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08/03/2023 | FRANCE | N°21/00829

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 08 mars 2023, 21/00829


ARRÊT DU

08 Mars 2023





DB/CR



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N° RG 21/00829

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C5SP

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MUTUELLE DES

ARCHITECTES FRANÇAIS





C/





[B] [O],



[Y] [A]

[R],



[J] [L],



S.A.R.L. SOCIETE DIAS,



S.A.R.L.

V B FERMETURES



[E] [P]



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GROSSES le

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ARRÊT n° 91-2023











COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,





ENTRE :



LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représentée par Me Marie-Luce D'ARGAIGNON, avocate postulante insc...

ARRÊT DU

08 Mars 2023

DB/CR

--------------------

N° RG 21/00829

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C5SP

--------------------

MUTUELLE DES

ARCHITECTES FRANÇAIS

C/

[B] [O],

[Y] [A]

[R],

[J] [L],

S.A.R.L. SOCIETE DIAS,

S.A.R.L.

V B FERMETURES

[E] [P]

-------------------

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 91-2023

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Luce D'ARGAIGNON, avocate postulante inscrite au barreau du GERS et par Me Ferouze MEGHERBI, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 06 Juillet 2021, RG 20/01985

D'une part,

ET :

Monsieur [B] [O]

né le 07 Août 1963 à TOURNAN (77)

Madame [Y] [A] [R]

née le 13 Janvier 1968 à AGEN (47)

Domiciliés :

[Localité 11]

[Localité 2]

Représentés par Me Gilles LAMARQUETTE, avocat inscrit au barreau du GERS

Monsieur [J] [L]

né le 24 Août 1957 à AGEN (47)

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représenté par Me Olivier O'KELLY, avocat postulant inscrit au barreau D'AGEN et par Me Florian LE PENNEC, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. SOCIETE DIAS

RCS d'Agen n°443 734 694

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie ISSAGARRE, avocate inscrite au barreau D'AGEN

S.A.R.L. V B FERMETURES

RCS d'Agen n°537 885 436

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Hélène THIZY, avocate inscrite au barreau D'AGEN

INTIMES

Maître [E] [P]

en qualité de mandataire judiciaire de la société DIAS

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Emilie ISSAGARRE, avocate inscrite au barreau D'AGEN

INTERVENANT VOLONTAIRE

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 Décembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Dominique BENON, Conseiller faisant fonction de Président, qui a fait un rapport oral à l'audience

qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :

Jean-Yves SEGONNES et Pascale FOUQUET, Conseillers

en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Le 16 août 2016, [B] [O] et [Y] [A] [R] ont acquis un terrain à bâtir situé '[Adresse 9] (47).

Par contrat du 13 octobre 2016, ils ont confié à [J] [L], architecte, assuré auprès de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français (MAF) une mission de maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison d'habitation, en rez-de-chaussée avec partie centrale en mezzanine, sur le terrain acquis.

Le permis de construire a été accordé le 25 septembre 2017 et le chantier a commencé en décembre 2017.

Parmi les intervenants à l'opération de construction, la SARL Société Dias, assurée auprès de la SA Axa France IARD, s'est vue confier le lot gros-oeuvre, et la SARL VB Fermetures le lot menuiserie.

Ces deux entreprises ont été réglées de leurs prestations.

Au cours des travaux, après réalisation des maçonneries et montage des murs, le 3 avril 2018, les maîtres de l'ouvrage ont fait constater par huissier l'existence de problèmes de planimétrie qui ont fait l'objet de certaines reprises.

Le 9 octobre 2018, alors que la construction était hors d'eau et hors d'air, et suite à des fissurations, ils ont fait intervenir le cabinet [H] qui a estimé qu'il existait des malfaçons dans la réalisation des travaux, un mur ayant par exemple été construit à côté de sa fondation et a mis en cause la conception du gros-oeuvre et son suivi.

Ils ont également fait réaliser une étude du sol par la société Cerato Géotechnique qui a estimé que le mode de fondation n'était ni adapté au terrain, situé en zone rouge de risque de retrait et gonflement de l'argile, ni au projet.

Le chantier a été arrêté et aucune réception n'est intervenue.

Par acte délivré les 9, 10 et 11 avril 2019, M. [O] et Mme [A] [R] ont fait assigner la SA Axa France IARD, M. [L], la MAF, et la SARL Société Dias devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen qui, par ordonnance du 6 juin 2019, a ordonné une expertise des travaux confiée à [G] [N], architecte.

Par ordonnance du 15 novembre 2019, les opérations d'expertise ont été déclarées communes à la SARL VB Fermetures.

M. [N] a établi son rapport définitif le 3 septembre 2020, après avoir fait appel au bureau d'étude Seterso.

Il a constaté les malfaçons suivantes, précisant qu'elles sont de nature à rendre, d'ores et déjà, l'ouvrage impropre à sa destination :

- bâti des briques très médiocre,

- fissuration horizontale extérieure en périphérie de l'aile des garages,

- absence de poteaux raidisseurs de reprise de charge au niveau des deux ouvertures du garage,

- absence de chaînage continu en partie haute des murs,

- appuis des linteaux des ouvertures supérieures insuffisants sur les jambages,

- absence de sommier d'appui pour les pannes constituant la charpente séjour/salon.

Il a mis en cause :

- M. [L] : absence de cahier des clauses techniques du projet, d'étude préalable de sol, de marchés de travaux signés, de contrôle et de direction du chantier,

- SARL Société Dias : absence de contrôle de la nature du sol, d'établissement des plans d'exécution BA, et finalement chantier dépassant les compétences techniques de cette entreprise,

- la SARL VB Fermetures : positionnement non conforme des fenêtres de la cuisine, étanchéité non conforme sous les seuils des portes-fenêtres, absence de rejingot sous les fenêtres du garage.

Après avoir étudié la possibilité de démolir la construction, il a opté pour sa réparation et son renforcement, dont il a chiffré le coût à 194 318 Euros TTC.

Il a également chiffré le coût de remise en état des menuiseries à 5 306 Euros.

Après autorisation délivrée le 16 novembre 2020, M. [O] et Mme [A] [R] ont fait assigner M. [L], la MAF, la SARL Société Dias et la SARL VB Fermetures devant le tribunal judiciaire d'Agen afin d'être indemnisés des conséquences des désordres.

La MAF a opposé, notamment, l'absence de déclaration du chantier par l'architecte et en conséquence une absence de garantie.

Par jugement rendu le 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Agen a :

- condamné solidairement M. [J] [L], la société MAF, et la SARL Dias à payer à M. [B] [O] (en réalité [O]) et Mme [Y] [A] [R] :

* la somme de 179 040 Euros TTC au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre,

* la somme de 9 972 Euros TTC au titre des travaux relatifs à la correction de la planimétrie des maçonneries,

* 26 350 Euros au titre de leur préjudice de jouissance,

* 12 000 Euros au titre de leur préjudice moral,

* 2 388 Euros au titre de l'étude du sol,

* 4 320 Euros au titre des frais de l'expertise amiable,

* 300 Euros au titre du constat d'huissier dressé le 3 avril 2018,

* 4 000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de référés et de fond ainsi que les frais d'expertise,

- dit que dans leurs rapports entre la SARL Dias, d'une part, et M. [L] et la MAF, d'autre part, la partie qui aura exécuté le jugement pourra demander à l'autre de la garantir et relever indemne à hauteur de la part de responsabilité de cette dernière,

- dit que la MAF sera fondée à opposer aux maîtres de l'ouvrage l'application des conditions de sa police relatives à sa franchise, au titre de la garantie des préjudices immatériels, soit le préjudice de jouissance et le préjudice moral,

- condamné la SARL V et B Fermetures à payer à M. [B] [O] et Mme [Y] [A] [R] la somme de 4 249,14 Euros,

- laissé à la SARL V et B Fermetures, à la SARL Dias, à M. [J] [L] et à la société MAF les frais et dépens qu'ils ont pu exposer à l'occasion de cette procédure,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire attachée au jugement.

Le tribunal a estimé qu'en l'absence de réception des lots, c'est la responsabilité contractuelle des intervenants qui était engagée ; que les fautes de l'architecte étaient majeures ; que la SARL Société Dias était fautive d'avoir accepté un marché qui dépassait sa compétence technique ; que la SARL VB Fermetures avait également commis des erreurs lors de la pose des menuiseries ; que l'absence de déclaration du chantier était inopposable aux maîtres de l'ouvrage compte tenu que l'attestation d'assurance établie par cette compagnie ne contenait aucune réserve sur ce point ; que les indemnités devaient être accordées conformément aux calculs de l'expert ; que les maîtres de l'ouvrage devaient être indemnisés du loyer qu'ils ont dû verser à compter de septembre 2018 ainsi que d'un préjudice moral et des divers frais exposés.

Par acte du 12 août 2021, la société MAF a déclaré former appel du jugement en désignant [B] [O], [Y] [A] [R], [J] [L], la SARL Dias et la SARL V B Fermetures en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

- prononcé condamnation à son encontre à payer les sommes de :

* la somme de 179 040 Euros TTC au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre,

* la somme de 9 972 Euros TTC au titre des travaux relatifs à la correction de la planimétrie des maçonneries,

* 26 350 Euros au titre de leur préjudice de jouissance,

* 12 000 Euros au titre de leur préjudice moral,

* 2 388 Euros au titre de l'étude du sol,

* 4 320 Euros au titre des frais de l'expertise amiable,

* 300 Euros au titre du constat d'huissier dressé le 3 avril 2018,

* 4 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens de référé, de fond et le coût de l'expertise à sa charge,

- dit que la MAF sera fondée à opposer aux maîtres de l'ouvrage l'application des conditions de sa police relatives à sa franchise, au titre de la garantie des préjudices immatériels, soit le préjudice de jouissance et le préjudice moral.

Par jugement rendu le 15 décembre 2021, le tribunal de commerce d'Agen a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de la SARL Société Dias.

Par jugement du 12 octobre 2022, le tribunal de commerce a homologué le plan de sauvegarde de la SARL Société Dias.

La clôture a été prononcée le 5 décembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 14 décembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français présente l'argumentation suivante :

- M. [L] n'a pas commis de faute en lien avec le sinistre :

* la responsabilité de l'architecte est recherchée au titre de la responsabilité contractuelle, ce qui suppose de démontrer une faute en relation avec le préjudice subi.

* l'expertise a démontré que les désordres trouvent leur cause dans des défauts de réalisation imputables à la SARL Société Dias, tenue d'une obligation de conseil et de résultat envers les maîtres de l'ouvrage, malgré l'intervention d'un maître d'oeuvre.

* l'architecte a pourtant émis des réserves sur la réalisation de l'ouvrage et demandé à la SARL Société Dias de reprendre les travaux.

* il n'était pas contractuellement tenu de la réalisation d'études techniques qui ne devaient être réalisées que par cette société.

* les maîtres de l'ouvrage se sont immiscés dans les travaux en choisissant l'entreprise, et en la payant directement sans visa de l'architecte.

* il ne peut être tenu des défauts d'exécution exclusivement imputables à la SARL VB Fermetures.

- La clause d'exclusion de solidarité doit trouver application :

* le contrat d'architecte stipule une clause d'exclusion de responsabilité solidaire ou in solidum.

* la jurisprudence valide désormais cette clause.

- Elle ne doit pas sa garantie :

* l'architecte est assuré auprès d'elle à effet du 1er janvier 2008 sur la base de conditions générales du 21 mars 2007, avec avenant pour la construction de maisons individuelles ayant effet pour les permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2013.

* l'avenant s'est substitué aux conditions générales du 21 mars 2007 et subordonne la garantie au strict respect d'une procédure de déclaration dite 'AMI', avec fourniture de documents, distincte de la déclaration classique de chantier, devant être suivie au plus tard à la date du dépôt de la demande de permis de construire.

* il s'agit d'un mécanisme de non-garantie, opposable aux tiers, et non d'une clause d'exclusion ou d'un mécanisme de déchéance.

* M. [L] n'a pas déclaré le chantier de la construction de la maison individuelle de M. [O] et Mme [A] [R].

* l'attestation d'assurance délivrée le 1er janvier 2016 ne peut concerner un contrat d'architecte conclu le 13 octobre 2016 et celle établie le 1er janvier 2018 n'a été diffusée qu'en cours de travaux et postérieurement au contrat d'architecte.

* les attestations d'assurances mentionnent que la MAF n'est pas engagée au-delà des conditions et limites de son contrat et c'est à l'architecte de veiller au maintien de l'efficacité de la police postérieurement à l'établissement de l'attestation.

* ces attestations n'établissent que l'existence de la souscription d'un contrat, indispensable à l'exercice de la profession d'architecte.

* la délivrance des attestations en question n'a pas de lien causal avec les dommages invoqués.

- Subsidiairement, la réduction proportionnelle de l'article L. 113-9 du code des assurances est encourue :

* le chantier aurait dû générer une majoration de primes de 140 % en application des articles 2.3 et 3.3 de l'avenant donnant lieu à une réduction proportionnelle de 71 %.

* M. [L] a omis de déclarer ces majorations.

- Certains postes de préjudice ne sont pas justifiés :

* la valeur locative invoquée est purement hypothétique et il n'est pas justifié des loyers effectivement versés.

* le préjudice moral invoqué ne peut être évalué de façon abstraite et forfaitaire.

- Elle peut opposer ses plafonds et franchises.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- réformer le jugement sur les points de son appel, ayant prononcé condamnation à son encontre,

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause pour la somme de 4 249,14 Euros et admis son appel en garantie à l'encontre de la SARL Société Dias,

- la mettre hors de cause ainsi que M. [L],

- subsidiairement :

- rejeter toute condamnation in solidum et faire application de la clause d'exclusion de solidarité,

- dire qu'elle ne peut être tenue que dans la limite de la faute de M. [L] et rejeter toute demande excédant cette limite,

- laisser une part de dommages de 10 % aux maîtres de l'ouvrage,

- plus subsidiairement :

- dire qu'elle peut opposer une réduction proportionnelle de ses garanties à hauteur de 71 % et rejeter toute demande excédant cette limite,

- encore plus subsidiairement :

- écarter les préjudices immatériels,

- dire qu'elle peut opposer sa franchise et son plafond,

- en cas de condamnation à payer la somme de 4 249,14 Euros, condamner la SARL VB Fermetures à la garantir de ce montant,

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 4 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [B] [O] et [Y] [A] [R] présentent l'argumentation suivante :

- Les fautes de l'architecte sont caractérisées :

* il était chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre.

* il n'a pas préconisé d'étude de sol permettant d'appréhender des fondations adaptées et n'a ni réclamé la production de plans d'exécution, ni surveillé la réalisation des travaux.

* il a été absent et a abandonné le chantier.

* sa responsabilité solidaire ne peut être exclue, ce qui reviendrait à réduire leur droit à réparation, alors que les fautes commises sont en lien avec l'entier dommage.

- La MAF ne peut dénier sa garantie :

* elle ne démontre pas l'absence de déclaration par l'architecte, alors qu'elle verse aux débats une déclaration de chantier.

* elle a délivré une attestation, datée du 1er janvier 2018, au contenu trompeur car elle ne fait référence qu'à des montants de travaux très supérieurs au coût de leur chantier, et mentionne les termes 'la garantie du contrat s'applique', alors qu'une attestation d'assurance doit être complète et fiable, engageant ainsi sa responsabilité quasi-délictuelle.

* l'inopposabilité de la franchise est limitée aux dommages matériels.

* la réduction proportionnelle de garantie constitue une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile et, en tout état de cause, il s'agit du mécanisme de l'article L. 113-10 du code des assurances qui ne peut aboutir à un cumul de sanctions.

- Les indemnisations doivent être majorées :

* les sommes de 179 040 Euros et 9 972 Euros doivent être actualisées par application de l'indice BT 01 depuis la date du dépôt du rapport.

* ils subissent un préjudice de jouissance car ils doivent s'acquitter d'un loyer depuis septembre 2018, qui doit être actualisé à 41 106,50 Euros en novembre 2022.

* les difficultés auxquelles ils ont dû faire face leur ont créé d'importants problèmes psychologiques.

* l'allocation des frais complémentaires pour l'étude de sol, l'expertise amiable et le constat d'huissier doit être confirmée.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [L], la MAF et la SARL Dias à leur payer 179 040 Euros, 9 972 Euros, et 26 350 Euros,

- les condamner solidairement à leur payer :

* 179 040 Euros au titre des travaux de reprise en sous-oeuvre avec indexation sur l'indice BT 01 depuis la date du rapport d'expertise,

* 9 972 Euros au titre des travaux de correction de la planimétrie avec indexation sur l'indice BT 01 depuis la date du rapport d'expertise,

* 41 106,50 Euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au 7 novembre 2022,

- les condamner in solidum à leur payer 6 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'à supporter les dépens.

*

* *

Par conclusions d'intimé notifiées le 4 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [J] [L] présente l'argumentation suivante :

- Les désordres ne lui sont pas imputables :

* ils trouvent leur cause dans un défaut d'exécution grossier imputable à l'entreprise chargée du gros-oeuvre, indépendamment de l'absence de cahier des clauses techniques particulières relevé par l'expert.

* il n'avait pas à faire procéder à une étude de sol, qui n'est obligatoire lors de construction dans les zones argileuses que depuis le 1er janvier 2020, ni à mettre en oeuvre des études techniques.

* la SARL Société Dias a été retenue par Mme [A] [R] pour des raisons familiales, et les maîtres de l'ouvrage ont payé les travaux sans attendre le visa de l'architecte, ce qui constitue une attitude fautive.

* le 28 mars, il a demandé à cette société de reprendre ses travaux.

* sa mission ne consistait pas à surveiller le chantier.

* c'est la SARL Société Dias qui est fautive dans une proportion qui ne peut être inférieure à 95 %.

* il n'est pas responsable des erreurs de pose commises par la SARL VB Fermetures.

- Les indemnisations sollicitées sont excessives :

* le chiffrage du coût de réfection à 189 012 Euros doit être retenu.

* le préjudice de jouissance doit être évalué à compter d'avril 2019, mais il n'existe ni justification du paiement effectif d'un loyer, ni préjudice moral.

* seuls les frais d'étude du sol peuvent être également admis.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé condamnation à son encontre,

- rejeter les demandes présentées par M. [O] et Mme [A] [R],

- subsidiairement :

- dire que leur participation dans la sélection des entreprises et leurs paiements directs nonobstant les désordres apparents constitue une cause d'exonération de sa responsabilité,

- limiter sa responsabilité à hauteur de ses fautes personnelles directement à l'origine des dommages et sa contribution à cette hauteur sans condamnation solidaire,

- condamner la SARL Dias et la SARL VB Fermetures à le garantir de toute éventuelle condamnation,

- en tout état de cause, limiter sa contribution à la dette à 5 % pour les seuls désordres structurels,

- rejeter les demandes présentées au titre des frais d'expertise privée, de constat d'huissier, de préjudices de jouissance et moral,

- réduire la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL Société Dias et Me [E] [P], mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde intervenant volontairement, présentent l'argumentation suivante :

- La SARL Société Dias n'est pas seule responsable des désordres :

* si les désordres sont incontestables, la SARL Société Dias n'en est pas seule responsable.

* l'architecte, qui s'est vu confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre, a manqué à son obligation de contrôle et de direction et a même abandonné le chantier.

* il n'a ni fait réaliser d'étude de sol, ni établi de plans d'exécution des travaux, ni même tenu des réunions de chantier.

* subsidiairement, la répartition des responsabilités à laquelle a procédé le tribunal ne peut être retenue et une part limitée à 10 % doit être imputée à l'entreprise de gros-oeuvre.

- Certains postes de préjudice sont excessifs :

* les maîtres de l'ouvrage n'ont saisi le juge des référés qu'en avril 2019, date qui doit être retenue comme constituant le point de départ de leurs préjudices.

* ils ne peuvent être indemnisés que sur la base des loyers effectivement payés et non sur la valeur locative de la maison.

* le certificat médical produit ne peut justifier de l'existence d'un préjudice moral.

* si l'étude de sol était nécessaire, l'expertise amiable avait un caractère facultatif.

- Les créances sont inopposables à la procédure de sauvegarde :

* les maîtres de l'ouvrage ont été expressément informés de cette procédure et n'ont pas déclaré leur créance.

* ils ont saisi le juge-commissaire qui, par ordonnance du 24 mars 2022 devenue définitive, a rejeté leur requête en relevé de forclusion.

* ni la MAF ni M. [L] n'ont procédé à une déclaration de créance.

* en application de l'article L. 622-26 du code de commerce, aucune des créances revendiquée n'est opposable à la procédure de sauvegarde.

Au terme de ses conclusions, ils demandent à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé condamnation à l'encontre de la SARL Société Dias,

- rejeter les demandes formées à son encontre et la mettre hors de cause,

- condamner M. [L] et la MAF à la reprise intégrale des travaux et au versement des sommes dues,

- subsidiairement :

- dire qu'elle ne peut être condamnée in solidum,

- limiter sa part de responsabilité à 10 %,

- rejeter les demandes formées au titre du préjudice de jouissance, du préjudice moral et les frais d'expertise privée,

- condamner M. [L] et la MAF à la relever indemne de toute condamnation à venir,

- lui déclarer inopposables les créances de M. [O], Mme [A] [R], M. [L] et la MAF faute de déclaration de créance,

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 3 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 18 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SARL VB Fermetures présente l'argumentation suivante :

- Elle accepte le jugement et a payé les sommes mises à sa charge.

- Aucune partie ne remet en cause les dispositions du jugement qui la concernent.

- l'appel formé à son encontre doit être qualifié d'abusif.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- dire que sa mise en cause en appel est abusive,

- condamner la MAF à lui payer la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts, outre la même somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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MOTIFS :

1) Considérations préliminaires :

La MAF a formé appel du jugement en désignant, notamment, la SARL VB Fermetures en qualité de partie intimée.

Elle ne présente de demande à l'encontre de cette société qu'à titre subsidiaire dans l'hypothèse où M. [L] serait condamné, en cause d'appel, avec cette société, à payer à M. [O] et Mme [A] [R] le coût de réfection des menuiseries.

Toutefois, les maîtres de l'ouvrage ne forment aucun appel incident sur les dispositions du jugement qui n'ont condamné que la SARL VB Fermetures à les indemniser des désordres qui affectent les menuiseries, le tribunal ayant considéré de façon indiscutée qu'ils trouvent leur cause dans des défauts d'exécution exclusivement imputables à la SARL VB Fermetures.

La SARL VB Fermetures ne forme aucun appel incident sur sa condamnation et a versé la somme mise à sa charge.

Dès lors, il n'existe aucune demande contre cette société en cause d'appel.

Si l'appel formé contre la SARL VB Fermetures ne peut être qualifié d'abusif, de sorte que la demande de dommages et intérêts formée par cette société doit être rejetée, la MAF sera condamnée à lui payer, en cause d'appel, la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

2) Sur l'action à l'encontre de l'architecte :

a : responsabilité :

Vu l'article 1231-1 du code civil,

Le contrat signé entre les maîtres de l'ouvrage et M. [L] le 13 octobre 2016 confie à ce dernier les postes de missions de maîtrise d'oeuvre suivants :

- études préliminaires, avant-projet, permis de construire,

- projet de dossier de consultation des entreprises,

- appel d'offres, mise au point des marchés, planning des travaux,

- direction, comptabilité des travaux, réception.

L'expertise a mis en évidence que M. [L] s'est en réalité désintéressé du chantier qu'il n'a pas réellement suivi.

Ainsi, il n'a ni établi de dossier de consultation des entreprises, ni mis au point les marchés de travaux : aucun marché n'a été signé avec les entreprises.

Ensuite, alors que le chantier a commencé en décembre 2017, il n'a établi qu'un seul compte rendu le 28 mars 2018, soit trois mois après, mentionnant :

'Poteau façade Sud :

- mise en place d'un poteau de 20/20 de part et d'autre du poteau 20/20 existant formant un V et passage de la descente d'eau à l'intérieur du V.

- Agrandissement de la porte d'entrée : 1m de large fini.

- changement du 1/2 coffre volet roulant cassé sur façade Sud par coffre tunnel long, 3m.

Linteau fenêtre cuisine :

- coulage d'un linteau courbe de 2,60 m de long (réduire l'ouverture côté entrée).

- hauteur de bas de linteau : 2,15 m fini.

- l'ouverture sera fermée par 3 fenêtres reliées par angle variable avec volet roulant monobloc posé à l'intérieur contre le linteau.

Partie centrale :

- dépose des linteaux des 4 fenêtres de l'étage.

- repose des linteaux au niveau de l'arase actuelle (fenêtres de 0,50 m de haut, 1,80 m de large, jambages verticaux).

- coulage d'une arase de 14 cm sur l'arase actuelle.

- arase béton sous poutres de charpente et blocage après mise en place.'

Selon l'expert, M. [L] a découvert, seulement à cette date, que les travaux 'comportent un certain nombre de malfaçons et non-conformités par rapport au projet (jambages ouvertures étage)' et demandé à la SARL Société Dias d'intervenir, mais les désordres vont ensuite s'aggraver avec l'apparition de fissures dont M. [L] n'a pas su déterminer les causes.

Le chantier s'est alors purement et simplement arrêté sans que l'architecte ne propose à ses clients de solutions pour analyser les désordres et y remédier.

M. [N] a expliqué que M. [L] a commis des manquements à sa mission contractuelle en ne vérifiant pas, d'une part, la mise au point d'un cahier des clauses techniques et, d'autre part, qu'avant de commencer ses travaux, la SARL Société Dias avait contrôlé la nature du sol et établi des plans d'exécution (dont l'architecte n'était pas lui-même chargé), ce qu'elle n'avait pas fait.

Il en résulte qu'il aurait dû bloquer le début du chantier au lieu de laisser la SARL Société Dias commencer les travaux de gros-oeuvre.

Le fait que M. [O] et Mme [A] [R] ont eux-mêmes choisi l'entreprise de gros-oeuvre, et qu'ils lui ont fait des paiements sans le visa du maître d'oeuvre, ce qui ne peut être assimilé à une immixtion fautive dans la réalisation des travaux et n'a aucun lien de causalité avec les désordres, ne dispensait pas l'architecte de ses obligations contractuelles.

Enfin, en ne se présentant sur le chantier que trois mois après qu'il a débuté, il ne s'est pas mis en mesure de détecter les manquements aux règles de l'art commis par la SARL Société Dias dès le commencement des travaux : un mode de fondation non adapté au terrain et au projet ainsi que l'absence de plancher porté avec vide d'air.

Au vu de ces fautes, c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle de l'architecte et l'a condamné à indemniser M. [O] et Mme [A] [R].

b : clause excluant toute condamnation solidaire ou in solidum de l'architecte :

Le contrat d'architecte stipule que M. [L] 'n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur, et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la stricte mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu responsable ni solidairement ni in solidum des fautes commises par d'autres intervenants à l'opération ci-dessus visée'.

Cette clause ne limite pas la responsabilité de l'architecte, tenu de réparer les conséquences de ses propres fautes, le cas échéant in solidum avec les autres constructeurs, et ne saurait avoir pour effet de réduire le droit à réparation du maître de l'ouvrage contre l'architecte quand sa faute a concouru à l'entier dommage (Civ3 19 janvier 2022 n° 20-15376).

Il s'ensuit que dès lors que les fautes, détaillées supra, commises par M. [L] sont à l'origine de l'entier dommage, sa condamnation ne peut être limitée à une partie du dommage causé.

Le jugement doit également être confirmé sur ce point.

3) Sur les actions à l'encontre de la SARL Société Dias :

Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

Selon l'article L. 622-24 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement, à l'exception des salariés, adressent leurs déclarations de créances au mandataire judiciaire.

Selon l'article L. 622-26 du même code, à défaut de déclaration, les créances non déclarées régulièrement sont inopposables au débiteur.

En l'espèce, la déclaration de créance au passif de la SARL Société Dias effectuée par M. [O] et Mme [A] [R] a été rejetée pour avoir été formée au-delà du délai légal.

En outre, par ordonnance du 24 mars 2022 devenue définitive, leur demande tendant à être relevés de la forclusion encourue a été rejetée.

Par conséquent, aucune condamnation ne peut plus intervenir à l'encontre de cette société au profit de M. [O] et de Mme [A] [R] et le jugement doit être infirmé compte tenu de cet élément nouveau.

Il en est de même des actions récursoires formées à l'encontre de la SARL Société Dias par la MAF et M. [L] qui doivent être rejetées faute de déclaration de créances au passif.

Par suite, en l'absence de créance opposable à cette société, il n'y a pas lieu de fixer la contribution à la dette entre l'architecte et la SARL Société Dias.

Le jugement doit être réformé sur ce point.

4) Sur la garantie de la MAF :

a : clause d'obligation de déclaration :

M. [L] a souscrit une assurance de responsabilité professionnelle des architectes auprès de la MAF à effet du 1er janvier 2008.

Un avenant au contrat à effet du 1er janvier 2013 stipule :

'D'un commun accord entre les parties, il est expressément convenu que la garantie de la responsabilité découlant des missions réalisées dans le cadre de la construction de maisons individuelles neuves ou extensions ne sont plus couvertes au titre des conditions particulières du contrat susvisé, mais dans les conditions ci-après définies par le présent avenant.

(...)

Article 2 - conditions de délivrance de la garantie et limites de la garantie

2.1 La garantie est subordonnée au strict respect de la procédure de déclaration de chaque nouvelle mission par l'application 'AMI' accessible depuis l'espace adhérent de maf.fr

Chaque opération entrant dans la définition de l'article 1 du présent avenant doit faire l'objet d'une demande préalable de garantie par l'intermédiaire de l'application 'AMI' disponible dans l'espace adhérent de maf.fr

Cette demande doit être effectuée au plus tard à la date de dépôt de la demande du permis de construire ou de l'autorisation de travaux.

L'adhérent répond à l'ensemble des questions au fur et à mesure de l'avancement de l'opération et s'engage à fournir à la MAF les documents justificatifs sur simple demande.

2.2 Conditions techniques impératives pour obtenir un accord de garantie :

- contrat de maîtrise d'oeuvre signé par le maître de l'ouvrage définissant la mission confiée à l'adhérent,

- réalisation d'une étude de sol de niveau G12 minimum (norme AFNOR) en zone sismique de niveau 3 ou plus (...)

- réalisation d'une étude de structure en zone sismique de niveau 3 ou plus (...)

- entreprises régulièrement assurées en garantie décennale à la date de déclaration d'ouverture de chantier pour chaque activité réalisée sur le chantier.

En cas de non-respect de l'une de ces conditions techniques, l'exclusion de garantie prévue à l'article 4.2 s'applique.

2.3. Autres conditions techniques recommandées :

- réalisation d'une étude de sol de niveau G 12 minimum (norme AFNOR) dans les autres cas que celui prévu à l'article 2.2. de la présente section spéciale.

- réalisation d'une étude de structure, réalisation dans les autres cas que celui prévu à l'article 2.2. de la présente convention spéciale.

- d'une étude thermique conforme à la réglementation en vigueur.

Le non-respect de ces conditions techniques entraîne l'application de majoration pour aggravation de risque prévue à l'article 3.3. de la présente convention spéciale.

(...)

Article 3 - modalités de déclaration et cotisations applicables :

3.1 La mission sera déclarée exclusivement par l'intermédiaire de l'application internet 'AMI' sur l'espace adhérent de maf.fr. L'adhérent devra compléter toutes les informations obligatoires permettant à la MAF de déterminer les conditions d'acceptation du risque et de déterminer le tarif applicable. La déclaration pourra, après validation des phases par la MAF, faire l'objet d'une déclaration du montant des travaux conformément aux modalités de déclaration de la circulaire annuelle d'appel de cotisation.

(...)

Article 4 - Exclusions

4.1 Les exclusions définies à l'article 2 des conditions générales sont applicables à la garantie faisant l'objet du présent avenant.

4.2 En outre, sont exclues de la garantie les opérations pour lesquelles l'une des conditions prévues à l'article 2.2. du présent avenant n'est pas remplie.'

Ces clauses, dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'un architecte ne relevant pas de l'assurance obligatoire, font de la déclaration de chaque chantier de construction de maison individuelle, selon le mécanisme institué, une condition de la garantie.

Il est acquis que M. [L] n'a pas procédé à cette déclaration spécifique 'AMI' pour le chantier en litige dès lors que la MAF indique ne pas l'avoir reçue, et qu'il ne prétend pas, et n'a jamais prétendu, l'avoir fait.

Toutefois, il résulte de l'article L. 113-9 du code des assurances qu'en l'absence de déclaration de la mission et de paiement des primes afférentes, l'indemnité due par l'assureur doit être réduite en proportion du taux de la prime annuelle par rapport à celui de la prime qui aurait été due si la mission avait été déclarée (Civ3 11 mai 2022 n° 21-15420).

Le contrat ne peut déroger à ce mécanisme en stipulant une absence de garantie.

Cette réduction proportionnelle, invoquée par la MAF à titre subsidiaire, ne constitue pas une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile, mais un moyen sur le quantum de la garantie qui tend à écarter, en partie, la prétention adverse en paiement des indemnités d'assurance.

Enfin, le contrat ne renvoyant pas aux dispositions de l'article L. 113-10 du code des assurances relatif aux sanctions des erreurs ou omissions, même en substance, dans sa partie relative à l'obligation de déclarer les missions relatives à la construction d'une maison individuelle, l'article L. 113-9 doit recevoir application.

Par suite, la réduction proportionnelle de l'indemnité d'assurance due à M. [O] et Mme [D] [F] doit recevoir application et se calculer d'après le rapport entre les cotisations payées par M. [L] et les cotisations qui auraient dû être payées pour cette mission, soit une réduction de 71 % des indemnités dues selon le calcul indiscuté effectué par la MAF.

Le jugement sera réformé sur ce point.

b : attestation d'assurance délivrée par la MAF :

M. [O] et Mme [A] [R] font grief à la MAF d'avoir établi une attestation d'assurance pour la responsabilité civile de l'architecte datée du 1er janvier 2018 qui ne fait pas mention de la nécessité de déclarer les chantiers de construction de maisons individuelles.

Cette attestation précise que le contrat souscrit par M. [L] auprès de la MAF couvre 'la responsabilité qui peut être engagée à raison des actes qu'il/elle accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés du 01/01/2018 au 31/12/2018".

Elle indique :

'La garantie du contrat s'applique aux opérations réalisées en France métropolitaine et dans les départements d'outre mer et dont le coût prévisionnel des travaux hors honoraires n'excède pas 30 000 000 Euros hors taxes sous réserve qu'un contrat collectif de responsabilité décennale bénéficiant à l'adhérent soit souscrit pour les opérations dont le coût prévisionnel des travaux est égal ou supérieur à 20 000 000 d'Euros hors taxes'.

Elle précise toutefois que 'la présente attestation ne peut engager la société d'assurance au-delà des conditions et limites du contrat auquel elle se réfère'.

Elle n'est ni erronée ni équivoque et n'a pas à reproduire les limitations de garantie, comme par exemple les clauses imposant une formalité de déclaration préalable des missions de réalisations de construction de maisons individuelles.

En effet, le droit de la victime contre l'assureur puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance.

En outre, la délivrance d'une attestation d'assurance n'a pu, pour M. [O] et Mme [A] [R], être une condition de leur consentement au contrat signé avec M. [L] dans la mesure où ils l'ont signé en 2016 et que les travaux ont commencé avant la délivrance de l'attestation en question.

Par conséquent, l'action en responsabilité intentée à l'encontre de l'assureur au titre de cette attestation doit être rejetée.

5) Sur les indemnités dues :

En premier lieu, les parties ne discutent pas les indemnités de 179 040 Euros et 9 972 Euros allouées par le tribunal sur la base des calculs de M. [N], qui représentent le coût de réfection des malfaçons, ni le coût de l'étude de sol.

En deuxième lieu, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a indemnisé le préjudice de jouissance de M. [O] et Mme [A] [R], privés d'habiter la maison dans laquelle ils auraient dû pouvoir s'installer en août 2018 selon l'expert judiciaire, sur la base des loyers pour des logements à [Localité 14], [Localité 13], et [Localité 12] dont ils ont dû s'acquitter, dont les justificatifs des baux sont produits aux débats, soit une somme de 41 106,50 arrêtée à novembre 2022.

Le jugement sera réformé pour tenir compte de l'actualisation de ce préjudice.

En troisième lieu, il est justifié également de les indemniser des frais d'expertise amiable et de constat d'huissier qu'ils ont exposés pour faire reconnaître les désordres qui affectent leur construction, étant précisé toutefois que c'est au titre des frais irrépétibles que ces indemnités sont allouées dès lors qu'elles ne constituent pas un poste de préjudice.

En quatrième lieu, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a caractérisé l'existence d'un préjudice moral subi par les maîtres de l'ouvrage.

Toutefois, ce préjudice sera indemnisé par le versement d'une indemnité de 6 000 Euros.

Le jugement sera réformé sur le montant alloué.

Enfin, l'équité nécessite de condamner la MAF, appelante succombant partiellement, à payer à M. [O] et Mme [A] [R], en cause d'appel, la somme de 6 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité n'imposant pas l'application de ce texte au profit d'autres parties.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a :

- condamné solidairement la société MAF et la SARL Dias avec M. [J] [L] à payer à M. [B] [O] et Mme [Y] [A] [R] les sommes de 179 040 Euros, 9 972 Euros, 2 388 Euros, 4 320 Euros et 300 Euros,

- indemnisé le préjudice de jouissance à hauteur de 26 350 Euros,

- indemnisé le préjudice moral à hauteur de 12 000 Euros,

- dit que dans leurs rapports entre la SARL Dias, d'une part, et M. [L] et la MAF, d'autre part, la partie qui aura exécuté le jugement pourra demander à l'autre de la garantir et relever indemne à hauteur de la part de responsabilité de cette dernière,

- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

- CONDAMNE [J] [L] à payer à [B] [O] et [Y] [A] [R] la somme de 6 000 Euros en indemnisation du préjudice moral ainsi que la somme de 41 106,50 Euros en indemnisation du préjudice de jouissance ;

- DIT que la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français est tenue in solidum, avec [J] [L], du paiement de l'ensemble des sommes dues à [B] [O] et [Y] [A] [R], mais dans la limite de 29 % du montant des indemnités de 179 040 Euros, 9 972 Euros, 2 388 Euros, 4 320 Euros, 300 Euros, 6 000 Euros et 41 106,50 Euros mentionnées ci-dessus ;

- REJETTE les actions récursoires formées à l'encontre de la SARL Société Dias et dit n'y avoir lieu à fixation de la contribution à la dette avec cette société ;

- Y ajoutant,

- DIT que les sommes de 179 040 Euros et 9 972 Euros allouées par le tribunal sont indexées sur l'indice BT 01 du 3 septembre 2020 jusqu'à ce jour ;

- REJETTE la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL VB Fermetures à l'encontre de la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français ;

- CONDAMNE la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français à payer à la SARL VB Fermetures, en cause d'appel, la somme de 2 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français à payer à [B] [O] et à [Y] [A] [R], en cause d'appel, la somme totale de 6 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société d'assurance mutuelle Mutuelle des Architectes Français, d'une part, et [J] [L], d'autre part, aux dépens de l'appel dans la proportion de moitié chacun.

- Le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00829
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;21.00829 ?
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