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08/02/2023 | FRANCE | N°21/00926

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 08 février 2023, 21/00926


ARRÊT DU

08 Février 2023





DB/CR





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N° RG 21/00926

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C57R

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[U] [M]



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[W] [P]

épouse [F]







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COUR D'APPEL D'AGEN



Chambre Civile









LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,







ENTRE :



Monsieur [U] [M]

né le 15 Août 1963 à [Localité 10] (47)

de nationalité Française

' [Localité 12]'

[Localité 11]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004036 du 05/11/2021 accordée par le bureau d...

ARRÊT DU

08 Février 2023

DB/CR

---------------------

N° RG 21/00926

N° Portalis

DBVO-V-B7F-C57R

---------------------

[U] [M]

C/

[X] [F],

[W] [P]

épouse [F]

------------------

GROSSES le

à

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur [U] [M]

né le 15 Août 1963 à [Localité 10] (47)

de nationalité Française

' [Localité 12]'

[Localité 11]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004036 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)

Représenté par Me Renaud DUFEU, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANT d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 02 Septembre 2021, RG 21/00652

D'une part,

ET :

Monsieur [X] [F]

né le 23 Janvier 1954 à [Localité 16] (75)

de nationalité Française

Madame [W] [P] épouse [F]

née le 14 Novembre 1961 à [Localité 17]

de nationalité Française

Le Chai de [Localité 12]

[Localité 11]

Représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocate plaidante inscrite au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée le 09 novembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

qui en ont rapporté dans le délibéré de la cour, composée outre eux-mêmes de Claude GATE, présidente de chambre

en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

Greffières: Lors des débats : Nathalie CAILHETON, greffière

Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

Par acte du 23 avril 1982, [X] [F] et [W] [P] son épouse (les époux [F]) ont acquis d'[G] [K], sur la commune de [Localité 11] (47) "un petit enclos comprenant maison d'habitation à l'état vétuste et terrain, sis [Adresse 15]" cadastré section C n° [Cadastre 8] d'une contenance de 12a 04 ca.

L'acte de vente contient la clause suivante :

"Il est indiqué que l'immeuble vendu a un accès direct au chemin rural de La Férodie et ne bénéficie corrélativement d'aucune concession de servitude particulière d'accès.

Il reste appartenir au vendeur après division du n° [Cadastre 7] section C d'une contenance de 3h& 57a 50ca (formé par la réunion du n° [Cadastre 4] section C pour 6a 00ca, du n° 506 section C pour 14a 60ca et du n° 507 section C pour 3ha 36a 90ca) : le n° [Cadastre 9] section C d'une contenance de 3ha 45a 46 ca."

Les époux [F] ont restauré la maison et s'y sont installés.

Ils ont pour voisin [U] [M], exploitant agricole qui, par actes des 13 février 1987 a acquis les parcelles n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] pour y installer sa maison d'habitation, puis tout un ensemble de parcelles agricoles sur la même section, dont la parcelle n° [Cadastre 9] d'une contenance de 3ha 45a 46ca qui longe à l'Ouest la parcelle n° [Cadastre 8].

Le 6 novembre 2019, les époux [F] ont fait intervenir Me [J], huissier de justice, auquel ils ont expliqué que depuis leur acquisition, ils accèdent à leur propriété en passant sur un chemin situé sur la parcelle n° [Cadastre 9] appartenant leur voisin en vertu d'un accord verbal, mais que les relations se sont détériorées avec ce dernier.

Ils ont précisé qu'initialement, ils accédaient à leur propriété par un passage situé au Sud de leur parcelle qui la reliait au chemin rural mais que très rapidement, cet accès s'est révélé impraticable.

Me [J] a constaté qu'un tracteur entravait le passage sur la parcelle n° [Cadastre 9] et que, de ce fait, la propriété des époux [F] devait être considérée comme étant enclavée.

Ils ont fait intervenir le cabinet d'expertise Saretec mandaté par leur assureur de protection juridique qui a établi un rapport le 2 décembre 2009 et ont ensuite fait assigner M. [M] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen qui, par ordonnance du 12 décembre 2019, a désigné [B] [T], géomètre, afin de procéder à la délimitation des propriétés respectives, de déterminer si la propriété des époux [F] peut être considérée comme enclavée et, dans l'affirmative, d'étudier les solutions techniques à mettre en oeuvre.

M. [T] a établi son rapport le 2 mars 2021.

Il a délimité la parcelle n° [Cadastre 8], indiqué que l'accès au chemin rural situé à l'Est n'est pas praticable et proposé l'établissement d'une servitude sur chemin existant sur la parcelle n° [Cadastre 9].

Par acte délivré le 19 mai 2021, les époux [F] ont fait assigner à jour fixe M. [M] devant le tribunal de grande instance d'Agen afin de voir reconnaître l'état d'enclave de leur propriété et d'obtenir la reconnaissance d'une servitude de passage sur la parcelle n° [Cadastre 9].

Par jugement rendu le 2 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Agen a :

- dit que la parcelle cadastrée C [Cadastre 8], sise [Adresse 14], appartenant à Mme [W] [P] épouse [F] et M. [X] [F], est enclavée au sens de l'article 682 du code civil,

- créé une servitude de passage grevant la parcelle cadastrée C [Cadastre 9], sise [Adresse 13], appartenant à M. [U] [M] au profit de la parcelle C [Cadastre 8], appartenant à Mme [W] [P] épouse [F] et M. [X] [F],

- dit que l'assiette de la servitude sera constituée de l'intégralité du chemin existant au sud de la parcelle C [Cadastre 9] appartenant à M. [M], tel que ce chemin est représenté sur le plan d'état des lieux figurant en annexe 8 du rapport de M. [T],

- dit que le jugement à intervenir vaudra acte constitutif de servitude de passage pour cause d'enclave,

- ordonné le bornage à frais communs et par moitié des propriétés de M. et Mme [F] et M. [M], et désigné pour y procéder M. [B] [T],

- fixé à 475 Euros l'indemnité due par M. et Mme [F] à M. [M] et au besoin les a condamnés au paiement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [U] [M] à payer à Mme [W] [P] épouse [F] et M. [X] [F] la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [U] [M] aux entiers dépens, en ce compris ceux de référés et les frais d'expertise,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a admis l'existence de l'état d'enclave et, en application de l'article 684 du code civil, a fixé le droit de passage des époux [F] sur la parcelle n° [Cadastre 9] tel que matérialisé par le chemin existant comme proposé par l'expert judiciaire.

Par acte du 5 octobre 2021, [U] [M] a déclaré former appel du jugement en désignant [X] [F] et [W] [P] épouse [F] en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu'il cite dans son acte d'appel.

La clôture a été prononcée le 28 septembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience de la Cour du 9 novembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [U] [M] présente l'argumentation suivante :

- Contexte du litige :

* par simple tolérance, il a autorisé les époux [F] à emprunter son chemin privé se situant sur la parcelle n° [Cadastre 9], après avoir acquis cette parcelle, dans des conditions exclusives de toute servitude.

* les époux [F] ont alors laissé à l'abandon le passage qu'ils utilisaient initialement situé de l'autre côté de leur propriété.

* projetant de vendre leur propriété, ses voisins lui ont demandé de leur céder le chemin d'accès.

* il leur a proposé de les aider à rétablir l'ancien passage mais ils ont refusé, et il leur a alors proposé de valoriser leur propriété en créant une servitude avec partage de la plus-value résultant de la différence de prix, propositions qui ont été refusées.

* il n'a pas obstrué volontairement le passage : son tracteur y est tombé en panne, circonstance dont se sont emparés ses voisins pour entamer le procès.

- Il existe un chemin d'accès côté Sud-Est excluant toute enclave de la propriété des époux [F] :

* les parcelles n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sont issues de la division de la parcelle n° [Cadastre 7], elle-même formée par les parcelles n° [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

* l'acte de propriété des époux [F] ne mentionne aucune enclave de la parcelle n° [Cadastre 8] et indique qu'elle a un accès direct au chemin rural de '[Localité 12]', et si la propriété avait été enclavée, ses voisins s'en seraient immédiatement plaints auprès du vendeur.

* ils ont utilisé ce passage jusqu'en 2005 avec leur Renault 5, date à laquelle il est devenu propriétaire de la parcelle n° [Cadastre 9].

* selon la lettre de la Commune du 28 juillet 2020, le chemin existant peut être réaménagé et ses voisins sont seuls responsables de l'état d'abandon de cet accès sur lequel ils ont même créé un 'mamelon' décoratif.

* ses voisins ne recherchent en réalité qu'un accès plus commode.

* à supposer que cet accès empiète sur la parcelle n° [Cadastre 3], ils bénéficiaient d'une tolérance de passage dont ils ne justifient pas qu'elle a été révoquée.

- L'article 683 du code civil impose de prendre le passage sur le côté le plus court :

* en vertu de ce principe, c'est le passage sur la parcelle située au Sud-Est qui doit être privilégié.

* il n'y a pas d'impossibilité d'aménager cet accès et la Commune a installé une zone permettant de faire demi-tour.

- La demande de dommages et intérêts n'est pas fondée :

* les époux [F] peuvent céder librement leur maison dans les mêmes conditions que celles ayant présidé à son achat.

* aucune justification de la demande n'est apportée, une simple lettre d'intention d'acheter ou vendre ne pouvant en tenir lieu.

* ses voisins doivent assumer les conséquences du refus de ses propositions amiables.

- Il a installé licitement des barbelés :

* cette pose était destinée à attendre que ses voisins installent un grillage, ce qu'ils n'ont pas fait.

* ils sont installés sur une prairie destinée à l'alimentation de ses bêtes du printemps à l'automne.

* il est en droit de se clore.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

- réformer le jugement,

- débouter les époux [F] de leurs demandes,

- les condamner aux dépens des procédures de référé, de fond et d'appel, en ce inclus les frais d'expertise judiciaire.

*

* *

Par dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [X] [F] et [W] [P] épouse [F] présentent l'argumentation suivante :

- Contexte du litige :

* lors de leur entrée dans les lieux, ils ont temporairement emprunté le passage situé au Sud-Est avec leur Renault 5, passage qui empiète sur la parcelle n° [Cadastre 3].

* ils ont dû rapidement cesser de l'utiliser compte tenu du dénivelé important, de la nature rocailleuse du sol et de l'obligation d'effectuer un virage serré.

* M. [M] leur a alors proposé d'utiliser le chemin existant situé sur la parcelle n° [Cadastre 9], et, avec son accord, ils y ont fait procéder à des travaux de terrassement en 1991.

* M. [M] a refusé leurs propositions d'accord amiable, puis a mis obstacle au passage.

* En lien avec la retraite de l'épouse, ils ont acheté un terrain dans les Landes et souhaitent y faire construire leur nouvelle maison en utilisant le prix de vente de la maison de [Localité 11], projet suspendu par les contestations opposées par M. [M], alors qu'ils ont un délai de 4 ans pour procéder aux travaux.

* le candidat acquéreur de leur maison de [Localité 11] s'est finalement désisté.

- Leur propriété est enclavée :

* l'expert et le tribunal ont reconnu cet état d'enclave et admis que la seule solution pour y mettre fin consiste à passer sur la parcelle n° [Cadastre 9], ce qui ne nécessite aucun travaux et qui ne génère aucune gêne à M. [M].

* l'accès par le Sud-Est suppose un empiétement sur la parcelle n° [Cadastre 3] appartenant à M. [L], de sorte que leur parcelle n'a pas d'accès direct à la voie publique.

* l'aménagement d'un passage au Sud-Est n'est pas possible compte tenu de l'opposition à la création d'un accès à la voie publique opposée par la Commune et du coût considérable qu'il générerait.

- L'article 684 du code civil doit recevoir application :

* l'enclave résulte de la division d'un fonds dont relevait la parcelle n° [Cadastre 9] par Mme [K].

* ce texte prime sur l'article 683 qui prévoit que le passage doit être pris sur le trajet le plus court.

* le passage doit être également fixé à l'endroit le moins dommageable sur le fond servant.

- M. [M] a installé des barbelés pour leur nuire :

* ces barbelés sont placés à l'arrière et sur le côté de leur maison, dans une zone de grave et cailloux où il n'y a ni d'animaux, ni pâturages.

* M. [M] n'élève plus de bovins depuis de nombreuses années et se limite à la culture des céréales et tournesols.

* ils n'ont aucune utilité pour M. [M] et génèrent des risques de blessures.

- Le bornage a été réalisé à frais communs : pourtant, M. [M] a refusé de signer le procès-verbal.

- Leur voisin cherche à leur nuire :

* il a refusé tout arrangement amiable et n'a pas exécuté le jugement.

* il met obstacle à la revente de leur immeuble.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- homologuer le bornage réalisé par M. [T],

- condamner M. [M] à leur payer 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- le condamner, sous astreinte, à retirer les fils barbelés installés pour délimiter sa propriété à la limite séparative de son fonds du leur,

- subsidiairement :

- renvoyer les parties devant Me [N], notaire à [Localité 10], pour établissement de l'acte constitutif de servitude, et qu'à défaut, le jugement tiendra lieu lui-même d'acte constitutif de servitude,

- en tout état de cause :

- rejeter les demandes de M. [M] et le condamner à leur payer la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

-------------------

MOTIFS :

1) Sur l'état d'enclave de la propriété des époux [F] :

L'article 682 du code civil dispose :

'Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.'

L'article 683 dispose :

'Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.

Néanmoins il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.'

Enfin, l'article 684 dispose :

'Si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.'

En l'espèce, en premier lieu, selon le rapport d'expertise judiciaire et les photographies produites aux débats, la parcelle appartenant aux époux [F] n'est contiguë au chemin rural qu'à l'Est sur une longueur de 20 mètres.

En contrebas, à cet endroit, le chemin rural présente un virage serré type 'épingle à cheveux' qui nécessiterait des travaux pour être commodément praticable, mais le 28 juillet 2020, la commune a indiqué qu'elle n'y procéderait pas, réitérant ainsi la position qu'elle avait adoptée par lettre du 14 août 2018 refusant la création d'un accès direct à la voie publique.

Surtout, à cet endroit, la parcelle des époux [F] est en surplomb de ce chemin et un escarpement rocheux, d'une hauteur de plusieurs mètres, empêche tout passage, que ce soit en véhicule ou à pied.

En continuité de cet escarpement, en direction du Sud où il se réduit, les époux [F] ont pu, il y a de nombreuses années, accéder à leur propriété avec un petit véhicule.

Toutefois :

- cet accès est désormais impraticable,

- il nécessite de passer sur la parcelle n° [Cadastre 3] appartenant à M. [L],

- selon l'expert , ce passage n'est large que de 2,50 m alors qu'il est obligatoire que l'accès à une propriété privée soit au minimum d'une largeur de 3,5 m pour permettre celui des véhicules de secours et sa mise en service nécessiterait des travaux de terrassement d'un coût très important, estimés à 50 000 Euros par le rapport Saretec.

M. [T] a également indiqué que compte tenu de la configuration du virage du chemin rural 'il n'est pas possible de tourner directement de la propriété pour se diriger vers la descente du chemin rural vers le centre-ville de [Localité 11]' et a ajouté que l'utilisation de cet accès 'oblige les utilisateurs à remonter vers la partie haute du chemin rural et de faire demi-tour en empiétant sur une propriété privée longeant le chemin rural'.

Il est par conséquent établi que la parcelle appartenant aux époux [F] n'a aucun accès praticable suffisant à la voie publique quelle que soit la tolérance de M. [L] invoquée par M. [M], à la supposer établie, pour passer sur la parcelle n° [Cadastre 3].

La propriété des intimés doit être considérée comme étant actuellement enclavée, comme l'a justement retenu le tribunal.

M. [M] ne peut opposer qu'il a toléré le passage sur sa parcelle n° [Cadastre 9] puisque, désormais, il ne l'autorise plus.

En deuxième lieu, les parcelles n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenaient, jusqu'en 1982, à [G] [K].

Mme [K] a vendu la parcelle n° [Cadastre 8] aux époux [F] le 23 avril 1982, et ses héritiers ont vendu la parcelle n° [Cadastre 9] à M. [M] le 1er février 2005 de sorte que le droit de passage permettant de désenclaver la parcelle n° [Cadastre 8] doit, en application de l'article 684, être pris en pris en priorité sur la parcelle n° [Cadastre 9].

En troisième lieu, et en tout état de cause, la façon la plus simple et la moins dommageable de mettre un terme à l'état d'enclave est de permettre l'accès à la parcelle appartenant aux époux [F] par le chemin qui se situe sur la parcelle n° [Cadastre 9].

L'expert a ainsi précisé 'l'accès est existant et carrossable suite à des travaux effectués par M. et Mme [F]. La sortie sur le domaine public est perpendiculaire au chemin rural et plat. Il se situe environ à 20 mètres après la fin de la courbe', indiquant qu'un tel accès, par un chemin déjà existant, ne nécessite aucun aménagement et ne cause strictement aucun dommage à la propriété de M. [M].

Par conséquent, le jugement qui a accordé le droit de passage sur la parcelle n° [Cadastre 9] avec fixation de l'indemnité due par les époux [F], doit être confirmé.

2) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les époux [F] :

Vu l'article 1240 du code civil,

M. [M] a retiré aux époux [F], sans aucun motif, la tolérance qu'il leur avait accordée en 1984 leur permettant, pour accéder à leur propriété, d'emprunter le chemin établi sur la parcelle n° [Cadastre 9].

Les époux [F] avaient pourtant, en 1991, fait procéder à des travaux pour un montant de 24 906 Euros pour améliorer ce chemin.

L'expertise réalisée par M. [T] a permis de mettre en évidence qu'en l'absence de possibilité d'utiliser ce chemin, la propriété des époux [F] est enclavée, aucun accès ne pouvant sérieusement être envisagé par le chemin rural situé à l'Est.

Pourtant, M. [M] a contraint ses voisins, par sa carence, à l'assigner en justice, afin

d'entraver leur projet, dont il avait connaissance, de vendre leur propriété pour aller s'installer dans un autre département (par lettre du 24 avril 2018, les époux [F] l'avaient informé de ce projet).

En effet, aucun acheteur ne peut envisager l'acquisition d'une propriété enclavée.

M. [M] a ainsi tenté d'obtenir un avantage indu : le partage de la plus-value de la maison appartenant aux époux [F] générée par la création d'une servitude de passage.

Par conséquent, cette carence à accepter amiablement l'existence d'une servitude de passage dont les conditions légales étaient à l'évidence réunies, puis le fait d'avoir interjeté appel du jugement rendu, sans aucun motif valide, pour continuer à paralyser le projet de vente de ses voisins, caractérisent tant une résistance abusive de M. [M] qu'un appel formé avec une légèreté blâmable, qui donneront lieu au versement d'une indemnité de 5 000 Euros aux époux [F] en réparation du préjudice qui leur a été causé.

3) Sur le bornage des propriétés :

L'ordonnance rendue le 12 décembre 2019 par le juge des référés a, notamment, donné pour mission à M. [T] de 'déterminer les limites de propriété respectives de parties', c'est à dire de proposer le bornage.

A partir des archives et d'un document d'arpentage établi le 2 février 1982, et après réunion sur ce point avec les parties, il a procédé à la délimitation de la parcelle appartenant aux époux [F].

Il a établi un procès-verbal de bornage que M. [M] a refusé de signer, sans aucun motif.

Dans son acte d'appel, M. [M] a indiqué que son appel portait sur toutes les dispositions du jugement, incluant ainsi les dispositions relatives au bornage.

Cependant, dans ses dernières conclusions, il ne discute pas le bornage décidé par le premier juge au vu du rapport de M. [T].

Les intimés ne forment aucun appel incident sur ce point.

Par suite, il convient d'entériner la proposition de délimitation établie par M. [T] et d'ordonner seulement la pose des bornes conformément au plan établi par l'expert, le présent arrêt valant bornage, ce qui rend inutile le renvoi des parties devant notaire.

Le jugement sera reformulé sur ce point.

4) Sur les barbelés posés par M. [M] :

Il est constant qu'après l'intervention de M. [T], M. [M] a posé un fil de fer barbelé sur clôture en limite des parcelles n° [Cadastre 9] et [Cadastre 8] autour de la maison des époux [F].

M. [M], exploitant agricole, ne peut sérieusement prétendre que cette clôture est utile pour ses bêtes.

En effet, l'EARL De Mayne Delprat, dont il est le dirigeant, ainsi que les membres de sa famille, ne sont inscrits au répertoire des métiers que pour une activité de 'culture de céréales (à l'exception du riz), de légumineuses et de graines oléagineuses' exclusives de tout élevage et les photographies établies par les époux [F] attestent de l'absence de bêtes.

La parcelle sur laquelle le fil de fer barbelé a été posé est en réalité destinée, à ce jour, à la culture des tournesols.

S'il est exact qu'il peut revendiquer le droit de se clore, le fait d'avoir installé un fil de fer barbelé à un endroit où il n'en a aucune utilité et à proximité immédiate de la maison des époux [F] relève d'une attitude purement vexatoire à leur égard, et même dangereuse, constitutive d'un abus du droit de propriété.

Il y a donc lieu d'en ordonner le retrait, sous astreinte.

Enfin, l'équité nécessite d'allouer aux intimés, en cause d'appel, la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

- la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement SAUF en ce qu'il a :

- ordonné le bornage à frais communs et par moitié des propriétés de M. et Mme [F] et M. [M], et désigné pour y procéder M. [B] [T],

- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par [X] [F] et [W] [P] épouse [F],

- STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,

- ORDONNE le bornage de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 8] située sur la commune de [Localité 11] (47), lieu-dit '[Localité 12]' selon les limites établies par le plan dressé par [B] [T], géomètre-expert, en janvier 2022, annexé à la minute du présent arrêt ainsi qu'à ses expéditions ;

- DIT que M. [T], implantera les bornes conformément à ces limites, à l'initiative de la partie la plus diligente, aux frais avancés de celle-ci, et que l'autre partie devra alors lui rembourser la moitié du coût de l'implantation des bornes ;

- DIT qu'en cas d'indisponibilité de M. [T], la partie la plus diligente fera procéder à l'implantation des bornes selon les mêmes modalités par tout autre géomètre de son choix ;

- CONDAMNE [U] [M] à payer conjointement à [X] [F] et [W] [P] épouse [F] la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts ;

- Y ajoutant,

- ORDONNE à [U] [M] de procéder au retrait immédiat de la clôture en fil de fer barbelé posée sur la parcelle cadastrée C n° [Cadastre 9] en limite de la parcelle cadastrée C n° [Cadastre 8], et ce sous astreinte provisoire de 200 Euros par jour de retard à compter du 20ème jour qui suivra la date de signification du présent arrêt ;

- CONDAMNE [U] [M] à payer conjointement à [X] [F] et [W] [P] épouse [F], en cause d'appel, la somme de 3 000 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [U] [M] aux dépens de l'appel.

Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique Benon, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Madame la présidente de chambre empêchée, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00926
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.00926 ?
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