le demandeur a sollicité les sommes de :

- 2 268 euros au titre de dommages et intérêts relatifs au système de géolocalisation, - 5 245,28 euros à titre de contrepartie financière liée aux temps de trajet

- 1 335,44 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté.

Par jugement du 8 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré les demandes additionnelles de M. [E] irrecevables

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes

-débouté la société France Incendie de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles

- condamné le demandeur aux dépens.

Par lettre du 28 mai 2020, son employeur lui notifiait son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par déclaration du 2 décembre 2021, M. [E] a régulièrement déclaré former appel du jugement en désignant la société France Incendie en qualité de partie intimée et en visant les chefs du jugement critiqué qu'il cite dans sa déclaration d'appel.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 17 novembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

I. Moyens et prétentions de M. [G] [E] appelant principal et intimé sur appel incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 14 juin 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, M. [G] [E] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du 8 septembre 2021 déférée à la cour d'appel d'Agen sur le fondement de l'article 954 du code de procédure civile, et statuer à nouveau :

- Juger le bien-fondé Monsieur [G] [E] en son action

- Juger que le forfait annuel en jours instauré par la société France Incendie lui est inopposable

- Juger que la clause de résidence insérée dans son contrat de travail est nulle

En conséquence :

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie à lui régler le rappel des majorations de salaire au titre des heures supplémentaires ;

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie au paiement d'une somme de 41 836.95 € à titre de dommages-intérêts relatifs à la nullité de la clause de résidence ;

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie au paiement d'une somme de 2268.00 € à titre de dommages-intérêts relatifs à la nullité du système de géolocalisation ;

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie au paiement d'une somme de 5245.28 € à titre de contrepartie financière liée au temps de trajet.

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie au paiement d'une somme de 1335.44€ à titre de la prime d'ancienneté.

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie au paiement d'une somme de 2400.00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Scutum Incendie venant aux droits de la société France Incendie en tous les dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [G] [E] fait valoir que :

Sur la recevabilité des demandes additionnelles

- ses demandes additionnelles (temps de trajet, géolocalisation, prime d'ancienneté) présentent un lien suffisant avec les demandes originaires car elles portent toutes sur l'exécution du contrat de travail et sont donc recevables sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile

Sur l'exécution du contrat de travail

- la clause de résidence à moins de 25 km d'[Localité 5] est nulle car la société ne la justifie pas au regard des intérêts légitimes de la société. Elle n'est pas non plus proportionnée compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé. L'agence de [Localité 6] se trouvait à1H43 de son domicile

- son inaptitude est liée aux déplacements professionnels. Le lien de causalité est établi

- le système de géolocalisation installé sur son véhicule est illicite car son consentement n'a pas été recueilli

- l'installation d'un tel système confirme son absence d'autonomie.

- il a été ainsi géolocalisé du 31 août 2010 au 8 décembre 2015

- l'atteinte à sa vie privée du fait de ce système est suffisante pour établir le préjudice

Sur la convention de forfait jours

- la convention de forfait jours lui est inopposable en raison de son manque d'autonomie, de l'absence d'entretien individuel et de l'insuffisance du contenu de la convention individuelle

- en conséquence, étant salarié itinérant, les heures supplémentaires qu'il a effectuées lui sont dues en tenant compte des temps de déplacement

- il produit un état des interventions planifiées

- son employeur pouvait connaître ses horaires de travail grâce aux tablettes électroniques et aux bons manuels qu'il avait remplis

- il sollicite la communication in extenso des plannings détenus par son employeur,

- en un peu moins d'un an, il a parcouru environ 153 828 km soit 700 km par jour soit 2366 heures de conduite

Sur la prime d'ancienneté

- il existe une erreur dans le calcul de sa prime qui n'est pas conforme à la convention collective applicable

II. Moyens et prétentions de la société France Incendie intimée sur appel principal et appelante sur incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 4 novembre 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la société France Incendie demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Déclaré irrecevables les demandes suivantes de Monsieur [G] [E] :

- 2 268 € à titre de dommages-intérêts relatifs à la nullité du système de géolocalisation,

- 5 245,28 € à titre de contrepartie financière au temps de trajet,

- 1 335,44 € à titre de rappel de prime d'ancienneté.

* Débouté Monsieur [G] [E] de l'ensemble de ses autres demandes :

- Condamner la Société à un rappel des majorations de salaire au titre des heures supplémentaires ;

- 41 836,95 € à titre de dommages et intérêts relatifs à la nullité de la clause de résidence ;

- 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Condamné Monsieur [G] [E] aux entiers dépens.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* Débouté la Société Scutum Incendie de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* Débouté la Société Scutum Incendie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

- Condamner Monsieur [G] [E] au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- Condamner Monsieur [G] [E] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

- Juger que les dernières demandes formulées par Monsieur [G] [E] sont irrecevables et, à titre subsidiaire, injustifiées

- Juger que la clause de résidence contenue dans le courrier du 28 juin 2018 de la société est parfaitement valable

- Juger que la convention de forfait annuel en jours de Monsieur [G] [E] est parfaitement valable

- Constater que la demande de Monsieur [G] [E] au titre de ses heures supplémentaires est infondée et non chiffrée

- Rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [G] [E]

- Constater que la procédure initiée par Monsieur [G] [E] est abusive.

A l'appui de ses prétentions, l'employeur, la société France incendie, fait valoir que :

- le salarié a présenté de nouvelles demandes dans le cadre de ses dernières conclusions devant le conseil de prud'hommes qui sont irrecevables

Sur la convention de forfait jours

- le salarié confond autonomie et indépendance ; ses interventions étaient planifiées à titre indicatif par la société et il pouvait les modifier

- son courriel rédigé par ses soins relatant une discussion téléphonique avec son employeur ne démontre pas qu'il ne bénéficiait pas d'une totale liberté d'organisation

- l'accord d'entreprise du 20 novembre 2015 contient toutes les garanties quant à l'amplitude et à la charge de travail des salariés

- l'avenant est précis et la convention n'est pas succincte

Sur les heures supplémentaires

- les plannings qu'il produit ne sont pas complets car ils ne comportent pour la plupart que les heures de début d'intervention

- le temps de trajet ne constitue pas un temps de travail effectif

- le salarié ne produit aucun élément sérieux pour étayer sa demande et il ne la chiffre pas au titre des heures supplémentaires

- certains documents ont été perdus suite à une cyber attaque en novembre 2020 de sorte qu'il ne peut pas produire le suivi des jours travaillés et non travaillés

- il a reconstitué les interventions sur la base des bons manuels entre septembre 2018 et juillet 2019 et il démontre que les journées du salarié se terminaient rarement après 15h30

- il dispose d'un état de ses absences en 2017, 2018, 2019 et 2020

Sur la demande au titre de la nullité de la clause de résidence

- elle est justifiée par la mutation demandée par le salarié et au regard de sa mission

- le salarié devait développer la prospection dans le secteur d'[Localité 5] d'où sa demande d'établir son domicile dans ce rayon

- les attestations produites ne corroborent pas ses affirmations selon lesquelles il se rendait quotidiennement à l'agence

- le salarié ne rapporte pas la preuve du lien entre l'inaptitude et ses déplacements professionnels

Sur la géolocalisation

- le salarié en a été informé par le courrier d'information du 6 octobre 2008 qu'il produit

- ce système a été désactivé à compter du 8 décembre 2015 ce qui est confirmé par les attestations produites

- le salarié ne justifie d'aucune atteinte à sa vie privée

Sur la prime d'ancienneté

- la période antérieure au 28 mai 2017 est prescrite

- elle a été régulièrement versée comme il en justifie au regard des bulletins de salaire qu'il produit

Sur la contrepartie des temps de trajet

- le salarié ne justifie pas de ses temps de déplacement et le calcul est fantaisiste

Sur la demande en prodédure abusive

- le salarié formule de nouvelles demandes sans en démontrer le bien fondé, il ne chiffre pas les heures supplémentaires

- le salarié a fait perdre du temps et de l'argent à la société qui a de plus subi une atteinte à sa réputation

*****************

MOTIFS :

A titre liminaire, en premier lieu, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas - hormis les cas prévus par la loi - de droit à la partie qui les énonce.

En second lieu, sur la recevabilité des demandes faites par M. [E] devant le conseil de prud'hommes postérieurement à l'audience du bureau de conciliation et tendant à la condamnation de la société France incendie à des dommages et intérêts relatifs à la nullité du système de géolocalisation, à la contrepartie financière liée aux temps de trajet et au rappel de la prime d'ancienneté :

Aux termes de l'article 65 du code de procédure civile, constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures.

L'article 70 précise que les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, M. [E] a, dans sa requête initiale du 13 juin 2019 saisissant le conseil de prud'hommes, formé des demandes relatives à l'inopposabilité du forfait en jours et des demandes en dommages et intérêts au titre de la clause de résidence et en rappels de salaire au titre des heures supplémentaires.

La demande additionnelle présentée en cours de procédure devant le conseil de prud'hommes en ce qu'elle tend à la condamnation de l'employeur à des dommages et intérêts en contrepartie financière liée aux temps de trajet présente un lien suffisant avec la demande originaire relative à l'inopposabilité de la convention de forfait en jours, étant sa conséquence.

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable le salarié en sa demande de dommages et intérêts en contrepartie financière liée aux temps de trajet et la déclare recevable.

En revanche, les demandes en dommages et intérêts pour la nullité du système de géolocalisation et en rappel de prime d'ancienneté ne présentent aucun lien suffisant.

Il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a déclaré le salarié irrecevable en ses demandes de dommages et intérêts relatifs à la nullité du système de géolocalisation et en rappel de prime d'ancienneté.

I- Sur la convention de forfait en jours :

Aux termes de l'article L.3121-43 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du n°2016-1088 du 8 août 2016, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L.3221-39 : 1°) Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ; 2) Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L'article L.3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure, dispose que : 'Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche'.

L'accord collectif d'entreprise du 20 novembre 2015 sur l'aménagement et l'organisation du temps de travail signé entre France Incendie SAS et les délégués CFDT, entré en application le 1er janvier 2016, prévoie :

- en son article 4 que : « le présent accord s'applique (...) ou aux ETAM non astreints à un horaire pré déterminé et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps : (') personnel technicien itinérant »

- en son article 5 : « Les conventions de forfait en jours continuent à donner lieu à des avenants individualisés au contrat de travail ».

- et en son article 5a : « Sont concernés : (...)

'Personnel technique itinérant :

Entrent dans cette catégorie les salariés itinérants. Il s'agit notamment des techniciens vérificateurs extincteurs, techniciens de filière (détection incendie, désenfumage, génie hydraulique) et des poseurs'

En l'espèce, le salarié occupait en dernier lieu un poste de technicien desenfumage et était salarié itinérant. Il a signé une convention individuelle de forfait de 218 jours par an en date du 30 novembre 2015 est suffisamment précise.

Cependant, la conclusion d'une telle convention n'est pas suffisante en elle-même. Le critère de l'autonomie dans ses fonctions est déterminant pour rendre la convention individuelle de forfait opposable au salarié.

M. [E] produit le planning d'interventions pour la période du 3 septembre au 14 juin 2019. Il apparaît que les interventions chez les clients sont très précisément planifiées, matin et après-midi, ainsi que le motif et la durée prévue de l'intervention par M. [H], chargé de la planification à l'agence de [Localité 6], ce que l'employeur n'a pas démenti, et dont le nom apparaît inscrit sur le document.

L'employeur répond que ce planning était simplement indicatif, que le salarié pouvait y déroger et que l'intervention du supérieur hiérarchique était expressément prévue par l'article 5b de l'accord collectif : 'Néanmoins, le supérieur hiérarchique assure le suivi régulier de l'organisation du travail du salarié et sa charge de travail.'

Cependant, il ressort du courriel du 26 juin 2019 entre le salarié et Mme [X], responsable des ressources humaines, que, pour tout changement de planning, le salarié devait en référer à son 'manager'.

De même, M. [U], salarié dans la société France incendie de 2016 à avril 2019, atteste que les plannings devaient être respectés et que les rendez-vous étaient fixés à l'avance avec le client qui signait la tablette sur laquelle était inscrite le début et la fin de l'intervention.

Il ressort de ces éléments que l'emploi du temps du salarié était déterminé à l'avance par le supérieur hiérarchique de M. [E]. Celui-ci ne bénéficiait par conséquent d'aucune autonomie dans l'organisation de son temps de travail ; son emploi du temps était géré par son supérieur hiérarchique et tout changement devait être porté à la connaissance de ce dernier pour validation.

De plus, son véhicule de dotation a été équipé, jusqu'au 8 décembre 2015, d'un système de géolocalisation permettant à l'employeur de connaître sa position en temps réel. La mise en place d'un tel système est en contradiction avec le principe d'autonomie dans ses fonctions tel que le soutient son employeur.

La cour observe et ajoute que l'accord collectif précité, ainsi que la convention individuelle, prévoient l'organisation d'un entretien individuel annuel. L'accord collectif énonce que : 'Par ailleurs, le salarié bénéficie chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l'organisation de son travail ainsi que l'amplitude de ses journées de travail' et la convention individuelle que : 'En application de l'article L.3121-46, l'employeur organisera un entretien individuel annuel avec le salarié'.

Le salarié soutient que l'employeur n'a jamais respecté cette obligation légale et conventionnelle.

De son côté, l'employeur conteste mais ne rapporte pas la preuve de la tenue d'entretiens individuels destinés à contrôler la charge de travail du salarié, se limitant à invoquer une cyberattaque en novembre 2020 le mettant dans l'impossibilité de produire les compte-rendus d'entretiens individuels depuis le 1er janvier 2016 et alors même qu'il est un spécialiste de la cybersécurité.

Or, le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours n'entraîne pas son inopposabilité aux salariés, mais la privation d'effet de la convention individuelle conclue en application de cet accord.

Au surplus, si le salarié était effectivement soumis à un forfait en jours, aux termes de l'article 4 in fine de l'accord collectif d'entreprise, l'employeur était, sous sa responsabilité, tenu de tenir un document de contrôle du temps de travail du salarié. Or, force est de constater qu'un tel document n'est pas produit par l'employeur.

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative au forfait en jours et déclare le forfait en jours inopposable au salarié.

II- Sur les heures supplémentaires :

Non assujetti au forfait jour, l'employeur doit rémunérer les heures supplémentaires réalisées par le salarié. Il y a donc lieu de lui appliquer le droit commun de la durée du travail lequel suppose un décompte des heures supplémentaires effectivement réalisées.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, en évalue le nombre et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, le salarié sollicite la communication par la société France incendie du document récapitulant le nombre de journées et demi journées travaillées ainsi que les horaires relevés sur la tablette électronique et les relevés d'heures suite aux remontées du PAD. Il demande également que l'employeur lui communique la totalité des plannings qu'il détient.

La cour rappelle qu'il ne lui appartient pas de pallier à la carence des parties et qu'en outre, cette demande ne figure pas au dispositif de ses conclusions.

A défaut de produire un décompte des heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées afin de permettre à l'employeur d'y répondre et de chiffrer le montant des rappels de salaire qu'il réclame à ce titre, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande.

III- Sur la contrepartie financière des temps de trajets :

M. [E] est salarié itinérant et son domicile est fixé à [Localité 9] (32) dans le rayon de 25 km autour de la ville d'[Localité 5] tel que défini par l'employeur. Son temps de trajet domicile/travail à [Localité 6] (31) était de l'ordre de 1h43 minutes par jour.

Il soutient que son temps de déplacement constitue du temps de travail effectif et demande la somme de 5245,28 euros à ce titre.

L'article L.3121-1 du code du travail dispose que « la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. »

L'employeur rappelle que le temps de trajet ne constitue pas du temps de travail effectif au sens de l'article L.3121-4 du code du travail qui dispose que : 'Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte financière'.

La Cour de cassation s'est s'alignée sur la jurisprudence européenne et énonce la nouvelle règle : il faut tenir compte des contraintes auxquelles le salarié itinérant est réellement soumis pour déterminer si son temps de trajet entre son domicile et ses premiers et derniers clients constitue ou non un temps de travail effectif (Cass. soc. 23-11-2022 n° 20-21.924).

Une requalification du temps de trajet en temps de travail effectif s'impose dans la mesure où, durant le déplacement, le salarié ne dispose pas totalement librement de son temps (ce qui caractérise une situation de subordination à l'égard de l'employeur).

Ainsi :

- si, pendant ces trajets, il doit se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, ce temps de trajet devra être compté en temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées 

- dans le cas contraire, il ne pourra prétendre qu'à une contrepartie financière ou en repos, lorsqu'il dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail.

Lorsque le salarié n'a pas de lieu de travail habituel et effectue des déplacements quotidiens entre son domicile et les locaux du client de son employeur, le temps normal de trajet domicile-travail est le temps normal de trajet des salariés itinérants de la région considérée entre leur domicile et les locaux des clients de leurs employeurs.

L'employeur conteste la demande estimant que le salarié ne précise pas les trajets ouvrant droit aux dommages et intérêts qu'il réclame.

Il est établi, notamment par l'attestation de M. [U], que M. [E] se rendait plusieurs fois par semaine à l'agence de rattachement à [Localité 6] qui se situait au-delà d'une distance raisonnable depuis son domicile, soit à 95 kilomètres.

Ainsi, le temps de trajet domicile/agence de rattachement constitue un temps de trajet qui excède la durée normale avant de se rendre chez un premier client.

Il ressort également des seuls éléments qu'il détient, soit les feuilles d'intervention du 3 septembre 2018 au 14 juin 2019, qu'il a effectué des déplacements professionnels dans les Landes, le Lot, le Tarn et Garonne, la Haute Garonne, le Lot-et Garonne, le Gers, les Pyrénées Atlantiques, les Hautes Pyrénées.

Le temps de trajet pour se rendre depuis son domicile, ou depuis son agence, qui se trouve déjà à une distance anormale, jusqu'au lieu du premier rendez-vous ([Localité 8] (65), [Localité 12] (31), [Localité 7] (40), [Localité 10]( 64)') excède également le temps normal de trajet.

Le salarié a calculé son temps de trajet en application du module via Michelin, qui, du reste, est utilisé par les employeurs eux-mêmes pour calculer les temps de trajet de leurs salariés.

Il produit ainsi une estimation de ses temps de trajet sur la base des plannings de septembre 2018 à juin 2019, sur la base du kilométrage d'un véhicule de dotation neuf à son embauche le 16 février 2004, affichant à son compteur le 18 juillet 2019 un kilométrage de 153 829 et sur la base d'une vitesse moyenne de 65 kilomètres par heure. Il précise qu'il n'a pas comptabilisé les trajets de moins de 120 kilomètres lui permettant de rentrer à son domicile chaque soir, conformément à son contrat de travail.

En conséquence, la cour condamne la société France incendie à payer à M. [E] la somme de 5245.28 euros en contrepartie des temps de trajet.

IV- Sur la clause de résidence :

Le contrat de travail du salarié prévoie en son article 'secteur d'activité' : 'Vous êtes rattaché à notre agence de [Localité 11] mais des interventions pourront vous être demandées sur tout le territoire national.

Votre lieu de résidence étant, au moment de l'embauche, un des critères de sélection, toute modification en ce domaine ne pourra s'opérer sans accord écrit de la direction. De même, la SA FRANCE INCENDIE I.F. se réservant le droit de réorganiser géographiquement ses activités de maintenance en fonction de ses besoins, il est convenu que vous acceptez toute mobilité qui pourrait vous être imposée.'

Par courrier du 28 juin 2018, la société employeur a répondu favorablement à la demande de mutation de son salarié dans le secteur de [Localité 13] en précisant : 'Comme nous l'avons évoqué et convenu, nous vous demandons d'établir votre domicile principal dans un rayon de 25 km autour de la ville d'[Localité 5] dans un délai de 3 mois.'

Toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Il appartient au juge du fond de constater le caractère indispensable pour l'entreprise d'un transfert de domicile, alors que le salarié avait simplement demandé sa mutation, ainsi que le caractère proportionné au but recherché de cette atteinte à la liberté de choix.

Une telle clause doit être justifiée par les intérêts légitimes de la société et par la nature des tâches à accomplir tout en étant proportionnée au but recherché.

Si la clause de résidence insérée dans le contrat de travail trouvait sa justification par la nature des fonctions exercées par l'intéressé et par le bon fonctionnement de l'entreprise, en l'espèce, c'est son application qui n'est motivée par aucun intérêt légitime.

Ainsi, l'employeur motive l'obligation faite à son salarié car il était, de par sa fonction, technicien désenfumage et qu'à ce titre, il était censé développer la prospection de la société dans le secteur d'[Localité 5] ; qu'en outre, il n'a jamais fait connaître d'opposition.

La cour relève que la fonction de M. [E] était celle de « technicien » et que ses plannings d'interventions font état de « visites d'entretien », soit de maintenance et non de temps consacré à de la « prospection » et donc à une activité de commercialisation.

De plus, la cour constate que le salarié n'exerçait que très peu son activité dans le Gers et que l'établissement secondaire de France incendie était situé à [Localité 6] (31).

En conséquence, l'employeur ne justifie ni du caractère indispensable pour l'entreprise d'une résidence dans le Gers ni du caractère proportionné au but recherché de cette atteinte à la liberté de choix.

Le salarié se trouvait, de fait, éloigné de 94 kilomètres de son agence sans réelle motivation alors qu'il devait s'y rendre régulièrement. M. [U] atteste qu'« ils étaient amenés à passer plusieurs fois par semaine pour récupérer du matériel pour les chantiers de la semaine étant donné que les rendez-vous étaient pris au jour le jour ».

Cette atteinte à une liberté individuelle a créé un préjudice au salarié en ce que ces déplacements inutiles ont engendré une fatigue importante et une dégradation de son état de santé qu'il convient d'indemniser par l'allocation d'une somme de 20 000 euros compte tenu de sa durée pendant deux ans.

La cour infirme le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts et condamne la société France incendie à payer à M. [E] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts relatifs à la clause de résidence.

V- Sur la demande en procédure abusive :

La société France incendie sollicite des dommages et intérêts estimant que la procédure initiée par M. [E] est abusive.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, il ne ressort pas de l'examen du litige que M. [E] soit de mauvaise foi.

En conséquence, il convient de débouter la société France incendie de sa demande en dommages et intérêts.

VI- Sur les demandes annexes :

M. [E], dont la succombance est prédominante, sera condamné aux dépens d'appel. La cour confirme la condamnation aux dépens prononcée en première instance.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais non répétibles par elle exposés en cause d'appel.

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes en frais non répétibles de procédure en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

DÉCLARE irrecevables M. [G] [E] en ses demandes de dommages et intérêts relatives à la nullité du système de géolocalisation en en rappel de prime d'ancienneté,

DÉCLARE recevable M. [G] [E] en sa demande de dommages et intérêts au titre de la contrepartie financière liée aux temps de trajet,

CONFIRME le jugement du 8 septembre 2021 en ce qu'il a :

- débouté M. [G] [E] de ses demandes en rappel de salaire pour heures supplémentaires

- débouté M. [G] [E] de sa demande en frais non répétibles de procédure

- débouté la société France incendie de sa demande en frais non répétibles de procédure

- condamné M. [G] [E] aux dépens

INFIRME le jugement du 8 septembre 2021 en ce qu'il a :

- déclaré la convention de forfait en jours opposable à M. [G] [E]

- débouté M. [G] [E] de sa demande en dommages et intérêts relatifs à la nullité de la clause de résidence

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE le forfait annuel en jours inopposable à M. [G] [E],

CONDAMNE la société France incendie à payer à M. [G] [E] la somme de 5245,28 euros au titre de la contrepartie financière liée aux temps de trajet,

CONDAMNE la société France incendie à payer à M. [G] [E] la somme de 20 000 euros au titre de la clause de résidence,

DÉBOUTE la société France incendie de sa demande en procédure abusive,

CONDAMNE M. [G] [E] aux dépens d'appel,

DÉBOUTE M. [G] [E] et la société France incendie de leurs demandes en frais non répétibles de procédure d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01046
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.01046 ?
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