ARRÊT DU
14 MARS 2023
NE/CO*
-----------------------
N° RG 21/00639 -
N° Portalis DBVO-V-B7F-C42W
-----------------------
[F] [B]
C/
SAS VETIR
-----------------------
Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 45 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[F] [B]
née le 19 décembre 1969 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Valérie ASSARAF-DOLQUES, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAHORS en date du 10 juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00070
d'une part,
ET :
La SAS VETIR prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Laurent SEYTE, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 07 février 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
* *
*
EXPOSÉ DES FAITS
Madame [B] a été embauchée par la Société L'Hyper aux vêtements, rattachée depuis à la SAS VETIR par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2000 en qualité d'employée de rayon, pour une durée de travail hebdomadaire de 20 heures.
Le 22 septembre 2001, Madame [B] a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la même société en qualité d'employée de rayon, pour une durée de travail hebdomadaire de 30 heures.
Par avenant au contrat de travail du 5 décembre 2009, Madame [B] a changé de poste pour exercer celui d'employée de magasin à temps complet.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2011, la société VETIR a informé Madame [B] de la fermeture définitive du magasin GEMO VÊTEMENTS de [Localité 3], dans lequel elle exerçait le poste d'employée de magasin et la poursuite de ses fonctions au sein du magasin GEMO de [Localité 5].
En 2012, Madame [B] a été élue au CHSCT.
Du 18 avril 2013 au 31 décembre 2013, Madame [B] a été employée par la société CALCEO dans le cadre d'une convention de mise à disposition temporaire signée entre cette société et la société VETIR.
Suite à l'ouverture du magasin GEMO à [Localité 3], par avenant au contrat de travail du 1er mars 2014, Madame [B] était promue au poste de chef de rayon niveau V à temps complet et son salaire mensuel se voyait revalorisé à hauteur de 1 733,59 € bruts.
Par courrier du 25 juin 2015, la société VETIR, après discussions avec la salariée, a décidé de la positionner sur la classi'cation manager de vente 2 niveau 6, statut agent de maîtrise.
Mme [B] a été en arrêt de travail suite à une blessure au genou de mai 2015 à décembre 2015.
Elle a à nouveau été en arrêt de travail pour syndromes anxiodépressifs du 4 août 2017 au 26 août 2017, reconduit une première fois jusqu'au 4 septembre 2017, une deuxième fois jusqu'au 25 septembre 2017 et enfin jusqu'au 4 octobre 2017.
Madame [B] faisant état de difficultés relationnelles avec le directeur de magasin de [Localité 3], Monsieur [C] [P], une enquête a été diligentée au sein du magasin le 17 octobre 2017, en lien avec le CHSCT.
A l'issue, faisant le constat de difficultés relationnelles entre Madame [B] et Monsieur [P], la société VETIR a décidé de mettre en place un plan d'action afin de parvenir à une amélioration de la situation.
Madame [B] a adressé une correspondance à son employeur le 30 juillet 2018 pour invoquer l'accomplissement de tâches qui ne correspondaient pas selon elle à son statut, et une absence de suivi du plan d'action, des relations avec le directeur de magasin se dégradant.
Un point de suivi / complément d'enquête a été diligenté avec le CHSCT le 4 octobre 2018.
Madame [B] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail du 6 février 2019 au 3 juillet 2019.
Le 4 juillet 2019, Madame [B] a effectué la visite médicale de reprise au terme de laquelle le médecin du travail a rendu l' avis d'inaptitude suivant : « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ».
Par lettre recommandée avec accusé de réception du16 juillet 2019, la SAS VETIR a convoqué Madame [B] pour un entretien préalable à son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle fixé au13 août 2019.
Le 27 août 2019, le CSE a voté sur cette question : 7 voix pour, 7 voix contre, et 3 abstentions.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2019, la SAS VETIR a sollicité de la DIRECCTE l'autorisation de licencier Madame [B] suite à l'inaptitude et à l'impossibilité de reclassement prononcée par le médecin du travail.
Par courrier en date du 4 octobre 2019, la DIRECCTE a indiqué à l'entreprise qu'elle déclenchait une enquête.
Par courrier avec accusé de réception du 16 octobre 2019, la société VETIR a indiqué à Madame [B] avoir retiré la demande d'autorisation de licenciement présentée par courrier du 30 septembre 2019 au motif qu'elle avait omis de mentionner dans la procédure et la demande le fait qu'elle justifiait du mandat de conseiller salarié.
Par courrier avec accusé de réception du 17 octobre 2019, une seconde procédure de demande d'autorisation de licenciement a été initiée par la société VETIR.
Le 19 novembre 2019, le CSE se prononçait en faveur du licenciement avec un vote de 10 pour, 3 absentions et 6 contre.
Par courrier avec accusé de réception du 5 décembre 2019, la société VETIR a sollicité de la DIRECCTE l'autorisation de procéder au licenciement de Mme [B] pour inaptitude d'origine non professionnelle médicalement constatée par le médecin du travail et impossibilité de reclassement.
Après nouvelle enquête, la DIRECCTE a rendu une décision d'autorisation de procéder au licenciement de Madame [B] par courrier recommandé du 24 janvier 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 janvier 2020, la société VETIR a notifié à Mme [B] son licenciement dans les termes suivants :
« Par la présente, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier en raison de votre inaptitude d 'origine non professionnelle suite aux conclusions rendues par le médecin du travail le 4 juillet 2019 mentionnant expressément que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi et suite à l'autorisation expresse de l'inspection du travail du 24 janvier 2020 de procéder à votre licenciement...
Au regard de votre impossibilité d 'effectuer votre préavis de deux mois, nous vous confirmons que ce dernier ne vous sera pas rémunéré. Votre licenciement prendra donc effet à la date de la première présentation de ce courrier ».
Madame [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Cahors par requête du 15 septembre 2020 sollicitant la condamnation de la société VETIR à lui payer les sommes suivantes :
- 14.291,64 € a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail
- 14.291,64 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 4.763,88 € a titre d'indemnité de préavis
- 476,38 € au titre des congés payes afférents
- 47.658,80 € a titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et a tout le moins sans cause réelle et sérieuse
- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Cahors a jugé que :
- le licenciement de Madame [B] pour inaptitude d'origine non-professionnelle est valide
- aucun manquement grave et répété ne peut être reproché à la société VETIR
- aucun harcèlement moral n'est caractérisé
et a débouté Madame [B] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Madame [B] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration au greffe du 17 juin 2021.
Par conclusions du 9 mars 2022, Madame [B] a saisi le conseiller de la mise en état pour enjoindre à la SAS VETIR de produire aux débats :
- la lettre de licenciement de Monsieur [P] suite à son entretien préalable du 21 janvier 2021 sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 1 mois à compter de l'ordonnance à intervenir.
- les comptes-rendus suite aux réunions du CHSCT en date des 17 octobre 2017, 4 octobre 2018, 16 mars 2018 et 20 et 21 janvier 2020, et à tout le moins les rapports d'enquête du CHSCT de 2017, 2018 et 202 sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant 1 mois à compter de l'ordonnance à intervenir.
- débouter la SAS VETIR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- condamner la SAS VETIR au paiement d'une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'incident.
Par ordonnance du 7 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a débouté Madame [B] de sa demande de communication de pièces, débouté les parties des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné Madame [B] aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022 et l'affaire fixée à plaider au 7 février 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives reçues au greffe le 12 décembre 2022, et auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des prétentions et des moyens, Madame [B] demande à la cour de :
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors en date du 10 juin 2021,
- fixer la moyenne brute des salaires à 2 381,94 €,
- juger que la SAS VETIR a manqué gravement à l'obligation à l'exécution loyale du contrat de travail,
En conséquence,
- condamner la SAS VETIR à lui payer la somme de 14 291,64 € net (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail sur le fondement de l'article L.1231-1 du code civil,
- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,
En conséquence,
- condamner la SAS VETIR à lui payer la somme de 14 291,64 € net (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts résultant du harcèlement moral,
- juger qu'il existe un lien direct entre ses conditions de travail et la pathologie qu'elle a présenté et qui a conduit à l'avis d'inaptitude médicale,
- juger que la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le licenciement pour inaptitude dont elle a fait l'objet est la conséquence directe du manquement de l'employeur de l'exécution déloyale du contrat de travail et du harcèlement moral,
- condamner la SAS VETIR au paiement de la somme de 4.763,88 € au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 476,38 € au titre des congés payés y afférents,
- condamner la SAS VETIR au paiement de la somme de 47 658,80 € à titre de justes dommages et intérêts correspondant à 20 mois de salaire pour licenciement nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS VETIR à tout le moins au paiement de la somme de 47 658,80 € à titre de justes dommages et intérêts pour perte d'emploi,
- condamner la SAS VETIR au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
- à titre liminaire, que la cour devra tirer les conséquences du refus de communication par la SAS VETIR de la lettre de licenciement de Monsieur [C] [P] s'agissant d'une pièce essentielle qui permet de démontrer que Monsieur [P] a été licencié en raison maison de son harcèlement managérial,
Sur les violations graves et réitérées du contrat de travail caractérisant l'exécution fautive du contrat de travail et en particulier l'obligation de sécurité et de résultats
- elle tient à rappeler qu'elle a commencé son emploi en qualité d'employée de rayon, que durant 19 ans elle a gravi les échelons pour exercer le poste de manager de vente niveau 2, qu'elle a travaillé avec huit directeurs qui se sont succédés sans avoir à connaître la moindre difficulté relationnelle,
- ce n'est qu'à compter du moment où Monsieur [P] va exercer les
fonctions de directeur pour l'ouverture du magasin GEMO sur [Localité 3] qu'elle va voir ses conditions de travail se dégrader en raison de la rétrogradation et de la placardisation dont elle va faire l'objet et des reproches permanents et injustifiés, du comportement colérique et plus généralement de la façon dont Monsieur [P] va s'adresser à elle dans le cadre de la relation de travail,
- elle a été rétrogradée exerçant à la demande du directeur les fonctions de caisse et le rangement du magasin et non ses fonctions de manager des vente consistant en la gestion et l'animation de plusieurs zones de vente en coordination avec l'équipe,
- elle n'exerçait les fonctions de manager de vente niveau 2 qu'en remplacement du directeur lors de ses absences, sur des périodes très limitées,
- contrairement à ce que soutient la SAS VETIR, l'entretien du 26 octobre 2018 ne démontre pas qu'elle accomplissait l'ensemble des fonctions définies par le poste de manager de vente niveau 2 puisqu'en page 6 du paragraphe « Compétences Managériales », il est porté pour le « Développement des collaborateurs » en notation, la mention de « non applicable » alors même que ces missions font bien parties de la fiche de poste d'un manager de vente et par ailleurs cet entretien digitalisé n'est pas signé dans la mesure où elle était en désaccord avec son contenu,
- le contenu de l'attestation de Monsieur [T] [Y] est mensonger, et sur 9 collaborateurs seuls 3 ont attesté en faveur de la SAS VETIR,
- Madame [A] [J], qui a démissionné le 3 juillet 2019, confirme qu'elle était reléguée au rangement et à la caisse et qu'elle n'avait donc aucune fonction de gestion et de management,
- elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral
- le directeur, Monsieur [P] refusait de communiquer avec elle, sinon pour des reproches, sur un ton colérique et avait l'habitude de hurler,
- l'employeur n'a produit que les attestations établies en sa faveur qui contiennent des affirmations péremptoires, qui ne sont corroborées par aucune autre pièce, sur un comportement qu'elle aurait durant la relation de travail, or d' autres salariés ont été entendus dans le cadre des réunions du CHSCT sans pour autant que leurs témoignages ne soient versés aux débats. L'objectivité de ces attestations est à remettre en cause,
- seule la communication des comptes rendus du CHSCT auraient permis de prendre connaissance de la liste exhaustive des salariés entendus, la SAS VETIR n'est pas honnête dans sa communication de pièces dans la mesure où elle prive la cour du témoignage d'autres salariés qui ont été entendus,
- en refusant de communiquer les comptes-rendus de réunion du CHSCT, les 17 octobre 2017, 4 octobre 2018, 16 mars 2018, 20 janvier 2020 et 21 janvier 2020 la SAS VETIR ne prouve pas que les agissements dénoncés procèdent d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral,
Sur ses différentes alertes
- elle a adressé une lettre recommandée le 14 mars 2019 suite à des reproches émanent de son employeur qui a donné lieu à un entretien qui ne donnera rien de sérieux puisque aucune réponse ne sera donnée,
- elle a alerté la médecine du travail et le CHSCT à travers des échanges de courriels, (3 et 8 juillet 2017 puis 4 août 2017)
- le 30 juillet 2018 elle a alerté la responsable des ressources humaines,
- elle a écrit à l'inspection du travail le 1er août 2018,
Sur son état de santé
- elle a été en arrêt de travail pour syndromes anxiodépressifs au regard des agissements fautifs de l'employeur sur les périodes suivantes du 4 août 2017 au 26 août 2017, reconduit une première fois jusqu'au 4 septembre 2017, puis une deuxième fois jusqu'au 25 septembre 2017 et enfin jusqu'au 4 octobre 2017 ; et ensuite du 6 février 2019 au 3 juillet 2019,
- Le Docteur [S] [D], son médecin traitant atteste qu'elle a présenté un état anxio-dépressif très aggravé par des problèmes professionnels depuis 2016 : « une phase dépressive suite au licenciement en février 2020 »
- elle produit son dossier médical de la médecine du travail qui retranscrit ses alertes auprès du médecin du travail dès le mois de juillet 2017,
- le lien entre son état de santé et les conditions de travail dégradées en raison de la rétrogradation et du harcèlement moral est établi.
Par conclusions récapitulatives reçues au greffe le 30 novembre 2022, et auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des prétentions et des moyens, la société VETIR demande à la cour de :
- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,
- dire et juger qu'aucun harcèlement moral n'est caractérisé,
- dire et juger qu'aucune obligation de sécurité n'a été violée par la société VETIR,
- dire et juger que le licenciement est fondé et justifié
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 10 juin 2021 et débouter Madame [B] de l'intégralité de ses demandes.
En tout état de cause :
- condamner Madame [B] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- l'argumentation réitérée par Madame [B] à propos de la communication de pièces d'une part, est totalement infondée au regard de la réalité juridique et factuelle du présent litige, et d'autre part et surtout, a été définitivement réglée par les termes de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 7 juillet 2022. ll ne peut donc être tiré aucune conséquence, ni juridique, ni factuelle, de cette absence de communication,
- Madame [B] ne justifie en aucune façon avoir subi des actes de harcèlement moral ou avoir été victime d'une violation quelconque de l'obligation de sécurité ; elle ne démontre ni l'existence de manquements graves et répétés qui auraient été commis a son encontre , ni une dégradation de son état de santé qui aurait été la conséquence de ces prétendus manquements,
- elle multiplie les mesures de prévention des risques psychosociaux (règlement intérieur, les accords égalité hommes/femmes de 2011, le DUER du magasin, l'accord de méthode sur la prévention du stress au travail du 29 mars 2010, formations en management et communication suivies par les directeurs de magasin, les directeurs de région, les directeurs de vente et les responsables RH, une plateforme de psychologues du travail et d'assistantes sociales était mise en place au sein de la société, affiches diffusées dans les magasins justifiant de l'existence de référents harcèlement moral et sexuel, du comité éthique, des psychologues du travail, des services d'assistantes sociales,
- elle a toujours pris en compte et traité les sollicitations de Madame [B] :
- lorsqu'elle a fait part de prétendues difficultés en 2017, immédiatement l'entreprise a diligenté une enquête à laquelle le CHSCT a été associé,
- à l'issue de l'enquête, elle a remis à la salariée un plan d'action particulièrement précis et circonstancié tant sur les constats que sur les actions à mettre en place pour y remédier,
- lorsqu'elle s'est à nouveau plainte de ses conditions de travail par courrier du 20 juillet 2018, elle a encore immédiatement pris en considération cette situation en sollicitant les explications de Monsieur [P], et en formalisant un point de suivi/complément d'enquête, en relation avec le CHSCT, le 4 octobre 2018,
Sur la prétendue rétrogradation
- alors que l'employeur avait à l'origine envisagé de la positionner sur le statut de manager de ventes 1, Madame [B] lui a adressé une lettre de contestation réceptionnée le 3 mars 2015 afin de solliciter l'application de la catégorie manager ventes 2, la société lui a rappelé que les missions de manager de ventes 2 ne correspondaient pas aux taches qu'elle accomplissait, s'agissant notamment de la coordination de l'équipe de zone de vente quotidienne ou de la réalisation de la facturation ; pour autant, la salariée a insisté et par courrier du 25 juin 2015 la société a accédé à sa demande,
- ses bulletins de paie établissent qu'à compter du mois de septembre 2015, Madame [B] était bien positionnée à l'emploi de manager de ventes 2 niveau 6 statut agent de maîtrise,
- les missions qu'elle accomplissait correspondaient bien à celles définies dans la fiche de fonction et notamment, elle remplaçait le directeur lors de ses congés et les tâches dont elle se plaint faisaient pourtant partie de sa fiche de poste,
- il apparaît au travers de l'entretien du 26 octobre 2018 qu'elle accomplissait l'ensemble des fonctions de manager des ventes niveau 2,
- l'enquête du CHSCT du 4 octobre 2018 montre que si Madame [B] n'exécutait pas certaines tâches, c'était uniquement de son propre chef,
Sur le prétendu harcèlement subi du Directeur
- l'argumentation de Madame [B] repose uniquement sur des éléments unilatéraux qui n'émanent en réalité que d'elle même,
- les résultats des enquêtes ont au contraire mis en exergue des difficultés relationnelles strictement imputables à Madame [B], avec à l'inverse un directeur de magasin « déstabilisé par le comportement de cette salariée »,
Madame [B] n'établit pas de dégradation de son état de santé imputable à l'entreprise
- les arrêts de travail sont insuffisants pour caractériser une quelconque imputabilité de la dégradation de l'état de santé à l'entreprise, sachant en l'occurrence que si les arrêts de travail comprennent une mention manuscrite relative à une dépression, il n'est pour autant pas fait de lien avec de prétendus agissements de l'employeur et ont été établis sur le formulaire pour « maladie simple »
- rien n'autorise le médecin traitant de Madame [B] à affirmer que son «état anxio dépressif» aurait été soi-disant aggravé par des problèmes professionnels « avec une phase dépressive suite au licenciement en février 2020 »
- le dossier médical de Madame [B] fait exclusivement apparaître son ressenti et les propos tenus par auprès du médecin du travail qui n'a pas effectué d'alerte particulière auprès de la société.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour constate que Madame [B] n'a pas formé appel à l'encontre de la décision du conseiller de la mise en état l'ayant déboutée de ses demandes de communication de pièces et que si elle argumente sur l'absence de communication des pièces sollicitées, elle n'en tire aucune conséquence au dispositif de ses écritures.
I. SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Madame [B] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part du directeur Monsieur [P] et d'avoir fait l'objet d'une rétrogradation.
Aux termes de l'article 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention, malveillante ou non de son auteur.
Par ailleurs, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés qui lui impose de prendre toute mesure nécessaire pour prévenir tout harcèlement moral et de sanctionner les salariés qui se rendraient auteurs de tels agissements.
Méconnaît l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui ne justifie pas avoir pris toutes les mesures de prévention des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, n'a pas pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
Le régime probatoire du harcèlement moral est régi par l'article L.1154-1 de ce même code qui prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ce texte que le salarié n'est tenu que d'apporter au juge des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié.
Le juge doit en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués, puis qualifier juridiquement ces éléments en faits pris dans leur ensemble pour savoir s'ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, et enfin examiner les éléments de preuve produits par l'employeur pour déterminer si ses décisions à l'égard du salarié étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Madame [B] invoque un harcèlement moral à son encontre de la part du directeur du magasin, Monsieur [P], en raison d'une absence de communication du directeur à son encontre hormis pour des reproches permanents et injustifiés et son comportement colérique.
Madame [B] se plaint en outre d'avoir fait l'objet d'une rétrogradation, ce qui s'inscrit dans les actes susceptibles de caractériser un harcèlement moral.
Au soutien de ses allégations elle produit :
- un arrêt de travail du 4 août 2017 pour état dépressif sévère, et les arrêts de prolongation jusqu'au 25 septembre 2017,
- un arrêt de travail du 6 février 2019, et les arrêts de prolongation jusqu'au 3 juin 2019,
- une attestation de Madame [A] [J] mentionnant que le directeur privilégiait certaines collègues pour l'arrangement des plannings et au niveau des informations pour le travail, et que Madame [B] pouvait ne pas avoir certaines informations, être reléguée à la caisse ou au rangement,
- la fiche de poste manager ventes niveau 2,
- des feuilles manuscrites,
- un courriel adressé le 2 août 2018 à [G] dans lequel Madame [B] expose que le directeur se sert de ses absences pour exercer son mandat syndical pour justifier ses tâches de rangement et de maintien du magasin, et la réponse de [G] [E], déléguée syndicale,
- un courriel du 3 juillet 2017 envoyé au secrétaire du CHSCT pour informer que le samedi le directeur lui a hurlé dessus en présence de témoins, qu'elle s'est sentie humiliée et souffre depuis d'une migraine,
- un courriel du 8 juillet 2017envoyé au secrétaire du CHSCT pour informer que ce jour alors qu'elle était seule et débordée au rayon textile, elle a demandé de l'aide mais personne n'est venu, qu'elle n'a donc pas pu accomplir ses missions dans de bonne conditions et a fini épuisée,
- un courriel du 4 août 2017 envoyé au secrétaire du CHSCT pour informer que la veille le directeur avait employé à son encontre un ton sec et froid, alors qu'il s'adressait différemment à une autre employée, qu'elle était allée consulter son médecin qui diagnostiquait une souffrance au travail et une dépression sévère et la plaçait sous traitement anti dépresseur,
- un courrier non daté et non signé adressé à l'inspecteur du travail pour rendre compte de sa souffrance au travail,
- un courrier du 30 juillet 2018 adressée à Madame [L], responsable des ressources humaines, alertant sur la dégradation de ses conditions de travail,
- un courrier du 1er août, non signé adressé à Mme [X] pour dénoncer ses conditions de travail,
- un courriel du 5 janvier 2019 adressé à [U] [H] pour se plaindre que le directeur est parti manger sans rien lui dire, et un autre du 21 janvier 2019 pour dire qu'à son retour après une absence elle n'a aucune information sur la semaine passée et aucune consigne du directeur,
- un certificat médical du 4 août 2020 du Docteur [D] mentionnant un état anxio dépressif très aggravé par des problèmes professionnels depuis 2016, avec phase dépressive suite un licenciement en février 2020,
- son dossier médical.
Madame [B] présente ainsi des éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, de sorte qu'il appartient à l'employeur de prouver que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L'employeur fait tout d'abord justement observer qu'hormis les éléments médicaux et l'attestation de Madame [J], les pièces versées au débat par Madame [B] n'émanent que d'elle même et ne sont que le reflet de ses propres ressentis.
L'employeur justifie ensuite que chaque alerte adressée par Madame [B] à la société VETIR, a été considérée et des mesures ont été prises en conséquence.
Ainsi lorsque Madame [B] fait part de difficultés en 2017, l'employeur a immédiatement diligenté une enquête à laquelle le CHSCT a été associé. Les attestations produites (Monsieur [I], Monsieur [Y], Madame [R]), dont rien ne permet de remettre en cause l'objectivité, établissent que cette enquête a conclu à des difficultés relationnelles entre le directeur et Madame [B] mais aussi à un comportement de cette dernière pouvant être inadapté.
Suite à cette enquête, la société a mis en oeuvre un plan d'action afin de remédier aux diffcultés mises en évidence. Lors des nouvelles doléances de Madame [B] par courrier du 30 juillet 2018, la société justifie avoir sollicité les explications du directeur et formalisé un complément d'enquête lequel a révélé que plusieurs autres employés du magasin pouvaient se plaindre du comportement de Madame [B], à l'instar du directeur.
S'agissant des allégations de rétrogradation, l'employeur produit la fiche de poste manager de ventes niveau 2 qui permet de constater que les tâches auxquelles Madame [B] se plaint d'avoir été affectée, la caisse ou le rangement, font bien partie d'attributions visées par ladite fiche. L'entretien professionnel du 26 octobre 2018 versé au débat ne permet pas de conclure que Madame [B] aurait été cantonnée à certaines tâches ne relevant pas de son poste, y sont notamment abordées les compétences managériales ( '[F] doit fournir des efforts sur le plan managérial' ). Le commentaire du directeur ' je souhaite un accompagnement et un champ de progression pour honorer la fiche de poste de MV2' montre au contraire une volonté d'étendre les missions de la salariée et non de lui retirer des attributions.
De même ces bulletins de salaire permettent de constater qu'elle a perçu des primes pour le remplacement du directeur durant ses absences, ce qui n'autait pas été le cas si elle s'était vu retirer toute fonction managériale.
L'employeur souligne en outre avec pertinence, que Madame [B] ne produit que ses propres écrits au soutien de ce grief.
Enfin, les différents arrêts de travail et certificats médicaux, s'ils établissent un état anxiodépressif, ne font que relater les propos de Madame [B] sur son origine, et sont donc dépourvus de toute valeur probante à cet égard.
Ainsi l'employeur prouve que les agissements invoqués soit ne sont pas établis, soit relèvent de difficultés de communication réciproques entre le directeur et Madame [B].
Dès lors l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établie, pas plus que n'est établie l'existence d'une exécution fautive du contrat de travail par la société VETIR pour laquelle le conseil des prud'hommes a à juste titre relevé l'implication dans la prévention des risques psycho sociaux et la réactivité face aux demandes manifestées par Madame [B]. Les dispositions du jugement entrepris déboutant Madame [B] de ses demandes ne peuvent qu'être confirmées.
II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Madame [B] soutient que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le licenciement pour inaptitude dont elle a fait l'objet est la conséquence directe du manquement de l'employeur de l'exécution déloyale du contrat de travail et du harcèlement moral.
Pour confirmer le jugement en ses dispositions validant le licenciement de Madame [B], il suffira de relever que :
- lorsque l'inaptitude résulte d'un harcèlement moral, le licenciement pour inaptitude prononcé par l'employeur n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais nul, par suite le moyen tiré par Madame [B] du harcèlement moral manque en droit,
- le licenciement d'un salarié victime de harcèlement moral est nul dès lors qu'il présente un lien avec les faits de harcèlement, soit parce que le licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement moral ou dans leur dénonciation, soit parce que le licenciement est dû à la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à la déclaration d'inaptitude à son poste ou ayant provoqué des absences perturbant l'organisation de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif,
- en l'espèce, en l'absence d'établissement d'un lien entre la situation de harcèlement moral et le motif du licenciement, la nullité du licenciement ne peut être prononcée,
- il résulte des motifs précédemment énoncés qu'aucun harcèlement moral n'est caractérisé,
- il résulte des dispositions des articles L. 1231-1 et L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas de litige relatif au licenciement, le juge, auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié,
- ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur doit toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables,
- en l'espèce, Madame [B] soutient, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
- il résulte des motifs précédemment énoncés qu'aucune violation par l'employeur de l'obligation d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs n'est caractérisée,
- Madame [B] soutient enfin que l'inaptitude a aussi pour origine l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur,
- cet argument a été écarté par les développements précédents.
Dès lors que l'inaptitude ne trouve pas son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude médicalement constaté est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Par suite, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déboutant Madame [B] de ses demandes tendant à faire juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes en paiement d'indemnités.
III- SUR LES DEMANDES ANNEXES
Madame [B], qui succombe en son appel, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens d'appel.
L'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société VETIR.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives de paiement d'une indemnité de procédure,
CONDAMNE Madame [B] aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT