La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2023 | FRANCE | N°21/00861

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 14 mars 2023, 21/00861


ARRÊT DU

14 MARS 2023



NE/CO*



-----------------------

N° RG 21/00861 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C5WS

-----------------------





MUTUELLE MACIF SUD OUEST PYRENEES





C/





[W] [R]





FÉDÉRATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE





-----------------------











Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 46 /2023







COUR D'APPEL D'AGEN
>Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre ass...

ARRÊT DU

14 MARS 2023

NE/CO*

-----------------------

N° RG 21/00861 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C5WS

-----------------------

MUTUELLE MACIF SUD OUEST PYRENEES

C/

[W] [R]

FÉDÉRATION DES EMPLOYES ET CADRES FORCE OUVRIERE

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 46 /2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

LA MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (MACIF) SUD OUEST PYRENEES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Nicolas CHAVRIER, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AGEN en date du 20 août 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00051

d'une part,

ET :

[W] [R]

née le 21 avril 1959 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

LA FÉDÉRATION DES EMPLOYÉS ET CADRES FORCE OUVRIERE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentées par Me Laurent BRUNEAU, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Eve OUANSON, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

INTIMÉES

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 07 février 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Madame [W] [R] a été embauchée par la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France Ile-De-France (ci-après dénommée MACIF) suivant contrat de travail du 4 mai 1987, en qualité de guichetière, classe A, coefficient 156, au sein de l'agence de [Localité 8].

A compter, ensuite, du 16 août 2011, Madame [W] [R] a exercé ses fonctions au sein de la région MACIF Pôle Sud-Ouest, en qualité d'assistante technique assurance, niveau 5A de la Convention collective nationale des sociétés d'assurance.

Le 4 avril 2018, la MACIF a convoqué Madame [W] [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, fixé au 13 avril 2018, convocation assortie d'une mesure de mise à pied à titre conservatoire dans l'attente du prononcé de la décision.

Le 11 avril 2018 Madame [W] [R] a adressé à Monsieur [V] [J], Directeur Général de la MACIF, un courrier faisant état d'une situation de harcèlement moral.

En réaction à ce courrier, l'employeur a diligenté une enquête confiée au Cabinet MUTACTION.

Le 13 avril 2018, Madame [W] [R] a sollicité, par courrier, la tenue d'une réunion d'un conseil de discipline, lequel s'est réuni le 7 mai 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mai 2018, la MACIF a notifié à Madame [W] [R] son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants :

« Recrutée au sein du Groupe Macif, le 1er mai 1987, vous exercez à ce jour la fonction d'assistant technique assurance au sein du service Contrôle Opérationnel de la MACIF Pôle Sud-Ouest.

Votre principale mission consiste à assurer des opérations de contrôle technique tout en garantissant la fiabilité des données.

Le 14 février 2018, en réponse à une demande de votre responsable de service, [T] [Z], de procéder à des activités de contrôle C2A, vous lui adressez un mail, aux propos inacceptables, dans lequel vous contestez sa démarche et sa décision et par voie de conséquence, sa responsabilité et son management.

Dans votre mail, auquel vous avez souhaité donner une large publicité, puisque vous avez ajouté à la liste des destinataires votre collègue et les responsables hiérarchiques de votre manager, vous mettez en cause l'action de ce dernier en l'accusant de « fait du prince », et poursuivez en insinuant qu'il vous demande un travail inutile et stupide, et qu'il n'est pas au fait de votre travail.

Pour parfaitement appréhender votre comportement fautif, il est nécessaire d'établir le récapitulatif de vos échanges avec votre manager précédant ce mail du 14 février 2018.

Le 5 janvier 2018, vous demandez à votre responsable de supprimer des dossiers des fichiers C2A avant de procéder à de nouvelles extractions, en indiquant que vous ne ferez pas d'autres contrôles issus de nouvelles extractions tant que le fichier n'aura pas été modifié.

Il s'agit là d'un premier comportement injustifié en ce sens où les contrôles constituent la mission principale de votre service et entrent naturellement dans le périmètre de votre fonction.

De plus, il est convenu au niveau du service que des dossiers considérés sans suite identifiés par vous et votre collègue soient retraités par votre manager à qui il appartient de procéder à leur suppression du fichier, et ce indépendamment de nouvelles extractions car n'étant pas un préalable à la réalisation d'une nouvelle campagne de contrôle.

Les dossiers non traités sont isolés et ne constituent qu'un faible volume (environ 1% du nombre total de dossiers), de sorte que l'absence d'action éventuelle de votre responsable sur ces dossiers ne vous empêchaient aucunement de poursuivre votre activité.

Il est à noter que [T] [Z] avait bien pris en compte, le jour même, la situation en organisant l'activité en connaissance de cause, conformément à ses prérogatives, et avait pris soin de répondre à votre mail.

Vous adressez toutefois un nouveau message, le 18 janvier 2018, pour réitérer votre position de n'effectuer d'autres contrôles issus de nouvelles extractions qu'à la condition que les dossiers restants soient supprimés du fichier.

Votre manager vous répond le jour même en vous apportant les préconisations nécessaires pour gérer les éventuelles difficultés rencontrées lors de la réalisation des activités de contrôle.

Cependant, vous persistez en adressant de nouveau un message le 19 janvier 2018 avec des sous-entendus sur la capacité de compréhension de votre responsable et en l'enjoignant de supprimer les dossiers concernés malgré les explications apportées par ce dernier.

Une fois de plus, [T] [Z], dans un mail du 19 janvier 2018, reformalise la nécessaire prise en charge de l'activité de contrôle conformément à ses précédentes consignes.

Le 13 février 2018 après une 4 ème demande où vous mettez explicitement en cause votre responsable sur sa façon de faire et où vous demandez de surcroît l'annulation des extractions effectuées la veille, [T] [Z] vous confirme sa décision en rappelant une nouvelle fois tous les éléments de contexte et les consignes à appliquer.

Et c'est donc à la suite que vous adressez sciemment le mail précité du 14 février 2018 fustigeant l'action de votre manager.

Tant vos propos que votre attitude démontrent un non-respect de l'autorité, un manque de loyauté et une entrave à l'action de votre manager.

Cette situation n'est au demeurant qu'une illustration d'une attitude que vous avez adoptée à plusieurs reprises depuis des mois, tendant à déstabiliser et décrédibiliser l'action managériale, ainsi qu'à contester des activités, des décisions et des consignes.

Il est à rappeler que vous avez déjà fait l'objet par le passé de mesures disciplinaires pour des manquements à vos obligations professionnelles. En effet, des avertissements vous ont été notifiés en 2007, 2008 puis plus récemment en 2016 pour non-respect des règles et directives.

De nombreux rappels vous ont été fait, tout au long de l'année 2017, pour vous demander de veiller à la bonne application des règles et directives.

Tel a notamment été le cas lors de votre entretien de progrès 2017, lors de l'entretien N+2 demandé à votre initiative et effectué le 12 avril 2017 avec [O] [E] responsable support après-vente, ainsi que lors du point EP intermédiaire, effectué avec votre manager le 28 juin 2017.

D'autres situations ont également fait l'objet de rappels lors de nombreux échanges avec votre management : à titre d'exemple, le 31 mai et 18 août 2017 pour la mise en place d'un contrôle sur les Maj/Min mais aussi le 11 décembre 2017, dans un message relatif aux retours sur contrôle C2A.

Il est important de souligner que les règles que vous n'avez de cesse que de critiquer, voire que vous vous abstenez d'appliquer, n'ont pas été édictées au niveau de votre manager direct mais qu'il s'agit de règles nationales ou du pôle Sud-Ouest qui s'appliquent au-delà de votre seul périmètre et par conséquent à d'autres salariés que vous-même.

D'autres faits démontrent votre manque de loyauté vis-à-vis de votre manager. Cela a débuté dès la prise de fonction de votre responsable avec un mail du 16 janvier 2017. A plusieurs autres reprises, vous critiquez l'action de votre responsable comme dans des mails en date des 31 mai 2017, 4 octobre 2017, 23 octobre 2017 ou 11 décembre 2017.

En conclusion, par votre attitude manifeste, vous tendez à ne pas respecter les consignes ni à appliquer les processus demandés, malgré les explications et les multiples rappels formalisés.

Vous vous opposez également au principe même de management et de lien de subordination et refusez les règles de l'entreprise.

Vos propos et agissements, démontrés dans le mail du 14 février 2018, sont l'illustration d'un comportement fautif, répétés à plusieurs reprises ces derniers mois et ayant des répercussions sur le fonctionnement et le management du service.

Après avis du Conseil, nous considérons que l'ensemble des faits énoncés ci-dessus sont donc constitutifs d'une faute qui justifie votre licenciement.»

Par requête du 29 avril 2019, Madame [W] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Agen d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 20 août 2021, le conseil de prud'hommes d'Agen a :

- dit et jugé que le licenciement de madame [R] est nul,

- ordonné la réintégration de Madame [R],

- condamné la MACIF à verser 95.000 € net à Madame [W] [R] au titre d'indemnités pour licenciement nul,

- dit et jugé que la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière est recevable et bien fondée en ses demandes,

- condamné la MACIF à verser 2.000 € à Madame [W] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté au surplus les parties de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamné la MACIF aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 2 septembre 2021, la MACIF a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Agen le 20 août 2021, visant expressément les chefs de jugements critiqués.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 7 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 15 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, la MACIF demande à la cour :

1/ Sur les demandes formulées par Madame [W] [R]

A titre principal,

- juger que Madame [W] [R] n'a pas été victime d'actes de harcèlement moral ;

- juger qu'elle n'a pas violé son obligation de sécurité ;

- juger qu'elle n'a aucunement violé la liberté d'expression de Madame [W] [R] ;

- juger que le licenciement de Madame [W] [R] ne souffre d'aucune cause de nullité ;

- juger que le licenciement de Madame [W] [R] est bien-fondé et parfaitement justifié ;

- juger que Madame [W] [R] faillit à démontrer qu'elle l'aurait licenciée dans des conditions brutales et vexatoires ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [W] [R] était nul ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration à son poste de travail de Madame [W] [R] depuis la date de son licenciement ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l' a condamnée à verser à Madame [W] [R] la somme de 95 000 € net à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Madame [W] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l' a condamnée aux entiers dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [W] [R] de l'ensemble de ses autres demandes ;

En conséquence :

- juger que le licenciement de Madame [W] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse et n'a pas été prononcé dans des conditions brutales et/ou vexatoires ;

- débouter Madame [W] [R] de sa demande de requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter Madame [W] [R] de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Si la cour devait, par extraordinaire, juger que le licenciement de Madame [W] [R] était dénué de cause réelle et sérieuse :

- fixer le salaire moyen de Madame [W] [R], conformément à ses calculs, à la somme de 3 926,63 € brut ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Madame [W] [R] la somme de 95 000 € net à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- réduire le montant de cette condamnation à de plus justes proportions et faire, en tout état de cause, application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, de sorte que Madame [W] [R] ne pourra percevoir, à ce titre, que la somme maximale de 78 532,60 € brute et ce uniquement si elle est en mesure de le justifier, ce qui n'est pas le cas.

A titre infiniment subsidiaire,

Si la cour devait, par extraordinaire, juger que le licenciement de Madame [W] [R] était nul :

- infirmer le jugement en ce qu'il l' a condamnée à verser à Madame [W] [R] la somme de 95 000 € net à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- réduire le montant de cette condamnation à de plus justes proportions et ce, en tout état de cause, dans la limite du montant des seuls salaires dont Madame [W] [R] a été privé, ce dont elle devra justifier ;

- condamner, si la cour devait prononcer la réintégration de la salariée à son poste de travail, Madame [W] [R] à lui rembourser les sommes perçues au titre de la rupture de son contrat de travail, soit les sommes de :

' 72 506,41 € qu'elle a perçue au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

' 9 307,89 € qu'elle a perçue au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

' 7 262,75 € qu'elle a perçue au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Reconventionnellement et en tout état de cause,

- condamner Madame [W] [R] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

2/ Sur les demandes formulées par la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière :

- juger que les griefs invoqués au soutien de l'action de la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière ne sont pas établis ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière était recevable et bien fondée en ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière de ses demandes formulées à titre de « dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente » et « au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

En conséquence :

- débouter la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière de l'ensemble de ses demandes.

Reconventionnellement et en tout état de cause,

- condamner la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- Madame [W] [R] a saisi le conseil de prud'hommes une première fois le 19 mars 2009 en annulation de deux avertissements et des dommages et intérêts pour discrimination syndicale et a en partie obtenu gain de cause sur l'une des sanctions et sur la discrimination par un arrêt du 19 novembre 2011,

- Madame [W] [R] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes le 4 avril 2017 aux fins d'annulation d'une sanction disciplinaire et n'avait alors invoqué ni discrimination, ni harcèlement moral, ni violation par la MACIF de son obligation de sécurité,

- rien ne peut donc plus être jugé ni repris qui soit antérieur au 16 novembre 2011 puisqu'elle a déjà été condamnée, cela a force de chose jugée, et le présent dossier ne peut concerner que la période postérieure au mois de mai 2017 puisque, de son propre aveu, de 2011 à avril 2017, elle n'a pas à formuler quelque grief, notamment de harcèlement moral, à son encontre

Sur les griefs formulées par Madame [R] relatifs à son licenciement

- en se permettant de substituer un autre motif de licenciement à celui inscrit par l'employeur dans la lettre de licenciement, il est indéniable que la juridiction prud'homale a manifestement excédé ses pouvoirs

- dans la lettre de licenciement qu'elle a notifiée à Madame [W] [R], elle ne lui a reproché ni ses « accusations », ni son « attitude » mais une insubordination caractérisée, un refus des instructions de son supérieur hiérarchique et une violation de son obligation de loyauté,

- il n'est pas possible, a posteriori, de modifier le motif du licenciement et de sanctionner la MACIF pour violation du droit d'expression alors qu'elle ne s'est pas placée, dans la lettre de licenciement, sur le terrain de l'abus du droit d'expression,

- le ton autoritaire utilisé par Madame [R], la publicité donnée à ses propos, tout comme son refus de se conformer aux directives de Monsieur [Z], allaient bien au-delà de la liberté d'expression dont peut se prévaloir un salarié,

- l'employeur, comme le salarié, sont libres de proposer à quiconque, dans quelques conditions que ce soit, une rupture conventionnelle du contrat de travail, et ce pour diverses raisons, sans qu'il n'en soit tiré une conséquence implicite,

Sur le bien-fondé du licenciement de Madame [R]

- les faits s'inscrivent dans la continuité de l'attitude adoptée par l'intéressée dans les mois précédents, la salariée avait reçu un avertissement au mois de juillet 2016 pour avoir refusé d'exécuter les directives formulées par sa responsable hiérarchique et si cet avertissement a par la suite été annulé par la cour, cette annulation est intervenue postérieurement aux faits reprochées dans la cadre du licenciement,

- dès la prise de fonction de Monsieur [Z], début 2017, Madame [R] a remis en cause son autorité et refusé de s'adresser à lui aux motifs qu'elle n'avait pas reçu de note officielle l'informant de sa nomination, et les échanges de mails postérieurs montrent sa tentative d'inversement du rapport hiérarchique et son refus de l'autorité,

- ce comportement d'opposition de la salariée se retrouve aussi dans l'entretien de progrès du 6 avril 2017et les entretiens professionnels du 12 avril 2017 et du 28 juin 2017,

- la forme du mail du 14 février 2018 traduit la remise en cause par Madame [R] de l'action de son manager et démontre qu'elle n'entendait pas exécuter les tâches qui lui étaient dévolues,

- en donnant une large publicité à ce mail, elle a sciemment tenté de décrédibiliser l'action de son responsable hiérarchique, se plaçant en insubordination manifeste à son égard,

- les attestations des autres salariés du service sont élogieuses à l'égard de Monsieur [Z],

- le licenciement de Madame [R] repose sur la violation, par elle, de ses obligations professionnelles, et, en particulier, de son obligation de loyauté, sur son non-respect réitéré des règles internes, son refus des instructions et la remise en cause à répétition et de manière anormale de son supérieur hiérarchique,

- Madame [R] ne conteste ni ce point, ni même, la matérialité des griefs de licenciement simplement les trouve-t 'elle « futiles »

Sur l'absence de harcèlement moral subi par Madame [R]

- il est acquis que Madame [R] n'a saisi le conseil de prud'hommes qu'en avril 2019, de sorte que les faits antérieurs au mois d'avril 2014 ne pourraient valablement venir au soutien de sa demande de voir reconnaître une situation de harcèlement moral,

- la seule preuve avancée par Madame [R] de son prétendu harcèlement moral est le fait qu'elle ait été sanctionnée d'un avertissement en 2016, lequel a été annulé judiciairement,

- or le harcèlement moral suppose une répétition d'actes et l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire ne caractérisant pas à lui seul un harcèlement moral,

- il est plus que révélateur de constater que ce n'est qu'au lendemain de sa convocation à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour faute grave, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, que Madame [R] a jugé opportun d'alerter la MACIF sur la situation de harcèlement moral que lui faisait soi-disant subir son responsable hiérarchique, Monsieur [Z],

- Madame [R] se permet d'indiquer, dans ses écritures d'appel que l'enquête aurait été « menée par la Direction elle-même sous couvert d'un recours à un cabinet externe », cette allégation est consternante et ne repose sur rien,

- Madame [R] a bien été placée dans la possibilité de récupérer les données informatiques qu'elle souhaitait pour illustrer ses propos tenus lors de son entretien avec Monsieur [Y] en charge de l'enquête mais elle a décidé, de son propre chef de ne pas le faire,

- au début du mois de mai 2018, le cabinet MUTACTION a restitué son rapport d'audit avec pour conclusion, le fait qu'il n'y avait pas de faits précis et étayés permettant de qualifier des faits de harcèlement moral dans le cas de Madame [R],

Sur l'absence de violation de l'obligation de sécurité

- il a été démontré de manière exhaustive plus-avant que la situation de harcèlement moral dont Madame [R] estime avoir été victime n'est en réalité aucunement caractérisée par les pièces versées aux débats par elle et elle sera purement et simplement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation, par l'employeur, de son obligation de santé et de sécurité au titre du harcèlement moral soi-disant subi,

- au surplus, Madame [R] ne justifie d'aucun préjudice distinct qui ne serait pas réparé par l'indemnité qu'elle sollicite au titre du caractère prétendument sans cause réelle et sérieuse (et/ou nul) de son licenciement mais encore au titre du harcèlement moral,

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

- tout employeur a le droit de procéder, s'il soupçonne une faute grave, par le biais d'une mise à pied à titre conservatoire. C'est une procédure légale qui ne peut donc être qualifiée de vexatoire,

- aucun abus de la MACIF n'a été commis dans la remise des affaires personnelles de la salariée et Monsieur [P] avait, expressément indiqué à Madame [R] que ses accès informatiques lui seraient rétablis pour constituer son dossier le 3 mai 2018 afin qu'elle puisse y récupérer toutes les informations qu'elle estimerait opportunes,

- en vertu des dispositions de l'article L.2142-10 du code du travail, les sections syndicales peuvent effectivement inviter des personnes extérieures, autres que syndicales, à participer à une réunion, au sein du local syndical, mais dans tous les cas, l'autorisation de l'employeur est toutefois nécessaire pour que la réunion se tienne dans le local syndical ou dans un local mis à disposition à cet effet. Ainsi, la MACIF était parfaitement en droit de ne pas autoriser l'accès de Madame [R] au local syndical,

Sur la demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

- elle a bien pris en compte les spécificités de la convention collective en considération des différentes périodes travaillées, outre les majorations dues à l'âge de Madame [R] à la date de son licenciement,

Sur les demandes formulées par le syndicat Force Ouvrière

- l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ne doit cependant pas être confondu avec l'intérêt individuel de ses membres, qui relève de leur seule action individuelle,

- par courrier daté du 6 juin 2018, Monsieur [F], Directeur Général Adjoint a apporté une réponse motivée et complète aux sollicitations de Monsieur [L], secrétaire fédéral FO, lequel avait écrit au Directeur Général de la MACIF, à propos de la situation de Madame [W] [R],

Dans leurs dernières conclusions, reçues au greffe le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens, Madame [R] et la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière demandent à la cour de :

- dire et juger Madame [R] et la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière recevables et bien fondée en leur appel incident, en leurs demandes, fonds et conclusions ;

Sur l'appel principal,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du 20 août 2021 en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [R] est nul ;

- ordonné la réintégration de Madame [R] ;

- condamné la MACIF à verser à Madame [R] au titre d'indemnité pour licenciement nul le somme de 95 000 € nets ; la portant à la somme de 213 140,00 € nets ;

- dit et jugé que la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière est recevable et bien fondée en ses demandes ;

- condamné la MACIF à verser 2.000 € à Madame [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la MACIF aux entiers dépens

sur l'appel incident,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du 20 août 2021 en ce qu'il a :

- débouté au surplus les parties de leurs demandes, fins et conclusions, et donc

* débouté Madame [R] de sa demande de voir jugé que son licenciement est nul en application des articles L1152-1 et L1152-3 du code du travail ;

* débouté Madame [R] de sa demande de voir condamner la MACIF à lui verser la somme de 100 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison des actes de harcèlement moral subis et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ;

* débouté Madame [R] de sa demande de voir condamner la MACIF à lui verser la somme de 25 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, psychologique et personnel subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement.

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du 20 août 2021 en ce qu'il a omis de statuer sur le quantum de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente sollicité par la Fédération des Employés et Cadre Force Ouvrière

Statuant à nouveau,

- juger que Madame [R] a été victime d'agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ;

- juger que le licenciement de Madame [R] trouve sa cause dans le harcèlement moral dont elle a été victime ;

- juger que l'employeur a manqué à son obligation de santé et de sécurité de résultat ;

- juger que le licenciement repose sur un motif portant atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale, à savoir la liberté d'expression de Madame [R] ;

- juger que Madame [R] n'a commis aucune faute ;

- juger que les circonstances du licenciement de Madame [R] revêtent un caractère brutal et vexatoire ;

En conséquence,

A titre principal,

- juger que le licenciement de Madame [R] est nul en application des articles L.1152-1 et L.1152-3 du code du travail ;

- juger que le licenciement de Madame [R] prononcé en violation de sa liberté d'expression est nul ;

En conséquence :

- condamner la MACIF à verser à Madame [W] [R] la somme forfaitaire de 213 140 € nets à titre d'indemnité pour licenciement nul réparant intégralement le préjudice découlant de la nullité de son licenciement ;

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement de Madame [W] [R] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- juger que le barème d'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu à l'article L.1235-3 du code du travail est contraire aux articles 24 de la Charte Sociale Européenne et 10 de la Convention n°158 de l'OIT ;

- juger que Madame [R], ayant été licenciée abusivement, a droit à une indemnisation adéquate réparant de manière appropriée le préjudice que lui a causé la perte injustifiée de son emploi ;

- condamner la MACIF à verser à Madame [R] la somme de la somme de 180 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse assortie des intérêts au taux légal ;

En tout état de cause,

- juger que la MACIF a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession que représente la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière ;

- fixer le salaire brut moyen de Madame [R] à la somme de 3 947,07 € ;

- condamner la MACIF à verser à Madame [R] la somme de 100 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison des actes de harcèlement moral subis et de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat ;

- condamner la MACIF à verser à Madame [R] la somme de 25 000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, psychologique et personnel subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

- condamner la MACIF à verser à Madame [R] les sommes de 1 370,78 € au titre de rappel sur d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- dire et juger que les condamnations sont assorties des intérêts au taux légal ;

- condamner la MACIF à verser à la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière la somme de 2000,00€ au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice portée à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, assortie des intérêts au taux légal ;

- condamner la MACIF à verser à :

- Madame [R] la somme de 5 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière la somme de 1 000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la MACIF aux intérêts légaux sur toutes les demandes en paiement des sommes d'argent ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d'huissier de justice.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir que :

Sur le harcèlement moral subi par Madame [R] et la nullité du licenciement

- elle a subi, à partir de 2012, et jusqu'à son éviction de la MACIF des mesures coercitives et d'agissements répressifs constitutifs d'un harcèlement moral, lesquels ont conduit tout à la fois à la dégradation des conditions de travail, à porter atteinte à l'honneur et la dignité de la salariée jusqu'à compromettre définitivement son avenir professionnel dans l'entreprise par son licenciement orchestré,

- à l'origine du comportement de l'employeur et des agissements constitutifs de harcèlement moral, se trouve un contentieux qui a opposé Madame [R] a son employeur pendant près de 3 années, lorsqu'elle était déléguée syndicale FO et qui a abouti à un arrêt rendu le 16 novembre 2011 par la cour d'appel de Montpellier qui a condamné la MACIF à la réparation de la discrimination syndicale et professionnelle subie par Madame [R] et annulé les deux avertissements qui lui avaient été illégitimement notifiés comme mesures de rétorsion,

- peu de temps après l'issue de cette procédure contentieuse, de manière grandissante, Madame [R] a été à nouveau victime de critiques récurrentes et injustifiées de la part de son supérieur hiérarchique, de brimades et d'humiliations quotidiennes et régulières, y compris face aux autres collaborateurs du service, d'un mépris de sa considération et de ses demandes.

- en raison l'inaction et l'indifférence de l'employeur, Madame [R] n'a eu d'autres choix que saisir les représentants du personnel sous la pression desquels il a été décidé sa mutation en janvier 2015, dans un autre service nouvellement créé à cet effet,

- moins d'un an après sa mutation, la salariée a constaté que les agissements de rétorsion ressurgissaient, l'employeur réitérait strictement les mêmes agissements de harcèlement moral et usait du même procédé que par le passé,

- comme par le passé, elle a été victime de remise en question, de mise à l'écart jusqu'à faire l'objet d'un avertissement injustifié notifié le 26 juillet 2016 par Monsieur [P], avertissement qui sera annulé par la cour d'appel d'Agen par arrêt du 11 février 2020,

- dès le début de la procédure contentieuse prud'homale initiée par Madame [R] en 2017, ses conditions de travail se sont alors davantage considérablement détériorées jusqu'à ce que soit définitivement compromis son avenir professionnel dans l'entreprise,

- l'ultime acte de représailles de l'employeur contre Madame [R] a été de mettre en place une stratégie d'éviction brutale et définitive à l'occasion de laquelle il a 'uvré pour faire échec tant aux droits de la défense de Madame [R] qu'à l'enquête ouverte pour dénonciation de faits de harcèlement,

l - le 16 février 2018, Monsieur [P] a proposé à Madame [R] la conclusion d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail motivée par une prétendue incompatibilité comportementale de Madame [R] avec l'entreprise, qu'elle a refusé,

- en raison de ce refus de plier face à la tentative abusive d'éviction par l'employeur, ce dernier a exploité presque 2 mois plus tard le courriel du 14 février pour la congédier de manière illicite et outrancière,

- le licenciement de Madame [R] est l'ultime acte coercitif de l'employeur à l'encontre de sa salariée s'inscrivant dans une stratégie de représailles et d'éviction élaborée frauduleusement,

- l'employeur a usé de toutes les man'uvres pour que Madame [R] ne puisse pas apporter de preuve tant à son absence de comportement fautif qu'aux faits de harcèlement qu'elle a subi, violant ainsi les droits fondamentaux de la salariée et faisant preuve d'une déloyauté outrancière,

- cette man'uvre frauduleuse ressort, d'abord, de manière évidente du choix de l'employeur d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, lui permettant de l'assortir d'une mise à pied conservatoire, pour finalement ne licencier la salariée que pour faute simple,

- l'employeur lui a interdit l'accès au local syndical au sortir de l'entretien préalable,

- l'employeur a empêché sciemment Madame [R] de pouvoir utilement faire valoir sa défense devant le conseil disciplinaire, lequel s'est vu présenter un dossier uniquement à charge contre la salariée,

- l'employeur a confié l'enquête pour harcèlement moral à celui qui était mis en cause : Monsieur [P]

- alors que la Charte de prévention et de traitement des situations présumées de harcèlement au travail en vigueur au sein du Groupe la MACIF prévoit une association des membres du CHSCT lors de l'enquête, l'employeur s'est borné à informer l'instance le 16 avril 2018 de l'ouverture de l'enquête puis le 06 juillet 2018 des conclusions de ladite enquête,

- lorsque Madame [R] a été convoquée dans le cadre de l'enquête relative à la situation de harcèlement moral dont elle était victime pour être auditionnée, l'employeur lui a rendu impossible l'accès à ses outils et documents informatiques, pourtant sollicités par l'auditeur. Le comportement de l'employeur a donc empêché la salariée de fournir des preuves matérielles et d'étayer les faits subis et dénoncés dans le cadre de l'enquête,

- ce n'est que dans le cadre des présents débats judiciaire par la communication de pièces en défense le 22 novembre 2019 que Madame [R] aura connaissance du contenu du rapport d'enquête, soit plus de 16 mois après la remise du rapport à la direction de la MACIF.

Sur le licenciement prononcé en violation de la liberté d'expression et dénué de tout caractère fautif

- la liberté d'expression a valeur de liberté fondamentale est protégée par les sources du droit les plus élevées dans la hiérarchie des normes : article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, du 26 août 1789

- les critiques exprimés par le salarié à l'encontre d'un supérieur hiérarchique, émises de façon mesurée, sans propos injurieux, ni diffamatoires, ne peuvent justifier un licenciement

- les termes du courriel rédigé par Madame [R] le 14 février 2018 et ses critiques exprimés à l'encontre d'un des managers l'ont été de façon mesurée, sans comporter de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs,

- le motif de licenciement s'inscrit en violation du droit au respect de sa liberté d'expression dans l'entreprise,

- il ne ressort du moindre courriel de Madame [R] le moindre « refus d'autorité»,

Sur les circonstances brutales vexatoires et humiliantes du licenciement

- Madame [R] a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire « compte tenu de la gravité des faits reprochés » abusive et brutale,

- Madame [R] s'est vue retirer abusivement, et pour faire échec au droit de la défense, tous ses accès et outils informatiques, et ce dès sa mise à pied,

- l'employeur a, à plusieurs reprises, empêché ou rendu sciemment difficile l'accès par la salariée aux locaux de l'entreprise et même au local syndical,

Sur les demandes

- Madame [R] a été licenciée à l'âge de 59 ans, la privation illicite et abusive de son emploi lui a fait perdre la chance d'achever sa vie professionnelle dans l'entreprise dans laquelle elle a travaillé pendant plus de 32 années, et ce jusqu'à son éligibilité à la retraite,

- elle a dès lors, non seulement, subi un préjudice de retraite important vu sa situation d'emploi actuelle, mais a, en plus, été privée des avantages légaux ou conventionnels liés à son ancienneté et la santé financière d'un groupe comme la MACIF comme le bénéfice de l'intéressement et la participation,

- Madame [R] n'a pu retrouver un emploi que dans des conditions contraignantes et précaires et sa rémunération est de près de 50% plus faible que celle qu'elle percevait au sein de la MACIF de sorte qu'elle est toujours indemnisée par pôle emploi au titre de l'ARE,

- elle a dû quitter [Localité 6] pour [Localité 10], elle a dû mettre sa maison en vente, louer un appartement meublé à [Adresse 9], de sorte qu'elle a à supporter le paiement d'un loyer en plus du remboursement de prêt de sa maison et des taxes foncières et d'habitation,

- elle ne sollicite plus sa réintégration devenue impossible du fait qu'elle a été contrainte à faire liquider ses droits à la retraite,

- subsidiairement, l'indemnisation adéquate du salarié réparant de manière appropriée le préjudice que lui a causé la perte injustifiée de son emploi ne peut être garantie par l'application du barème d'indemnisation prévu à l'article L.1235-3 du code du travail issu de l'Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, c'est pour cela que, dans le cadre de son contrôle de conventionalité, le juge prud'homal peut écarter l'application d'une disposition nationale qui serait contraire aux conventions internationales ratifiées par la France, en l'espèce l'article 24 de la Charte sociale européenne, tel qu'interprété par le Comité Européen des Droits Sociaux, et à l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT

Sur l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession et le préjudice subi par la Fédération des employées et cadres Force Ouvrière

- à plusieurs reprises, la Fédération Force Ouvrière a fait connaître sa ferme contestation de la procédure abusive engagée par l'employeur et dont était victime « la militante historique de l'organisation syndicale » qu'est Madame [R],

- la demande se fonde tant sur la violation par l'employeur de ses obligations en matière d'interdiction du harcèlement moral et de protection de la santé physique et mentale de ses salariés, que sur la grave atteinte portée à la liberté d'expression de Madame [R],

- en raison du fait, que la solution du présent litige présente pour les membres du syndicat un intérêt fondamental, mais également, que l'objet du litige porte une décision de l'employeur portant un préjudice professionnel direct mais aussi d'ordre moral, à l'intérêt collectif de la profession, sa demande est bien fondée.

MOTIVATION

Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement

Aux termes de l'article 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention,malveillante ou non de son auteur.

Par ailleurs, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés qui lui impose de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir tout harcèlement moral et de sanctionner les salariés qui se rendraient auteurs de tels agissements.

Méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n'a pas pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Le régime probatoire du harcèlement moral est régi par l'article L.1154-1 de ce même code qui prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ce texte que le salarié n'est tenu que d'apporter au juge des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.

Le juge doit en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués, puis qualifier juridiquement ces éléments en faits pris dans leur ensemble pour savoir s'ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, et enfin examiner les éléments de preuve produits par l'employeur pour déterminer si ses décisions à l'égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Pour agir devant le conseil de prud'hommes, la salariée doit engager la procédure dans le délai de prescription de 5 ans.

En l'espèce, Madame [R] invoque des agissements répétés de ses supérieurs hiérarchiques qui seraient constitutifs d'un harcèlement moral depuis 2012.

Pour autant, elle n'a saisi le conseil des prud'hommes à ce titre que le 29 avril 2019, de sorte que les faits invoqués antérieurs au 29 avril 2014 sont couverts par la prescription.

Madame [R] soutient avoir fait l'objet de critiques récurrentes et injustifiées, de brimades et d'humiliations quotidiennes et régulières, y compris face aux autres collaborateurs du service, d'un mépris de sa considération et de ses demandes, d'une mise à l'écart jusqu'à faire l'objet d'un avertissement injustifié notifié le 26 juillet 2016 par Monsieur [P], de la mise en place d'une stratégie d'éviction caractérisée par une proposition de rupture conventionnelle frauduleuse et illicite, d'une éviction immédiate et soudaine, de man'uvres illicites pour faire échec aux droits de la défense et à l'enquête partiale.

Elle produit :

- un courriel de saisine du CHSCT du 5 août 2014

- un courriel du 18 août 2014 adressé aux membres du CHSCT détaillant les agissements dont elle se plaint de son supérieur hiérarchique M. [B]

- une sanction disciplinaire à son encontre du 25 juillet 2016 (avertissement) et l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 11 février 2020 annulant cette sanction,

- un courrier du 11 avril 2018 adressé au Directeur Général dénonçant des faits de harcèlement moral,

- un courrier de l'employeur du 19 avril 2018 l'informant du déclenchement d'une enquête et la conviant à un entretien avec M. [Y] du cabinet MUTACTION en charge de l'enquête,

- le compte rendu de l'entretien entre Madame [R] et le représentant du cabinet MUTACTION,

- un courrier adressé à M. [P] l'informant d'événements perçus comme «choquants, blessants voire humiliants» soit avoir dû sonner 5 fois et attendu 5 minutes devant la porte du service RH lors de l'entretien avec MUTACTION avant que la porte ne soit finalement ouverte après avoir sonné au service du personnel, et n'avoir pu avoir accès à son poste informatique lors de l'entretien.

A l'exception des pièces relatives à la sanction disciplinaire du 25 juillet 2016, par la suite annulée, force est de constater que les pièces produites émanent toutes de Mme [R] elle même et qu'aucun élément objectif n'est produit au soutien de ses allégations.

Si elle justifie avoir saisi le CHSCT en août 2014, puis le Directeur Général en avril 2018 lequel a fait procéder à une enquête par le cabinet MUTACTION, elle ne produit pour autant pas les résultats des investigations menées par ces deux instances.

Contrairement à ce que Madame [R] soutient dans ses écritures, elle n'a pas appris les conclusions de l'enquête du cabinet MUTACTION au cours de la procédure le 22 novembre 2019 mais dès le mois de juillet 2018 par un courriel de M. [P] du 23 ( sa pièce 42) puis par courrier du même (sa pièce 43).

Les conclusions de l'enquête reproduites dans ces pièces sont les suivantes :

« Nous avons cherché à retranscrire le plus fidèlement et le plus objectivement les différents témoignages.

Lors des entretiens, nous avons cherché à identifier des faits précis permettant de laisser [W] [R] ressentir qu'elle était victime de harcèlement.

A l'issue de notre enquête, nous n'avons pas pu détecter de faits précis et étayés pour confirmer avec certitude la situation de harcèlement moral dont se dit victime [W] [R]. Nous ne pouvons qu'avoir le sentiment d'un conflit avec l'entreprise qui dure depuis presque 20 ans. [W] [R] est reconnue comme techniquement compétente mais la difficulté semble être d'ordre relationnelle.

Le mode de fonctionnement de l'entreprise et du management en général ne semble pas correspondre à ses attentes. Elle voit ainsi chacune des décisions comme une forme de harcèlement. Elle reconnaît elle même ressentir une forme de « paranoïa dans l'entreprise et tout interpréter de manière négative».

Nous croyons bon de rappeler que cette enquête a été déclenchée par un courrier d'[W] [R], nous avons donc travaillé cette hypothèse durant les entretiens. Toutefois plusieurs des personnes rencontrées ont évoqué, durant les entretiens, le sentiment d'être elles mêmes harcelées par [W] [R]. Il semble qu'un point de non retour ait été atteint. »

Aucun élément ne permet de remettre en cause l'objectivité du cabinet MUTACTION, organisme tiers spécialisé dans la prévention des risques professionnels, dans l'enquête menée, comme le fait gratuitement Madame [R] dans ses écritures.

Les difficultés d'accès aux locaux lors de son entretien avec M. [Y] ont été les mêmes pour ce dernier, ainsi que cela ressort du compte rendu d'entretien, cette difficulté ne pouvant ainsi aucunement s'interpréter comme un agissement de l'employeur à son encontre.

Si Madame [R] n'a pas eu accès à son poste informatique lors de l'entretien, elle ne conteste cependant pas que M. [Y] lui a proposé de transmettre des documents postérieurement à l'entretien dès lors qu'elle aurait à nouveau accès à son poste, que l'employeur lui en a par la suite donné possibilité et qu'elle ne s'en est pas saisie. Ce fait ne saurait ainsi s'interpréter en une man'uvre pour faire échec à ses droits, dès lors qu'elle pouvait par la suite adresser au cabinet en charge de l'enquête tout document utile.

Ainsi, les éléments présentés par la salariée et matériellement établis, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'annulation d'une sanction disciplinaire, étant à elle seule insuffisante à établir cette présomption.

La cour infirme le jugement entrepris sur ce point et déboute Madame [R] de sa demande de nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi et de la violation par l'employeur de son obligation de protection de la santé et de la sécurité de la salariée

Madame [R] demande la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 100 000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du harcèlement moral et la violation par l'employeur de son obligation de sécurité.

La cour a retenu que la violation de l'article L.1152-1 du code du travail par l'employeur n'est pas caractérisée.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont il lui appartient d'assurer l'effectivité. Elle lui impose de prendre toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, mais également toutes les mesures propres à faire cesser les agissements mettant en péril la santé ou la sécurité des salariés.

En l'espèce, dès que le directeur général a été informé le 18 avril 2018 par Madame [R] des faits de harcèlements moral qu'elle prétendait subir, il a le même jour informé le CHSCT et saisi un cabinet externe aux fins d'enquête.

Aucune violation par l'employeur de son obligation de protection de la santé et de la sécurité de la salariée ne peut donc être retenue.

Madame [R] sera débouté en conséquence de sa demande en paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse doit présenter une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur fait grief à Madame [R] :

- d'avoir le 14 février 2018, adressé un mail, aux propos inacceptables, à son responsable de service, [T] [Z], en réponse à une demande de procéder à des activités de contrôle C2A, contesté sa démarche et sa décision et par voie de conséquence, sa responsabilité et son management,

- d'avoir auparavant le 5 janvier 2018, adopté un comportement injustifié en demandant à son responsable de supprimer des dossiers des fichiers C2A avant de procéder à de nouvelles extractions, en indiquant qu'elle ne ferait pas d'autres contrôles issus de nouvelles extractions tant que le fichier n'aura pas été modifié, alors que les contrôles constituent la mission principale de son service et entrent naturellement dans le périmètre de sa fonction,

- d'avoir envoyé au responsable un autre message le 18 janvier 2018, pour réitérer sa position de n'effectuer d'autres contrôles issus de nouvelles extractions qu'à la condition que les dossiers restants soient supprimés du fichier, suivi d'un autre message le 19 janvier 2018 enjoignant au responsable de supprimer les dossiers concernés, et ce malgré les réponses faites par ledit responsable, Monsieur [Z] par courriels des 18 et 19 janvier,

- d'avoir formalisé une nouvelle demande le 13 février en mettant en cause le responsable sur sa façon de faire ,et ce alors que de nombreux rappels lui avaient été faits au cours de l'année 2017, notamment lors de son entretien d'évaluation lors du point EP intermédiaire ou par messages,

- d'avoir manqué de loyauté envers son manager, critiqué son action dans différents courriels,

- de ne pas respecter les consignes ni appliquer les processus demandés, de s'opposer au principe même du management et du lien de subordination, de refuser les règles de l'entreprise.

Pour démontrer la réalité des griefs, l'employeur produit :

- des échanges de courriels du 16 janvier 2017 entre Madame [R], Monsieur [A] et Monsieur [Z],

- des échanges de courriels entre Madame [R] et Monsieur [Z] du 31 mai 2017, du 4 octobre 2017, des 20 et 23 octobre 2017, des 11 et 12 décembre 2017

- l'entretien de progrès du 6 avril 2017,

- les comptes rendus d'entretiens professionnels des 12 avril 2017 et 28 juin 2017,

- les courriels visés dans la lettre de licenciement,

- des attestations de salariés témoignant des qualités humaines et de la bienveillance de Monsieur [Z] ( M [G], M [K], Mme [C], M [N]).

La cour constate que la réalité des griefs reprochés à la salariée est suffisamment établie par les pièces produites. Ainsi les échanges de courriels montrent que Madame [R] ne respectait pas toujours les procédures mises en place ni les consignes qui lui étaient données, qu'elle pouvait refuser d'accomplir une tâche relevant pourtant de sa compétence, refuser l'autorité de son supérieur hiérarchique, lui adresser des critiques voire des injonctions.

Lors des entretiens professionnels, son attention avait pourtant été à plusieurs reprises attirée sur la nécessité de modifier son comportement.

C'est vainement que Madame [R] fait valoir qu'elle n'a fait qu'un usage régulier de sa liberté d'expression. De première part, le licenciement n'est pas fondé, contrairement à ce qu'elle prétend, uniquement sur l'envoi du courriel du 14 février 2018, et c'est de manière insuffisante que le conseil des prud'hommes a limité son analyse de la cause réelle et sérieuse du licenciement à l'exégèse de ce courriel. De seconde part, la lettre de licenciement ne fait pas grief à la salariée d'avoir commis un abus de son droit d'expression mais bien d'une attitude d'insubordination qui est parfaitement caractérisée par les pièces produites et notamment le refus, à plusieurs reprises par Madame [R] d'effectuer les tâches demandées dont elle ne conteste pas qu'elles relevaient de son poste et de sa compétence, le courriel du 14 février 2018 n'étant que le dernier fait d'insubordination relevé par l'employeur mais non le seul retenu dans la lettre de licenciement.

La cour infirme la décision du conseil des prud'hommes qui a déclaré nul le licenciement de Madame [R] et juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour infirme les dispositions de ce même jugement ayant ordonné la réintégration de la salariée, et condamné la MACIF à verser à Madame [R] une somme de 95000 euros au titre d'indemnités de licenciement pour licenciement nul.

Sur les circonstances brutales, vexatoires et humiliantes du licenciement

Madame [R] soutient avoir fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire abusive et brutale, s'être vue retirer pour faire échec aux droits de la défense tous ses accès et outils informatiques, et que l'employeur a rendu difficile voire impossible l'accès aux locaux de l'entreprise et même syndical.

Madame [R] ne justifie pas des difficultés d'accès aux locaux de l'entreprise qu'elle allègue, ni même qu'elle n'ait pu avoir accès aux données de son ordinateur professionnel pour organiser sa défense alors que l'employeur produit un courriel de M. [P] du 2 mai 2018 lui proposant à l'occasion de sa venue dans les locaux pour consulter son dossier pour le conseil de discipline de mettre à sa disposition son ordinateur afin qu'elle puisse accéder à son espace de travail et y recueille les documents qu'elle estimerait utiles.

En revanche, alors que les faits reprochés à la salariée datent pour les derniers du 14 février 2018 et se répétaient depuis plusieurs mois, la mise à pied conservatoire prononcée le 6 avril 2018 dans le cadre d'une convocation à un entretien en vu d'un licenciement pour faute, ne se justifiait ni par la gravité des faits reprochés puisque l'employeur lui même les qualifiera de faute simple, ni par une impossibilité de maintenir la salariée dans l'entreprise durant le préavis alors que près de deux mois s'étaient écoulés entre les derniers faits et la décision de mise à pied.

L'éviction soudaine de la salariée dans ce contexte, alors qu'elle avait une ancienneté de 32 ans, revêt un caractère vexatoire.

Ces circonstances ont crée pour Madame [R] un préjudice moral distinct de la perte de son emploi.

Ce préjudice sera indemnisé par une somme de 1500 euros.

Sur la demande en rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

Madame [R] sollicite un rappel d'un montant de 1370,78 euros qui serait du au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Dans ses écritures devant la cour, Madame [R] n'expose et a fortiori ne justifie pas du fondement de cette demande.

La MACIF détaille le calcul du montant de l'indemnité conventionnelle versée, la méthode de calcul utilisée en application de l'article 8 de l'annexe cadre de la convention collective nationale des société d'assurance et de l'article 92 de cette même convention.

La cour constate que Madame [R] a été remplie de ses droits à ce titre, que le conseil des prud'hommes a débouté Madame [R] de ses demandes, sans autre motivation. En conséquence, la décision du conseil des prud'hommes sera confirmée sur ce point.

Sur l'atteinte portée à la profession et le préjudice subi par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière

En vertu de l'article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière fonde sa demande sur la violation par l'employeur de ses obligations en matière d'interdiction du harcèlement moral et de protection de la santé physique et mentale des salariés et sur la grave atteinte portée à la liberté d'expression de Madame [R].

Eu égard à la solution du litige, force est de constater qu'il ne peut être retenu à l'encontre de la MACIF aucun fait portant préjudice direct ou indirect à la profession.

La décision du conseil des prud'hommes sera en conséquence infirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité conduit à écarter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et infirmer la décision de première instance ayant condamné la MACIF sur ce fondement.

Madame [R] dont la succombance est principale sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil des prud'hommes du 20 août 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Madame [W] [R] de sa demande en rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DÉBOUTE Madame [W] [R] de ses demandes en nullité du licenciement,

DÉBOUTE Madame [W] [R] de sa demande à titre d'indemnité pour licenciement nul,

DÉBOUTE Madame [W] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison du harcèlement moral et violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

JUGE que le licenciement de Madame [W] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Madame [W] [R] de sa demande à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Madame [W] [R] de sa demande au titre du rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

CONDAMNE la Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce à payer à Madame [W] [R] une somme de 1500 euros en réparation du préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

DIT que cette condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DÉBOUTE la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière de sa demande de dommages-intérêts,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titres des frais irrépétibles,

CONDAMNE Madame [W] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00861
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.00861 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award